tendre

tendre
tendre 1.
(tan-dr') adj.
   Qui peut être facilement coupé, divisé. Du bois tendre. Une pierre tendre. Le plomb et l'étain sont des métaux tendres.
   Une certaine plante [d'Irlande] dont la tige est tendre, et presque aussi douce, dit-on, que celle de la canne à sucre, BUFF. Ois. t. XV, p. 400.
   Viande tendre, viande qui se divise facilement avec les dents.
   On me demanda si j'étais pour le mouton noir ou pour le mouton blanc ; je répondis que cela m'était fort indifférent, pourvu qu'il fût tendre, VOLT. Scarmentado..
   On le chasse [le faisan] à l'oiseau de proie ; et l'on prétend que ceux qui sont pris de cette manière sont plus tendres, et de meilleur goût, BUFF. Ois. t. IV, p. 92.
   Familièrement. Cette viande est tendre comme rosée, elle est très tendre.
   Tendre se dit aussi des légumes et des herbes.
   Pain tendre, pain nouvellement cuit, et qui cède sous la pression des doigts.
   Rincy ne s'en émut point ; il protesta que personne ne mangerait qu'il n'eût du pain tendre, SCARR. Lett. Oeuv. t. I, p. 211, dans POUGENS.
   Qui ressent fortement ce qui agit physiquement. Des membres tendres et délicats.
   Osera-t-elle [l'âme] toucher à ce corps si tendre, si chéri, si ménagé ?, BOSSUET la Vallière..
   Que du Seigneur la voix se fasse entendre, Et qu'à nos coeurs son oracle divin Soit ce qu'à l'herbe tendre Est, au printemps, la fraîcheur du matin, RAC. Athal. III, 7.
   Je suis comme un enfant dont les organes encore tendres sont vivement frappés par les moindres objets, MONTESQ. Lett. pers. 48.
   N'est-ce point offenser, appauvrir la nature, que de détruire ainsi ses tendres germes dans les espèces que nous ne pouvons d'ailleurs multiplier ?, BUFF. Ois. t. XV, p. 83.
   Marcher avec des pieds trop tendres sur des épines, LETOURNEUR Trad. de Clar Harlowe, Lett. 88.
   Ce cheval est tendre à l'éperon, il y est très sensible.
   Il a la bouche tendre, il a la bouche délicate.
   Il est tendre aux mouches, il est extrêmement sensible aux piqûres des mouches.
   Fig. et familièrement. Il est tendre aux mouches, il ne peut supporter les moindres incommodités, et aussi il s'offense des moindres choses.
   En vérité, la vie est triste quand on est aussi tendre aux mouches que je la [le] suis, SÉV. 21 sept. 1675.
   On dit dans le même sens au propre et au figuré : il a la peau tendre.
   Avoir la vue tendre, les yeux tendres, avoir la vue délicate, faible.
   L'âge tendre, la tendre jeunesse, l'enfance, la première jeunesse.
   Nous nous aimions tous deux dès la plus tendre enfance, RAC. Théb. II, 1.
   Qu'as-tu fait de mon fils ? Je te l'ai confié dès l'âge le plus tendre, RAC. Phèdre, v. 6.
   Hippias, d'un âge plus avancé, semblait devoir accabler Télémaque, dont la tendre jeunesse était moins nerveuse, FÉN. Tél. XVI.
   Dès ses plus tendres années, dès son enfance.
   La passion dominante de Thémistocle était l'ambition et l'amour de la gloire, qui parut en lui dès ses plus tendres années, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 134, dans POUGENS.
   Fig. Qui ressent vivement ce qui agit moralement.
   Je crois, monsieur, que vous n'avez pas l'imagination si tendre qu'il vous faille consoler de cela, VOIT. Lett. 35.
   Comme en cette matière il a le cerveau tendre, TH. CORN. Berger extrav. I, 3.
   Je connais votre coeur ; vous devez vous attendre, Que je vais le frapper par l'endroit le plus tendre, RAC. Bérén. III, 3.
   Avoir la conscience tendre, être délicat sur les choses qui intéressent l'honneur.
   Sa pureté [de la langue française] va jusqu'au scrupule, comme celle des personnes qui ont la conscience tendre, et auxquelles l'ombre même du mal fait horreur, BOUHOURS Entret. d'Ar. et d'Eug. 2.
   Qui touche à des intérêts délicats.
   Ce qui rendait la querelle sur les images si vive, et fit que, dans la suite, les gens sensés ne pouvaient pas proposer un culte modéré, c'est qu'elle était liée à des choses bien tendres : il était question de la puissance...., MONTESQ. Rom. 22.
   Fig. Disposé aux sentiments affectueux, et, plus particulièrement, au sentiment de l'amour. Un père tendre. Un tendre amant.
   De bonne fortune pour nous, elle est plus tendre pour ses amis [que pour ses amants], VOIT. Lett. 25.
   Quand je pense que la vie, et principalement la mienne, se passe dans l'éloignement et dans l'inquiétude, je plains ceux qui sont aussi tendres que moi, SÉV. 1er déc. 1679.
   Les hommes sont pour l'ordinaire moins tendres que les femmes, MAINTENON Avis à la duchesse de Bourg..
   Ô Dieux ! à quels tourments mon coeur s'est vu soumis, Voyant des deux côtés ses plus tendres amis !, RAC. Théb. II, 1.
   Vous qui êtes tendre jusqu'à n'oser parler à Idoménée [de votre départ de peur de l'affliger], vous ne serez plus touché de ses peines dès que vous serez sorti de Salente, FÉN. Tél. XXIII.
   Vous connaissez son coeur, il est aussi tendre pour ses amis que terrible pour ses ennemis, VOLT. Jenni, 6.
   Tendre à, avec un infinitif.
   Ils [les premiers chrétiens] sont fermes dans les périls, mais ils sont tendres à aimer leurs frères, BOSSUET 2e sermon, Pentecôte, 2.
   Familièrement. N'être pas tendre, être sévère, rigoureux.
   Quand une fois je m'y mets, je ne suis pas tendre, COMTE DE CAYLUS Hist. de M. Guill. Oeuv. t. x, p. 39, dans POUGENS.
   Qui a le caractère de l'affection.
   Croyons donc avec saint Jean en l'amour d'un Dieu ; la foi nous paraîtra douce en la prenant par un endroit si tendre, BOSSUET Anne de Gonz..
   Dieu ne demande pas aux personnes de son sexe une sublime raison, ni une science fastueuse, mais une dévotion tendre, FLÉCH. Dauphine..
   Rappelez en votre mémoire avec quelle tendre et sensible joie il recueillit ce qu'il avait semé dans l'âme de ce jeune vainqueur [le fils de Louis XIV], FLÉCH. Duc de Mont..
   Oh dieux ! tant de respects, une amitié si tendre, Que de raisons pour moi, si vous pouviez m'entendre !, RAC. Andr. II, 2.
   Nous sommes seuls encor ; hâtez-vous de répandre Des pleurs que vous arrache un intérêt si tendre, RAC. Iphig. I, 5.
   Toujours de vos bontés je vais m'entretenir, Chérir de vos vertus le tendre souvenir, VOLT. Zaïre, II, 2.
   Il se dit particulièrement de l'amour. Un tendre aveu.
   .... J'en vois qui sont faites à pouvoir inspirer de tendres sentiments, MOL. Mis. III, 5.
   Zaïre est la première pièce de théâtre dans laquelle j'aie osé m'abandonner à toute la sensibilité de mon coeur ; c'est la seule tragédie tendre que j'aie faite, VOLT. Zaïre, Lett..
   Que j'aime à triompher de ce tendre embarras !, VOLT. ib. III, 6.
   De cet espoir trop tendre elle était occupée, VOLT. ib. v, 10.
10°   Attendrissant.
   Qui ne serait touché d'un si tendre spectacle ?, CORN. Poly. v, 6.
11°   Qui se laisse facilement aller à.... en bonne et en mauvaise part.
   Vous pensiez bien trouver quelque jeune coquette, Friande de l'intrigue, et tendre à la fleurette, MOL. Éc. des mar. II, 9.
   Vous êtes donc bien tendre à la tentation, MOL. Tart. III, 2.
   Moi qui suis tendre aux larmes, SÉV. 1er juill. 1672.
   Un coeur même tendre pour le bien, MASS. Carême, Mot. de conv..
   J'ai un peu fait le nigaud avec le prince, parce que je suis tendre à la peine d'autrui ; mais le prince est tendre aussi, et il ne dira mot, MARIV. Double inconst. III, 6.
12°   Touchant, gracieux. Le tendre chant des oiseaux.
   Que leurs tendres écrits [de Théocrite et de Virgile] par les Grâces dictés...., BOILEAU Art p. II.
   De cette fleur si tendre et si tôt moissonnée, RAC. Athal. IV, 3.
   Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées, RAC. Esth. I, 1.
   Il commençait à n'avoir plus ces grâces si tendres qui sont comme la fleur de la première jeunesse ; son teint devenait plus brun et moins délicat, ses membres moins mous et plus nerveux, FÉN. Tél. XVII.
   Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, VOLT. Zaïre, II, 3.
   Les Grâces, dont les soins ont élevé Racine, Aiment à répéter ses écrits enchanteurs, Tendres comme leurs yeux, doux comme leurs faveurs, A. CHÉN. Frag. de l'art d'aimer..
   Avoir le son de la voix tendre, un son de voix tendre, avoir le son de la voix touchant et gracieux.
   Enfants, car votre voix est enfantine et tendre, A. CHÉN. l'Aveugle..
   Il me semble déjà dans mon oreille entendre De sa touchante voix l'accent touchant et tendre, LAMART. Jocelyn, Prol..
   En musique, un air tendre, un air touchant, respirant l'amour.
   Que chanteront-ils ?.... je veux quelque chose de tendre et de passionné, MOL. Sicil. 4.
13°   En peinture, touches tendres, coups de pinceau extrêmement délicats.
   Pinceau tendre, pinceau délicat.
   Cette acception a vieilli.
14°   Couleur tendre, couleur délicate, qui ne fatigue pas la vue.
   Le pic que M. Brisson a décrit sous le nom de pic blanc a le plumage du corps d'un jaune tendre, BUFF. Ois. t. XIII, p. 48.
   On le dit, dans le même sens, de la lumière.
   La lumière tendre de la lune adoucit encore la blancheur de leur peau, DIDER. Salon de 1765, Oeuv. t. XIII, p. 17, dans POUGENS.
   Les rideaux des fenêtres n'étaient qu'entr'ouverts ; un jour tendre se glissait dans l'appartement à travers des ondes de pourpre, MARMONTEL Contes mor. Alcib..
   Tu parus au milieu de nous comme un soleil levant, dont la tendre lumière prépare la sérénité d'un beau jour, GRAFFIGNY Lett. péruv. 2.
15°   S. m. Le tendre d'une pierre, dit aussi la moye, la couche tendre qui se trouve dans la pierre.
16°   Fig. Ce qu'il y a d'affectueux, de sensible.
   C'est me faire une plaie au plus tendre de l'âme, MOL. l'Ét. III, 4.
17°   Penchant.
   J'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée, MOL. Préc. 12.
   Familièrement. Tendresse d'amour.
   Elle m'a fait entendre Tant seulement, qu'elle a pour nous du tendre, VOLT. Nanine, I, 2.
   La fille [Ophelia] de cet officier de la couronne, qui avait du tendre pour Hamlet, devient réellement folle, VOLT. Mél. litt. A MM. de l'Acad. franç..
   En termes des romans amoureux du XVIIe siècle, le pays de Tendre, nom allégorique d'un royaume imaginaire, représentant les diverses circonstances d'une intrigue amoureuse.
   Puis bientôt en grande eau sur le fleuve de Tendre Naviguer à souhait, tout dire et tout entendre, BOILEAU Sat. X..
   N'avez-vous jamais vu la carte du Tendre dans Clélie ? je suis pour eux à Tendre sur Enthousiasme, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 18 mai 1772.
18°   Le tendre de tranche, voy. tende.
PROVERBES
   Dieu vous assiste, notre pain est tendre, nos couteaux sont rouillés, nous ne pouvons rien vous donner.
   Jeune femme, pain tendre, bois vert, mettent la maison au désert.
   XIe s.
   Karles respunt : trop avez tendre coer, Ch. de Rol. XXII.
   XIIe s.
   Jamais mes ieuz [je] ne verrai aseuvis De regarder sa bele face tendre, Couci, v.
   XIIIe s.
   Selonc ce qu'ele ert [était] tendre et jeune creature, Berte, XLII.
   XIVe s.
   Icelle femme estoit tendre [délicate] à son enfantement, car elle avoit eu plusieurs de ses enfans morts-nez, DU CANGE abortire..
   XVe s.
   Messire Jean Loustree, qui estoit plus tendre [tranchait plus au vif] en ses paroles que nul des autres, FROISS. II, II, 142.
   L e froid païs de Flandre, Dont le peuple est mouvant, rebelle et tendre [changeant], E. DESCH. Poésies mss. f° 213.
   Adonc parla le mary et dist : Canifre, je vous ay à femme prinse pour le bien que j'ay trouvé en vous ; mais je vous voy trop tendre [légère] ; si allez où bon vous semble ; <, Perceforest, t. IV, f° 113.
   Le cueur est seul, desarmé, nu et tendre, Et les yeulx sont bien armez de plaisirs, CH. D'ORL. Ball. 4.
   Le jouvencel Bouciquaut ne ressembla mie ceulx lesquels, après le grand travail, fuyent tant qu'ils peuvent au repos et aise, si comme font les nouveaux et tendres, Bouciq. I, 9.
   XVIe s.
   ... Ou trompe moy en me faisant entendre Qu'elle a le cueur bien ferme, et, fust-il tendre, MAROT I, 347.
   Ains, Seigneur, viens estendre Sur moi ta pitié tendre, MAROT IV, 235.
   Dez sa tendre enfance, MONT. I, 164.
   Mon ame ahanne en compagnie d'un corps si tendre, si sensible, MONT. I, 165.
   Ne croyez point si par inadvertance il m'eschappe quelque mot qui puisse desplaire ausdits seigneurs, si d'aventure ils estoient tendres des oreilles, M. DU BELL. 228.
   Marius avoit en ce quartier là une fort belle maison, où il y avoit des moyens de delices plus tendres et plus effeminées, qu'il ne sembloit estre convenable à un homme qui...., AMYOT Marius, 10.
   Tendre à pitié, jusques à pleurer facilement, AMYOT Sylla, 64.
   Ces coups de flesches perçoient tout ce qu'ilz rencontroient, autant le dur que le tendre, AMYOT Crassus, 45.
   Tendre affection, AMYOT Sert. 28.
   Trop tendre fait briser ou fendre, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 429.
   C'est mollesse poltronne et delicatesse indigne d'un honneste homme qui nous rend incommodes et desagreables en conversation, et tendres au mal, au cas qu'il faille changer de maniere de faire, CHARRON Sagesse, I, 39.
   Picard, tère ; wallon, teinr ou têr ; bourg. tarre ; provenç. tenre, tendre ; espagn. tierno ; portug. tenro ; ital. tenero ; du lat. tenerum, qui tient sans doute au radical tan, lat. tendere, grec : qui se laisse étendre.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. TENDRE. - HIST.
   XVIe s. Trop tendre fait briser, doit être porté au verbe tendre.
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tendre 2.
(tan-dr'), je tends, tu tends, il tend, nous tendons, vous tendez, ils tendent ; je tendais ; je tendis ; je tendrai ; je tendrais ; tends, qu'il tende, tendons, tendez ; que je tende, que nous tendions ; que je tendisse ; tendant ; tendu, v. a.
   Tirer et bander quelque chose. Tendre les chaînes qui ferment un port. Tendre des toiles pour le sanglier. Tendre des filets. Tendre un ressort.
   De sorte qu'ils [des gens qui bernaient] demeurèrent longtemps en bas tendant la couverture, et regardant en haut, sans se pouvoir imaginer ce que j'étais devenu, VOIT. Lett. 9.
   Un ancien oracle avait ordonné que Formosante ne pourrait appartenir qu'à celui qui tendrait l'arc de Nemrod, VOLT. Princ. de Babyl. I.
   Semblable à l'insecte insidieux qui fabrique ses filets dans l'obscurité, la politique tendit sa toile au milieu de l'Europe, et l'attacha en quelque manière à toutes les cours, RAYNAL Hist. phil. XIX, 3.
   Dans les cieux, à ma voix, la nuit tendra ses voiles, DELILLE Én. IV.
   Absolument. Tendre aux bécasses, aux oiseaux, tendre les filets pour les prendre.
   À la Saint-Jean je tends aux grues, RÉGNIER Ép. III.
   Tendre le jarret, rendre la jambe aussi droite que possible sur la cuisse.
   Comme en dansant le menuet, Vous tendîtes le jarret !, DÉSAUGIERS M. et Mme Denis, chanson..
   Fig.
   Je tendis tous les ressorts de mon esprit pour chercher comment on pouvait guérir d'un polype au coeur, résolu d'entreprendre cette merveilleuse cure, J. J. ROUSS. Confess. VI.
   Fig. Donner trop de tension, mettre les choses au point qu'elles semblent prêtes à se rompre.
   Ce rapport des lois avec ce principe tend tous les ressorts du gouvernement, MONTESQ. Esp. v, 1.
   On dit dans un sens analogue : Cela tendit la situation.
   Tendre une tente, l'établir, la dresser. Il fit tendre son pavillon.
   On dit dans un sens analogue : tendre un lit.
   Hé bien donc, dit Julie, qu'on lui tende un petit lit dans ma chambre, J. J. ROUSS. Hél. VI, 11.
   Tendre un piége, le disposer pour qu'un animal puisse s'y prendre.
   Ils ont voulu me faire périr dans le piége qu'ils m'ont tendu en secret, SACI Bible, Psaum. XXXIV, 7.
   Il se dit de toute espèce de piéges, même de ceux dont on ne tend aucune partie. Tendre une souricière. Tendre des gluaux.
   Fig. Tendre un piége, un panneau à quelqu'un, chercher à abuser, à tromper quelqu'un.
   Tendre à l'innocence les piéges les plus inévitables du péché, BOURDAL. Pénitence, 2e avent, p. 268.
   Un traître y tend pour vous un piége inévitable, VOLT. Sémiram. v, 4.
   On dit aussi : tendre des embûches.
   Mercure tendit des embûches à Prométhée, le surprit, et le jeta dans le fond d'un cachot, DIDER. Opin. des anc. phil. (Grecs)..
   Tapisser. Tendre une pièce, un appartement. L'église était tendue de noir.
   Enfin le pauvre homme eut beau faire, il fut convaincu d'être mort, on tendit sa porte de noir, et on vint pour l'enterrer, VOLT. Lett. Fischer, 5 avr. 1768.
   Absolument. Ce jour-là on tend dans toutes les rues.
   Présenter en avançant. Tendre les mains aux chaînes. Tendre son chapeau pour recevoir quelque chose. Tendre la joue. Tendre les mains au ciel, vers le ciel.
   Laisse à de lâches coeurs verser d'indignes larmes, Tendre aux tyrans les mains et mettre bas les armes ; Toi, tends la gorge au fer, vois-en couler ton sang, Et meurs sans t'ébranler, debout et dans ton rang, ROTROU Saint-Genest, II, 2.
   Je saurai, s'il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente, RAC. Iphig. IV, 4.
   À peu de distance suivaient ses enfants [de Persée mené en triomphe à Rome] avec leurs gouverneurs, leurs précepteurs et tous les officiers de leur maison, qui, fondant tous en larmes, tendaient leurs mains au peuple, ROLLIN Hist. anc Oeuv. t. IX, p. 163, dans POUGENS.
   Il tend en souriant un morceau de son pain à une vache blanche qui s'avance vers lui, DIDER. Salon de 1767. Oeuv. t. XIV, p. 499, dans POUGENS.
   L'un tend ses petits bras au papillon qui vole, DELILLE Imag. III.
   Mais il [un aveugle] entend leurs pas, prête l'oreille, espère, Se trouble, et tend déjà les mains à la prière, A. CHÉN. l'Aveugle..
   Fig.
   En réclamant son titre de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il [Voltaire] tendait lui-même le bout de la chaîne avec lequel on l'aurait attaché si on avait voulu, MARMONTEL Mém. v..
   Tendre la main, avancer la main en signe d'amitié.
   Septime se présente, et, lui tendant la main, Le salue empereur en langage romain, CORN. Pomp. II, 2.
   Tendre la main, demander l'aumône.
   Est-ce à un homme qui a servi vingt ans sa patrie, qui s'est retiré couvert de blessures, et qui depuis n'a cessé de travailler sans relâche, est-ce à lui de tendre la main ?, MARMONTEL Cont. mor. Lauret..
   J'ai moi-même été pauvre et j'ai tendu la main, A. CHÉN. Idylles, le Mendiant..
   On le dit, par extension, de celui qui mendie des places, des grâces.
   Cette façon de demander harmonieusement l'aumône, commence, si je ne me trompe, à Pindare ; on ne peut tendre la main plus emphatiquement, VOLT. Dict. phil. Flatterie..
   Fig. Tendre la main, se reconnaître vaincu, demander la paix.
   Et dans ce triste état il faut que les Romains Ou nous tendent la gorge ou nous tendent les mains, DU RYER Scévole, III, 2.
   Fig. Tendre la main à quelqu'un, lui offrir du secours, le secourir.
   Elle courut lui tendre une main favorable, RAC. Bajaz. I, 4.
   Si tout dresse des piéges à la jeunesse des rois, tout leur tend les mains aussi pour leur aider à les éviter, MASS. Pet. carême, Malh. des gr..
   Ma famille me persécute ; on ne me tend la main dans mon désastre que pour me déshonorer, VOLT. Ingénu, 17.
   Maître des nations, tendez la main à Cérès [favorisez l'agriculture], relevez ses autels, DIDER. Salon de 1767, Oeuv. t. XIV, p. 163, dans POUGENS.
   C'est en France, dans le pays de la politesse, des sciences, des arts, du bon goût, de la philosophie, qu'on nous persécute [nous encyclopédistes] ! et c'est du fond des contrées barbares et glacées du Nord qu'on nous tend la main, DIDER. Lett. à Mlle Voland, 3 oct. 1762.
   Fig. Tendre la main, faire signe de venir i nous.
   Saint Paul tend les mains aux gentils, BOSSUET Hist. II, 7.
   Tendre les bras, les ouvrir pour recevoir quelqu'un.
   Mon fils n'est plus ? hé quoi ! quand je lui tends les bras, Les dieux impatients ont hâté son trépas ?, RAC. Phèdre, v, 6.
   Fig.
   Si nous voulons servir, Sylla nous tend les bras, CORN. Sertor. I, 1.
   Un tel homme, dégagé du siècle, qui a mis toute son espérance en la vie future, voyant approcher la mort, ne la nomme ni cruelle ni inexorable ; au contraire il lui tend les bras, BOSSUET Bourgoing..
   Voilà, lui dit-il, la Sicile qui nous tend les bras, et vous savez de quelle importance est cette île, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 365, dans POUGENS.
   Dans un sens tout différent, tendre les bras à ou vers..., implorer du secours.
   Le pape, à qui il [Charles Martel] était nécessaire, lui tendait les bras, MONTESQ. Esp. XXXI, 11.
   Avancer trop, en parlant de certaines parties du corps. Cette personne tend le cou, tend le ventre.
   Faut-il tendre toujours le dos, quand vous marchez ? Présentez mieux la gorge et baissez cette épaule, REGNARD Distr. I, 4.
   Terme de manége. Tendre le nez, porter le nez au vent, en parlant du cheval.
   Terme d'escrime. Se dit absolument pour allonger le bras raide, au lieu de parer les coups, afin de blesser son adversaire, au risque d'être blessé soi-même.
   V. n. Aller vers (ce sens neutre dérive du latin qui a dit tendere gressum, et, absolument, tendere, diriger ses pas).
   Il [l'arc-en-ciel] ne procède que de la façon que les rayons de la lumière agissent contre ces gouttes [d'eau], et de là tendent vers nos yeux, DESC. Météor. 8.
   Où tend Mascarille à cette heure ?, MOL. le Dép. I, 4.
   C'étaient de toutes parts des bruits confus de gens.... qui couraient sans savoir où tendaient leurs pas, FÉN. Tél. I.
   L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas, VOLT. Rem. Pens. Pasc. 23.
   Où tend ce tourbillon rapide, Et quel conducteur intrépide Vole sur un char lumineux ?, MALFIL. Ode, Élie aux cieux..
   Je vois bien que vous tendez vers le nord, que vous allez m'y conduire sans que je m'en aperçoive, BAILLY Atlantide, p. 412.
   Fig. C'est un homme qui tend à ses fins, il va constamment, avec adresse, vers le but qu'il s'est proposé.
   Aboutir. Où tend ce chemin-là ?
   Cette maladie tend à la mort, elle est mortelle.
   Le malade tend à sa fin, il est bien près de sa fin.
   Terme de mécanique. Avoir une tendance vers.
   M. Huyghens avait prouvé que, selon Descartes, les corps pesants auraient dû tendre, non au centre de la terre comme ils y tendent toujours, mais à différents points de l'axe de la terre, FONT. Saurin..
   Fig.
   C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir, J. J. ROUSS. Contr. soc. II, 11.
10°   Fig. Avoir un but, un terme.
   À quelque heureuse fin que tendent ses projets, Jamais il [un roi] ne fait rien au gré de ses sujets, ROTROU Vencesl. I, 1.
   L'autre vit où tendait cette feinte aventure ; If rendit le fer au marchand, Qui lui rendit sa géniture, LA FONT. Fabl. IX, 1.
   Pour moi, je crois qu'au ciel tendent tous vos soupirs, Et que rien ici-bas n'arrête vos désirs, MOL. Tart. III, 3.
   La fausse gloire ne le tentait pas, tout tendait au vrai et au grand, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Les livres sacrés des Romains.... ont péri par les mains des Romains mêmes, et le sénat les fit brûler comme tendant à renverser la religion, BOSSUET Hist. II, 13.
   Je ne sais quelle disposition inquiète et vague au plaisir des sens, qui ne tend à rien et qui tend à tout, BOSSUET Comédie, 8.
   Nous passons notre vie à tendre au bien et à faire le mal, MAINTENON Lettre à Mme de Glapion, 3 mars 1703.
   Le trône où vous tendez, RAC. Théb. I, 5 (locution blâmée, à tort, par L. Racine)..
   Où tendait ce discours qui m'a glacé d'effroi ?, RAC. Phèdre, III, 6.
   Le métier et l'exercice des Lacédémoniens était la guerre ; tout tendait là chez eux, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. II, p. 529, dans POUGENS.
   Peu occupé des grâces légères du discours, et quelquefois même négligeant les règles gênantes de la pureté du langage, il [Bossuet] tend au grand, au sublime, au pathétique, ROLLIN Traité des Ét. III, 2.
   Tout animal est toujours entraîné par un instinct invincible à tout ce qui peut tendre à sa conservation, VOLT. Traité de métaph. 8.
   Tout ce qui peut tendre à établir la tolérance chez les hommes, doit être protégé bien fortement par vous, VOLT. Lett. d'Argental, 27 févr. 1769.
   Le talent d'un esprit fin, c'est de persuader qu'il ne tend pas à l'être ; et cet artifice est au comble, quand la finesse a l'air de la naïveté, MARMONTEL Oeuv. t. VII, p. 465.
11°   Se tendre, v. réfl. Être tendu. Ce papier se tend mal. La peau s'est tendue.
   Ici, du haut des monts une colonne d'eau Se précipite en masse, ou se tend en rideau, DELILLE Trois règ. III.
PROVERBE Il vaut mieux tendre la main que le cou (MONTLUC, la Comédie des proverbes, III, 6), il vaut mieux demander l'aumône que voler et se mettre en danger d'être pendu.
   XIe s.
   Li empereres tent ses mains envers Deu, Ch. de Rol. IX.
   Dunez li l'arc que vos avez tendut, ib. LX.
   XIIe s.
   Lors me souvient d'une douce dolour Et du douz lieu où mes cuers [mon coeur] tent et bée, Couci, XVII.
   E li sainz comença mot à mot à prover Où li reis par ces leis voleit tendre e aler, Th. le mart. 57.
   Tu qui es si crual e fier, Orrible et faus e miserin, Tens si chascon jor à tafin, BENOÎT II, 6274.
   XIIIe s.
   Et s'escrierent tuit à une vois et tendant leurs mains en haut, VILLEH. XVII.
   Je croi qu'à moi requerre [ils] ont mout petit tendu, Berte, LI.
   Et alla tant par mer et par terre, que il vinst à Orliens où li rois Philippes estoit, et li tendi la lettre, sans saluer, Chr. de Rains, p. 59.
   Car tout ainsi comme uns homs tent Un oisel pour autre oisel prendre, Tout autressi convient-il tendre S'amour pour autre amour avoir, Bl. et Jeh. 3303.
   Et s'à povreté le voit tendre, Il ne doit mie tant atendre Que cil s'aïde li requiere, la Rose, 4725.
   Li clerc tendi s'arbalestre, et traït, et en feri lui parmi le coeur, JOINV. 209.
   Miels [mieux] vous venist avoir tendu [des filets] Ou as biches ou as coulons, Fabliaux mss. p. 339, dans LACURNE.
   XIVe s.
   Puis après il [les nerfs optiques] se dessevrent [séparent], et tent chascun à sa propre partie, H. DE MONDEVILLE f° 17.
   Car puis c'uns hons en femme voet mettre son argu, Ains devendroit diables avoecques Bregibu [Belzébuth], Qu'il n'en vigne à s'entente ; mais tels i a tendu Qui i a esté pris...., Baud. de Seb. VIII, 514.
   XVe s.
   C'est la fin que medecins tendent toujours que avoir grands salaires et profits des seigneurs et des dames, de ceux et celles qu'ils visitent, FROISS. III, IV, 30.
   Ne vous chaille de tendre à amasser, Mais ne pensez qu'à mener bone vie, E. DESCH. Poésies mss. f° 35.
   ... le saige homme Par son sens et par sa clergie Qui sçara l'art d'astronomie, Et qui tend jusques làses voiles...., E. DESCH. ib. f° 471.
   Si n'y ot cely qui ne tendist les oreilles, et qui ne meist toute son entente à l'escouter, J. CHASTEL. Chr. du duc Philippe, ch. 7.
   XVIe s.
   Or en mon chemin je trovay ung compaignon qui tendoyt aux pigeons, RAB. Pant. II, 32.
   Leur pied mesme s'est venu prendre Au filé qu'ils ont osé tendre, MAROT IV, 243.
   La raison doibt tendre en somme à nous faire bien vivre, MONT. I, 69.
   Un manteau en escharpe, un bas mal tendu, MONT. I, 192.
   Cettuy cy se peine, se roidit et se tend, pour...., MONT. II, 105.
   Ils faisoient tendre cette immense capacité de voiles de pourpre, MONT. IV, 14.
   Aegeus lui ordonna qu'à son retour il tendist la voile blanche, si son filz estoit eschappé, AMYOT Thés. 20.
   Pirithous, tendant le premier la main à Theseus, luy dit, AMYOT ib. 38.
   Ce n'estoit pas la fin ny le but auquel tendoit Lycurgus, que de laisser sa cité commandant à plusieurs, AMYOT Lyc. 65.
   Il ne feit que tendre et roidir davantage son austerité naturelle, AMYOT Sylla, 64.
   Plus justice n'estoit aux hommes familiere Comme elle souloit estre, et ne vouloit hanter Le peuple qui desjà tendoit à se gaster, RONS. 870.
   Qui à aise tend, aise luy faut, COTGRAVE .
   Wallon, taind, tendre des filets ; provenç. tendre ; espagn. tender ; ital. tendere ; du lat. tendere ; gaél. teann ; bas-bret. tenna ; sanscr. tana.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • tendre — Tendre, ou estendre, Tendere, Contendere, Intendere. Tendre au devant, Praepandere, Obtendere, Praetendere. Tendre sa main au devant et taster, Praetentare. Tendre le voile au devant, Obducere velum. Tendre son giron, Expandere sinum. Le tout… …   Thresor de la langue françoyse

  • Tendre — Ten dre, n. [F.] Tender feeling or fondness; affection. You poor friendless creatures are always having some foolish tendre. Thackeray. [Webster 1913 Suppl.] …   The Collaborative International Dictionary of English

  • Tendre — (fr., spr. Tangd r), 1) zart, zärtlich; 2) weich, mild, sanft, lieblich; 3) mürbe. Davon Tendresse, Zärtlichkeit, zärtliche Zuneigung …   Pierer's Universal-Lexikon

  • Tendre — (franz., spr. tangdr ), zart, empfindlich; als Substantiv soviel wie Vorliebe, zärtliche Schwäche für etwas; Tendresse, Zärtlichkeit, zärtliche Zuneigung …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Tendre — (tangdr), frz., zart, zärtlich; tendresse, Zärtlichkeit …   Herders Conversations-Lexikon

  • tendre — 1. tendre [ tɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 41> • 980; lat. tendere I ♦ V. tr. 1 ♦ Soumettre (une chose souple ou élastique) à une tension, une traction et la rendre droite. ⇒ bander, raidir. Tendre une chaîne, un élastique. Tendre un arc. Tendre …   Encyclopédie Universelle

  • tendre — I. TENDRE. adj. de tout genre. Qui est facile à couper, à penetrer par le fer, ou par quelque autre chose de semblable, Il est opposé à Dur. Du bois extremément tendre. le sapin, le saule, & le peuplier sont bois tendres. bastir de pierres… …   Dictionnaire de l'Académie française

  • TENDRE — adj. des deux genres Qui peut être aisément coupé, divisé : il est opposé à Dur. Du bois extrêmement tendre. Le sapin, le saule et le peuplier sont des bois tendres. Bâtir de pierres tendres, avec des pierres tendres. Parmi les pierres précieuses …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • TENDRE — adj. des deux genres Qui peut être aisément entamé; il est opposé à Dur. Du bois extrêmement tendre. Le sapin, le saule et le peuplier sont des bois tendres. Bâtir avec des pierres tendres. Parmi les pierres précieuses, il y en a de tendres et de …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • TENDRE — v. a. ( Je tends, tu tends, il tend ; nous tendons, vous tendez, ils tendent. Je tendais. J ai tendu. Je tendis. Je tendrai. Je tendrais. Tends. Que je tende. Que je tendisse. Tendant. ) Tirer et bander quelque chose, comme une corde, un arc, etc …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

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