- jeter
- (jeté. Le t se double quand la syllabe qui suit est muette : je jette, je jetterai) v. a.1° Communiquer un mouvement avec la main.2° Mettre avec quelque promptitude un manteau, un châle, etc.3° Jeter un pont.4° En termes de marine, lancer dans la mer ou ailleurs.5° Se débarrasser de.6° Jouer ou écarter, en parlant de cartes.7° Mettre, placer, diriger, non sans quelque idée de violence ou du moins de rapidité.8° En termes de guerre, faire entrer.9° En termes de marine, jeter à la côte, jeter à la bande.10° Jeter l'oiseau, en fauconnerie.11° Jeter un blanc, une espace, en imprimerie.12° Il se dit des couleurs qu'on donne à un tableau.13° Diriger quelque partie du corps d'un certain côté.14° Pousser avec violence, faire tomber.15° Fig. Mettre quelqu'un dans une certaine manière d'être.16° Fig. Jeter loin, jeter dans, reporter à une époque éloignée.17° Faire subir.18° Il se dit aussi des choses abstraites que l'on assimile à quelque chose qui se jette.19° Jeter sur le papier, écrire, tracer à la hâte.20° Faire signifier, dénoncer.21° Rejeter sur, attribuer.22° Il se dit de l'argent, des valeurs qu'on fait entrer dans la circulation.23° Jeter l'argent, être prodigue.24° Calculer avec des jetons.25° Jeter au sort, décider quelque chose par la voie du sort.26° Pousser, envoyer, lancer hors de soi.27° Jeter des oeufs, être ovipare.28° Produire et mettre dehors un nouvel essaim.29° Produire des bourgeons ou des scions.30° Produire, rendre de l'humeur.31° Jeter sa tête, ses fumées, en termes de vénerie.32° Faire couler dans un moule du métal fondu.33° Jeter, en termes de potier, de chandelier.34° Se jeter, être jeté.35° Être prodigué, en parlant de l'argent.36° Se lancer soi-même.37° Se précipiter, se porter impétueusement.38° Faire une expédition militaire.39° Entrer, se réfugier précipitamment en quelque endroit.40° Aller, se rendre imprudemment.41° Fig. Prendre, accepter, se laisser aller.42° Se jeter au travers, à la traverse, entre, venir déranger.43° Se jeter sur, en parlant d'humeurs, de maladies.44° Se jeter sur, parler de.45° Avoir recours.1° Communiquer un mouvement avec la main ou de quelque autre manière.• Comme il continuait, je me sentis extrêmement tentée de lui jeter un livre à la tête, SÉV. 12 juin 1680.• L'Anglais [le chevalier Talbot] a promis au roi sur sa tête et si positivement de guérir Monseigneur dans quatre jours, et de la fièvre et du dévoiement, que, s'il n'y réussit, je crois qu'on le jettera par les fenêtres, SÉV. 8 nov. 1680.• De sorte que Ludre, Coëtlogon et Rouvroy sont parties ce matin pour aller à Dieppe et se faire jeter trois fois dans la mer, SÉV. 27.• On jeta de l'eau sur les restes de l'embrasement, SÉV. 20.• Je jette quelquefois dans votre paquet les petits billets de l'abbé Bigorre, qui sait très bien ses nouvelles de Rome, SÉV. 28 déc. 1689.• C'est afin que, la poste de Provence arrivant, il [un commis de la poste] jette le paquet à celle de Bretagne, qui part le même jour, SÉV. 25 mai 1680.• Comme un frondeur fait tourner avec sa fronde la pierre qu'il veut jeter loin de lui, FÉN. Tél. XV.• Il avale les dés et presque le cornet, jette le verre d'eau dans le trictrac, et inonde celui contre qui il joue, LA BRUY. XI.• Quoi ! misérable, lui dit-il, me prends-tu donc pour un bâtard ? et en même temps il lui jeta sa coupe à la tête, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 134, dans POUGENS.• Avant ce temps-là, un grec [homme appartenant à la religion grecque] jetait par la fenêtre un plat dans lequel un latin avait mangé, quand il ne pouvait pas jeter le latin lui-même, VOLT. Lett. Chabanon, 18 janv. 1768.• Les femmes, parées magnifiquement, étaient aux fenêtres, et jetaient des fleurs et des parfums sur les vainqueurs, RAYNAL Hist. phil. I, 25.En termes de marine, faire le jet.• Si, par tempête ou par la chasse de l'ennemi, le capitaine se croit obligé, pour le salut du navire, de jeter en mer une partie de son chargement, Art. 410 du Code de commerce.Fig.• Adieu, ma chère comtesse ; jetez mes amitiés, mes compliments, mes embrassades, comme vous jugerez à propos, SÉV. 26 oct. 1688.Jeter la plume au vent, voy. plume.Fig. Jeter de la poudre aux yeux, voy. poudre.Fig. Jeter le manche après la cognée, voy. MANCHE, s. m.Fig. Jeter la pierre à quelqu'un, voy. pierre.Fig. Jeter quelque chose au nez de quelqu'un, lui en faire objection, reproche (locution des gens de cour, dit de Caillères, en 1690).• C'est un étrange fait du soin que vous prenez à me venir toujours jeter mon âge au nez, MOL. Éc. des mar. I, 1.Fig. Jeter son bonnet par-dessus les moulins, voy. bonnet, n° 1. Y jeter son bonnet, voy. bonnet, n° 2.Fig. Jeter un os à quelqu'un, voy. os.Jeter son coussinet sur quelque chose, s'arranger de manière à l'obtenir par adresse ; locution tirée de l'usage de marquer sa place, de la retenir, en y mettant son coussin.Fig. Jeter quelque chose aux pieds de quelqu'un, lui en faire l'offre, l'abandon.• Donnons-lui ce triomphe ; honneurs, lauriers, pouvoirs, Jetons tout à ses pieds ; je veux tout lui devoir, C. DELAV. Paria, II, 5.2° Jeter un châle, une mante, un manteau, etc. sur ses épaules, sur les épaules de quelqu'un, mettre avec quelque promptitude un châle, etc. sur ses épaules, sur les épaules de quelqu'un.• Moi.... qui n'avais précisément songé qu'à jeter sur moi une mauvaise robe, MARIV. Marianne, 8e part..• Ces pensées bouleversèrent tellement Mme de Maintenon, qu'il lui fut impossible de rester dans son lit ; elle jeta une robe sur ses épaules..., GENLIS Mme de Maintenon, t. II, p. 158, dans POUGENS.Ce vêtement, cette draperie, etc. est jetée avec grâce, avec élégance, en parlant d'un vêtement, d'une draperie disposés avec quelque négligence mais non sans grâce.Terme de peinture. Jeter une draperie, donner une certaine disposition aux plis de la draperie dont on revêt une figure. Les plis de cette draperie sont bien jetés.Fig. Jeter un voile sur quelque chose, le passer sous silence.• Je ne veux point lever un oeil présomptueux Vers le voile sacré que vous jetez sur eux [des secrets], VOLT. Brutus, III, 3.3° Jeter un pont sur une rivière, construire, établir un pont sur une rivière ; surtout en parlant des ponts que l'on fait à la hâte pour le passage des troupes, des armées.• Scipion, ayant jeté un pont sur le Tésin, fit passer ses troupes, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. I, p. 404.Jeter les fondements d'un édifice, voy. fondement ; le langage technique dit plutôt : construire, poser, bâtir, maçonner les fondements d'un édifice.Fig.• Il jeta les fondements de la religion, BOSSUET Hist. I, 7.4° Terme de marine.• Jeter l'ancre, laisser tomber, de l'endroit du navire où elle est retenue, une ancre qui doit aller mordre la terre et s'y fixer, à l'effet de maintenir sur un point de la mer le navire que son câble lie à l'ancre, JAL. .• L'expression jeter l'ancre a été d'usage lorsque les ancres étaient maniables ; mais, à présent qu'elles ont une pesanteur considérable, on dit toujours : laisser tomber l'ancre, ou bien mouiller, LEGOARANT. .Fig.• Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages, Vers la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?, LAMART. Méd. I, 13.Jeter le plomb, la sonde, lancer à la mer un plomb de sonde attaché à une corde mesurée, pour connaître la profondeur de l'eau ou la qualité du fond.Fig. Jeter son plomb, jeter ses plombs sur quelque chose, porter ses vues sur quelque chose, former un dessein pour parvenir à quelque chose, essayer, faire une tentative.Jeter le loch, lancer à la mer le loch pour connaître, par la longueur de la corde qui le retient, combien le na vire a fait de route pendant un temps donné.• Jeter les grappins d'abordage, lancer d'un navire à un autre les grappins enchaînés, dont l'effet est de rapprocher et de tenir l'un à côté de l'autre deux bâtiments qui vont se battre bord à bord, JAL. .Fig. Jeter le grappin sur quelqu'un, se rendre maître de son esprit.5° Se débarrasser de. Il jeta ce qu'il tenait à la main.• Le traître avait jeté ces gages précieux, Pour n'être point connu par ces marques sanglantes, VOLT. Mérope, II, 5.• Ils tirent à vingt pas ; ils jettent aussitôt leurs fusils ; et.... se précipitant entre les hommes et les chevaux, ils tuent les chevaux avec leurs poignards et attaquent les hommes, le sabre à la main, VOLT. Louis XV, 34.Jeter les armes, jeter ses armes, les quitter, cesser de combattre.• Dans les chutes fréquentes qu'ils [les soldats français] faisaient, leurs armes s'échappaient de leurs mains ; elles se brisaient ou se perdaient dans la neige ; s'ils se relevaient, c'était sans elles ; car ils ne les jetèrent point, la faim et le froid les leur arrachèrent, SÉGUR Hist. de Nap. IX, II.Fig. et familièrement. Jeter le froc aux orties, voy. froc.Fig. Jeter loin, dédaigner.• Ne jetez pas si loin les livres de la Fontaine, il y a des fables qui vous raviront et des contes qui vous charmeront, SÉV. 6 mai 1671.6° Aux jeux de cartes, jeter ses cartes, les jouer.• Avec les sept carreaux il avait quatre piques, Et, jetant le dernier, m'a mis dans l'embarras, MOL. Fâcheux, II, 2.• J'ai jeté l'as de coeur, avec raison, me semble, MOL. ib..Jeter se dit aussi au piquet, à l'écarté, des cartes que l'on écarte, dont on se défait pour en prendre d'autres. J'ai jeté les coeurs. J'aurais eu une quinte, mais j'ai jeté mon jeu.Jeter les cartes, cesser la partie.Bassement et par un mauvais jeu de mots, jeter du coeur sur du carreau, jeter des fusées, vomir.7° Mettre, placer, diriger, non sans quelque idée de violence ou du moins de rapidité.• Un tourbillon de vent vous jette violemment sous une arche, SÉV. 25.• Vous, ma chère fille.... vous que j'ai toujours aimée et souhaité d'avoir près de moi, voyez quel orage vous jette au bout du monde, SÉV. 11 déc. 1675.• M. de Rennes le désire [un domestique] d'une manière à ne pouvoir lui refuser ; nous y jetons un homme qui nous paraît bon, SÉV. 3 juill. 1680.• Dieu, qui suit toutes les parcelles de nos corps en quelque endroit du monde que la corruption ou le hasard les jette, BOSSUET Duch. d'Orl..• Venez maintenant, pécheurs, quels que vous soyez, en quelques régions écartées que la tempête de vos passions vous ait jetés, BOSSUET Anne de Gonz..• Quelle ardeur inquiète Parmi vos ennemis en aveugle vous jette ?, RAC. Brit. I, 3.• Où j'avais ouï dire que mon père avait été jeté par les vents, FÉN. Tél. I.• Je le jetai dans une voiture, et nous retournâmes à la maison, MARIV. Fausses confid. I, 14.• J'ignore en quels climats nous jette la tempête, VOLT. Oreste, II, 1.• Pour adoucir en moi cette âpre dureté Des climats où mon sort en naissant m'a jeté, VOLT. Orphel. IV, 4.• Cette province vit pour la première fois les Portugais en 1535, et ce fut une tempête qui les y jeta ; mais ils ne s'y établirent qu'en 1599, RAYNAL Hist. phil. IX, 17.Fig.• N'admirez-vous point où mon coeur me jette et m'égare ? je suis toute seule, je suis toute attendrie...., SÉV. 1er oct. 1684.Fig. Jeter dans les bras, remettre à la garde, à la protection.• Hé bien ! pour un enfant qu'ils ne connaissent pas, Que le hasard peut-être a jeté dans leurs bras...., RAC. Athal. III, 3.Jeter dans un couvent, faire entrer dans un couvent.• Broglie était un si furieux amant, qu'il fut une des raisons qui la jetèrent [une dame] aux Carmélites, SÉV. 2 oct. 1689.Fig. et poétiquement, jeter au lit de, obliger une femme à devenir épouse de.• Ma déroute la jette au lit de Massinisse, CORN. Sophon. III, 7.Fig. Faire entrer dans une société.• Un autre incident me jeta dans des sociétés nouvelles, MARMONTEL Mém. IX..Jeter quelqu'un dans un cachot, dans les fers, le mettre ou le faire mettre en prison.• Celui qui avait pour lui les armées fut vainqueur, jeta son rival dans les fers, et, plus puissant qu'il ne l'avait espéré, se trouva le maître de toutes les provinces, RAYNAL Hist. phil. VII, 5.8° Terme de guerre. Jeter des hommes, jeter une troupe, jeter des munitions, des vivres, etc. dans une place, les y faire entrer promptement dans le besoin.• Buckingham est forcé de ramener en Angleterre ses troupes diminuées de moitié, sans même avoir jeté du secours dans la Rochelle, et n'ayant paru que pour en hâter la ruine, VOLT. Moeurs, 176.Poster en avant ou d'une manière aventureuse.• La 15e division restait encore ; le vice-roi l'appelle ; elle s'avance en jetant une brigade à gauche dans le faubourg, et une à droite dans la ville, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 2.9° Terme de marine. Jeter son navire à la côte, l'y échouer exprès, afin d'éviter un danger plus grand.Jeter à la bande, rassembler, sur un seul point, des marchandises qui étaient éparses, afin de faire contre-poids.10° Terme de fauconnerie. Jeter l'oiseau du poing, le lancer après la proie. On dit : jeter le faucon et lâcher l'autour.11° Terme d'imprimerie. Jeter un blanc, ménager, laisser un blanc.On dit de même : jeter une espace, une interligne.12° Jeter une couleur sur, donner une couleur à. Le peintre a jeté une teinte grise sur son tableau.Fig.• La tristesse que l'idée de votre délicate santé a jetée sur toutes mes pensées, SÉV. 9 mai, 1680.• On admira comment Molière avait pu jeter tant de comique sur un sujet qui paraissait fournir plus de pédanterie que d'agrément, VOLT. Vie de Molière..Dans un sens analogue, jeter l'ombre, les ténèbres, produire l'obscurité.• Et l'enfer, couvrant tout de ses vapeurs funèbres, Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres, RAC. Esth. Prologue..• Quand la nuit sombre Sur ces coupables murs viendra jeter son ombre, VOLT. Sémiram. I, 3.Par extension.• Tant le sort entre nous a jeté de mystère !, CRÉBILLON dans DESFONT.13° Diriger quelque partie du corps d'un certain côté. Il jeta la tête en arrière.Jeter les yeux, la vue, les regards sur, regarder, considérer.• L'acteur ayant récité ce vers qui contenait l'éloge d'Amphiaraüs : il ne veut point paraître homme de bien et juste, mais l'être effectivement, tout le monde jeta les yeux sur Aristide, et lui en fit l'application, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 135, dans POUGENS.• C'est donc là le dernier [regard] que tu jettes sur elle !, VOLT. Tancr. V, 6.• Sur ce billet au moins daignez jeter la vue, VOLT. Triumv. III, 2.Fig. Jeter les yeux sur quelqu'un, signifie quelquefois avoir sur quelqu'un des vues particulières. Il a jeté les yeux sur ce jeune homme pour en faire son gendre.• Par moi seule éloigné de l'hymen d'Octavie.... Silanus, sur qui Claude avait jeté les yeux...., RAC. Brit. I, 1.14° Pousser avec violence, faire tomber.• Ô toi qui n'attends plus que la cérémonie Pour jeter à mes pieds ma rivale punie, ....Poison, me sauras-tu rendre mon diadème ?, CORN. Rodog. V, 1.• Quand dans le sein d'Araspe un poignard enfoncé Le jette aux pieds du prince, CORN. Nicom. V, 8.• À côté de son maître il le jette sans vie, VOLT. Mérope, V, 6.Jeter par terre, jeter à terre, faire tomber à terre. Jeter un homme par terre.• Il crache sur le lit et jette son chapeau à terre, LA BRUY. XI.• Il n'est pas rare de voir les litornes se rassembler au nombre de deux ou trois mille dans un endroit où il y a des alises mûres, et elles les mangent si avidement qu'elles en jettent la moitié par terre, BUFF. Ois. t. V, p. 419, dans POUGENS.Jeter une maison, une cloison, un mur, etc. par terre, démolir, abattre une maison, une cloison, etc.• Nos maisons ont été jetées par terre, SACI Bible, Jérémie, IX, 19.On dit dans le même sens : jeter bas.Fig.• Un même instant conclut notre hymen, et la guerre Fit naître notre espoir et le jeta par terre, CORN. Hor. I, 3.Jeter une porte en dedans, la forcer en en faisant sauter la serrure.• Il est un moyen de jeter en dedans cette légère porte, BEAUMARCH. Mar. de Fig. II, 13.15° Fig. Mettre quelqu'un dans une certaine manière d'être. Soulever votre peuple, et jeter votre armée Dedans les intérêts d'une reine opprimée. CORN. Nicom. IV, 2.• De Vinius par là gagnant la bienveillance, Il a su le jeter dans une autre espérance, BEAUMARCH. Othon, III, 1.• Vous mettez par-dessus tout cela des remerciements, des douceurs charmantes, des agréments qui nous jettent dans la confusion, SÉV. 30 mars 1689.• Il s'agit d'une addition au livre XIV, qui a jeté M. Jurieu dans d'étranges emportements, BOSSUET Var. 2e avert. § 11.• Dans quel trouble, seigneur, jetez-vous mon esprit !, RAC. Bérén. I, 3.• Dans quels égarements l'amour jeta ma mère !, RAC. Phèdre, I, 3.• De ce refus bizarre où seraient les raisons ? Il pourrait me jeter en d'étranges soupçons, RAC. Athal. II, 5.• Cette idolâtrie des richesses qui me jette dans des gains injustes, MASS. Avent, Dispos..Faire naître certains sentiments.• Et leur division que je vois à regret Dans mon esprit charmé jette un plaisir secret, CORN. Cid, II, 5.• Cessez, vaines frayeurs, cessez, lâches tendresses, De jeter dans mon coeur vos indignes faiblesses !, CORN. Cinna, I, 1.• [Si] La crainte de vous faire un funeste présent Ne me jetait dans l'âme un remords trop cuisant, CORN. Rodog. III, 5.• Il n'a rien dit, madame, Qui vous doive jeter aucun trouble dans l'âme, CORN. Nicom. I, 3.• Il pouvait, sous l'appât d'une feinte promesse, Jeter dans les soldats un moment d'allégresse, CORN. Othon, IV, 2.• Il est vrai que de passer ma vie sans vous voir y jette une tristesse et une amertume à quoi je ne puis m'accoutumer, SÉV. 28 mai 1676.• On pouvait jeter dans son âme quelques fausses impressions, mais...., FLÉCH. duc de Mont..• Vous, cependant, allez ; et, sans jeter d'alarmes, à tous mes Tyriens faites prendre les armes, RAC. Athal. II, 6.• Vous jetez la discorde au sein de ma famille, LAMOTTE Inès de Castro, III, 3.• Quelle horreur jetez-vous dans mon coeur étonné ?, VOLT. Marianne, I, 4.• Davoust, avec vingt-cinq mille hommes, resta à l'arrière-garde ; pendant qu'il avançait de quelques pas et jetait, sans le savoir, la terreur chez les Russes. la grande armée étonnée leur tournait le dos, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 2.• Poëtes, j'eus toujours un chant pour les poëtes, Et jamais le laurier qui pare d'autres têtes, Ne jeta d'ombre sur mon front, VICTOR HUGO Odes, III, 1.16° Fig. Jeter loin, jeter dans, obliger à reporter à une époque éloignée ce qu'on veut faire.• Je ne voudrais point que vous allassiez repasser la Durance.... cela vous jette trop loin dans l'hiver, SÉV. 1er juill. 1676.• Cela [un retard] vous jettera dans le mois de janvier, et c'est pour en mourir, SÉV. Jour de la Toussaint, 1680.17° Faire subir.• Le bon exemple que vous voulez donner [en faisant le jubilé] vous jettera dans de plus grandes fatigues, SÉV. juillet 1690.Mener à.• Pour moi, je suis dans l'histoire de France ; les croisades m'y ont jetée, SÉV. 6 nov. 1675.Entraîner à.• Pour son style [d'une dame pleine d'affectation], il m'est insupportable, et me jette dans des grossièretés, de peur d'être comme elle, SÉV. 13 août 1677.Fig. Jeter, se dit aussi des choses abstraites que l'on assimile à quelque chose qui se jette.• Seigneur, à découvert, toute âme généreuse D'avoir votre amitié doit se trouver heureuse ; Mais nous n'en voulons plus avec ces dures lois Qu'elle [Rome] jette toujours sur la tête des rois, CORN. Nicom. V, 10.• Si ce nom sur leur front jette tant d'infamie, CORN. Tois. d'or, I, 2.• Et je ne voudrais pas par des efforts trop vains Jeter le moindre obstacle à vos justes desseins, MOL. D. Garcie, V, 3.• Cela [les lettres] rapproche ; on est occupée des pensées que cela jette dans l'esprit, SÉV. 10 nov. 1675.• Je jette cette pensée dans cette lettre, SÉV. 8 sept. 1680.• Vous ririez de voir comme tous les vices et toutes les vertus sont jetés pêle-mêle dans le fond de ces provinces, SÉV. 21 juin 1680.• La main qui jette tout cela [les vertus et les vices] dans son univers sait fort bien ce qu'elle fait, et tire sa gloire de tout, et tout est bien, SÉV. 21 janv. 1680.• Jamais personne n'a jeté des charmes dans l'amitié comme vous faites, SÉV. 5 nov. 1688.Jeter des propos, avancer des propos qui vont indirectement à insinuer ou à découvrir quelque chose. Ce ministre a jeté des propos de paix, de guerre.• Puisque le propos en est jeté, il faut que je le suive, DIDEROT Salon de 1767, Oeuvres, t. XIV, dans POUGENS.On dit, dans un sens analogue, jeter des paroles, des pensées.• Pour moi, je jette de loin ces paroles en l'air, SÉV. 22 juill. 1685.• Ce sont des pensées que je vous jette, et dont vous ferez tel usage que vous trouverez à propos, SÉV. 28 fév. 1685.Jeter des soupçons contre quelqu'un, faire soupçonner quelqu'un.Jeter des brocards, se moquer. Jeter des louanges, louer.• Je vous dirai franchement.... qu'on nous jette de tous côtés cent brocards à votre sujet, MOL. l'Avare, III, 5.• Vous me jetez tant de louanges au travers de toutes mes imperfections...., SÉV. 14 juill. 1680.19° Jeter sur le papier, tracer, écrire à la hâte. Jeter ses idées, un plan, une esquisse sur le papier.• Voilà tout ce que mon imagination me fait jeter sur ce papier, sans art, sans arrangement, à course de plume, SÉV. Lett. à Guitaut, 23 janv. 1682.• Je respecte le génie et l'éloquence de M. Pascal ; mais plus je les respecte, plus je suis persuadé qu'il aurait lui-même corrigé beaucoup de ces pensées qu'il avait jetées au hasard sur le papier pour les examiner ensuite ; et c'est en admirant son génie que je combats quelques-unes de ses idées, VOLT. Rem. Pens. Pasc. Préambule..20° Faire signifier, dénoncer. Jeter une excommunication, la publier, la fulminer.• L'évêque d'Agen a jeté un monitoire, il y a beaucoup de protestants en prison, VOLT. Lett. Damilaville, 1er août 1767.Jeter les bans d'un mariage, faire les annonces au prône.Terme de droit canon. Jeter un dévolu, voy. dévolu.Fig. et familièrement. Jeter son dévolu sur, voy. dévolu.21° Rejeter sur, attribuer.• Au moindre jour ouvert de tout jeter sur moi, CORN. Rodog. V, 4.• Jeter sur la conduite de Dieu ce qui n'est causé que par le déréglement de l'homme, FLÉCH. Serm. I, 29.Exciter à parler de.• Feignons, pour le jeter sur l'amour de son maître, MOL. Dép. I, 3.22° Il se dit de l'argent, des valeurs qu'on fait entrer dans la circulation.• Les appartements du roi [par la fonte des meubles d'argent] ont jeté six millions dans le commerce, SÉV. 21 déc. 1689.23° Jeter l'argent, être prodigue.• L'on dit des merveilles de sa belle âme, et de la générosité de M. le prince de Conti, il jette l'argent héroïquement, SÉV. 400.• Le roi fait des libéralités immenses ; en vérité, il ne faut point se désespérer ; quoiqu'on ne soit pas son valet de chambre, il peut arriver qu'en faisant sa cour, on se trouvera sous ce qu'il jette, SÉV. 12 janv. 1680.• Monseigneur fait des merveilles [à Philisbourg].... jetant l'argent avec choix, disant du bien...., SÉV. à Bussy, 3 nov. 1688.• On lui vient [à Mme de Montespan] demander des charités pour les églises ; elle jette beaucoup de louis d'or partout fort charitablement et de fort bonne grâce, SÉV. 15 mai 1676.• La facilité avec laquelle la plupart jettent l'argent fait soupçonner qu'il ne leur coûte pas beaucoup, BRUEYS Grondeur, II, 20.Fig.• J'admire comme il passe, ce temps.... pour moi, vous savez comme je le jette et comme je le pousse jusqu'à ce que vous soyez ici, SÉV. 5 avr. 1680.• Je jetterais le temps à pleines mains comme autrefois, SÉV. 23 nov. 1689.• On avance dans un temps auquel on aspire.... on est libérale des jours, on les jette à qui en veut, SÉV. 10 janv. 1689.Jeter son bien, jeter tout par les fenêtres, c'est-à-dire dissiper son bien en folles dépenses.Il ne jette pas son bien par la fenêtre, il ne jette pas les épaules de mouton toutes rôties, c'est-à-dire il est bon ménager de son bien.On dit aussi : C'est un homme d'ordre et qui ne jette rien.Fig. et familièrement. Jeter une marchandise à la tête, l'offrir à vil prix.• Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de réduire un peu l'ancien prix établi à Genève, mais de ne point jeter à la tête une édition qu'alors on jette à ses pieds, VOLT. Lett. Panckoucke, mars 1769.Fig. et familièrement. Jeter une chose à la tête de quelqu'un, la lui offrir sans qu'il la demande. Ne pensez pas que je lui jette mon bien à la tête, que je lui jette ma fille à la tête.• Les meilleures choses sont dégoûtantes quand elles sont jetées à la tête, SÉV. 27 mai 1672.• Les jours passeront ; j'ai vu que j'en étais avare ; je les jette à la tête présentement, SÉV. 20 oct. 1679.24° Calculer avec des jetons. Jetez ces sommes-là ; je les ai jetées, et j'ai trouvé qu'elles montent à.... Apprendre à jeter.Ce sens est vieilli. On disait jeter, parce qu'on se servait de jets ou jetons.25° Jeter au sort, décider quelque chose par la voie du sort.• Ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ont jeté ma robe au sort, SACI Bible, Évang. St Matthieu XXVII, 35.Jeter les dés, les lancer hors du cornet pour amener les points.Fig. Le dé en est jeté, le parti en est pris.On dit dans le même sens : Le sort en est jeté.• Le sort en est jeté, monsieur, n'en parlons plus, CORN. Cid, II, 1.Jeter des lots, les tirer au sort.Terme d'ancienne coutume. Répartir une imposition.26° Pousser, envoyer, lancer hors de soi.• Je cours au temple alors où la lampe allumée Jette, au lieu de lumière, une noire fumée, ROTR. Antig. V, 5.• On prétend que le lendemain le corps de ce prince [le duc d'Orléans assassiné qu'on avait porté dans l'église des Blancs-Manteaux] jeta du sang, lorsque le duc de Bourgogne, qu'on ne connaissait point encore pour l'auteur de cet assassinat et qui voulut faire bonne contenance, se présenta pour lui donner l'eau bénite, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 288, dans POUGENS.• L'esprit naturel des habitants ne jetait aucune étincelle, VOLT. Moeurs, 40.• La queue est de la même couleur, mais d'une teinte plus foncée, et jette des reflets dorés d'un très bel effet, BUFF. Ois, t. XII, p. 155.• La flamme des trépieds jetait des feux sinistres, C. DELAV. Paria, I, 2.Jeter des larmes, pleurer.• Je jette des larmes de joie, MOL. D. Juan, V, 1.Jeter un soupir, un cri, faire un soupir, un cri.• Je forcerai mon coeur sans jeter de soupirs, DU RYER Scévole, V, 2.• L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie, Albe en jette d'angoisse et les Romains de joie, CORN. Hor. IV, 2.• Léontius fut effrayé ; il jeta quelques soupirs, et se retira fort en colère, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VIII, p. 84.• Ce vieillard vénérable A jeté dans mes bras un cri si lamentable, VOLT. Fanat. IV, 4.• Bientôt.... mais de la mort la main lourde et muette Vient de toucher la corde [de la lyre du poëte] ; elle se brise et jette Un son plaintif et sourd dans le vague des airs, LAMART. Méd. II, 5.Fig. et familièrement. Jeter les hauts cris, se récrier, se plaindre hautement.Jeter des menaces.• Jeterai-je toujours des menaces en l'air, Sans que je sache enfin à qui je dois parler ?, CORN. la Suiv. V, 2.• Ce n'est plus cette done Elvire qui faisait des voeux contre vous, et dont l'âme irritée ne jetait que menace et ne respirait que vengeance, MOL. D. Juan, IV, 9.Fig. et familièrement. Il a jeté tout son venin, c'est-à-dire il a dit, dans l'emportement de sa colère, tout ce qu'il avait sur le coeur.Fig. et familièrement. Cet homme jette un vilain coton, voy. coton.27° Jeter des oeufs, être ovipare.• Parmi les animaux, les uns jettent des oeufs, les autres sont vivipares, VOLT. Singul. nat. XXIX..28° En parlant des mouches à miel, produire et mettre dehors un nouvel essaim. Les mouches ont jeté deux essaims cette année.• Quelques pleines que fussent les ruches prêtes à jeter leur essaim, J. J. ROUSS. Conf. VI.Absolument. Ces mouches n'ont point encore jeté.29° En parlant des arbres et des plantes, produire des bourgeons ou des scions. Cette vigne a bien jeté du bois. Cet arbre a jeté des scions.• Il accourt ; devant lui l'herbe jette des fleurs, A. CHÉNIER Hylas..Absolument. Les arbres commencent à jeter.Jeter de profondes racines, s'enraciner profondément. Les arbres jettent des racines plus profondes les uns que les autres.Fig. Cet abus avait jeté de si profondes racines qu'il était difficile de l'extirper.30° Rendre de l'humeur. Cet abcès jette du pus.• Il y a quatre jours qu'il prit une fantaisie à ma jambe de s'enfler et de jeter des feux et des sérosités, SÉV. 15 avr. 1685.Absolument. La plaie commence à jeter. Son cautère jette beaucoup.Ce cheval jette sa gourme, il a par les narines un écoulement dû à la gourme.Fig. Jeter sa gourme, exhaler sa mauvaise humeur, ou, pour un enfant, être hargneux et difficile, ou, pour un jeune homme, se mal conduire, ou, pour un jeune auteur, produire d'abord des choses faibles ou folles.Absolument. On dit qu'un cheval jette, quand il a un écoulement par les narines, et spécialement dans le cas de morve.31° Terme de vénerie. Ce cerf jette sa tête, il quitte son bois.Le cerf jette ses fumées, il se vide.32° Faire couler du métal fondu dans quelque moule afin d'en tirer une figure. Jeter une figure, une statue en bronze. Jeter en moule.Jeter en sable, prendre un moule avec du sable.Fig. Jeter en sable, avaler d'un trait.• Je vais jeter en sable à toi ce petit coup, LA FONTAINE Ragotin, II, 7.• Si vous lui apprenez qu'il y a un Tigellin qui souffle ou jette en sable un verre d'eau-de-vie...., LA BRUY. XIII.Absolument. Ce fondeur jette bien.Fig. et familièrement. Cela ne se jette pas en moule, se dit d'un ouvrage qui ne peut se faire qu'avec beaucoup de soin et de temps.33° Terme de potier d'étain. Jeter sur la pièce, ajuster une anse ou une pièce sur un vase par le moyen d'un moule.Terme de chandelier. Jeter des chandelles, des bougies, les fabriquer au moule.Terme de passementier. Jeter en soie, couvrir un bouton de soie tournée sur la bobine.34° Se jeter, V. réfl. Être jeté. Les pierres qui se jetaient avec les frondes.35° Être prodigué, en parlant de l'argent.• Cet homme [Penautier, lie avec la Brinvilliers] a un nombre infini d'amis d'importance.... ils n'oublient rien pour le servir ; on ne doute pas que l'argent ne se jette partout, SÉV. 10 juill. 1676.36° Se jeter, se lancer soi-même.• Me jeter du pont Neuf à bas dans la rivière, RÉGNIER Sat. VIII.• Vous tentez Dieu, et vous vous jetez à terre du haut du pinacle, dans l'espérance de trouver entre deux les mains des anges, BOSSUET Élévat. sur myst. XXIII, 4.• Un homme de bon sens ne se jette pas par la fenêtre ; c'est d'une nécessité morale, BONNET Essai psychol. ch. 47.Par personnification. Ce fleuve, cette rivière se jette dans telle autre, se jette dans la mer, dans un lac, etc. ce fleuve, cette rivière se rend, va se perdre dans telle autre, etc.Fig.• Vous y voulez tomber [dans le précipice], je m'y jette avec vous, VOLT. Adélaïde, IV, 5.Terme de manége. Se jeter sur l'éperon, sur le talon, sur la jambe droite ou gauche, se dit d'un cheval qui pousse son corps du côté où le cavalier approche l'éperon, le talon ou la jambe, au lieu de céder à ces aides.Terme de marine. Se jeter à la côte, y échouer son navire.37° Se précipiter, se porter impétueusement.• Se jetant à ces mots sur le vin et l'encens, CORN. Poly. III, 2.• Je me jette au-devant du coup qui t'assassine, CORN. Pomp. IV, 4.• Ce que Moïse ayant entendu, il se jeta le visage contre terre, SACI Bible, Nombres, XVI, 4.• Montgaillard se jeta sur lui comme un furieux.... Pont-Gand tire son épée, et lui en donne au travers du corps, et le jette mort, SÉV. 20 sept. 1675.• Le coup de canon.... emporta le bras de Saint-Hilaire.... le fils de Saint-Hilaire se jette à son père, et se met à crier, SÉV. 9 août 1675.• Un lion affamé vint se jeter sur mon troupeau, FÉN. Tél. II.• César, outré des bruits qu'on répandait contre son honneur et sa réputation, se jette dans la ville, court par les rues..., VERTOT Révol. rom. XIV, 319.• Puis tout à coup se jetant sur eux deux : Monsieur, dit-il, s'adressant à l'un d'eux..., DELILLE Convers. II.• Enfin, lorsque le besoin est extrême, il [le loup] s'expose à tout, il attaque les femmes et les enfants, se jette même quelquefois sur les hommes, devient furieux par ces excès, qui finissent ordinairement par la rage et la mort, BUFF. Quadrup. t. II, p. 187.Fig.• Sous quel appui tantôt mon coeur s'est-il jeté ?, RAC. Mithr. II, 6.Familièrement. Se jeter sur la friperie de quelqu'un, l'outrager de paroles.Se jeter sur un lit, sur un siége, s'y asseoir, s'y coucher avec précipitation.• Il se jeta sur un lit, n'en pouvant plus, SÉV. 8 déc. 1673.• Mme de Clémire, qui n'avait pas fermé l'oeil de la nuit précédente, se jeta sur son lit, GENLIS Veillées du chât. t. I, p. 5, dans POUGENS.Se jeter à genoux, se mettre précipitamment à genoux.• Allez, seigneur, vous jeter à ses pieds, RAC. Andr. II, 5.• Le roi, maître de leurs retranchements, se jeta à genoux pour remercier Dieu du premier succès de ses armes, VOLT. Charles XII, 2.• Cette femme éperdue à vos sacrés genoux demande à se jeter, VOLT. Orphel. III, 1.Se jeter au cou de quelqu'un, lui passer les bras autour du cou en l'embrassant.• Quand il [le maréchal de Grammont] fut seul avec le père [Bourdaloue qui venait lui annoncer la mort de son fils], il se jeta à son cou, lui disant qu'il devinait bien ce qu'il avait à lui dire, SÉV. 8 déc. 1673.Se jeter dans les bras, entre les bras de quelqu'un, se faire serrer, embrasser par quelqu'un.• [Le duc d'Enghien] se jetant entre ses bras [du prince de Condé] et dans le sein paternel, BOSSUET Louis de Bourbon..Fig. Se jeter dans les bras, chercher un appui.• Ne vous jetez donc point, madame, en d'autres bras, CORN. Sertor. III, 4.• Jetons-nous dans les bras qu'on nous tend avec joie, RAC. Mithr. III, 1.Fig. Se jeter à la tête de quelqu'un, et, absolument, se jeter à la tête, s'offrir avec empressement et sans être recherché.• Cette conduite de ne vous point jeter à la tête et de laisser place aux désirs de vous voir, SÉV. à Coulanges, 28 mai 1695.Se jeter sur quelque chose, signifie quelquefois s'y porter avidement. Les chasseurs mouraient de faim, ils se jetèrent sur un pâté qu'ils avaient apporté.• Les archers français, prenant ce premier avantage pour le gain de la bataille, se jetèrent sur le bagage et se mirent à piller au lieu de combattre, DUCLOS Hist. de Louis XI, Oeuv. t. III, p. 227, dans POUGENS..Se jeter entre les mains, se remettre au pouvoir.• Mais un second otage entre mes mains se jette, CORN. Nicom. V, 7.Se jeter dans, se dit aussi de tout ce qui est comparé à quelque abîme.• Ce serait d'un malheur vous jeter dans un pire, CORN. Attila, II, 1.• Eutychès, qui ne put combattre cette hérésie qu'en se jetant dans un autre excès, ne fut pas moins fortement rejeté, BOSSUET Hist. I, 11.Se jeter à ou dans, tourner ses vues, ses désirs vers.• Il se jettera à d'autres desseins, et pensera à se rendre maître de quelques îles, PASC. Pensées, prophét. 26, éd. FAUGÈRE..38° Se jeter, faire une expédition militaire.• Un prince justement irrité se jette sur les terres de son ennemi, BOSSUET 2e sermon, Annonciation, I.Attaquer avec impétuosité.• Hirtius trouva un endroit [des lignes d'Antoine] faible et moins défendu, qu'il emporta l'épée à la main ; il se jeta ensuite dans le camp, VERTOT Révol. rom. XIV, 326.39° Entrer, se réfugier précipitamment en quelque endroit. On poursuivit le voleur, mais il se jeta dans une allée obscure, et disparut. Il se jette dans une voiture et se fait conduire chez lui. Il se jeta dans la place avec un millier d'hommes.Fig. Se jeter dans un couvent, s'y retirer.• Je le menacerai de me jeter dans un couvent, MOL. Pourc. I, 4.Se jeter dans un désert, s'y réfugier.• Je suis en colère contre le monde entier, je m'en vais me jeter dans un désert, SÉV. à Bussy, 22 sept. 1688.40° Aller, se rendre imprudemment en quelque lieu.• Nous ne voulons pas nous aller jeter dans la fureur qui agite notre province, SÉV. 24 juill. 1675.41° Fig. Prendre, accepter, se laisser aller.• Il faut se jeter promptement dans la soumission que nous devons à la Providence, SÉV. 20 oct. 1675.• Cela est fort honnête à vous de vous jeter dans le vert et le bleu, aussitôt que vous apprenez la mort de notre pauvre cousine, SÉV. 21 août 1680.• Nous avons juré à table de ne nous plus jeter dans de pareils soupers, SÉV. 31 juill. 1680.• M. de Grignan s'est jeté dans cette superfluité [un double menton], MADAME DE GRIGNAN à Bussi, dans SÉV. 28 oct. 1685.• Une téméraire jeunesse se jetait sans étude et sans connaissance dans les charges de la robe, FLÉCH. Lamoignon..• Mme de Gerville s'est jetée dans la dévotion, GENLIS Ad. et Théod. t. III, p. 382, dans POUGENS.Se jeter en un parti, se ranger du côté de ce parti.• Mais, lorsqu'en un parti, Sunnon, l'on s'est jeté, Regarder en arrière est une lâcheté, SAURIN Spart. I, 1.• Il leur parla avec tant de hauteur que la plupart, piqués de ses reproches, se jetèrent dans l'armée de Marius, VERTOT Révol. rom. X, 55.• On pendit sur-le-champ, par ordre d'Antoine, un grand nombre d'esclaves qui s'étaient jetés dans le même parti, VERTOT ib. XIV, 188.42° Se jeter au travers, à la traverse, entre, venir déranger.• Après cela viennent les aventures, les rivaux qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, MOL. Préc sc. 5.• On ne vient point ainsi se jeter au travers d'une comédie et troubler un acteur qui parle, MOL. Comtesse, 21.• Il n'y a rien sur la terre ni de si bien concerté par la prudence, ni de si bien affermi par le pouvoir, qui ne soit souvent troublé et embarrassé par des événements bizarres qui se jettent à la traverse, BOSSUET 2e sermon, purific. 2.• Un nouvel embarras se jeta entre nous, STAAL Mém. t. II, p. 154.43° Se jeter sur, se dit des humeurs, des maladies qui attaquent une partie du corps. La goutte s'est jetée sur l'estomac.• La furie de votre sang, qui vous a fait si souvent du ravage, m'empêche de rire quand il se jette ainsi dans votre gorge, SÉV. 8 oct. 1684.• Une humeur de soixante et seize ans s'est jetée sur mes glandes, et le contrôleur général sur mes rescriptions, VOLT. Lett. Chabanon, 7 mars 1770.Impersonnellement.• Quand ma petite dernière plaie [à la jambe] a été fermée, il s'est jeté aux environs un feu léger, SÉV. 7 mars 1685.44° Se jeter sur, parler de.• Je ne veux pas me jeter sur les passages des Pères [de l'Église], BOSSUET Lett. 181.• Il s'échauffe dans la conversation... de là il se jette sur ce qui se débite au marché, LA BRUY. Théoph. III.• Je ferai comme Simonide, qui, n'ayant rien à dire de je ne sais quel athlète, se jeta sur les louanges de Castor et de Pollux, D'ALEMB. Lett. au roi de Prusse, 14 mai 1773.Se jeter au travers, parler sans réticence.• Il [Bourdaloue] se jeta sans balancer tout au travers de ses égarements [du prince de Condé] et de la guerre qu'il a faite contre le roi, SÉV. 25 avr. 1687.Se jeter parmi, entreprendre le récit.• Mon esprit ne se résoudrait jamais à se jeter parmi tant d'horreurs [la révolution anglaise], si...., BOSSUET Reine d'Anglet..Se jeter dans, se laisser aller à.• Là-dessus, M. le chancelier s'est jeté dans de grands discours, pour faire voir le pouvoir légitime de la chambre, SÉV. 17 nov. 1664.• À tout hasard je me suis jetée dans ces détails, SÉV. à Moulceau, 26 mai 1683.• Voir de quelle manière je m'y étais pris.... pour me jeter dans le style doucereux, BOILEAU Prolog. d'opéra, Avert. au lecteur.45° Avoir recours.• Chiverny se jeta aux pardons, à l'obscurité et à ce qu'il put trouver d'excuses, SAINT-SIMON 71, 174.PROVERBE Qui bien jettera, son compte trouvera, c'est-à-dire lorsqu'on calcule exactement ses dépenses, on n'outre-passe point son revenu.Xe s.• Enz en l' fou la getterent, com arde tost [ils la jetèrent dans le feu, afin qu'elle brûle tôt], Eulalie.XIe s.• Jo jetai vos choses de la nef par poür [peur] de mort, Lois de Guill. 38.• Getet serez sur un malvais somier [bête de somme], Ch. de Rol. XXXV.• Haubert et haume i getent grant flambur [éclat], ib. CXXXV.• À icest coup [ils] en jetent mort sept mille, ib. CCLVII.• Jetez mei [sauvez-moi] hui de mort et de calunje [accusation], ib. CCLXXVI.XIIe s.• Cil court plus tost qu'ars [arc] ne gete bougon [flèche], Ronc. 74.• Puis i faites jeter [au feu] le glouton souzduiant, ib. 199.• Que ma dame ne me jet de prison, Couci, VII.XIIIe s.• Ele l'entent [son ami], si lui geta un ris, AUDEFR. LE BAST. Romancero, p. 40.• Il commança par grant estude entendre diligemment à piteuses oevres, les quex li hermitaiges li avoit enseignié, c'est à savoir lui giter sovant en oroisons, sovantes fois geüner, Légende en prose de Girart, cité dans J. des savants, avril 1860, p. 202.• Lors a la male serve un mout grant cri gete, Berte, XV.• Quant s'estoit relevée, mout grâns soupirs [elle] getoit, ib. XXVIII.• Or me veuillez, dous sire, de cest peril jeter, ib. XLII.• Et cil asegia Andrenoble, et i dreça trente perrieres qui gitoient en la cité et as murs et as tors, VILLEH. CLXIX..• Il a pris de l'un poing en l'autre Le faucon pour jeter à droit, l'Escoufle.• El giete par tout feu et flame, Preste de perdre et cors et ame, la Rose, 9837.• Il est voirs [vrai] que, quant il [Romulus et Rémus] furent né, l'on les gita sor une riviere...., BRUN. LATINI Trés. p. 43.• S'il avient qu'aucuns tienne son fief sans fere homage et li sires ne gete pas la main au fief, parce qu'il n'en set mot, BEAUMANOIR XIV, 17.• Le roy me dist que ce moustier estoit fait en l'onneur du miracle que Dieu fist du dyable que il geta hors du cors de la fille à la veuve femme, JOINV. 279.XIVe s.• Les compaignons de la dicte ville et plusieurs autres du pays environ se esbatoient à jeter à un pourcel pendu à une attache...., Lett. de remission, dans LACURNE.• Maudit soit-il de Dieu qui le monde crea, Qui de traire et jetter tout premier s'avisa ! Car oncques hardis homs si ne le purpensa, Guesclin. V. 20037-20060.• Jetteront [répartiront] sur eulx les diz habitans leurs dictes tailles, DU CANGE gita..• Icellui jour, après souper, le dit Jehan dist qu'il vouloit jetter la pierre [sorte de jeu], et y mettoit un franc au plus hardi, DU CANGE jactare..XVe s.• [Le duc d'Anjou] jeta son avis à aller mettre le siege devant Bergerac, FROISS. II, II, 1.• Et eut là certains articles de traités faits, jetés et accordés entre le roi d'Angleterre et le jeune comte, FROISS. I, I, 311.• Adonc disoit le roi : Connestable, jetez l'oisel, si verrons comment il chassera et volera, FROISS. II, II, 164.• Et comme ils furent si près qu'ils gettoient les lances en arrest, COMM. I, 3.• Et si luy avoit emblé ung jeune lyon qui le suivoit, que la lyonnesse qu'il avoit occise avoit jecté [mis bas] celle année, Perceforest, t. II, f° 108.XVIe s.• Ceux-ci, estans bien conjoints ensemble, devroient jetter les fondements d'un si magnifique dessein, LANOUE 391.• Se jecter à l'abri des coups dans une place, MONT. I, 25.• Se jecter dans le vague champ des imaginations, MONT. I, 32.• Qu'on jecte une poultre entre ces deux tours, MONT. II, 366.• Ceux-là se vindrent tous ensemble jetter aux piedz de Marcellus, AMYOT Marc. 18.• Si c'estoit en hyver, il jettoit seulement une jacquette sur ses espaules, AMYOT Caton, 6.• Il jetta Aristobulus hors de toutes ses forteresses, AMYOT Anton. 3.• Il se mit à la voile et se jetta en pleine mer, AMYOT ib. 10.• .... Ny en quelle sorte il les faut mettre en terre à fin qu'ils prennent et jectent mieux, LA BOËTIE 241.• La terre jecte des herbes infinies de toutes sortes, LA BOËTIE 251.• Parlant aux flots, leur jecta ceste voix, LA BOËTIE 444.• Pour bien jeter et dejeter, faut bien entendre et peu parler, Manuel de l'amateur de jetons, par DE FONTENAY, p. 125, 1854.• Jecter son lard aux chiens, COTGRAVE .• Jecter la pierre et cacher le bras, COTGRAVE .Berry, giter ; provenç. gitar, gietar, getar ; espagn. jitar, jetar ; ital. gittare, gettare ; du latin jactare, fréquentatif de jacio (voy. jet).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREJETER. Ajoutez : - REM. On trouve jeter dit pour mettre bas, en parlant des femelles d'animaux.• Une bonne jument pleine, un très beau boeuf, une génisse prête à jeter le veau, Avranchin, 29 août 1875.Comparez cela au n° 27 de jeter.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.