- torture
- (tor-tu-r') s. f.1° Action de tordre, contorsion.• Ce sont apparemment ces bizarres attitudes et ces tortures naturelles qui ont anciennement frappé les yeux de la superstition, quand elle adopta cet oiseau [le torcol] dans les enchantements, BUFF. Ois. t. XIII, p. 129.2° Tourment, supplice.• La torture, le fer et la flamme t'attend, ROTR. St Gen. II, 2.• La Providence nous met quelquefois à la torture, en y employant la pierre, la gravelle, la goutte, le déchirement d'entrailles, les convulsions, et autres exécutions des vengeances de la Providence, VOLT. Dict. phil. Torture..3° Particulièrement. Tourment auquel on soumettait un accusé pour en obtenir des révélations ; question. La torture a été abolie en France par Louis XVI en 1780.• Quoiqu'il y ait peu d'articles de jurisprudence dans ces honnêtes réflexions alphabétiques, il faut pourtant dire un mot de la torture, autrement nommée question ; c'est une étrange manière de questionner les hommes ; ce ne sont pourtant point de simples curieux qui l'ont inventée, VOLT. Dict. phil. Torture..• Il [un conseiller de la Tournelle] se donne le plaisir de l'appliquer [un accusé] à la grande et à la petite torture, en présence d'un chirurgien qui lui tâte le pouls, jusqu'à ce qu'il soit en danger de mort, après quoi or recommence ; et, comme dit très bien la comédie des Plaideurs, cela fait toujours passer une heure ou deux, VOLT. ib..• Les Romains n'infligèrent la torture qu'aux esclaves, VOLT. ib..• En quoi était-il nécessaire qu'on coupât la main et la langue au chevalier de la Barre, qu'on l'appliquât à la torture ordinaire et extraordinaire, et qu'on le brûlât tout vif ?, VOLT. Dict. phil. Supplices..• Il est aussi absurde d'infliger la torture pour parvenir à la connaissance d'un crime, qu'il était absurde d'ordonner autrefois le duel pour juger un coupable, VOLT. Dict. phil. Question.• On prétend qu'en faisant donner la torture aux accusés, il [Louis XI] était caché derrière une jalousie, pour entendre les interrogatoires, DUCLOS Oeuv. t. III, p. 358.• On les mettait [les esclaves] à la torture pour la moindre faute ; ils pouvaient être punis de mort sans l'intervention du magistrat, RAYNAL Hist. phil. XI, 24.4° Fig. Peine vive, tourment.• Mettra-t-on tous les jours mon âme à la torture ?, ROTR. Vencesl. III, 3.• Ce qui m'est un sujet d'éternelle torture, C'est de voir...., MOL. D. Garc. III, 2.5° Par exagération. Embarras, effort pénible.• Tandis que ses discours me donnent la torture, RÉGNIER Sat. VIII.• Et déjà vous croyez dans vos rimes obscures Aux Saumaises futurs préparer des tortures, BOILEAU Sat. IX..Mettre quelqu'un à la torture, lui causer un embarras pénible ou une vive impatience.On dit dans le même sens : être à la torture.Mettre son esprit à la torture, donner la torture à son esprit, se donner la torture, être à la torture, s'occuper de quelque chose avec une grande contention d'esprit.• Nicias, qui ignorait la ruse et la tromperie d'Alcibiade, ne pouvait concevoir un changement si étrange, et se donnait la torture pour en chercher la raison, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 605, dans POUGENS.• J'ai beau donner la torture à mon esprit, je ne devine point le sujet de plaintes que vous pouvez avoir contre moi, LESAGE Crisp. riv. de son maître, sc. 12.6° Fig. Action de fausser quelque chose.• Il est question présentement de la volonté de Dieu et de la vôtre [pour un voyage à Paris], ma fille, ne lui donnez point la torture, SÉV. 30 oct. 1676.Particulièrement. Violence faite aux textes, aux mots.• Ces auteurs ont corrompu tous les sens et donné la torture à tous les passages, MONTESQ. Lett. pers. 134.• [Ils] Mettaient la langue à la torture, Et triomphaient de n'être pas compris, DELILLE Convers. III.XIIe s.• Ne à ceste fieie ne mist mie li peires en respit la torture, comme faisoit al fil ; car li peires aimet lo fil, ST BERN. 523.XIVe s.• Tore ture [distorsion] des eux [yeux], des oreilles, des levres et semblables, H. DE MONDEVILLE f° 66.XVIe s.• Au coupable il semble [suivant les défenseurs de la question] qu'elle [la conscience] ayde à la torture pour lui faire confesser sa faulte, et qu'elle l'affoiblisse ; et de l'aultre part, qu'elle fortifie l'innocent contre la torture, MONT. II, 47.Prov. esp. et it. tortura ; du lat. tortura, de tortum, supin de torquere, torturer et tordre.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.