fille

fille
(fi-ll', ll mouillées, et non fi-ye) s. f.
   Personne du sexe féminin, par rapport à son père et à sa mère, ou à l'un des deux seulement. Fille légitime. Fille naturelle.
   Le devoir d'une fille est dans l'obéissance, CORN. Hor. I, 4.
   Jetez sur votre fille un regard paternel, CORN. Poly. V, 3.
   Souffrez que votre fille embrasse vos genoux, CORN. ib. III, 3.
   Un noble orgueil m'apprend qu'étant fille de roi, Tout autre qu'un monarque est indigne de moi, CORN. Cid, I, 4.
   .... Je lui veux faire aujourd'hui connaître Que ma fille est ma fille, et que j'en suis le maître Pour lui prendre un mari qui soit selon mes voeux, MOL. F. sav. II, 9.
   Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première, Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père, RAC. Iph. IV, 4.
   Une fille est au mieux sous l'aile de sa mère, C. DELAV. Éc. des vieill. II, 7.
   Fille adoptive, fille que l'on a adoptée, ou fille à laquelle on tient lieu des parents qu'elle a perdus.
   Belle-fille, voy. belle-fille.
   Petite-fille, voy. petit.
   Fille en Jésus-Christ, se dit d'une religieuse par rapport à la supérieure ou à la fondatrice de l'ordre.
   Thérèse dont vous vous faites gloire d'être les filles en Jésus-Christ, BOURDAL. Exhort. sur Ste Thér. t. I, p. 320.
   Fille en Jésus-Christ, titre donné par le pape à la reine de France, en parlant d'elle.
   Fig. La foi, fille du ciel ; la superstition, fille de l'ignorance.
   Son admiration est fille de l'ignorance, SÉV. 536.
   Poétiquement. Les filles de Mémoire, les Muses.
   Généreux favoris des filles de Mémoire, Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir : L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ; Mortels, il faut choisir, LAMART. Médit. I, 14.
   Les filles d'enfer, les Furies.
   Filles de l'Achéron, pestes, larves, furies...., CORN. Médit. I, 4.
   Eh bien, filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ?, RAC. Andr. V, 5.
   Dans le style élevé, celle qui est issue, originaire de. La fille des Césars.
   Les filles de l'Égypte à Suse comparurent, RAC. Esth. I, 1.
   Cependant mon amour pour notre nation A rempli ce palais de filles de Sion, Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées, Sous un ciel étranger comme moi transplantées, RAC. ib..
   Quoi ! fille de David, vous parlez à ce traître !, RAC. Athal. III, 5.
   Des filles de Scythie une troupe empressée, VOLT. Scythes, III, 1.
   Filles de France, les filles du roi et de la reine de France.
   Un ambitieux croit acquérir des droits en obtenant des grâces, et le duc de Bourbon fut plus sensible au refus qu'on lui fit, qu'il ne l'avait été à l'honneur d'épouser une fille de France, DUCLOS Hist. Louis XI, Oeuv. t. II, p. 224, dans POUGENS.
   Fille d'ève, voy. ève.
   Fig. Une fille de l'Église, une femme catholique.
   Une vraie fille de l'Église, non contente d'en embrasser la sainte doctrine, en aime les observances, où elle fait consister la principale partie des pratiques extérieures de la piété, BOSSUET Marie-Thér..
   Dans le langage biblique. Filles de Bélial, les femmes idolâtres, et aussi les femmes sans pudeur.
   Ne croyez pas que votre servante soit comme l'une des filles de Bélial, SACI Bible, Rois, I, I, 16.
   Tout enfant du sexe féminin. Le ciel a comblé mes voeux en me donnant une fille.
   Après de si belles espérances, la signora met au monde une fille, SÉV. 5.
   Les causes qui concourent à la plus nombreuse production des filles sont bien difficiles à deviner, BUFF. Probab. de la vie, Oeuvres, t. x, p. 536, dans POUGENS..
   Les filles apprennent à sentir plus aisément que les hommes n'apprennent à penser, VOLT. Ingénu, ch. 17.
   Quand des filles naissent chez vous Pour le plaisir de ce monde, Dites-moi, messieurs les époux, Pourquoi chacun de vous gronde, BÉRANG. les Filles..
   On dit souvent petite fille, quand on parle d'une fille née depuis peu. Elle vient d'accoucher d'une petite fille.
   Grande fille, fille qui a passé l'enfance. Rennes est de toutes les villes Celle où le dieu d'amour est le plus triomphant ; Toutes dès quatorze ans y font les grandes filles, Et vous seule après seize y vivez en enfant, MONTREUIL, Remontrance à une jeune demoiselle.
   Petite fille, se dit par opposition à grande fille.
   Parlons un peu de Pauline, cette petite grande fille, toute aimable, toute jolie, SÉV. 524.
   J'en perdis mon étourderie, ma dissipation ordinaire et cet esprit de petite fille que j'avais encore, MARIVAUX Marianne, 9e part..
   Grande fille, se dit aussi, par euphémisme, d'une jeune fille qui a pour la première fois ses règles. Est-elle déjà grande fille ?
   Il se dit par opposition à femme mariée. Elle veut rester fille.
   Chaque moment d'attente ôte de notre prix, Et fille qui vieillit tombe dans le mépris ; C'est un nom glorieux qui se garde avec honte, CORN. Menteur, II, 2.
   Fille se coiffe volontiers D'amoureux à longue crinière, LA FONT. Fabl. IV, 1.
   Ascagne, je suis fille à secret, Dieu merci, MOL. Dép. am. II, 1.
   La garde de deux filles est un peu trop pesante pour un homme de mon âge, MOL. les Préc. 5.
   Et, pour vous en punir, vous mourrez vieille fille, TH. CORN. D. Bertr. de Cigarral, V, 11.
   Crois-tu que, d'une fille humble, honnête, charmante, L'hymen n'ait jamais fait de femme extravagante ?, BOILEAU Sat. X..
   Il n'a point détourné ses regards d'une fille, Seul reste du débris d'une illustre famille, RAC. Brit. II, 3.
   Que l'esprit d'une fille est changeant et bizarre !, REGNARD le Joueur, II, 11.
   Ce n'est point par douceur qu'on rend sages les filles ; Je veux du haut en bas faire attacher des grilles, Et que de bons barreaux, larges comme la main, Puissent servir d'obstacle à tout effort humain, REGNARD Fol. am. I, 2.
   Il y a trop longtemps que je suis fille, et il me faut un mari pour m'ôter ce titre ennuyeux, DESTOUCHES le Tambour nocturne, III, 1.
   Vous connaissez les différents états ; dites-moi, en est-il un plus triste et moins considéré que celui d'une fille âgée ?, DIDER. Père de famille, II, 2.
   Hélas ! que j'en ai vu mourir de jeunes filles ! C'est le destin ; il faut une proie au trépas, V. HUGO Orient. 23.
   Être fille à, être capable de.
   Oh ! je ne suis pas fille à t'en faire un mystère, DESTOUCHES Irrésolu, II, 4.
   Je suis fille à tomber malade de vapeurs, si vous ne me vendez ce charmant taureau blanc, VOLT. Taureau blanc, 2.
   La fille, terme très familier qui se dit en parlant à une fille dont on ne sait pas le nom.
   Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez, LA FONT. Fabl. III, 1.
   Nom qu'on donne à certaines religieuses. Les filles du Calvaire.
   Savez-vous que les filles de Port-Royal sont en liberté ?, MAINTENON Lett. à Mme de Caylus, 18 nov. 1716.
   Filles bleues ou annonciades célestes, religieuses de l'ordre de Saint-Augustin.
   Nous aurons une belle cour, un beau jardin, un beau quartier, et de bonnes petites filles bleues qui sont fort commodes, SÉV. 365.
   Filles-Dieu, soeurs hospitalières.
   Filles de la Charité ou soeurs grises, ainsi dites à cause de leur habit de serge grise ; elles ont pour office le service des pauvres et des malades. La première confrérie des filles de la Charité fut instituée à Châtillon en Bresse, en 1677, par saint Vincent de Paul.
   Fig. Il se dit des églises, abbayes et prieurés qui sont de la fondation et de la dépendance d'une autre église et abbaye. L'abbaye de Trois-Fontaines est fille de Clairvaux.
   Il se dit pareillement des corps adoptés par un autre. L'Académie de Soissons se disait fille de l'Académie française.
   Celle qu'on regarde, qu'on aime ou qu'on traite comme sa fille. Elle est une fille pour moi.
   Ma fille, terme d'affection, en s'adressant à une jeune fille ou à une femme. Ma fille, lui dit le bon vieillard, écoutez-moi.
   Venez, venez, mes filles, Compagnes autrefois de ma captivité, De l'antique Jacob jeune postérité, RAC. Esth. I, 1.
   Anciennement. La Fille aînée des rois de France, l'université de Paris. On met en cette locution une majuscule à Fille.
   Fille d'honneur, fille de qualité attachée au service d'une princesse.
   Après qu'elle eut fait part de quelques pierreries à ses filles d'honneur qu'elle a le plus chéries, TRISTAN Mariane, V, 2.
   Toutes filles d'honneur comme il plaisait à Dieu, HAMILT. Gramm. 9.
   À la cour, où le plus habile N'a pas toujours un grand bonheur, La charge la plus difficile Est celle de fille d'honneur, RICHELET Dict..
   Le roi [Louis XIV], instruit par sa propre expérience et corrigé par les années, n'oublia rien de ce qui pouvait mettre les filles d'honneur de Mme la Dauphine sur un bon pied, Mme DE CAYLUS Souvenirs, p. 142, dans POUGENS.
   Ce fut elle [Anne de Bretagne] qui établit les filles d'honneur, dont la jeunesse et les grâces firent l'ornement de la cour, GENLIS Jeanne de France, 2e part. t. II, p. 177, dans POUGENS..
   On nommait aussi les filles d'honneur de la reine, filles de la reine.
   Qui était plus affreuse encore que les filles de la reine, HAMILT. Gramm. 6.
   On dit dans un sens analogue fille de la suite.
   Je vous charge, Narsès, du soin de sa conduite Avec deux seulement des filles de sa suite, ROTR. Bélis. III, 6.
   Par extension. Fille d'honneur, jeune fille qui assiste et accompagne la mariée pendant la journée des épousailles.
   Fille de boutique, fille employée à la vente dans une boutique.
   Fille de chambre, se disait autrefois de la fille ou femme servant à la chambre auprès d'une dame. On dit aujourd'hui femme de chambre.
   Rosine, la fille de chambre, vient de m'informer de tout, BRUEYS Grondeur, I, 12.
   Fille de service, fille d'auberge, fille employée aux différents services d'une maison, d'une auberge.
   De fille de guinguette à garçon de cabaret il n'y a que la main, DANCOURT Impr. de Surêne, sc. 11.
   Absolument. La fille, la servante. Donner quelque chose à la fille, en payant la dépense.
10°   Fille d'opéra, chanteuse ou danseuse à l'opéra.
   J'aimerais mieux avoir affaire à des filles de choeur d'opéra qu'à des philosophes ; elles entendraient mieux raison, VOLT. Lett. d'Argental, 14 juill. 1760.
   On ne songe à eux [les paysans] que quand la peste les dévaste ; mais, pourvu qu'il y ait de jolies filles d'opéra à Paris, tout va bien, VOLT. Lett. Bourgelat, 18 mars 1775.
11°   Fille de joie, fille publique, ou, simplement, fille, femme prostituée. Aller chez les filles. Fréquenter les filles.
   Cinq ou six jeunes seigneurs, après avoir parlé chevaux, chiens, chasse ou filles, MARIVAUX Paysan parvenu, 6e part..
   Cette ville de Paris qui n'est bonne que pour messieurs du parlement, les filles de joie et l'Opéra-Comique, VOLT. Lett. Mme de Fontaine, 19 avr. 1760.
   Taisez-vous, Vous sentez le vin et la fille, BÉRANG. Troisième mari..
   Dans le langage administratif. Filles soumises, femmes publiques qui sont inscrites à la police et soumises à une visite médicale.
   Les filles repenties, voy. repenti.
   Une fille des rues, une coureuse.
12°   Fig. Fille se dit de ce qui est produit par. La misère est fille du vice.
PROVERBE C'est la fille au vilain ; qui en donnera le plus, l'aura, se dit d'une chose qui est mise à l'enchère.
   XIe s.
   Granz est li dols [deuil] ki sor mei est vertiz ; Nen est merveile, n'ai mais filie ne filz, St Alexis, XCIII.
   Si le pere truvet sa file en avulterie en sa maisoun, Lois de Guill. 37.
   XIIIe s.
   Sire, je en sai une, fille au roi de Hongrie, Berte, III.
   XVe s.
   Et voulentiers tient, par saint Pierre, Le chemin fille de sa mere, EUST. DESCH. Poésies mss. p. 511, dans LACURNE.
   Autant se prise beau varlet que belle fille, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 232.
   Fille de vilain se fait toujours prier, LEROUX DE LINCY ib. p. 233.
   Fille qui trotte et geline [poule] qui vole, de legier sont adirées, LEROUX DE LINCY ib..
   XVIe s.
   Hymeneus, qui faict la fille femme, MAROT II, 289.
   Au train de la mere, la fille, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 232.
   Belle fille et mechante robe trouve toujours qui les accroche, LEROUX DE LINCY ib..
   Fille à se parer, jeune homme à jouer et banqueter, et vieillard à boire despendent leur avoir, LEROUX DE LINCY ib..
   Fille fenestriere ou trottiere rarement bonne menagere, LEROUX DE LINCY ib..
   Fille oisive à mal pensive ; fille trop en rue tost perdue, LEROUX DE LINCY ib..
   Fille qui trop se mire peu file, LEROUX DE LINCY ib..
   Fille telle comme elle est élevée ; et estoupe comme elle est filée, LEROUX DE LINCY ib..
   Qui a des filles est toujours berger, LEROUX DE LINCY ib..
   Un homme riche n'est jamais vieil pour une fille, LEROUX DE LINCY ib..
   Ni les estoupes proches aux tisons, ni moins les filles près des barons [hommes], LEROUX DE LINCY ib. t. II, p. 359.
   Faire de sa fille deux gendres [tirer double profit d'une même chose], OUDIN Curios. fr..
   Wallon, fèie ; provenç. filha, filla ; espagn. hija ; portug. filha ; ital. figlia ; du lat. filia.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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