parler

parler
parler 1.
(par-lé) v. n.
1°   Articuler des mots, prononcer des paroles.
2°   Il se dit des oiseaux imitant la voix humaine.
3°   S'exprimer.
4°   Discourir, s'énoncer par le discours, causer.
5°   Parler que, au sens de dire.
6°   Parler à, adresser la parole à.
7°   Parler de, prononcer des paroles relatives à.
8°   Se parler, se dit de personnes qui ont des entretiens ensemble, ou d'une personne qui s'adresse la parole à elle-même.
9°   Plaider.
10°   Parler bien, parler mal, dire du bien, du mal.
11°   Parler pour, parler contre, parler de manière à servir, à nuire.
12°   Expliquer ses sentiments, ses opinions, sa volonté.
13°   Faire connaître quelque chose qui devrait être tu.
14°   Recommander, appuyer.
15°   Faire des propositions, et, particulièrement, des propositions d'argent.
16°   Parler se dit des bruits qui courent dans le monde.
17°   Fig. Manifester ses sentiments par un autre moyen que la parole.
18°   Il se dit des choses inanimées qui ont ou qui semblent avoir un langage.
19°   Expliquer sa pensée par écrit.
20°   Il se dit de ce qui est exprimé dans un écrit.
21°   Résonner, en parlant d'instruments.
22°   Aboyer, en vénerie.
23°   Au jeu, dire ce que l'on veut faire.
24°   Faire parler.
25°   V. a. Dire, prononcer.
26°   S'exprimer en un langage.
27°   S'entretenir de.
28°   Au passif et impersonnellement.
29°   V. réfl. Se parler, être parlé.
30°   Généralement parlant. Humainement parlant.
31°   Sans parler de.
   Articuler des mots, prononcer des paroles. Ce malade est à l'extrémité, il ne parle plus. Parler du nez.
   Il veut parler, l'écorce a sa langue pressée, LA FONT. Philém. et Baucis..
   Les jardins parlent peu si ce n'est dans mon livre, LA FONT. Fabl. VIII, 10.
   Qu'importe comme ils parlent, pourvu qu'ils me disent ce que je veux savoir ?, MOL. Pourc. II, 12.
   Il [la Fontaine] fait parler les animaux, les arbres, les pierres, tout ce qui ne parle point, LA BRUY. XII.
   Du langage c'est abuser Que de parler pour ne rien dire, LA MOTTE Fabl. III, 8.
   Les femmes ordinairement parlent mieux que les hommes ; si l'on en croit Cicéron, cela vient de ce qu'étant moins répandues, elles conservent plus fidèlement l'accent d'une bonne éducation, et risquent moins de le corrompre par un accent étranger, D'OLIVET Prosodie franç. art. 5.
   On remarque que ceux [enfants] qui commencent à parler fort tard, ne parlent jamais aussi aisément que les autres ; ceux qui parlent de bonne heure sont en état d'apprendre à lire avant trois ans, BUFF. Hist. nat. Oeuv. t. IV, p. 220.
   Le plus grand effort d'esprit est peut-être celui que nous faisons en apprenant à parler, D'ALEMB. Élém. de philos. ch. 13.
   Son regard ne voit qu'à peine, Et sa voix [d'un enfant] ne parle pas, V. HUGO Odes, I, 9.
   Parler du haut de la tête, parler d'un ton de voix très aigu.
   On a dit parler du crâne et à la petite octave, dans le même sens.
   Elle ne parle pas du crâne et à la petite octave, GRIMM Correspond. t. I, p. 182.
   Parler haut, parler bas, parler à haute voix, à voix basse.
   Parle bas ; tu viens m'ébranler tout le cerveau, et tu ne songes pas qu'il ne faut point parler si haut à des malades, MOL. Mal. imag. II, 2.
   Fig. Parler haut, parler sans ménagement, avec insolence. Il parle bien haut, mais on le fera baisser de ton.
   Parler ferme, parler avec fermeté, roideur.
   Vous me parlez bien ferme, et cette suffisance...., MOL. Mis. I, 2.
   Parler à l'oreille de quelqu'un, mettre sa bouche près de l'oreille de quelqu'un et lui parler bas.
   Fig.
   La doctrine ancienne, qui, selon l'oracle de l'Évangile, doit être prêchée jusque sur les toits, pouvait à peine parler à l'oreille, BOSSUET Reine d'Angl..
   Fig. et familièrement. Parler la bouche ouverte, s'exprimer franchement.
   Je vous y parlerai la bouche ouverte, Mme DU DEFFANT Lett. à Hor. Walpole, t. III, p. 307, dans POUGENS.
   Dame, je parle, moi, comme saint Paul, la bouche ouverte, COMTE DE CAYLUS (GROSLEY), les Écosseuses, Oeuv. t. x, p. 569, dans POUGENS..
   Familièrement. Parlez donc, sorte d'interpellation qu'on emploie pour demander compte de quelque chose à quelqu'un. Parlez donc, n'avez-vous pas vu le livre que je cherche ?
   Fig. Il sait ce que parler veut dire, c'est-à-dire il entend à demi-mot, il comprend les intentions, les explications, les menaces, etc. il ne se fait pas dire deux fois la même chose.
   Il se dit des oiseaux qui imitent la voix humaine. Ce perroquet parle très bien.
   Le vulgaire croit qu'on enseigne aux bêtes à parler : il ne sait pas que parler c'est lier les idées à des signes arbitraires qui les représentent, BONNET Contempl. nat. XII, 33.
   Parler comme un perroquet, parler sans savoir ce qu'on dit, et aussi parler d'après autrui.
   S'exprimer.
   Il condamne toutes nos expressions élevées, et prétend que nous parlions toujours terre à terre !, MOL. Impromptu, 3.
   Vous me trouvez bon visage et vous désirez de m'en féliciter ; dites je vous trouve bon visage : mais, répondez-vous, cela est bien uni et bien clair, et d'ailleurs qui ne pourrait pas en dire autant ? qu'importe, Acis, est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ?, LA BRUY. v..
   Pour ainsi parler, locution usitée pour adoucir une expression trop forte, trop figurée.
   Par les soins d'un si grand roi [Louis XIV], la France entière n'est plus, pour ainsi parler, qu'une seule forteresse qui montre de tous côtés un front redoutable, BOSSUET Mar.-Thér..
   Pour parler avec, expression employée quand on cite quelque écrivain considérable, quelque autorité. Pour parler avec Montaigne.
   Discourir, s'énoncer par le discours, causer. Parler en public. Parler sur des matières difficiles.
   Quand une personne qui parle beaucoup se rencontre tête à tête avec une autre qui ne parle guère, et qui ne lui répond pas, elle en parle davantage, SCARR. Rom. com. II, 10.
   Il est bon de parler, et meilleur de se taire ; Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés, LA FONT. Fabl. VIII, 10.
   D'un langage nouveau J'ai fait parler le loup, et répondre l'agneau, LA FONT. ib. II, 1.
   Il brûle de parler, bien plus que nous d'entendre, MOL. Mélic. I, 3.
   Il y en a qui parlent bien et qui n'écrivent pas bien ; c'est que le lieu, l'assistance les échauffent, et tirent de leur esprit plus qu'ils n'y trouvent sans cette chaleur, PASCAL Pensées, VII, 6, édit. HAVET..
   La noblesse de ses expressions [de Louis XIV] vient de celle de ses sentiments.... pendant qu'il parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les coeurs, BOSSUET Mar.-Thér..
   Il y a des gens qui parlent un moment avant que d'avoir pensé, LA BRUY. v..
   Avec les gens qui par finesse écoutent tout et parlent peu, parlez encore moins ; ou, si vous parlez beaucoup, dites peu de chose, LA BRUY. VIII.
   Il pense et il parle tout à la fois ; mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense ; aussi ne parle-t-il guère conséquemment et avec suite, LA BRUY. XI.
   Elle a trouvé moyen de parler longtemps sans rien dire, et elle vous a engagé à lui expliquer tout ce qu'elle désire savoir, FÉN. Tél. IV.
   Il avait de plus une grande facilité naturelle de parler, à laquelle il joignait le rare mérite de n'en abuser jamais, FONTEN. Dodart..
   Généralement, les gens qui savent peu parlent beaucoup, et les gens qui savent beaucoup parlent peu, J. J. ROUSS. Ém. IV.
   Parler beaucoup et bien, disait-il, est d'un bel esprit ; peu et bien, d'un sage ; beaucoup et mal, d'un fat ; peu et mal, d'un sot, D'ALEMB. Éloges, Terrasson..
   Penser devient un art, et cet art est l'art de parler, CONDIL. Gramm. Disc. prél. Oeuv. t. v, p. XL..
   Il n'y a que pour lui à parler, se dit d'une personne qui, dans une conversation, garde constamment la parole.
   Nous allâmes chez la reine ; j'étais avec Mme de Chaulnes ; il n'y eut que pour moi à parler, SÉV. 27 janv. 1674.
   Vous qui parlez, se dit à quelqu'un pour lui faire quelque avertissement, quelque reproche.
   Non, ce n'est pas moi qui ne réponds point aux articles des lettres, c'est vous, vous qui parlez, VOLT. Lett. d'Argent. 16 févr. 1761.
   Mais vous qui parlez, il s'en faut bien que vous soyez disculpée auprès de moi pour ce chapitre, J. J. ROUSS. Corresp. t. I, p. 74, dans POUGENS.
   Par menace. Je lui apprendrai à parler, je saurai le forcer de parler avec plus de retenue.
   Parler en public, tenir un discours devant une assistance nombreuse.
   Voilà la seule fois de ma vie que j'aie parlé en public et devant un souverain, et la seule fois aussi peut-être que j'aie parlé hardiment et bien, J. J. ROUSS. Confess. IV.
   Parler comme un livre, voy. livre 1, n° 4.
   Parler pour parler, parler sans avoir rien à dire.
   Parler légèrement, parler sans être suffisamment informé, et aussi sans mesurer suffisamment ses paroles.
   Parler au hasard, parler sans réflexion, parler de ce qu'on ne sait pas bien.
   Parler avec passion, dire des choses que la passion suggère.
   Parler en maître, parler en qualité de maître ou comme ferait un maître.
   C'est à vous d'en sortir, vous qui parlez en maître ; La maison m'appartient, je le ferai connaître, MOL. Tart. IV, 7.
   Élie aux éléments parlant en souverain, RAC. Ath. I, 1.
   Ils [ces murs].... ne s'attendaient pas, lorsqu'ils nous virent naître, Qu'un jour Domitius me dût parler en maître, RAC. Brit. III, 8.
   Parler d'or, voy. or 2.
   Parler d'abondance, parler sans être préparé, ou du moins sans réciter de mémoire.
   Parler d'abondance de coeur, parler avec épanchement, avec une pleine confiance.
   Parler le coeur dans la main, parler à coeur ouvert, parler sincèrement, avec une entière franchise.
   Parler sur-le-champ, s'est dit autrefois pour improviser.
   Vous n'allez entendre chanter que de la prose cadencée ou des manières de vers libres, tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver à deux personnes qui disent les choses d'eux-mêmes et parlent sur-le-champ, MOL. Mal. im. II, 6.
Parler bien, parler avec élégance et pureté.
   C'est une grande misère que de n'avoir pas assez d'esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire, LA BRUY. V.
   Parler mal, parler sans élégance, ni correction.
   On dit dans le même sens : ne savoir pas parler.
   Parler juste, raisonner et s'exprimer avec justesse.
   Parler en l'air, parler sans attacher d'importance à ce que l'on dit, ou sans bons renseignements.
   Jésus-Christ ne parle pas en l'air, à Dieu ne plaise : il adresse manifestement sa parole à ceux qui enseignent et qui administrent les sacrements, BOSSUET 2e instr. past. 37.
   Parler à bâtons rompus, parler sans ordre et sans suite.
   Parler à tort et à travers, parler sans discernement.
   C'est un homme.... qui parle à tort et à travers de toutes choses, MOL. Bourg. gent. I, 1.
   Parler que, au sens de dire, avec un verbe suivant subordonné.
   Vous avez ouï parler que ce monsieur Oronte a une fille ?, MOL. Pourc. II, 4.
   Il [le prince d'Orange] fut surpris, comme s'il n'avait pas ouï parler qu'il y eût une armée en Flandre, SÉV. 25 août 1677.
   Vous me parlez dans votre lettre, ma bonne, qu'il faudra songer aux moyens de vous envoyer votre fille, SÉV. 29 juill. 1671.
   Parler de, avec le verbe à l'infinitif, dire, annoncer vaguement que.... Il parle de se marier.
   Oui, oui, j'ai su que ce traître d'amant Parle de m'obtenir par un enlèvement, MOL. Éc. des mar. II, 11.
   Parler à, adresser la parole à.
   Il est ce que tu dis, s'il embrasse leur foi ; Mais il est mon époux, et tu parles à moi, CORN. Poly. III, 2.
   Je dis que voilà un homme qui veut parler à vous, MOL. Mal. imag. II, 2.
   Qui sait parler aux rois, c'est peut-être où se termine toute la prudence et toute la souplesse du courtisan, LA BRUY. VIII.
   Enseignez premièrement aux enfants à parler aux hommes ; ils sauront bien parler aux femmes quand il faudra, J. J. ROUSS. Ém. I.
   Apprenez à ne point oublier à qui vous parlez, et qui vous êtes, GENLIS Théât. d'éduc. le Vrai sage, II, 5.
   Il vaudrait autant parler à un sourd, se dit de quelqu'un que l'on désespère de persuader.
   Ne pas louer son siècle est parler à des sourds, LA FONT. Épître à Huet..
   Fig. Parler à un mur, aux rochers, parler à des gens que rien ne touche.
   Parler à cheval à quelqu'un, lui parler avec emportement, avec empire.
   Je n'ai trouvé personne à qui parler dans cette maison, tout le monde était sorti, je n'y ai rencontré personne.
   Ah ! ah ! voici une drôle de maison ; on ne trouve personne à qui parler, DANCOURT les Agioteurs, III, 9.
   Je n'ai pu trouver à qui parler dans cette société, dans ce salon, je n'y ai rencontré personne de connaissance.
   Fig. Trouver à qui parler, rencontrer une personne qui nous comprenne, qui nous convienne.
   Quand on pense aussi agréablement que vous, il est doux d'avoir quelqu'un à qui parler, qui vous entende, BUSSY-RABUTIN Lett. t. III, p. 92, dans POUGENS.
   Ironiquement. Trouver à qui parler, trouver des gens qui vous tiennent tête.
   Parbleu ! il trouva à qui parler, MOL. Pourc. I, 6.
   Moi qui vous parle, se dit pour appeler l'attention.
   C'est tout ce que je puis faire, moi qui vous parle, SÉV. 16 avr. 1670.
   Fig. Parler à son bonnet, se parler à soi-même, parler sans adresser la parole à personne.
   Harpagon : Je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela. - La Flèche : Je parle.... je parle à mon bonnet, MOL. l'Avare, I, 3.
   Fig. J'ai bien parlé à sa barrette, je l'ai réprimandé vertement.
   Et moi, je pourrais bien parler à ta barrette, MOL. l'Avare, I, 3.
   Fig. Parler des grosses dents à quelqu'un, le réprimander, lui parler avec menace.
   Parler à, avec un nom de chose pour régime, parler de manière à exercer une action sur cette chose.
   Tâchons de parler à la fois aux yeux, aux oreilles et à l'âme ; on critiquera, mais ce sera en pleurant, VOLT. Lett. d'Argental, 4 avr. 1764.
   Parlons à l'intérêt, semons, prodiguons l'or, LAFOSSE Marius à Mint. I, 3.
   La sainteté de l'Évangile parle à mon coeur, J. J. ROUSS. Ém. IV.
   Parler au coeur, à l'imagination, aux passions, parler de manière à intéresser le coeur, à plaire à l'imagination, à exciter les passions.
   C'est peu de charmer l'oeil, il faut parler au coeur, DELILLE Jard. I.
   Fig. Dieu parle au coeur des pécheurs, c'est-à-dire il leur envoie de saintes inspirations, il leur donne de bons mouvements.
   Fig. Cet adagio parle au coeur. Ce tableau ne parle qu'aux yeux.
   Parler de, prononcer des paroles relatives à.
   Que parlez-vous, seigneur, de tête et de tyran ?, CORN. Sertor. IV, 3.
   Est-ce que vous croyez que je veux parler de vous ?, MOL. l'Avare, I, 3.
   On parle fort du mariage de Bavière, SÉV. 382.
   Il serait superflu de parler au long de la glorieuse naissance de cette princesse, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Boileau.... Qui mit à tout blâmer son étude et sa gloire, A pourtant de ce roi parlé comme l'histoire, BOILEAU Ép. I.
   Que parlez-vous de Rome et de son alliance ? Pourquoi tout ce discours et cette défiance ?, RAC. Mithr. I, 3.
   Ils parlent de guerre à un homme de robe, et de politique à un financier, LA BRUY. IX..
   Un homme vain trouve son compte à dire du bien ou du mal de soi ; un homme modeste ne parle point de soi, LA BRUY. XI.
   Ce concile, ce jugement et surtout le président du concile indignèrent toute la France ; et au bout de deux jours on n'en parla plus, VOLT. Louis XIV, 37.
   Elle répondit avec douceur et avec cette brièveté qui est de si bon goût, lorsqu'on est forcé de parler de soi, GENLIS Voeux téméraires, t. I, p. 136, dans POUGENS.
   Parler de la pluie et du beau temps, s'entretenir de choses indifférentes.
   Il en parle bien à son aise, se dit quand quelqu'un, à l'abri des inconvénients de la chose dont on parle, conseille ou excite.
   Vous en parlez fort à votre aise ; et le métier de plaisant n'est pas comme celui d'astrologue, MOL. Am. magn. I, 2.
   Il en parle comme un aveugle des couleurs, c'est-à-dire il se mêle de parler de choses dont il n'a aucune connaissance.
   Il en parle en maître, c'est-à-dire il parle sur une matière qu'il possède à fond ; il en parle en écolier, il n'a qu'une connaissance superficielle de ce dont il parle.
   Familièrement. Ce que j'en dis n'est pas que j'en parle, c'est-à-dire ne faites pas attention à mes paroles, je parle en l'air.
   Ce que j'en dis n'est pas que j'en parle, DANCOURT Retour des officiers, sc. 1.
   Cela ne vaut pas la peine d'en parler, se dit des choses peu importantes.
   Ironiquement, cela ne vaut pas la peine d'en parler, se dit aussi pour relever l'importance de la chose dont on parle. Il lui a volé cent mille francs, cela ne vaut pas la peine d'en parler, qu'on en parle, ce n'est pas la peine d'en parler.
   Monsieur mon frère aîné, car, Dieu merci, vous l'êtes D'une vingtaine d'ans, à ne rien vous céler, Et cela ne vaut pas la peine d'en parler, MOL. Éc. des mar. I, 1.
   Ne m'en parlez pas, ne me parlez pas de cette affaire, c'est-à-dire ne me mettez pas sur ce chapitre.
   Ne me parlez pas d'un tel, ne dites pas qu'on puisse compter sur lui.
   Protégés, protecteurs, au dessert ne font qu'un : Mais ne me parlez pas d'un protecteur à jeun, C. DELAV. Éc. des vieill. I, 5.
   Dans un sens affirmatif et laudatif.
   Il y a plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art, MOL. B. gent. I, 1.
   Parlez-moi de.... se dit pour vanter.
   Parlez-moi de ces oncles et de ces pères-là, plutôt que de ceux qui dévorent leur patrimoine pour prévenir leurs héritiers, LESAGE Estev. Gonz. ch. 30.
   Peste ! comme l'utilité vous a bientôt rapproché les distances ! parlez-moi des gens passionnés !, BEAUMARCH. Barb. de Sév. I, 4.
   Se parler, se dit de personnes qui ont des entretiens ensemble.
   Il est vrai qu'elle et moi nous nous sommes parlé des yeux, MOL. Sicil. 3.
   Cependant voulez-vous qu'avec moins de contrainte L'un et l'autre une fois nous nous parlions sans feinte ?, RAC. Brit. I, 2.
   Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?, RAC. Phèdre, IV, 6.
   Se parler, s'adresser la parole à soi-même.
   Je me parle à moi-même, MOL. Tart. II, 2.
   Terme de palais. Plaider. Cet avocat parle pour un tel.
10°   Parler bien, parler mal d'une personne, en dire du bien, du mal.
   Souvenez-vous de ne parler jamais ni en bien ni en mal de votre femme ; c'est le plus sot des personnages, MAINTENON Lett. à d'Aubigné, 28 fév. 1678.
   Je répondis que j'avais grand soin de ne parler mal de personne ; que, pour Sa Majesté, j'aimerais mieux être mort, SAINT-SIMON 255, 177.
   Nos ancêtres chassaient des assemblées et des tournois ceux qui étaient accusés d'avoir mal parlé des femmes, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuv. t. IV, p. 190, dans POUGENS.
11°   Parler pour quelqu'un, intercéder pour lui auprès d'un autre.
   Vous parlez mieux pour lui qu'il ne parle lui-même, RAC. Bajaz. III, 6.
   Fig.
   La nature ou l'amour parle pour chacun d'eux, CORN. Hor. III, 1.
   Deux sceptres en ma main, Albe à Rome asservie, Parlent bien hautement en faveur de sa vie, CORN. ib. v, 3.
   Il ne sait pas l'amour qui vous parle pour lui, RAC. Bajaz. IV, 3.
   Tous les avantages du corps parlaient pour lui, HAMILT. Gramm. 11.
   Quel nouvel intérêt vous parle en sa faveur ?, VOLT. Mérope, III, 4.
   Tout parle pour lui, c'est-à-dire toutes les circonstances sont en sa faveur.
   Tout parle pour lui, SÉV. 589.
   Son mérite, ses services parlent pour lui, parlent en sa faveur, son mérite, ses services le rendent recommandable, rendent ses prétentions légitimes.
   Parler contre, parler de manière à nuire.
   Une parole échappe, et elle tombe de l'oreille du prince bien avant dans sa mémoire.... si ce n'est que contre nous-mêmes que nous ayons parlé.... il y a encore un prompt remède qui est de nous instruire par notre faute, et de souffrir la peine de notre légèreté ; mais si c'est contre quelque autre, quel abattement ! quel repentir !, LA BRUY. VIII.
   Il échappe à un troisième [ami] de parler contre mes intérêts, LA BRUY. ib..
Fig.
   Ce long amas d'aïeux que vous diffamez tous, Sont autant de témoins qui parlent contre vous, BOILEAU Sat. v..
   Il n'a rien qui parle pour lui, rien ne parle en sa faveur ; tout parle contre lui, c'est-à-dire il n'est recommandable, ou simplement agréable, par aucun côté.
   En matière d'affaires et de procès, cette pièce parle contre lui, elle est contraire à ses prétentions.
12°   Expliquer ses sentiments, ses opinions, ses volontés. Expliquez-vous mieux, ce n'est pas là parler. Le roi a parlé par la bouche de son ministre.
   Quand vous lui parlerez, parlez au nom de tous, CORN. Cinna, III, 1.
   Ou laissez-moi parler, sire, ou faites-moi taire ; Je ne sais point répondre autrement pour un roi, CORN. Nicom. II, 3.
   Ne paraissez point si savant, de grâce ; humanisez votre discours, et parlez pour être entendu, MOL. Critique, 7.
   En est-on quitte pour dire toujours : on ne nous entend pas, sans jamais vouloir parler nettement ?, BOSSUET Quiétisme, 4e écrit, I, 22.
   Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, RAC. Andr. I, 2.
   ...Enfin je puis parler en liberté ; Je puis dans tout son jour mettre la vérité, RAC. Athal. II, 6.
   Dieu parle, et d'un mortel vous craignez le courroux, RAC. Esth. I, 3.
   Parlez, quel est le sang que nous devons verser ?, VOLT. Oedipe, III, 4.
   C'est assez si ma voix Parle encore au conseil et règle vos exploits, VOLT. Alz. I, 1.
   N'avoir qu'à parler, se dit quand, pour qu'une chose se fasse, il n'est besoin que d'une parole.
   Titus m'aime ; il peut tout ; il n'a plus qu'à parler, Il verra le sénat m'apporter ses hommages, RAC. Bér. I, 5.
   Il sait aller et parler, se dit d'un homme habile qu'on envoie négocier quelque chose.
13°   Faire connaître quelque chose qui devait être tu. Il faut que quelqu'un ait parlé.
   Vous êtes fille, Eudoxe, et vous avez parlé, CORN. Héracl. II, 1.
   Gardez bien de le dire ; On m'appellerait poule ; enfin n'en parlez pas, LA FONT. Fabl. VIII, 6.
14°   Recommander, appuyer.
   Il est difficile à la cour que de toutes les pièces qu'on emploie à l'édifice de sa fortune, il n'y en ait quelqu'une qui porte à faux : l'un de mes amis qui a promis de parler ne parle point ; l'autre parle mollement, LA BRUY. VIII.
15°   Parler se dit quelquefois pour faire des propositions, et, particulièrement, des propositions d'argent.
   Le compagnon ne put rien tirer d'elle Qu'il ne parlât, LA FONT. F. avare.
   Perrin : Monsieu, ma mère est malade ; et vlà deux écus que je vous apportons pour nous bailler quelque remède. - Sganarelle : Ah ! je vous entends, vous ; voilà un garçon qui parle clairement, et qui s'explique comme il faut, MOL. Méd. m. lui, III, 2.
   Voilà ce qui s'appelle parler, ou, simplement, voilà parler, ou encore, c'est parler cela, se dit lorsqu'une personne fait des propositions avantageuses, ou tranche un débat par des raisons claires.
   Voilà mon dernier mot. - Voilà parler cela !, GRESSET le Méchant, I, 2.
16°   Parler se dit des bruits qui courent dans le monde.
   Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement : Les gens en parleront, n'en doutez nullement, LA FONT. Fabl. III, 1.
   On parle, on en parle, se dit de bruits défavorables qui courent sur quelqu'un ou quelque chose.
   Je veux croire qu'au fond il ne se passe rien, Mais enfin on en parle, et cela n'est pas bien, MOL. Tart. I, 1.
   En un autre sens, on en parle, se dit d'hommes ou de choses dont la réputation dure.
   De Troie en ce pays réveillons les misères, Et qu'on parle de nous ainsi que de nos pères !, RAC. Andr. IV, 3.
   Combien d'hommes admirables et qui avaient de très beaux génies sont morts sans qu'on en ait parlé !, LA BRUY. II.
   Charles IX, auteur de quelques vers, dont on n'aurait peut-être jamais parlé s'ils n'eussent été d'un souverain, D'ALEMB. Ess. sur la soc. des g. de lett. Oeuv. t. III, p. 27, dans POUGENS.
   On parlera de sa gloire Sous le chaume bien longtemps, BÉRANG. Souv. du peuple.
   Il faut laisser parler le monde, ou, simplement, il faut laisser parler, c'est-à-dire il ne faut pas se mettre en peine de ce que le monde dit mal à propos.
   On en parle fort, c'est une chose qui fait le sujet de l'entretien public.
   On en parle diversement, se dit d'une action, d'un événement qui est raconté de différentes manières, ou d'une chose que les uns louent et que les autres blâment.
   C'est une femme, une fille dont on a parlé, c'est une femme, une fille dont la réputation n'est pas intacte.
   On en entendra parler, cela fera du bruit, de l'éclat dans le monde.
17°   Fig. Manifester ses sentiments par un autre moyen que par celui de la parole. Les muets parlent par signes.
   Vois-je pas vos bontés à mon aide paraître, Et parler dans vos yeux un signe qui me dit, Que c'est assez payer que de bien reconnaître ?, MALH. IV, 4.
   Tu lui parles du coeur, tu la cherches des yeux, RAC. Andr. IV, 5.
   Votre trouble à Mathan n'a-t-il point trop parlé ?, RAC. Athal. III, 6.
   Astarté est femme ; elle laisse parler ses regards avec d'autant plus d'imprudence qu'elle ne se croit pas encore coupable, VOLT. Zadig, 8.
   Vous voyez quel effroi me trouble et me confond ; Il parle dans mes yeux, il est peint sur mon front, VOLT. Alz. I, 5.
   Après avoir entendu, avec quelque peine, un langage qui parle plus aux oreilles qu'aux yeux, nous en sentirons mieux les avantages d'un langage qui parle plus aux yeux qu'aux oreilles, CONDIL. Lang. calc : II, 16.
18°   Fig. Il se dit des choses inanimées qui ont ou qui semblent avoir une sorte de langage. La peinture parle aux yeux. Son visage parle.
   Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire, CORN. Hor. v, 3.
   Car tout parle dans l'univers ; Il n'est rien qui n'ait son langage, LA FONT. Fabl. XI, Épilogue..
   Toutes choses parlent de Dieu à ceux qui le connaissent, PASC. Lett. 1er avril 1648.
   Vous me dites que je suis en peine de votre maigreur : je vous l'avoue ; c'est qu'elle parle et dit votre mauvaise santé, SÉV. 3. juill. 1677.
   Vous dites quelquefois que votre estomac vous parle ; vous voyez que votre tête vous parle aussi : on ne peut pas vous dire plus nettement que vous la cassez, que vous la mettez en pièces...., SÉV. 1er avr. 1689.
   Le coeur d'une grande reine, autrefois élevée par une si longue suite de prospérités, et puis plongée tout à coup dans un abîme d'amertume, parlera assez haut, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Hélas ! jusqu'au silence même Tout me parle de ce que j'aime, QUIN. Amad. II, 2.
   Venez, fuyez l'aspect de ce climat sauvage Qui ne parle à vos yeux que d'un triste esclavage, RAC. Mithr. I, 3.
   Leurs postures suppliantes parlaient pour eux, FÉN. Tél. XIV.
   Ces deux grands yeux qui ne savent que voir, Auront d'abord une beauté nouvelle : Ils regardaient, Philis : ils parleront, ST-LAMB. Pièc. fug. Épître A.....
   Les murailles parlent, c'est-à-dire il se trouve souvent des témoins des choses même les plus cachées.
   Il se dit de même des choses morales.
   On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant ; Tout ce qu'il a fait parle au moment qu'il m'approche ; Et sa seule présence est un secret reproche, CORN. Nic. II, 1.
   De vos hauts faits pour vous laissez parler l'éclat, CORN. Pulch. I, 5.
   Laissons, laissons parler mon chagrin et le vôtre, MOL. Psyché, I, 1.
   Et, quand la gloire parle, il n'écoute plus rien, RAC. Alex. I, 2.
   L'honneur parle, il suffit ; ce sont là nos oracles, RAC. Iphig. I, 2.
   Est-ce donc votre coeur qui vient de nous parler ?, RAC. ib. I, 3.
   C'est la nature qui parle, qui se fait sentir, FÉN. Tél. XXIV.
   Elle laisse parler son coeur, elle s'abandonne à toute sa tendresse, MASS. Carême, Prière, 1.
   Quand l'amour veut parler, la raison doit se taire, REGNARD le Joueur, I, 2.
   Quand l'amour parle, il est le maître, et il parlera, MARIVAUX Fauss. confid. I, 2.
   Et tu n'y peux rester sans renier ton père, Ton honneur qui te parle et ton Dieu qui t'éclaire, VOLT. Zaïre, II, 3.
   L'humanité vous parle ainsi que votre père, VOLT. Alz. I, 1.
   La mort de l'un et de l'autre a fait taire l'amitié et la haine, et ne laisse plus parler que la justice, D'ALEMB. Élog. Crébillon..
   Un repentir tardif vous parle et vous éclaire, M. J. CHÉN. Charles IX, v, 3.
   Cela parle de soi, cela parle tout seul, ou, la chose parle d'elle-même, c'est-à-dire cela se comprend sans qu'il soit besoin de l'expliquer.
   Allez, indigne époux, le fait parle de soi, MOL. Amph. II, 2.
   Cela parle tout seul : voici la suite, SÉV. 591.
   Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Rosine : C'est par pure amitié tout ce que je fais. - Figaro : Cela parle de soi ; tudieu ! l'amour a bien une autre allure, BEAUMARCH. Barb. de Sév. II, 2.
   La vérité parle par sa bouche, ce qu'il dit est rempli de vérité.
   L'indulgente vertu parle par votre bouche, VOLT. Alz. I, 1.
19°   Expliquer sa pensée par écrit. Les auteurs qui ont parlé de ce sujet.
   De quoi vous parle-t-il dans sa lettre ? Comme parle l'apôtre, FLÉCH. Serm. I, 233.
   Parler dans un contrat, parler au contrat, déclarer sa volonté dans un contrat, intervenir au contrat, s'obliger par le contrat.
20°   Il se dit de ce qui est exprimé dans un écrit. La loi est formelle là-dessus et parle très clairement.
   L'ordonnance avec soi porte sa fin expresse ; C'est à nous qu'elle parle, à nous qu'elle s'adresse, ROTR. Antig. III, 5.
   Vous diriez, à entendre parler l'Écriture, que Jésus-Christ...., BOURDAL. Myst. Circonc. t. I, p. 55.
21°   On dit que les tuyaux d'un orgue parlent bien, pour exprimer que le son est juste, clair et net.
   On le dit aussi de quelques autres instruments.
   Vous avez Dracon le joueur de flûte.... c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler, LA BRUY. III.
   Voilà une note qui ne parle pas, se dit d'une touche de piano qui est muette.
22°   Terme de vénerie. Aboyer. Le limier ne parle pas.
   Parler aux chiens, allonger les mots, et, pour ainsi dire, les chanter, afin d'exciter les chiens à la chasse.Terme de jeux. Dire ce que l'on veut faire sur le coup qui se joue, ou, au piquet, dire ce qu'on veut compter. C'est à vous à parler.
24°   Faire parler quelqu'un, tirer de lui ce qu'il sait.
   Ils tâchaient de me faire parler, FÉN. Tél. III.
   Fig.
   Il [un auteur né copiste] doit éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux.... que le coeur fait parler, à qui il inspire les termes et les figures, LA BRUY. I.
   Par forme de menace. Ne me faites pas parler, craignez que je ne dise des choses qui ne seraient pas à votre avantage.
   Faire parler, mettre un langage dans la bouche de.
   Ne faites point parler vos acteurs au hasard, Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard, BOILEAU Art p. III.
   Cet autre, abject en son langage, Fait parler les bergers comme on parle au village, BOILEAU ib. II.
   Fig. Faire parler quelqu'un, lui prêter des paroles, des discours.
   Pourquoi faut-il au moins que, pour me consoler, L'ingrat ne parle pas comme on le fait parler ?, RAC. Bajaz. I, 3.
   Non, ce n'est pas lui qui parle ainsi ; c'est ainsi qu'on le fait parler, DIDEROT Claude et Nér. II, 91.
   On m'a fait parler, on m'a prêté des discours que je n'ai pas tenus.
   Fig. Faire parler, se dit des choses inanimées auxquelles on prête un langage.
   Savoir faire parler et son front et ses yeux, ROTR. Vencesl. I, 1.
   Elle aura devant lui fait parler ses douleurs, RAC. Bajaz. III, 3.
   Je devrais faire ici parler la vérité, RAC. Phèdre, IV, 2.
   Quoique Thomas Corneille eût pris son frère pour modèle, on voit que, malgré lui, il ne pouvait s'empêcher de chercher à suivre Racine quand il s'agissait de faire parler les passions, VOLT. Comm. Corn. Rem. Ariane, IV, 3.
   Faire parler à quelqu'un, procurer un entretien avec quelqu'un.
   Je lui conseille comme la vieille femme, de prier Sa Majesté de la faire parler à M. Colbert, SÉV. 311.
   Faire parler, être cause de bruits qui se répandent.
   Assez de sots sans moi feront parler la ville, BOILEAU Sat. VIII.
   Faire parler de soi, se faire une réputation bonne ou mauvaise.
   Et comme elle recommençait à faire parler d'elle...., GUI PATIN Nouv. lett. t. I, p. 331, dans POUGENS.
   Et, de la maison de la Prudoterie, il y a plus de trois cents ans qu'on n'a pas remarqué qu'il y ait eu une femme, Dieu merci, qui ait fait parler d'elle, MOL. G. Dand. I, 4.
   Cet homme n'a point fait parler de lui, il n'a rien fait qui lui ait donné de la réputation.
   Cette femme n'a jamais fait parler d'elle, elle a toujours eu une conduite régulière, elle n'a jamais donné prise à la médisance.
25°   V. a. Dire, prononcer.
   Je vous demande, ce que je parle avec vous, ce que je vous dis à cette heure, qu'est-ce que c'est ?, MOL. Bourg. gent. III, 3.
   Si un animal.... parlait par esprit ce qu'il parle par instinct, pour la chasse et pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue, PASC. Pens. XXV, 11, éd. HAVET..
   Prononcer comme on parle.
   Je rirais d'un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix, ou me ressembler de visage, LA BRUY. I.
   À l'égard des acteurs, j'oserais presque dire que la pièce [les Guèbres] n'en a pas besoin ; c'est une tragédie qu'il faut plutôt parler que déclamer, VOLT. Lett. d'Argental, 18 nov. 1768.
26°   S'exprimer en une langue. Il parle français et italien. Il parle l'allemand. Il parle plusieurs langues.
   Je me plais à répéter ces paroles [de dévotion, chez la princesse Anne].... et je voudrais ne parler plus que ce langage, BOSSUET Anne de Gonz..
   L'évêque de Meaux a créé une langue que lui seul a parlée, CHATEAUBR. Génie, III, IV, 4.
   Fig. Parler un langage, s'exprimer d'une certaine façon.
   Je sais qu'un empereur doit parler ce langage, CORN. Tite et Bér. v. 1.
   On l'entend, mes pères, ce langage de votre école ; et c'est une chose étonnante que vous ayez le front de le parler si haut, PASC. Prov. XIII.
   Chaque passion parle un différent langage, BOILEAU Art p. III.
   Il vous est utile qu'un homme sans intérêt et sans conséquence vous parle en secret un langage dur, FÉN. Tél. XII.
   J'ai compris.... comment sa plume devait mieux que sa langue parler le langage des passions, J. J. ROUSS. 2e dial..
   Parler français, voy. français, n° 3.
   Parler chrétien, parler clairement, sans ambiguïté.
   Par ma foi.... il faut parler chrétien, si vous voulez que je vous entende, MOL. Préc. 7.
   Fig. Parler grec, bas-breton, haut-allemand, s'exprimer d'une façon inintelligible.
   Parler gascon, parler normand, parler français avec un accent gascon, normand.
   Familièrement. Parler phébus, s'exprimer avec emphase, en termes ampoulés.
27°   S'entretenir de. Parler géométrie, musique, peinture. Parler affaires.
   Ore [tantôt] ils parlaient soldat, et ore citoyen, RÉGNIER Sat. XI.
   Et sans parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne...., RÉGNIER ib. XV.
   Moi, j'irais me charger d'une spirituelle, Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle, MOL. Éc. des f. I, 1.
   Parler affaires, c'est en faire son unique objet ; au lieu que parler d'affaires n'exclut pas tout autre objet dont on voudrait parler par occasion, CONDILL. Gramm. I, 13.
   Je parlerai belles-lettres une autre fois ; je ne parle aujourd'hui que tristesse et tendresse, VOLT. Lett. d'Argental, 11 oct. 1771.
   À parler sentiment son mérite consiste, DESMAHIS l'Impertinent, sc. 2.
   J'osais vous parler bataille, Et chanter nos fiers soldats, BÉRANG. Plus de pol..
   Parler chicane, s'exprimer en termes de procès, parler de procès.
   Parler raison, parler raisonnablement, sagement.
   Parler raison, signifie aussi quelquefois se mettre à la raison. Voilà parler raison.
   
   Parler Voiture, parler comme Voiture, RICHELET .
   Et voilà qu'on la chasse avec un grand fracas, à cause qu'elle manque à parler Vaugelas, MOL. Femm. sav. II. 7.
   Avoir sans cesse à la bouche.
   Il faut laisser Aronce parler proverbe, LA BRUY. v..
28°   Au passif et impersonnellement.
   Vous voulez que j'en écrive dans la même liberté qu'il en fut parlé, BALZ. Entretien 18.
   Dans les traités il n'est point parlé d'eux, CORN. Médée, I, 3.
   Il en est fort parlé dans le monde, se dit d'une chose qui fait l'objet de l'entretien public.
   Il en sera parlé, cela fera du bruit, de l'éclat dans le monde.
   Il en sera parlé à jamais, la postérité en conservera le souvenir.
29°   Se parler, v. réfl. Être parlé. La langue française se parle au Canada.
   Impersonnellement. Il se parle de, on parle de.
   En vérité, est-ce là une question entre les chrétiens [de parler de Jésus-Christ, homme], et peut-on parmi eux chercher un état où il ne se parle pas de Jésus-Christ ?, BOSSUET États d'oraison, II, 2.
   Les histories seront abolies avec les empires, et il ne se parlera plus de tous ces faits éclatants dont elles sont pleines, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Il ne se parlait que de liberté dans ces assemblées, BOSSUET Hist. III, 7.
30°   Généralement parlant, loc. adv. à prendre la chose en général.
   Toutes les choses, généralement parlant, qui sont comprises dans l'objet de la géométrie spéculative, DESC. Médit. VI, 9.
   Humainement parlant, en parlant comme un homme.
   Il semble, humainement parlant, que ce soit le climat qui a prescrit des bornes à la religion chrétienne, MONTESQ. Esp. XXIV, 26.
31°   Sans parler de, indépendamment de.
PROVERBES
   Il parle latin devant les cordeliers, il parle d'une chose à un homme qui la sait fort bien.
   Quand les ânes parleront latin, se dit pour indiquer un temps fort éloigné.
   Il est aisé de parler, mais il est malaisé de faire.
   Trop gratter cuit, trop parler nuit.
   De l'abondance du coeur la bouche parle, nous parlons surtout de ce qui nous touche le plus.
   Qui parle du loup le tient par la queue, quand on parle du loup on en voit la queue, se dit quand quelqu'un arrive dans une compagnie où l'on parlait de lui.
   Il y a un temps de parler et un temps de se taire.
   1. Parler mal et mal parler sont deux expressions différentes : parler mal, c'est manquer aux principes de la grammaire ; mal parler, c'est dire des paroles offensantes, médire. Mais les écrivains n'ont pas observé scrupuleusement cette distinction. D'ailleurs il faut remarquer qu'aux temps simples mal se met toujours après le verbe : Cet homme parle mal, il s'exprime incorrectement ; il parle mal de vous, il en dit du mal.
   2. Trouver à qui parler, signifie que nous trouvons des gens qui nous répondent, qui nous rabattent le caquet. Trouver avec qui parler signifie que l'on trouve des gens avec qui l'on peut s'entretenir.
   XIe s.
   Blancandrins a tout premereins parlet, Ch. de Rol. IX.
   Sa coustume est qu'il parolet à leisir, ib. x.
   [Il] Ne laissera, ce dist, qu'il n'i parolt, ib. XCI.
   Bien sait parler et dreite raison rendre, ib. CCLXXV.
   XIIe s.
   Quantje recort la simple courtoisie Et les douz mos dont seult à moi parler [dont elle a coutume de me parler], Couci, XXII.
   [Je] N'en oi [entends] nului parler qui moult de bien n'en die, Sax. VII.
   XIIIe s.
   Assés i ot parlé d'une chose et d'autre, VILLEH. LXI.
   Et maistres Fouques meïsmes i ala pour parler des crois [de la croisade], VILLEH. XXVIII.
   Emprès se croisa Henris d'Anjo... et pluseur preudomme dont li livres ne parole mie, VILLEH. VI.
   Et s'uns sages d'amors parole à une damoisele fole, la Rose, 7767.
   Aussi est-il grans mestiers c'on paraut sagement à fere se [sa] presentacion, BEAUMANOIR LXIV, 4.
   Por ce, s'il oent dur [s'ils ont l'oreille dure], sont il toutes voies de bon entendement quant on parole haut, BEAUMANOIR LI, 11.
   XIVe s.
   Aucun veut parler latin à l'aventure ou à l'exemple d'un autre, comme un oysel parle ne ne sceit ce qu'il dit, ORESME Eth. 40.
   Il parle en similitude et en figure, ORESME ib. 24.
   Ainsi nous ferons nous prisier et redouter, Et devant nostre pere porons plus hault parler, Hugues Capet, v. 2324.
   XVe s.
   Et quand la dame l'eut ouï parler une si haute parole, FROISS. I, I, 14.
   Ainsi cheminoient les Anglois, et ne trouvoient à qui parler, FROISS. II, 2, 71.
   Vous savez bien que j'estoye parlée de marier à tel ou à tel.... qui ne demendoyent seullement que mon corps, Les 15 joies de mariage.
   Et nos gens furent là tous ordonnés pour donner la bataille, mais ne trouverent à qui parler, Bouciq. II, 11.
   Mais je me suy si bien gardée, Dieu mercy, qu'onques resgardée Ne fu pour chose que feïsse ; Et s'eusse bien, se je voulsisse [et j'aurais bien, si j'avais voulu], Trouvé qui eust parlé à moy, E. DESCH. Poésies mss. f° 511.
   Et alors on parloit peu de guerre au pays de France, fors que chascun savoit bien qu'il n'y avoit ferme amour, FENIN 1415.
   Et s'il s'en tient, le cueur au corps luy ront, Et s'il y va, les gens en parleront, AL. CHART. le Débat des deux fortunes..
   C'est fait, il n'en fault plus parler, Mon cueur s'est de moy desparty, Pour tenir l'amoureux party ; Il m'a voulu abandonner, CH. D'ORL. Chans. 33.
   De ceulx qui sont soubz ma puissance, Parle qui parler en vouldra, Je n'en feray qu'à ma plaisance, CH. D'ORL. Ball. 92.
   Et à ceste cause fut raporté que le dit Oriole parloit mal et usoit de menasses, J. DE TROYES Chron. 1478.
   Par trop parler et estre mu [muet], L'on est souvent pour fol tenu, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 367.
   Cil qui d'autruy voudra parler, regarde soy, il se taira, LEROUX DE LINCY ib. p. 274.
   Or fault ung peu parler comment le roy estoit allé en Bourbonnoys...., COMM. I, 2.
   Il faudroit que nous en parlissions, COMM. VIII, 9.
   XVIe s.
   Il avoyt sept langues, et de toutes sept parloyt divers propos et languaiges divers, RAB. Pant. v, 31.
   On temps que les bestes parloyent (il n'y ha pas troys jours), RAB. II, 14.
   Que si quelque heretique veut disputer, qu'il viene en la faculté de theologie, et on parlera à lui des grosses dents, LANOUE 101.
   Satan parle de son propre quand il parle mensonge, CALV. Inst. 113.
   C'estoit trop arrogamment parlé, de se preferer à tous les autres, CALV. ib. 221.
   Que pouvoit-il sortir de leurs bouches pollues et pueriles, sinon choses folles et immondes, s'ils eussent parlé leurs paroles mesmes ?, CALV. ib. 922.
   Il estoit devenu fort riche, et ne se parloit que de lui autour du pays, DESPER. Contes, LV.
   Il n'estoit possible de faire parler [parlementer] par argent ne par menaces ceux qui gardoient la place, MARG. Nouv. XVIII.
   Nous estions si peu, que nous ne pouvions supplir (sic) à tuer tout ; car de prisonniers, il ne s'en parloit point en ce temps-là, MONTLUC Mém. v..
   Fille qui escoute et chasteau qui parle sont de facile composition, YVER p. 558.
   Livius parlant de l'armée romaine, MONT. I, 22.
   Ils ne parlent jamais rien qu'elaboré et premedité, MONT. I, 40.
   Il faut parler françois [sans feinte], MONT. I, 67.
   Depuis la mort de Craterus, il n'y eut capitaine de qui se parlast tant entre les soudards macedoniens comme de Eumenes, AMYOT Eum. 20.
   Il sçavoit for-huer et bien parler aux chiens, Faisoit bien la brisée, et...., RONS. 210.
   Lettre de mon amour veritable interprete, Qui parle sans parler les passions du coeur, RONS. 284.
   À peu parler bien besongner, COTGRAVE .
   Il ne parle pas au roy qui veut, ID. .
   Qui ne parle n'erre, COTGRAVE .
   Qui tient boutique doit parler à chascun, COTGRAVE .
   Bourg. pairôllai, palai ; picard, paroler, bavarder ; Berry, paler, paller ; norm. paroler, parler avec affectation ; wallon, pârlé, paûrlé ; prov. et esp. parlar ; port. palrar ; ital. parlare ; du bas-latin parabolare, paroler, et, avec chute de l'o, parler (voy. parole).
————————
parler 2.
(par-lé ; l'r ne se prononce et ne se lie jamais) s. m.
   L'infinitif de parler pris substantivement.
   Comme un homme insensé qui s'emporte au parler, RÉGNIER Élég. II.
   Partageons le parler au moins, ou je m'en vais, MOL. le Dép. II, 7.
   Le parler peu a toujours été très recommandable, MARG. BUFFET, Observ. p. 97, 1668.
   Le trop parler est l'une des grandes incommodités qui puissent troubler les douceurs de la société, MARG. ib. p. 98.
   Manière de parler.
   Ainsi, dans les dangers qui nous suivent en croupe, Le doux parler ne nuit de rien, LA FONT. Fabl. III, 12.
   L'affectation dans le geste, dans le parler et dans les manières est souvent une suite de l'oisiveté, ou de l'indifférence, LA BRUY. XI.
   Elle a le maintien moins libre et le parler plus timide, depuis qu'elle n'entend plus le mot d'amant sans rougir, J. J. ROUSS. Ém. v..
   Le doux parler nous plaît ; et, toujours redouté, L'homme le plus bruyant est le moins écouté, DELILLE Convers. III.
   Avoir son franc parler, s'être mis sur le pied de dire ce qu'on pense.
   Puisque les choses sont ainsi, je prétends moi aussi avoir mon franc parler, et, à l'exception des choses et des personnes auxquelles je dois respect, je dirai mon avis sur le reste, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 27 fév. 1765.
   Patois ou accent particulier de province. Le parler picard.
   Les habitants de Langres ont de l'esprit, de l'éducation, de la gaieté, de la vivacité et le parler traînant, DIDEROT Mém. t. III, p. 175, dans POUGENS.
   Terme de palais. Parler sommaire, instruction faite sommairement devant un rapporteur.
PROVERBE Beau parler n'écorche la langue, ou jamais beau parler n'écorche la langue, c'est-à-dire Il ne coûte rien de parler honnêtement, civilement.
   XIIe s.
   Ses ieux, son vis [visage], qui de joie sautele, Son aler, son venir, Son beau parler et son gent maintenir, Couci, XVIII.
   XIIIe s.
   Biaus parler ha partout mestier [besoin] ; L'on n'a pas amis par tencier [en grondant], LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 247.
   Fisicien [les médecins] me dient que la clarté m'empire [me rend plus malade], Et le parler aussi, Berte, LXXXVIII.
   Icis venirs, icis alers, Icis veilliers, icis parlers, Font ces amans sous lor drapiaus Durement ameigrir lor piaus, la Rose, 2558.
   XIVe s.
   Si comme ceux qui en lour parler dient par inavertance aucune chose dont il ne se prenoient garde, ORESME Eth. 62.
   Car bel parler souvent refraint un coeur felon, Guesclin. 20903.
   XVe s.
   Plaisant parler gouverné par sagesse, CH. D'ORL. Bal. 9.
   Il lui convint souffrir, fust à bon gré ou autrement, les parlers du monde, MONSTREL. I, ch. 24.
   Parler 1.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • Parler — (vielleicht verstümmelt aus Parlierer, s. d.), Name einer Architekten und Bildhauerfamilie des 14. Jahrh., deren ältestes uns bekanntes Glied Heinrich P., wahrscheinlich aus Köln, in Schwäbisch Gmünd die Heiligenkreuzkirche erbaute. Sein Sohn… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Parler — Parler, Arler, berühmte Steinmetzenfamilie des Mittelalters. Heinrich P., schon 1351 genannt, gilt für den Erbauer der Kreuzkirche zu Schwäbisch Gmünd. Peter P., auch P. von Gmünd genannt, geb. 1333, gest. um 1397 zu Prag, Dombaumeister, baute… …   Kleines Konversations-Lexikon

  • parler — 1. parler [ parle ] v. <conjug. : 1> • parlier Xe; lat. ecclés. parabolare → parole I ♦ V. intr. A ♦ 1 ♦ Articuler les sons d une langue naturelle. Enfant qui apprend à parler. « Tout parle en mon ouvrage [les Fables] et même les poissons » …   Encyclopédie Universelle

  • PARLER — v. n. Proférer, prononcer, articuler des mots. L homme est la seule créature qui ait véritablement le don de parler. Un enfant qui commence à parler, qui ne sait pas encore parler. Ce malade est à l extrémité, il ne parle plus. Vous parlez si bas …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • PARLER — v. intr. Proférer, prononcer, articuler des mots. L’homme est la seule créature qui ait véritablement le don de parler. Un enfant qui commence à parler, qui ne sait pas encore parler. Vous parlez si bas que je ne vous entends pas. Il ne faut pas… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • parler — vi. , causer ; deviser, converser, discourir, s entretenir familièrement : PARLÂ (Aillon J., Aillon V., Aix.017, Albanais.001, Annecy.003, Albertville.021, Arvillard.228, Attignat Oncin, Balme Si., Bellecombe Bauges, Billième, Bogève, Chable,… …   Dictionnaire Français-Savoyard

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