- vilain
- vilain, aine(vi-lin, lè-n') s. m. et f.1° Dans le langage féodal, personne qui appartient aux gens de campagne, aux gens de roture.• Riche vilain vaut mieux que pauvre gentilhomme, RÉGNIER Sat. XIII.• Ils affectaient de paraître toujours bottés, pour qu'on ne les prît pas pour des vilains, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 14, dans POUGENS.• Un seigneur allemand ordonna qu'après sa mort on le mît debout dans une colonne qu'il avait fait creuser et attacher contre un des piliers de sa paroisse, afin, disait-il, qu'il ne puisse arriver que quelque bourgeois ou vilain me marche sur le corps, SAINT-FOIX ib. t. IV, p. 331.• Les gentilshommes se battaient entre eux à cheval et avec leurs armes ; et les vilains se battaient à pied et avec le bâton, MONTESQ. Esp. XXVIII, 20.• Le vilain, qui n'a point d'honneur, est puni en son corps, MONTESQ. ib. VI, 10.• Il n'est vilain qui, pour se faire un peu décrasser, n'aille du roi à l'usurpateur et de l'usurpateur au roi, ou qui, faute de mieux, ne mette du moins un de à son nom, P. L. COUR. Lett. à l'Acad. des inscr..• Hé quoi ! j'apprends que l'on critique Le de qui précède mon nom ; êtes-vous de noblesse antique ? Moi, noble ? oh ! vraiment, messieurs, non.... Je suis vilain et très vilain, BÉRANG. le Vilain..Savonnette à vilain, se disait d'une charge qui anoblissait.2° Ancien terme de monnayage. Vilains, nom donné à un certain nombre d'espèces qu'il était permis de faire plus ou moins pesantes que le poids de l'ordonnance.3° Adj. Terme d'ancienne coutume. Rente vilaine, terre vilaine, celle qui n'est pas tenue par un noble.Vilain lieu, celui qui ne possède aucune franchise.4° En parlant des personnes, des paroles et des actions, sale, déshonnête, fâcheux, méchant, par extension du sens de non noble qui est le sens propre de vilain.• Il est encore plus vilain de faire le fin avec ses amis, BALZ. liv. v, lett. 7.• Ces vilains hommes firent marcher le brancard plus vite que les méchants chevaux qui le portaient n'en avaient envie, SCARR. Rom. com. I, 14.• Gardez-vous d'imiter ces coquettes vilaines, Dont par toute la ville on chante les fredaines, MOL. Éc. des f. III, 2.• Cela est fort vilain à vous, pour un grand seigneur, de prêter la main, comme vous faites, aux sottises de mon mari, MOL. Bourg. gent. IV, 2.• Aimer à lire.... la jolie, l'heureuse disposition ! on est au-dessus de l'ennui et de l'oisiveté, deux vilaines bêtes, SÉV. 14 déc. 1689.• Il était condamné à dix sous d'amende s'il était gentilhomme, et à cinq sous s'il était serf, pour les vilaines paroles qu'il avait dites, MONTESQ. Esp. XXVIII, 27.• Elle [Ninive] ne sera point détruite, comme le voulaient ces vilains génies, VOLT. Babouc..• Déclarer des dettes qu'il n'avait pas, et pour avoir de l'argent, cela est vilain, GENLIS Veillées du château t. II, p. 366.Terme de fauconnerie. Se dit d'un oiseau qui ne suit le gibier que pour le dévorer et qu'on ne peut affaiter ; tels sont les milans, les corbeaux, qui ne combattent que des poulets.Substantivement. Vilain, vilaine, celui, celle qui agit mal.• Allez vous cacher, vilaines, allez vous cacher pour jamais, MOL. Préc. 19.• Voyez comme raisonne et répond la vilaine !, MOL. Éc. des mar. v, 4.• Il est bien vrai que son mari est un vilain qui pardonne fort peu de chose, DANCOURT Bourg. à la mode, III, 9.• J'en demande pardon aux successeurs des Desfontaines, aux petits beaux esprits, aux cuistres.... ils ne savent pas, les vilains, que ni ma croix, ni ma clé, ni ma pension ne me touchent, VOLT. Lett. d'Argental, 15 mars 1751.Mon vilain, se dit d'une personne de qui on parle et dont on se plaint comme faisant une vilenie.• Qui est étonné à présent et confondu ? c'est mon vilain [un libraire qui retenait un manuscrit du roi de Prusse, et auquel Voltaire rendit inutile ce manuscrit], VOLT. Lett. au roi de Pr. 20 juill. 1740.• Là-dessus je tourne le dos à mon vilain, DIDER. Lett. à Mlle Voland, 19 sept. 1762.C'est un vilain ; fi le vilain ! se disent d'un homme sale et déshonnête en paroles, en actions.Populairement. C'est une vilaine, c'est une prostituée (acception qui a vieilli).Petit vilain, se dit moitié colère, moitié plaisanterie, d'un homme pour qui on n'a aucun mauvais vouloir.• C'est le plus orgueilleux petit vilain que vous ayez jamais vu ; il lui semble qu'il n'y a personne au monde qui le mérite, et que la terre n'est pas digne de le porter, MOL. Princ. d'Él. III, 3.• Aimera-t-on toujours ces petits vilains-là ?, REGNARD le Distr. I, 8.5° Avare, qui vit mesquinement (extension plus particulière du sens de vilain, non noble).• Il a un père qui, quoique riche, est un avaricieux fieffé, le plus vilain homme du monde, MOL. Scapin, III, 3.• Je devenais vilain par un motif très noble ; car, en vérité, je ne songeais qu'à ménager à maman quelque ressource dans la catastrophe que je prévoyais, J. J. ROUSS. Confess. v..Populairement. Il est vilain comme lard jaune.Substantivement.• Jamais on ne parle de vous que sous les noms d'avare, de ladre, de vilain, et de fesse-mathieu, MOL. l'Av. III, 5.• Oui, Géronte, justement ; voilà mon vilain ; je l'ai trouvé : c'est ce ladre-là que je dis, MOL. Scapin, III, 3.6° Incommode, désagréable (ce qui est une suite du sens défavorable donné à vilain non noble). Vilain gîte. Vilain jeu. Vilaine voiture. Vilain temps.• Que mon maître couvert de gloire Me joue ici d'un vilain tour !, MOL. Amph. I, 1.• Je veux leur ôter la peine de venir à Livry, dont les chemins sont déjà vilains, SÉV. 380.• Je n'ai que de vilaines terres qui deviennent des pierres au lieu d'être du pain, SÉV. 603.Il fait vilain, le temps est désagréable.7° Qui déplaît à la vue (par un passage rare du sens moral au sens physique). Vilaine maison. Vilaine jambe. Vilain pays.• Nous avons trouvé.... deux grands vilains pendus à des arbres sur le grand chemin, SÉV. 11 sept. 1675.• Belle princesse, venez voir votre beau mari, qui a tué son vilain rival, VOLT. le Blanc et le noir.• J'allai loger à l'hôtel Saint-Quentin rue des Cordiers, proche la Sorbonne, vilaine rue, vilain hôtel, vilaine chambre, mais où cependant avaient logé des hommes de mérite, J. J. ROUSS. Confess. VII.8° Dangereux. Voilà un vilain rhume. Un vilain verglas.• Je me souviens qu'il y a un grand vilain précipice que l'on côtoie fort longtemps, et qui me faisait mal à l'imagination, SÉV. 523.9° S. m. Vilain, vautour de Malte ou vautour fauve.Vilain, synonyme de rougeole du porc.10° S. f. Vilaine d'Anjou, espèce de poire.Vilaine de la réale, poire qui vient dans les premiers jours du mois d'août.PROVERBESOignez vilain, voy. oindre.Peine de vilain n'est à rien comptée.Jeux de main, jeux de vilain, ou, au singulier, jeu de main, jeu de vilain, il n'y a que les gens mal élevés qui se divertissent à s'entre-frapper.Il n'est chère que de vilain, lorsqu'un avare se résout à donner un repas, il y met plus de profusion qu'un autre.Graissez les bottes d'un vilain, voy. botte 2.C'est la fille au vilain, voy. fille.À vilain, vilain et demi, quand quelqu'un nous fait une vilenie, une ladrerie, il faut lui en faire une encore plus grande.Tous vilains cas sont reniables.XIe s.• Li vilains avera de forfeture XL deners, Lois de Guill. 17.XIIe s.• Ainsi fierent [frappent] de haches com vilain de flael, Sax. IX.• Il nous orent jugié à mort laide et vilaine, ib. XXX.• Li clerc qui erent [étaient] pris à si vilain mesfait, Th. le mart. 27.• Mult fait l'amours que vilaine Qui comence por faillir, Couci, IV.• Par le conseil de fausse gent vilaine, ib. XIV.XIIIe s.• Se vous ma volonté et mon bon voulez faire, N'a [il n'y a] home en mon pooir, s'il en vouloit retraire Vilain mot, cui les ieus [je] ne lui feïsse traire [arracher les yeux], AUDEFROI LE BAST. Romancero, p. 22.• On m'apeloit fille d'empereor ; Et or ai fait d'un vilain mon seignor [mari], ib. p. 70.• Et Symons fait le feu, n'ot pas le cuer vilain, Berte, XLIX.• En mi sa voie [elle] encontre un païsan vilain, ib. LXXII.• Chevaliers, ne bourgeois, vilain ne païsant, ib. CVII.• Sarteurs ne charbonniers ne vilains ahanant, ib. CVII.• Et si i avoit vilains qui à nostre gent jettoient des pierres en grandes fondes, qui moult merveilleusement lor grevoient, H. DE VALENC. XXXIV.• De parler [il] ne fu pas vilains, Tout premerain le rei salue, Lai del desiré.• Je respons que nus [nul] n'est gentis [noble], S'il n'est as vertus ententis, Ne n'est vilains fors par ses vices, la Rose, 18817.• Duc est la premiere dignité, et puis contes, et puis vicontes, et puis barons, et puis chastelains, et puis vavassor, et puis citaen, et puis vilain, Liv. de jost. 67.• Et sache bien, ke selon Dieu tu n'as mie pleniere poesté seur ton vilain ; dont, se tu prens du sien fors les droites redevances, tu les prens contre Dieu et seur le peril de l'ame et come robierres ; et ce k'on dit, toutes les coses ke vilains a, sont son seigneur, c'est voirs à garder, DU CANGE villani..• En vilain lieu [opposé à franc lieu], DU CANGE ib..XIVe s.• Laquelle Margeron print en sa main un chandellier, appelé un villain, DU CANGE ib..• Comme.... aucun soy disant nobles.... ayant usé de envayr bonnes gens paisibles desdites cités et conté [de Cambresis], iceulx ochir, navrer et de leurs biens persecuter et despouiller, disant qu'il leur loist [est licite] contre tels que il appellent, de leur volenté temeraire, villains..., DU CANGE ib..• L'on dit communement que qui a le villain a son beuf, le Songe du vergier, I, 47.• Le faucon lannier est dit villain, pour ce qu'il se paist de toutes chars, Ménagier, III, 2.XVe s.• Il fit, par les vilains du pays, acharier et apporter grand foison de busches et de velourdes, FROISS. I, I, 233.• Et là fut atteint du jet d'une grosse pierre et vilaine.... vilain horion, FROISS. I, I, 102.• Bonnes gens, les choses ne peuvent pas bien aller en Angleterre et n'iront, jusques à temps que biens iront tout de commun, et qu'il ne sera ne villains ne gentilshommes, FROISS. liv. II, p. 133, dans LACURNE.• Les laboureurs euvrent des mains Pour les roys et leurs souverains, Et leur paient leur redevance ; Tous les jours sont aux champs empains, Comme bestes, clamez villains, Et telz gens ont moult de meschance, E. DESCH. Poésies mss. f° 39.• Yver, vous n'estes qu'un villain ; Esté est plaisant et gentil, CH. D'ORL. Chans. 85.• Il ressemble le villain, dont on ne peut avoir service s'il n'est battu, Perceforest. t. II, f° 101.• On dit d'ung homme chiche qu'il est vilain et fait contre l'honneur de gentillesse, le Jouvencel, f° 10.XVIe s.• Vous sçavez que la coustume de Haynaut est que qui tue un villain, puisque il est chevalier ou filz de chevalier dessous XXVI ans, il est quictes pour XXVII blancs, ce sont XXX tournois, DU CANGE villani..• Lettres par lesquelles yl [le duc de Savoie] se conjouissoit au roy d'Angleterre de ce que leur ennemi commun [François Ier] estoit abattu et pris, et pourtant avoit esperance que le regne des villains prendroit fin, ce que chascun entendoit bien des Souysses, BONIVARD Chron. de Genève. IV, 4.• D'un vilain font leur duc et gouverneur.... Sur chef vilain fut mis chappeau d'honneur, J. MAROT V, 24.• Et gardez bien que la vilaine tache D'ingratitude en voz cuers ne s'atache, J. MAROT V, 204.• Tyranniques et vilains deportements, MONT. I, 3.• Un paysan et un roy, un noble et un vilain, MONT. I, 326.• Ce senat vilain, servile et corrompu, MONT. II, 91.• Où le noble seroit convaincu d'un vilain cas, il sera puni comme vilain, LOYSEL 849.• La cholere, enflant et estendant le visage villainement, jette encore une plus villaine et mal plaisante voix, AMYOT Comment refrén. la colère, 12.• C'est un double vilain, c'est un vilain tout outre [avare], H. EST. Précell. p. 78.• En cestuy-ci [proverbe] pareillement, qui est aussi touchant le vilain, nous avons un bel advertissement : Il n'est danger que de vilain [il faut redouter le lâche] ; et vilain, en ces proverbes, est, qui ha le coeur vilain, veu mesmement qu'un autre proverbe dit : Nul n'est vilain, si le cueur ne luy meurt, H. EST. ib. p. 210.• Il n'est vilain qui ne faict la villenie, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 106.• Là recouvrerez argent à taz ; car le villain en ha du content : villain, disons-nous, parce que ung noble prince n'a jamais ung sou ; thesaurizer est faict de villain, RAB. I, 33.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.