- question
- (kè-stion ; en vers, de trois syllabes) s. f.1° Demande à l'effet de s'informer de quelque chose.• Il m'a fait à l'abord cent questions frivoles, MOL. Fâch. I, 1.• Il sait vous embrasser, prendre part à votre joie, vous faire coup sur coup des questions empressées sur votre santé, sur vos affaires, LA BRUY. VIII.• Dans l'usage ordinaire, la première question qu'on fait sur une femme que l'on ne connaît point, c'est, est-elle belle ? la seconde, a-t-elle de l'esprit ? il arrive rarement qu'on fasse une troisième question, FONT. Dial. 3, Morts anc..• Je suis venu voir votre pays, parce que j'aime assez les Français, quand ils ne font pas trop de questions, VOLT. l'Ingénu, 1.• Qui es-tu ? d'où viens-tu ? que fais-tu ? que deviendras-tu ? c'est une question qu'on doit faire à tous les êtres de l'univers, mais à laquelle nul ne répond, VOLT. Philos. ignorant, 1.• Docteur, vous éludez plutôt mes questions que vous n'y satisfaites, DIDER. Mém. t. IV, p. 204, dans POUGENS.• Il faudrait l'interroger avec adresse [un aveugle-né opéré de la cataracte], et éviter toutes les questions qui indiquent la réponse, CONDIL. Traité sens. III, 6.Ironiquement. Quelle question ! Belle question ! se dit d'une question inutile ou ridicule.• Corbinelli me faisait l'autre jour une belle question...., SÉV. 437.2° Interrogation que l'on adresse à un élève pour s'assurer s'il sait les matières qu'il a étudiées. On lui a fait des questions difficiles. Il a mal répondu sur les questions d'histoire.3° Proposition à examiner, à discuter.• On examine deux questions, l'une de fait, l'autre de droit : celle de fait consiste à savoir si M. Arnaud est téméraire pour avoir dit...., PASC. Prov. I.• Il est très informé des questions du temps, et il sait parfaitement le secret des jésuites, chez qui il est à toute heure, PASC. ib. II.• Ce n'est pas qu'ils ne traitent des questions assez curieuses, PASC. ib. IX..• C'est sortir de la question, PASC. ib. XIII.• Sans entrer dans la question, si Dieu a résolu de toute éternité...., BOSSUET Ét. d'or. IV, 1.• Ne croyez pas que ce soit seulement la question de l'épiscopat, ou quelques chicanes sur la liturgie anglicane, qui aient ému les communes, BOSSUET Reine d'Anglet..• Comme il est impossible [dans l'administration de la justice] qu'il ne se trouve des difficultés et des questions compliquées, BOSSUET Polit. VIII, III, 5.• Quelque temps après, l'empereur Héraclius entreprit de décider la question [des monothélites] de son autorité, BOSSUET Hist. I, 11.• On demande si, en comparant les conditions.... on n'y remarquerait pas une espèce de compensation de bien et de mal.... celui qui est puissant, riche, et à qui il ne manque rien, peut former cette question ; mais il faut que ce soit un homme pauvre qui la décide, LA BRUY. IX..• Ensuite on proposa la seconde question en ces termes : Quel est le plus malheureux de tous les hommes ?, FÉN. Tél. v..• Lorsque ces deux grands prélats [Bossuet et Fénelon] furent brouillés par une question subtile et délicate, qui ne pouvait guère être une question que pour d'habiles théologiens, FONTEN. Malezieu..• Une malheureuse question d'académie qu'il [J. J. Rousseau] lut dans un Mercure vint tout à coup dessiller ses yeux, débrouiller ce chaos dans sa tête, lui montrer un autre univers, J. J. ROUSS. 2e dialogue..• Toute discussion philosophique ou oratoire suppose un doute à éclaircir, et l'objet du doute est la question, le point de la question, MARMONTEL Oeuv. t. IX, p. 542.• Toujours dans les questions douteuses, l'ignorant croit, le demi-savant décide, l'homme instruit examine, BIOT Inst. Mém. scienc. 1806, 2e sem. (hist.), p. 226.Une question bien posée est à moitié résolue, se dit en adage pour exprimer que, quand la question est claire et précise, les difficultés de la solution sont diminuées.Aborder la question, expression née pendant la Révolution, et blâmée par Mme de Genlis, Mém. t. V, p. 91, édit. 1825.Être en question, être l'objet d'une discussion.• Ce qui est en question entre nous, c'est de savoir...., BOSSUET Euch. III, 3.• J'admire comme cet écrivain soutient la vérité par des bévues continuelles, et suppose toujours ce qui est en question, VOLT. Lett. Morellet, 22 janv. 1768.Mettre en question, révoquer en doute.• Vous ne mettez pas mon apostasie en question, PASC. Prov. XVII.• On ne met guère en question dans le monde, si la loi de Dieu nous fait un précepte de l'aumône, MASS. Carême, Aumône..Fig. Mettre en question, compromettre, ébranler. Cela mit en question l'existence du ministère.Venir en question, être soumis au doute.• Tout jusqu'aux articles les plus importants, jusqu'à celui de la Trinité, viendraient l'un après l'autre en question, BOSSUET 1er avert. 39.C'est une question, la chose est douteuse.4° Il est question de, il s'agit de ; il n'est pas question de, il ne s'agit pas de.• Il n'est pas toujours question des propositions d'Euclide pour se casser la tête ; un certain point d'épuisement fait le même effet, SÉV. 24 avr. 1689.• Rien ne se tourne du côté de la paix ; ainsi vendons nos grains... tout le monde me le conseille... il est présentement question de le pouvoir, SÉV. 25 janvier 1693.• Il n'est pas ici question d'examiner si ces idées [du gouvernement républicain] sont aussi solides que spécieuses, BOSSUET Hist. III, 5.• Idoménée est dans les sentiments où je suis sûr que vous voudriez qu'il fût ; il n'est question que de vous en persuader, FÉN. Tél. XI.• Je crus qu'il n'était question que d'un peu d'esprit et que j'étais impératrice, FONTEN. Athénaïs..• Il était question de déterminer la courbe décrite par un projectile dans un milieu résistant, suivant une certaine loi qui renfermait une infinité de cas, et dont un seul jusqu'alors avait été résolu, D'ALEMB. Éloges, Bernoulli..Il n'est point question que, avec le subjonctif.• Il n'est point question qu'elle [une huile] guérisse si promptement, pourvu qu'elle guérisse, SÉV. 29 janv. 1685.On dit de même : voici la chose, la personne dont il est question, dont est question.L'affaire en question, l'affaire dont il s'agit.• L'île en question est formée par le confluent de l'Isère et du Rhône, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. Ier, p. 392, dans POUGENS.L'homme en question, l'homme dont on parle.• Nous étions prêts de nous mettre à table, quand on nous annonça l'ecclésiastique en question, MARIV. Pays. parv. 2e part..Il est question de, on parle de ; il n'est pas question de, on ne parle pas de.• Il n'en est plus question présentement, SÉV. 21.• Il est fort question de vous dans sa lettre, SÉV. 576.• Il fut question de ce que je deviendrais ; et, pour en causer plus à loisir, elle me retint à dîner, J. J. ROUSS. Confess. II.Qu'il n'en soit plus question, qu'on n'en parle plus, que ce soit chose mise de côté.• J'y vais et pour y aller, et pour y être un peu, et pour y avoir été et qu'il n'en soit plus question, SÉV. 416.• Ne connaissons-nous pas une princesse qui se dépêcha de marier son amant, afin qu'elle n'eût plus envie de l'épouser, et qu'il n'en fût plus aucune question ?, SÉV. 30 juin 1680.5° Dans les assemblées délibérantes, la question préalable, question préliminaire pour savoir si on délibérera oui ou non sur la chose proposée. Demander la question préalable sur une proposition, c'est demander qu'on n'en délibère pas. Cette proposition fut écartée par la question préalable.Question de cabinet, se dit d'une proposition faite par les ministres aux chambres, en déclarant qu'elle est à leurs yeux d'une importance assez grande pour leur faire quitter le portefeuille si elle est rejetée.6° Question pour l'ami, cause problématique et que l'on peut décider, par faveur, dans un sens ou dans l'autre, sans trop blesser l'équité.7° La torture infligée aux accusés et aux condamnés pour leur arracher des aveux. Question préparatoire, question ordonnée sur de simples indices. Question définitive, question ordonnée pour découvrir les complices, lorsque le criminel est condamné à mort. La question définitive est ou ordinaire ou extraordinaire, c'est-à-dire plus ou moins violente. Appliquer, mettre à la question.• Après cette confession, on n'a pas laissé de lui donner [à la Voisin], dès le matin, la question ordinaire et extraordinaire ; elle n'en a pas dit davantage, SÉV. 296.• La question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible, et sauver un coupable qui est né robuste, LA BRUY. XIV.• On dit que les Cappadociens s'accoutumaient dès l'enfance à résister aux tourments, et qu'ils se donnaient la question les uns aux autres, pour s'endurcir contre les peines à quoi leurs faux témoignages les pourraient un jour exposer, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. IX, p. 568, dans POUGENS.• J'ai toujours présumé que la question, la torture, avait été inventée par des voleurs qui, étant entrés chez un avare, et ne trouvant point son trésor, lui firent souffrir mille tourments jusqu'à ce qu'il le découvrît, VOLT. Dict. phil. Question..• Peña nous apprend que les inquisiteurs n'emploient ordinairement que cinq espèces de tourments dans la question, quoique Marsilius fasse mention de quatorze espèces, VOLT. Dict. phil. Inquisition..• Il faut dire un mot de la torture, autrement nommée question, c'est une étrange manière de questionner les hommes, VOLT. Dict. phil. Torture..• On a tant dit que la question est un secret presque sûr pour sauver un coupable robuste, et pour condamner un innocent d'une constitution faible, que ce raisonnement a enfin persuadé des nations entières, VOLT. Pol. et législ. Fragm. des instr. 4.• Le courage avec lequel il [Machiavel] résista aux tourments de la question qu'il subit, lui sauva la vie, DIDER. Opin. des anc. philos. (machiavélisme)..• L'accusateur peut demander qu'on applique à la question les esclaves de la partie adverse ; conçoit-on qu'on exerce une pareille barbarie contre des hommes dont il ne faudrait que tenter la fidélité ?, BARTHÉL. Anach. ch. 18.• Les Francs ne subissaient pas l'épreuve honteuse de la question ; ils n'étaient point passibles de châtiments serviles, NAUDET Instit. Mém. inscr. et belles-lett. t. VIII, p. 467.Fig. Il se dit, par exagération, de quelque souffrance.• Figurez-vous la question qu'au sire On donna lors, LA FONT. Lun..Il ne faut pas lui donner la question pour lui faire dire tout ce qu'il sait, il parle légèrement et dit ses secrets.XIIe s.• Et quant il aveit bien solu ses questions, Th. le mart. 58.XIIIe s.• Chascuns doit obeir simplement, sans noise et sans question, BRUN. LATINI Trésor, p. 433.XIVe s.• En tex [tels] cas et semblables, il est doubte et question se telles choses doivent estre dites voluntaires ou involuntaires, ORESME Eth. 48.• Ce de quoy estoit la question, c'est assavoir...., ORESME ib. 24.• Et felicité, de quoy nous faisons question [traitons], est propre à homme ou à nature humaine, ORESME ib. IX, 15.• Dame, vous devez commencer. - Non fais, dit-elle, par raison Que par vous must [fut soulevée] la question, Modus, f° CV, verso.• Si se esmut entre eus une question de leur fames, BERCHEURE f° 26, verso..XVe s.• Il y avoit eu aucunes questions [différends] entre lesdits roy et duc de Bourgogne, MATH. DE COUCY Hist. de Charles VII, p. 723, dans LACURNE..XVIe s.• C'est se desborder par trop, de mettre en question ce que chacun voit à l'oeil, CALV. Instit. 42.• Qui plus est, la response de l'ange en oste toute question [doute], CALV. ib. 78.• Seulement je leur demanderay une question, CALV. ib. 943.• S'il eust souhaité monter es cieux dedans un chariot flamboyant comme Helie.... l'eust il impetré ? c'est une question, RAB. IV, Prologue de l'autheur..• On leur faisoit des questions sur le jugement des hommes et de leurs actions, MONT. I, 151.Provenç. questio, question ; espagn. question ; ital. questione ; du lat. quaestionem, de quaestum, supin de quaerere (voy. querir).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREQUESTION. Ajoutez :8° Sorte de jouet composé d'anneaux ou de boules embrouillées, et destiné à occuper l'enfant pour les débrouiller ; ces jouets ont été ainsi dénommés en raison de questions politiques (par exemple, dans le temps, la question romaine), qui demeuraient sans solution. La question de la place que la logique occupe parmi les sciences m'a toujours rappelé ces jouets ingénieux qu'on fabriquait naguère sous le nom de question romaine, question d'Orient, etc.• ; c'est un divertissement philosophique plutôt qu'un problème sérieux, E. DE ROBERTY la Phil. positive, sept.-oct. 1876, p. 208.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.