épée

épée
(é-pée) s. f.
   Chez les anciens, arme offensive semblable à un sabre droit, dont on frappait l'adversaire ; chez les modernes, arme offensive longue et aiguë que l'on porte suspendue au côté. Longue, courte épée. Se battre en duel à l'épée.
   [Il] met l'épée à la main, tourne le reste en fuite, CORN. Théod. IV, 4.
   Contre nous de pied ferme ils tirent leurs épées, CORN. Cid, IV, 3.
   Mon père est mort, Elvire, et la première épée Dont s'est armé Rodrigue a sa trame coupée, CORN. ib. III, 3.
   Si je savais qui ce peut être, je lui donnerais tout à l'heure de l'épée dans le ventre, MOL. Georg. Dandin, I, 6.
   Aussitôt dans son sein il plonge son épée, RAC. Mith. v, 4.
   Il tira son épée pour se percer, FÉN. Tél. v..
   Épée de Damoclès, voy. damoclès.
   Il est brave comme son épée, se dit d'un homme très brave.
   Achille, beau comme le jour, Et vaillant comme son épée, SARRASIN au duc d'Enghien..
   Avoir l'épée sur la gorge, être saisi et menacé d'être tué ; et fig. Être vivement pressé.
   Se voir l'épée à la gorge, PATRU Plaid. 5, dans RICHELET.
   Se battre de l'épée qui est chez le fourbisseur, se disputer de choses qui ne sont pas en la puissance de ceux qui se les disputent.
   Un coup d'épée, un coup donné avec l'épée.
   Ton premier coup d'épée égale tous les miens, CORN. Cid, III, 6.
   Faire deux coups d'épée, s'est dit d'un échange de quelques bottes, d'un duel sans acharnement.
   Plutôt, si votre amour a tant de véhémence, Faisons deux coups d'épée au nom de la beauté, CORN. Illus. com. III, 9.
   Il a fait un beau coup d'épée, se dit ironiquement d'un homme qui a fait quelque sottise.
   Familièrement. Un coup d'épée dans l'eau, un effort sans résultat.
   Poursuivre, presser l'épée dans les reins, presser vivement à la guerre, dans une affaire, dans une discussion.
   Emporter une chose à la pointe de l'épée, l'obtenir par la voie des armes ; et fig. avec effort, de vive force.
   Rien d'assuré, point de franche lippée ; Tout à la pointe de l'épée, LA FONT. Fabl. I, 5.
   Nous avons gagné la requête du grand conseil à la pointe de l'épée, SÉV. 534.
   Poser l'épée, cesser la guerre.
   Rendre son épée, se déclarer vaincu, céder.
   N'avez-vous point vu un prince qui se bat jusqu'à l'extrémité ? un autre s'avance pour voir qui peut faire une si grande résistance ; il voit l'inégalité du combat.... il écarte ses gens, il demande pardon à ce vaillant homme, qui lui rend son épée à cause de son honnêteté ; car, sans lui, il ne l'eût jamais rendue, SÉV. 209.
   Rendre l'épée à un officier, la remettre entre les mains d'un officier qui l'avait déposée pour passer en jugement et qui est honorablement acquitté.
   On lui a demandé son épée, on l'a arrêté (en parlant d'un officier).
   Briser son épée, quitter le service.
   Mettre son épée au service de l'étranger, prendre du service dans une armée étrangère.
   Fig. Se blesser de son épée, se faire du mal en voulant en faire aux autres.
   Je me blessai tellement de ma propre épée que j'en pleurai, SÉV. 510.
   N'avoir que la cape et l'épée, se disait autrefois d'un gentilhomme, d'un cadet, qui n'avait point de fortune.
   Fig. Cela n'a que la cape et l'épée, ce mérite n'a que la cape et l'épée, cela est de peu de valeur, ce mérite est léger.
   Son épée ne tient pas dans le fourreau, au fourreau, se dit d'un homme toujours prêt à se battre.
   Son épée est trop courte, se dit de celui qui ne peut obtenir ce qu'il prétend, faute de force ou de crédit.
   Son épée est vierge, se dit de celui qui ne s'est jamais battu.
   Ils en sont aux épées et aux couteaux, ils sont en grande querelle.
   On vous a mandé comme M. de Coetquen était avec M. de Chaulnes : il était avec lui ouvertement aux épées et aux couteaux, CHARL. DE SÉV. Lett. à Mme de Grign. 17 janv. 1676.
   Traîneur d'épée, batteur de pavé qui porte une épée et ne va pas à la guerre.
   Chevalier de la petite épée, filou.
   Et l'autre un chevalier de la petite épée, RÉGNIER Sat. X.
   Se faire blanc de son épée, voy. BLANC 1, avec l'explication qui montre qu'il ne faut pas dire, comme on dit quelquefois, faire blanc de son épée.
   Mettre, faire passer quelque chose du côté de l'épée, mettre quelque profit, quelques fonds à couvert, en réserve.
   Quoique les pots de vin que Son Éminence prend sur toutes les charges puissent avoir été du côté de l'épée, car on n'en voit pas le débouché dans le peu de petites charités qu'il fait, D'ARGENSON Mém. t. III, 1861, p. 122.
   Il se dit souvent, en mauvaise part, de quelque profit illicite, ou de quelque bien qu'on soustrait à ceux qui y auraient droit. Il abandonne ses biens à ses créanciers, mais il a mis quelque chose du côté de l'épée.
   Mais prompt, habile, diligent à saisir un certain argent, Somme aux inspecteurs échappée, Il a du côté de l'épée Mis, ce dit-on, quelques deniers, LA FONT. Lett. XXI.
   Mourir d'une belle épée, d'une vilaine épée, éprouver un revers, quelque accident par une belle, par une vilaine cause, succomber sous un adversaire considérable ou sans considération.
   Se laisser dire quelque chose d'injurieux l'épée au côté, souffrir une injure sans rien dire.
   Épée de chevet, épée qu'on mettait sous son chevet pour se défendre en cas d'attaque nocturne.
   Fig. Épée de chevet, personne sur laquelle on compte, chose dont on fait un usage continuel.
   Toujours parler d'argent ! voilà leur épée de chevet, MOL. l'Avare, III, 5.
   Épée à deux mains, épée à lame très longue et très forte dont on se servait au moyen âge.
   Épée d'État, glaive qui se porte devant les souverains d'Angleterre dans les cérémonies.
   Épée flamboyante, épée dont la lame semble jeter des flammes. Un ange armé d'une épée flamboyante.
   Terme de blason. Épée haute, épée dont la pointe est tournée vers le haut de l'écu. Épée garnie, épée dont la garde et le pommeau sont d'un autre émail que la lame.
   Plat d'épée, ou de l'épée, la partie plate de la lame. Donner des coups de plat d'épée.
   L'état militaire.
   À la fin j'ai quitté la robe pour l'épée, CORN. le Menteur, I, 1.
   À son retour en France, il quitta l'épée et se mit dans l'état ecclésiastique, non point par ambition, mais par goût et pour jouir d'une vie paisible et réglée, D'OLIVET Hist. Acad. t. II, p. 306, dans POUGENS.
   Les gens d'épée, les militaires.
   J'ai si grand peur de ces hommes d'épée, RÉGNIER Sat. IX.
   Les gens d'épée sont les princes, les ducs et pairs, les maréchaux de France et les grands officiers de la couronne, les gouverneurs et lieutenants généraux des provinces, les gouverneurs et états-majors des villes et places de guerre, VAUBAN Dîme, p. 67.
   Fig. Vaillance à la guerre. Il ne doit son élévation qu'à son épée.
   Une noblesse fière aimait à soutenir ses droits par son épée...., MONTESQ. Esp. XXVIII, 18.
   Celui qui est l'arme offensive, celui qui porte la guerre.
   Qui fut tantôt le bouclier, et tantôt l'épée de son pays, FLÉCH. Tur..
   Une bonne épée, un bon tireur, un homme qui se bat bravement.
   C'était la plus rude épée de France, HAMILT. Gramm. 4.
   Noeud d'épée, noeud de rubans dont les hommes en habit de parure garnissaient autrefois la garde de leur épée.
   Terme d'escrime. Le fort de l'épée, la partie de la lame la plus proche de la garde. Le mi-fort de l'épée, le milieu de la lame. Le faible de l'épée, l'extrémité de la lame.
10°   Terme de manége. La main de l'épée, se disait de la main droite.
   Épée ou épée romaine, marque en forme d'épi, qui vient sur l'encolure de certains chevaux, près de la crinière.
11°   Terme de cordier. Morceau de bois en forme de coutelas qui sert à battre la sangle.
   Grande alêne de bourrelier.
12°   Chacun des deux montants d'un avant-train de charrue.
13°   Terme de pêche. Instrument qui sert à prendre les poissons en les piquant, et qui a du rapport avec la foine.
14°   Épée de mer, espadon, scie de mer, espèce de dauphin.
15°   Terme d'alchimie. Épée des philosophes, le feu.
PROVERBES
   Il a couché comme l'épée du roi, dans son fourreau, se dit de celui qui s'est couché sans se déshabiller.
   À vaillant homme courte épée, c'est-à-dire un homme vaillant n'a pas besoin d'une longue épée, un homme habile n'a pas besoin de beaucoup d'instruments.
   L'épée use le fourreau, se dit en parlant des personnes dont la grande activité d'esprit altère les forces, la santé.
   Xe s.
   Ad une spede [il] li roveret [commanda] tolir lo chief [tête], Eulalie.
   XIe s.
   [Il] ceint Murglies s'espée à son costed, Ch. de Rol. XXVI.
   Quant le vit Guenes, mist la main à l'espée, ib. XXXIII.
   XIIe s.
   Car nos espées bones sont et tranchant, Ronc. p. 43.
   Fous, fait-il, tuz dis fustes et estes, et serez, Quant vus l'espée traite de sur le rei venez ; S'il trait sur vus la sue, coment vus defendrez ?, Th. le mart. 39.
   Cos [coup] d'espée garist et sainne Mult tost, des que mires [le médecin] i painne ; Et la plaie d'amors anpire, Quant ele est plus pres de son mire, CRESTIENS DE TROIE dans HOLLAND, p. 268.
   XIIIe s.
   Deus espées sunt, par lesqueles toz li pueples doit estre governés esperituelment et temporelment, car l'une des espées doit estre espirituel et l'autre temporel, BEAUMANOIR XLVI, 11.
   Tant lui prierent tout cil qui là estoient que li rois rendi s'espée au soudan, JOINV. 208.
   XVe s.
   Si commanda ledit comte qu'on mit tout à l'espée [qu'on tuât tout], FROISS. I, I, 138.
   Il ouyt une voix qui lui dist : Chevalier sans espée, où vas-tu si vistement ? car chevalier sans espée n'est que femme sans quenouille, Perceforest, t. IV, f° 157.
   XVIe s.
   Il mesle la premiere trouppe qui estoit sur le bord de l'eau, et, sans la desmordre, va mesler à l'entrée d'un chemin quelques espées dorées [seigneurs, muscadins] qui firent ferme, D'AUB. Hist. II, 381.
   La mort de son espée de chevet Bussi, de qui la fin fut telle, D'AUB. ib. II, 423.
   Je faillis à le frapper, mais c'estoit un homme d'espée, D'AUB. Conf. II, 6.
   Lui qui est aussi vaillant que son espée, Caquets de l'accouchée, p. 135, dans LACURNE, au mot martial.
   Qui porte espée porte paix, GÉNIN Récréat. t. II, p. 248.
   [Cheval ayant] poil chastain, astre au front, aux jambes deux balzans, romaine espée au col, de l'aage de sept ans, DES ACCORDS Bigarr. f° 140.
   Provenç. espaza, espada ; catal. espasa ; espagn. et port. espada ; ital. spada ; du latin spatha, large épée, ainsi dite par assimilation avec spatha, outil de tisserand. Cependant, comme le celtique a spad, bêche (irland. et angl. spade), et spadaim, abattre, tuer. et que Diodore, v, 30, dit que spatha est le nom d'une longue épée des Gaulois, certains étymologistes ont pensé que spatha, dans le sens d'épée, était celtique, et ne s'était trouvé que par hasard conforme avec le latin spatha, outil de tisserand.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
   ÉPÉE. Ajoutez : - REM. Voici le nom et la définition de différentes sortes d'épées.
   L'épée des monuments grecs affecte la forme d'une feuille de sauge ; elle a deux tranchants ; la pointe en est aiguë.
   L'épée romaine a une lame courte et droite ; elle est à deux tranchants ; la pointe en est à deux biseaux, dont l'angle est plus ou moins ouvert.
   Grande épée d'armes, arme des XIIe et XIIIe siècles ; lame lourde, sans évidement.
   Épée fourrée ou à deux mains, grande et lourde épée, à deux tranchants, agissant surtout de taille, à longue poignée pour être maniée à deux mains.
   Épée bâtarde, épée dont la lame était large et plus courte que celle de l'épée ordinaire des hommes d'armes.
   Épées jumelles, épées symétriques, disposées de manière à pouvoir être placées deux à la fois dans le même fourreau.
   L'épée moderne est une arme aiguë et longue, caractérisée par la forme symétrique de la lame ; elle n'a pas de dos comme en ont les armes d'estoc et de taille ; elle n'a pas de tranchant, ou en a deux ou trois.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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