- serpent
- (sèr-pan) s. m.1° Nom donné à une classe de reptiles sans membres ou à membres rudimentaires, qui rampent sur la terre.• Le serpent était le plus fin de tous les animaux, SACI Bible, Genèse, III, 1.• Le Seigneur viendra avec sa grande épée pénétrante et invincible, pour punir Léviathan, ce serpent immense, Léviathan, ce serpent à divers plis et replis, SACI ib. Isaïe, XXVII, 1.• On conte qu'un serpent voisin d'un horloger.... Entra dans sa boutique, et, cherchant à manger, N'y rencontra pour tout potage Qu'une lime d'acier qu'il se mit à ronger, LA FONT. Fabl. V, 16.• Que le ciel vous donne la force des lions et la prudence des serpents !, MOL. Bourg. gent. IV, 6.• Le serpent venimeux rampa dans les forêts, BOILEAU Épît. III.• Il n'est point de serpent ni de monstre odieux Qui par l'art imité ne puisse plaire aux yeux, BOILEAU Art p. III.• Il se peut que Dieu ait permis que la salive de l'homme tue les serpents ; mais il peut avoir permis aussi que mon chirurgien [qui disait les tuer en les frappant légèrement d'une baguette mouillée de sa salive] ait assommé des serpents à grands coups de pierre et de bâton, VOLT. Dict. phil. Serpent..• Les Égyptiens désignaient le temps, le siècle et sans doute toute espèce de révolution par l'emblème d'un serpent qui, en se mordant la queue, formait un cercle, BAILLY Hist. astr. anc. p. 515.• Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes, A. CHÉN. Hymne à la France..• Des serpents oiseleurs sifflent suspendus aux dômes des bois, en s'y balançant comme des lianes, CHATEAUBR. Atala, Prologue..• Voyez-vous ce serpent longtemps caché sous l'herbe ?, P. LEBRUN Poés. t. I, 2.Serpent à sonnettes, serpent très venimeux, ainsi nommé à cause du bruit qu'il fait en remuant les anneaux mobiles et cornés qui terminent sa queue.Fig.• Que si on rapproche de ceci son caractère [du duc du Maine], on sentira quel serpent à sonnettes c'était dans le plus intérieur du roi, SAINT-SIMON 363, 36.Serpent d'eau, couleuvre à collier.Serpent de verre, nom donné à l'orvet, anguis fragilis, parce que, pris, ses muscles se roidissent au point qu'il se brise, abandonnant une partie de lui-même pour se sauver ; la queue brisée se reproduit en quelques mois.2° Dans la mythologie, les serpents étaient un attribut des Furies.• Filles d'enfer... Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?, RAC. Andr. V, 5.Fig. et poétiquement. Les serpents de l'envie, de la calomnie, l'envie, la calomnie.3° En termes d'armoirie, serpent sert à désigner le duché de Milan. L'ours, l'aigle et le serpent ont cédé à la salamandre.4° Le serpent d'airain, figure de serpent que Moïse éleva dans le désert, et dont la vue guérissait les Israélites qui avaient été mordus par des reptiles.5° Fig. Il se dit de personnes que l'on compare pour leur malice ou perfidie à un serpent.• Je fus appelé dans une seule maison où un petit serpent de fille se donna le plaisir de me montrer beaucoup de musique dont je ne pus lire une note, J. J. ROUSS. Confess. IV.C'est une langue de serpent, se dit d'une personne fort médisante.• Langue de serpent, fertile en impostures, Vous osez sur Célie attacher vos morsures, MOL. l'Ét. III, 4.Réchauffer, retirer un serpent dans son sein, faire du bien à un ingrat.• Petit serpent que j'ai réchauffé dans mon sein, MOL. Éc. des fem. V, 4.• Vous-même, de vos soins craignez la récompense, Et que dans votre sein ce serpent élevé Ne vous punisse un jour de l'avoir conservé, RAC. Andr. I, 2.• Savez-vous quel serpent inhumain Iphigénie avait retiré dans son sein ?, RAC. Iphig. V, 4.6° Il se dit des choses méchantes ou tortueuses comme le serpent.• [La chicane] Tantôt, les yeux en feu, c'est un lion superbe ; Tantôt, humble serpent, il se glisse sous l'herbe, BOILEAU Lutr. V.• C'est trop flatter la tienne [ta haine], et de ma propre main Caresser le serpent qui déchire mon sein, VOLT. Oreste, II, 5.Le serpent est caché sous les fleurs, se dit en parlant de choses dangereuses dont les apparences sont séduisantes.• De quelque belle apparence que l'iniquité se couvrît, M. le Tellier savait connaître, même sous les fleurs, la marche tortueuse de ce serpent, BOSSUET le Tellier.• Combien de fois arrêta-t-il une flatterie qui, comme un serpent tortueux, allait se glisser dans son âme [du jeune Dauphin], FLÉCH Duc de Mont..7° Terme de l'Écriture. Le serpent, le démon tentateur.• Enfin le vieux serpent tâchera de t'aigrir Contre les moindres maux que tu voudras souffrir ; Il fera mille efforts pour brouiller ta conduite ; Mais avec l'oraison tu le mettras en fuite, CORN. Imit. III, 12.• Qu'est-il nécessaire de vous raconter plus au long l'histoire de nos malheurs ? vous savez assez que le premier homme, séduit par les infidèles conseils de ce serpent frauduleux, voulut faire une funeste épreuve de sa liberté, BOSSUET 1er sermon, Pâques, 1.8° Instrument à vent dont on se sert dans les choeurs de musique d'église pour soutenir la voix, et qui est fait en forme de gros serpent ; aujourd'hui l'on en abandonne l'usage.• Au frémissement des serpents et des basses, cette hymne [Te Deum] faisait résonner les vitraux, CHATEAUBR. Génie, III, I, 2.• Cet instrument fut inventé en 1590 par un chanoine d'Auxerre, nommé Edme Guillaume ; la construction en est vicieuse de tous points ; beaucoup de ses intonations sont fausses, et, à côté de notes trop fortes, on en rencontre qui sont très faibles ; l'expulsion du serpent des églises sera un pas de fait vers le bon goût en musique, FÉTIS la Musique, II, 16.Celui qui joue du serpent. Il y a dans cette église un bon serpent.10° Langue de serpent, plante, voy. langue.11° Bois de serpent, voy. serpentine 3.12° Serpent de mer, poisson de la Méditerranée.13° Terme de marine. Espèce de pirogue de la côte de Malabar.14° Constellation boréale.15° Terme d'alchimie. Se dit du mercure.Serpent de Pharaon, jouet fabriqué avec du sulfocyanure de mercure, qui, se décomposant par la combustion avec boursouflement, prend une apparence vermiculaire.XIe s.• Serpens e guivres, dragon e aversier, Ch. de Rol. CLXXXI.XIIIe s.• Folie est combatre sanz armes et dormir près del sarpent, BRUN. LATINI Trésor, p. 391.• Le vieil serpent, de viellesse anuiez, Pour joenne cuir eschange sa viel pel, Bibl. des ch. 4e série, t. V, p. 317.• Et dit ainsi que qui vouloit tuer premier le serpent, il li devoit esquacher [écraser] le chief, JOINV. 219.XIVe s.• Deux broches garnies de langues de serpent, DE LABORDE Émaux, p. 497.XVe s.• Haa, dame, distil, encore est-ce dedans mon marché jusques à la fontaine ; et, se je ne craignois deffence du serpent [défense équivoque, plutôt apparente que réelle], encore fis-je autre chose, Perceforest, t. IV, f° 113.XVIe s.• La grand serpente au pole arctique emprainte, MAROT IV, 65.• Un bois.... Où couloit en serpent une eau luisante et claire, DESPORTES Angélique, I.• Quand elle sceut sa mort [du duc d'Orléans fils de François Ier], elle sceut en mesme temps celle de son mary, qui luy aida à celer et cacher tellement le regret qu'elle portoit de son prince, que plusieurs qui n'en sçavoient le serpent desous l'herbe, attribuoient du tout ce grand dueil pour le mary, BRANT. Capit. franç. t. I, p. 349, dans LACURNE.• Il faut tirer le serpent du buisson par la main d'autruy, COTGRAVE .Génev. une sarpent ; bressan, la sarpan ; wallon, sierpain ; Berry, sarpent, sarpente ; provenç. sarpent, et aussi serp, ser, cer ; catal. serpent ; espagn. serpiente ; ital. serpente ; du lat. serpentem, de serpere, ramper, grec, sanscr. sarpâmi. Le prov. serp vient non de serpentem, mais de serpens, accent sur ser. Serpent est quelquefois féminin dans l'anc. langue et dans les patois.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.