- tonner
- (to-né) v. n.1° Retentir, en parlant du bruit de la foudre. Il a tonné cette nuit.• Où se forge la foudre, il ne tonne jamais, BERNIS Relig. veng. v..Il s'emploie impersonnellement en cette acception.2° Faire entendre, faire éclater le tonnerre.• Verras-tu concerter à ces âmes tragiques Leurs funestes pratiques, Et tonneras-tu point sur leur impiété ?, MALH. VI, 26.• Quoi ! dira-t-on, ce grand Dieu qui déracine par son souffle les cèdres du Liban, tonne pour abattre les feuilles des arbres ?, BOSSUET la Vallière..• Dieu tonne du plus haut des cieux, et la Pologne est délivrée, BOSSUET Anne de Gonz..• Pour moi qu'en santé même un autre monde étonne, Qui crois l'âme immortelle, et que c'est Dieu qui tonne, BOILEAU Sat. I.• Il [Boileau] croit que c'est Dieu qui tonne ; mais il tonne comme il grêle, comme il envoie la pluie et le beau temps, comme il opère, comme il fait tout ; ce n'est point parce qu'il est fâché qu'il envoie le tonnerre et la pluie, VOLT. Dict. phil. Tonnerre, 1.Fig.• Dans ce moment encor le fils de Jupiter A fait sur moi des dieux tonner l'ordre suprême, DELILLE Én. IV.On n'entendrait pas Dieu tonner, se dit en parlant d'un très grand bruit dont on est assourdi.• Dieu pour s'y faire ouïr tonnerait vainement, BOILEAU Sat. VI.Fig. Tonner sur les choux, exercer sa force, son autorité sur ce qui est sans résistance.• [Un jeune diable... ] Et qui n'avait encor tonné que sur les choux, LA FONT. Papef..3° Par analogie. Faire un bruit semblable à celui du tonnerre.• Cent pièces de canon tonnèrent sur elle à son arrivée, BOSSUET Reine d'Anglet..• Ces foudres de bronze que l'enfer a inventées pour la destruction des hommes tonnaient de tous côtés, FLÉCH. Turenne..• Peindre Bellone en feu tonnant de toutes parts, BOILEAU Sat. IX..4° Fig. Parler, s'élever avec beaucoup de véhémence contre quelqu'un, contre quelque chose.• Le P. Bourdaloue tonne à Saint-Jacques de la Boucherie, SÉV. à Bussy, 27 févr. 1679.• Celui-là sera d'un naturel doux, ennemi du trouble et de l'injustice : tonnez tant qu'il vous plaira, ô divin Sauveur, contre les rapines et les violences, il applaudira à votre doctrine, BOSSUET Serm. Soumission à la parole, 2.• La Discorde, qui voit leur honteuse disgrâce, Dans les airs cependant tonne, éclate, menace, BOILEAU Lutr. III.• Il harangue le peuple, il tonne contre vous, LEGOUVÉ Épichar. et N. IV, 7.• Montre-moi cette Athènes Où méditait Platon, où tonnait Démosthènes, DELILLE Imag. IV.• C'est Mirabeau tonnant contre la cour ; Sa voix nous crie : encore une bastille, BÉRANG. 14 juill..PROVERBE Quand il tonne en avril, le laboureur se réjouit.Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.XIIe s.• E sur els [les méchants] es ciels tonerad li sire, Liber psalm. p. 236.• Nus [nul] hom de char n'i oïst Deu tonant, Ronc. p. 156.XIIIe s.• Il espartoit [éclairait] forment, et durement tonna, Berte, XXV.XVIe s.• Il disoit que jamais sa femme ne l'embrassoit, sinon quand il tonnoit bien fort, et pour ce avoit il accoustumé de dire en se jouant, qu'il estoit bien heureux quand Jupiter tonnoit, AMYOT Cat. 35.• Et ouit incontinent tout à l'entour bruire et tonner un grand nombre de tabourins, AMYOT Crass. 50.• Après qu'il eut beaucoup tonné, il failloit qu'il pleust, qu'il greslast, voire qu'il foudroiast pour descharger le temps, BONIVARD Anc. et nouv. police de Genève, p. 48.• Tant tonne qu'il pleut, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 134.• Quand il tonne en mars, nous pouvons dire helas, COTGRAVE .• Tout ce que tonne ne nous estonne, COTGRAVE .Provenç, et espagn. tronar ; portug. troar ; ital. tuonare ; du lat. tonare, que les étymologistes rattachent au sanscrit stan, tonner.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.