- tonnerre
- (to-nê-r' ; d'après Palsgrave, p. 7, au XVIe siècle, la première syllabe se prononçait ton, comme dans le substantif ton) s. m.1° Bruit plus ou moins fort et plus ou moins prolongé qui accompagne la foudre.• Un jour, un jour viendra que par toute la terre Rome se fera craindre à l'égal du tonnerre, CORN. Hor. III, 5.• Je veux suivre l'Écriture de mot à mot et de parole à parole ; il ne faut point que l'homme parle, et je ne veux pas ici contrefaire la voix de Dieu, ni imiter le tonnerre, BOSSUET 3e sermon pour le premier dimanche de l'Avent, Préambule.• Ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte !, BOSSUET Duch. d'Orl..• Ma voix ferait sur eux les effets du tonnerre, VOLT. Mahom. II, 5.• [à l'Opéra] le tonnerre est une lourde charrette qu'on promène sur le cintre, et qui n'est pas le moins touchant instrument de cette agréable musique, J. J. ROUSS. Hél. II, 23.• La voix du tonnerre lointain, P. LEBRUN Voy. de Grèce, III, 1.Fig. Voix de tonnerre, voix très forte, très éclatante.• N'allez pas dès l'abord.... Crier à vos lecteurs d'une voix de tonnerre : Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre, BOILEAU Art p. III.• Il a un teint basané, une voix de tonnerre, A. DUVAL les Héritiers, SC. 17.Fig. C'est un tonnerre, se dit d'un homme dont la voix est assourdissante.Fig. Un coup de tonnerre, coup fatal.• Trône, à t'abandonner je ne puis consentir ; Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir, CORN. Rodog. v, 1.• M. de Pompone demanda s'il ne pourrait point avoir l'honneur de parler au roi, et savoir de sa bouche quelle faute avait attiré ce coup de tonnerre [la disgrâce], SÉV. 22 nov. 1679.En un autre sens, événement étonnant.• Quand je vois des gens fort heureux, je suis au désespoir : cela n'est pas d'une belle âme ; mais le moyen aussi de souffrir des coups de tonnerre de bonheur comme il y en a, dit-on, pour les inclinations ?, SÉV. à Bussy, 19 déc. 1670.Familièrement. Il est fait en coup de tonnerre, il est mal bâti, tout de travers, par allusion à la forme en zigzag des traits de la foudre qui éclate.2° Par extension, la foudre. Le tonnerre est tombé sur l'église.• [Dans la Fable] Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerre, C'est Jupiter armé pour effrayer la terre, BOILEAU Art p. III.• Dieu fit choix de Cyrus avant qu'il vît le jour.... Le fit naître et soudain l'arma de son tonnerre, RAC. Esth. III, 4.• Le tonnerre n'est qu'un grand phénomène électrique ; Franklin le force à descendre tranquillement sur la terre ; et, s'il foudroya Ajax Oïlée, ce n'est pas assurément parce que Minerve était irritée contre lui, VOLT. Dict. phil. Tonnerre, 1.• Il y a des grands seigneurs dont il ne faut approcher qu'avec d'extrêmes précautions ; le tonnerre est de ce nombre ; on sait que le professeur de mathématiques Richman fut tué à Pétersbourg, en 1753, par la foudre qu'il avait attirée dans sa Chambre, VOLT. ib. 2.• Avant les expériences de Franklin sur l'électricité, on se faisait des idées bien fausses du tonnerre, SENNEBIER Ess. art d'obs. t. III, p. 7, dans POUGENS.Fig. Attirer le tonnerre, attirer les malheurs, et, en particulier, ceux de la guerre.• Seigneur, n'attirez point le tonnerre en ces lieux ; Rangez-vous du parti du destin et des dieux, CORN. Pomp. I, 1.3° Image du tonnerre.• Les anciens peignaient Jupiter prenant le tonnerre composé de trois flèches brûlantes dans la patte de son aigle, et le lançant sur ceux à qui il en voulait ; la saine raison n'est pas d'accord avec ces idées poétiques, VOLT. Dict. phil. Tonnerre, 1.4° Poétiquement, le séjour, la région du tonnerre, le ciel.Le maître du tonnerre, le dieu qui lance le tonnerre, Jupiter.• C'est le pur sang du dieu qui lance le tonnerre, RAC. Iphig. v, 4.• J'ai vu [à l'Opéra] le maître du tonnerre, Attentif au coup de sifflet, Pour lancer les feux sur la terre, Attendre l'ordre d'un valet, PANARD Description de l'Opéra..L'oiseau qui porte le tonnerre, l'aigle, oiseau de Jupiter.• Regardez dans Denain l'audacieux Villars Disputant le tonnerre à l'aigle des Césars, VOLT. Henr. VII.5° Par analogie et poétiquement, canon.• Cent/tonnerres de bronze ont donné le signal, VOLT. Fontenoi..6° Fig. Il se dit de tout ce qui renverse comme la foudre.• Mélanchthon l'avait pris du beau côté, et voulait croire au commencement que, pour réveiller le monde, il ne fallait rien moins que les violences et le tonnerre de Luther, BOSSUET Var. v, 3.• Et sur le couple pâle et déjà demi-mort Fait tomber à deux mains l'effroyable tonnerre [un énorme in-folio], BOILEAU Lutr. v..• Ah ! c'est ici seulement, au milieu de tant de scandales, qu'il fallait faire retentir la parole sainte dans toute la force de son tonnerre, BRIDAINE cité par MAURY, Éloq. de la chaire, XX..7° Partie renforcée du canon des armes à feu portatives, qui correspond à l'emplacement de la charge.Dans certains obusiers, la partie qui est autour de la chambre.8° Pierre de tonnerre, sorte de pierre qu'on croyait tomber avec le tonnerre, et qu'au XVIIe siècle on appelait carreau.9° Un des noms du malapterurus electricus, poisson électrique.PROVERBE Toutes les fois qu'il tonne, le tonnerre ne tombe pas, c'est-à-dire des menaces ne sont pas toujours suivies d'effet.XIe s.• Orez [orages] i ad de tuneire e de vent, Ch. de Rol. CIX.XIIIe s.• Cel jour [il] fist moult mal temps de tonnoirre et d'ecliste, Berte, XCII.• N'il ne cort mie doucement, Ains descent si hideusement, Qu'il tempeste l'air en son oire [sa marche] Plus que nul orrible tonnoire, la Rose, 6054.• Et quant espar [éclair] vient en tonnoire, Si repuet l'en sovent veoir Des vapeurs les pierres cheoir, Qui ne monterent mie pierres, ib. 16304.• Chascun de ces deux anemis A l'un de cels sur son col mis ; D'iluec s'en tornerent grant oire ; Lor petit pas sanble tonoirre, RUTEB. 322.XVe s.• Lors, comme se le tonnoire cheist du ciel...., CHASTEL. Expos. sur verité mal prise..Wallon, tonîr, bourg. tonnarre ; namur. tonoire ; prov. toneire, tonedre ; du lat. tonitru.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.