- et
- (è ; le t ne se lie jamais, ce que remarque Palsgrave, p. 37, au XVIe siècle, excepté dans les locutions latines : et caetera, dites è-tsé-té-ra, et ab hoc et ab hac, dites : a-bo-kè-ta-bak) conj.1° Il sert à lier entre elles les parties semblables du discours. Corneille et Racine. Bon et sage. Le riche et le pauvre.• Le sage est ménager du temps et des paroles, LA FONT. Fabl. VIII, 26.• On n'a pas dans le coeur de quoi toujours pleurer et aimer, LA BRUY. IV.Ordinairement, les mots joints par et se suivent ; mais on peut quelquefois les séparer, soit dans le style familier, soit dans le style élevé.• La raison veut et la nature Qu'après le mal vienne le bien, MALH. V, 5.• Albe le veut, et Rome ; il faut leur obéir, CORN. Hor. III, 6.• Les truites y sont admirables et les saumons du Rhin, PELLISSON Lett. hist. 18 oct. 1681.2° Après les noms d'heure, de mesure, quand il y a une fraction, on met et : midi et demi, midi et un quart ; minuit et trois quarts ; deux heures et un quart ; une aune et un tiers.On peut aussi supprimer et, excepté quand la fraction est demi : minuit un quart ; midi trois quart ; une aune un tiers, etc.3° Dans les noms de nombre composés, et se met généralement devant un quoiqu'il ne se mette pas devant deux, trois, quatre, etc. vingt et un, trente et un, etc. Il n'y a d'exception que pour cent et quatre-vingt : quatre-vingt-un, cent-un.Et se met aussi devant onze après soixante. Soixante et onze.4° Et répété sert à donner plus de force à la phrase.• Quel carnage de toutes parts ! On égorge à la fois les enfants, les vieillards, Et la soeur et le frère Et la fille et la mère, Le fils dans les bras de son père, RAC. Esth. I, 5.• Et le riche et le pauvre, et le faible et le fort Vont tous également des douleurs à la mort, VOLT. 1er Disc. égal. des cond..• Aristote met au rang des monarchies et l'empire des Perses et le royaume de Lacédémone, MONTESQ. Esp. XI, 9.5° Et s'emploie au commencement des phrases qui en suivent d'autres sans liaison immédiate, dans le style biblique ou poétique. Et Jésus se rendit sur la montagne des Oliviers.• Et voilà que tout d'un coup.... Et véritablement on ne saurait nier que.... Et vous prononcerez un arrêt si cruel !, RAC. Andr. I, 4.• Et je puis voir répandre un sang si précieux ! Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux !, RAC. ib. III, 8.• Et moi aussi, j'avais espéré, monseigneur, que vous viendriez à Versailles, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 3 avr. 1697.• Et je pleurais ! et je me trouvais à plaindre ! et la tristesse osait approcher de moi !, J. J. ROUSS. Hél. v, 9.• Et qui sait dans quels piéges adroits les perfides ruses d'une femme vicieuse et jalouse de ses vertus a pu surprendre son innocente simplicité !, J. J. ROUSS. Ém. v..Et fût-il, c'est-à-dire quand même il serait ; et fussiez-vous, c'est-à-dire quand même vous seriez. Il faut les combattre, et fussent-ils trois contre un.• Vous le devez haïr, et fût-il votre père, CORN. Héracl. v. 2.• Je vengerai sur vous, et fussiez-vous mon père...., CORN. ib..• Vous-même en deviendriez, je le gage, amoureux ; On ne s'en peut sauver, et fût-on tout de glace, LA FONT. l'Eunuque, v, 4.Et de suivi d'un infinitif se met quelquefois à la fin d'un récit pour signifier que l'événement se termina par l'action que l'infinitif exprime. Ainsi parla-t-il ; et chacun de rire.De nos jours on a quelquefois commencé une pièce de vers par et, ce qui donne l'air au poëte de continuer des réflexions dont le commencement n'aurait pas été communiqué à l'auditeur ou au lecteur.• Et j'ai dit dans mon coeur : que faire de la vie ?, LAMART. Méd. II, 19.6° Et caetera, et les autres choses, et le reste, et tout ce qui s'ensuit. Par abréviation on écrit etc.• Que lui-même [le juge] il chante après boire, La liberté, la gloire, et caetera, BÉRANG. Vendanges..S. m. Le signe qui représente cette expression. Un et caetera. Des et caetera.PROVERBE Dieu nous garde d'un quiproquo d'apothicaire, et d'un et caetera de notaire, parce que les quiproquos d'apothicaires empoisonnent et que les et caetera de notaires engendrent les procès.1. La règle est que, et joignant deux ou plusieurs substantifs, le verbe qui s'y rapporte, se mette au pluriel. Cependant on peut quelquefois, quand ce ne sont pas des noms de personnes, se soustraire à cette règle, soit que l'on considère les mots ainsi joints comme un seul sujet, soit qu'il y ait licence poétique.• Ce grand homme [Moïse] a écrit les oeuvres de Dieu avec une exactitude et une simplicité qui attire la croyance, BOSSUET Hist. II, 3.• On dit que ton front jaune et ton teint sans couleur Perdit en ce moment son antique pâleur, BOILEAU Lutr. I.• Quel nouveau trouble excite en mes esprits, Le sang du père, ô ciel, et les larmes du fils ?, RAC. Mithr. v, 5.• La sagesse et la pitié du souverain peut faire toute seule le bonheur des sujets, MASS. IIe dim. de carême..• ....La tendresse et la crainte Pour lui dans tous les coeurs était alors éteinte, VOLT. Henr. III.• L'univers, me dis-je, est un tout immense dont toutes les parties se correspondent ; la grandeur et la simplicité de cette idée éleva mon âme, THOMAS Éloge de Marc-Aurèle..2. La régularité veut qu'avec et on ne change pas de construction et qu'on ne dise pas par exemple : Saint-Louis aimait la justice et à chanter à la chapelle. Cette règle n'est pas de rigueur, du moins avec la conjonction que ; et les exemples suivants sont très bons.• Pour moi qu'en santé même un autre monde étonne, Qui crois l'âme immortelle et que c'est Dieu qui tonne, BOILEAU Sat. I.• Vous-même de vos soins craignez la récompense, Et que dans votre sein ce serpent élevé Ne vous punisse un jour de l'avoir conservé, RAC. Andr. I, 2.3. La versification regarde comme un hiatus la rencontre de et devant une voyelle et la rejette ; ce qui est une très grande gêne. Pourtant cette rencontre n'a rien de dur à l'oreille, et les poëtes auraient bien dû suivre l'exemple de Régnier, qui met sans scrupule et devant une voyelle.• Il va comme un banquier en carrosse et en housse, RÉGNIER Sat. II.• [Il] Peut autant qu'autre prince et a trop de moyen, RÉGNIER ib. III.• La Fontaine aussi en a des exemples : Le Juge prétendait qu'à tort et à travers On ne saurait manquer condamnant un pervers, Fabl. II, 3.4. Dans des membres de phrase mis en correspondance par des adverbes comparatifs, on ne met pas et devant le second : Plus je le vois, plus je l'aime. Et n'est de mise que quand, au lieu d'une seule proposition il y en a plusieurs : Plus je le vois et plus je le fréquente, plus je l'aime.• Cependant la suppression de l'et n'est pas d'absolue rigueur, et dans des phrases de ce genre il s'emploie souvent par pléonasme : Plus je vous envisage, Et moins je me remets, monsieur, votre visage, RAC. Plaid. II, 4.5. Les grammairiens donnent pour règle de mettre ni, non pas et, dans les propositions négatives, et et, non pas ni, dans les propositions affirmatives ; et ils blâment les auteurs qui ne se sont pas conformés à cette règle. Elle est sans doute bonne à suivre en général ; pourtant, comme le remarque M. Lemaire, il n'y a là rien d'absolu, et c'est la pensée qui doit dominer l'expression. Ainsi, cette phrase de la Bruyère : Il n'est rien que les hommes aiment mieux et qu'ils ménagent moins que leur propre vie, ch. XI, vaut mieux avec et qu'avec ni, demandé par quelques grammairiens. En contrepartie, ce passage de Boileau : Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer, Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer, Art p. II, est critiqué, et l'on veut substituer et à ni, sous prétexte que la phrase est affirmative ; mais, avec des verbes à signification négative, la disjonctive ni répond mieux à la pensée.6. Et, au XVIIe siècle, se mettait souvent où nous mettons eh ! Et bien !IXe s.• Pro Deo amur et pro christian poblo, Serment.Xe s.• E si distrent [et ils dirent ainsi], Fragm. de Valenc. p. 467.XIe s.• Il en apelet e ses dux e ses contes, Ch. de Rol. II.XIIe s.• Sis [si les] acouplons deux et deux as chevaus, Ronc. p. 150.XIIIe s.• Dame, ce respont Berte, et je les amerai, Berte, VII.• ....Si tost qu'il eut lavé [qu'il se fut lavé], Et no François en ont le messagier mené, ib. LXVII.• À ardoir [elle] fut jugée, et par droit jugement [et ce fut justice], ib. XCV.XVe s.• Je ne vis oncques deux meilleures dames ni de plus noble condition, ni ne verrai jamais, et vesquisse mille ans, FROISS. II, III, 32.• Nostre maistre et bienfaiteur et prince digne, COMM. Prol..• La plupart des gens taschent à leur complaire [aux princes] et à leurs complexions et conditions, COMM. ib..XVIe s.• L'Escriture a coustume de leur reprocher qu'ils ont coeur et coeur, c'est à dire le coeur double, CALV. Instit. 1032.• Ils ne doivent pourtant faire escarmouche, et [ni] n'entreprendre d'y mettre ordre, CALV. ib. 1210.• Puisque vous le voulez, et moi aussi [je le veux bien], dit Longarine, MARG. Nouv. LVIII.• Mes defauts s'y liront au vif, et ma forme naïfve, MONT. ib..• Aprez qu'il se fust rendu et sa trouppe, MONT. I, 26.• Et quoy ! s'il t'eust commandé de mettre le feu en nos temples ?, MONT. I, 213.• Nous osons à cette heure et parler et escrire, MONT. II, 42.• Adonc se prirent les Atheniens à luy dire tout hault : " Et que n'y vas tu donc toy mesme ? ", AMYOT Nicias, 12.• Le et caetera des notaires ne sert qu'à ce qui est de l'ordinaire des contrats, LOYSEL 368.Provenç. et ; espagn. et ital. e ; du latin et.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREET. Ajoutez :7° Et cela, se dit pour ajouter quelque chose sur quoi on insiste. Il a rendu ce service, et cela sans espoir de retour.Et a été employé seul en ce sens-là.• Il [Dieu] ne s'est point contenté de nous apprendre à dire avec un chalumeau quelque vaudeville, et de mauvaise grâce, MALH. Lexique, éd. L. Lalanne..• Il n'a point fallu détourner la Meuse, comme vous m'écrivez qu'on le disait à Paris, et ce qui serait une étrange entreprise, RAC. Lexique, éd. P. Mesnard..8° Et moi aussi, et toi aussi, etc. représentant au positif un membre de phrase qui précède et qui est au dubitatif.• Quand ils payeront tous, et moi aussi, MALH. Lexique, éd. Lalanne..Ajoutez :7. Quand deux membres de phrase sont joints par et et que le premier n'a pas d'inversion, on ne fait point d'inversion dans le second. Voici dans Régnier un exemple d'inversion en ce cas : On apporta la nappe, et met-on le couvert, Sat. X.• En voici un second : S'il y avait des dieux, ils se vengeraient d'elle, Et ne la verrait-on ou si fière ou si belle, RÉGNIER Élég. III.Cette tournure, qui a un caractère archaïque, pourrait très bien être employée.8. Ce ne sont pas seulement les substantifs joints par et que l'on peut séparer (voy. le n° 1), ce sont aussi les adjectifs.• Après une si belle action et si utile, SÉV. 9 août 1675.9. Vaugelas, dans ses Remarques, citant cette phrase : En votre absence et de madame votre mère, croit qu'il est bon d'éviter cette tournure, qui n'est pas régulière ; que mettre en celle avant de madame votre mère serait trop lourd, et qu'il faut chercher une autre manière de dire. Ajouter en celle rend la phrase régulière ; mais je ne puis m'empêcher de regretter une ellipse aussi simple et aussi claire, et je ne voudrais pas la condamner absolument. Je regrette aussi la liberté de construction dans des phrases telles que celle-ci que cite le même Vaugelas : " Un de nos plus célèbres auteurs a écrit : L'aventure du lion et de celui qui voulait tuer le tyran sont semblables. Comment se construit cela ? l'aventure sont ? C'est qu'il y a deux nominatifs, l'un exprès et l'autre tacite ou sous-entendu, qui régissent le pluriel. " On rangera dans la même catégorie des ellipses autrefois permises cette phrase citée par Vaugelas : Il s'est brûlé, et tous ceux qui étaient auprès de lui.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.