reconnaître

reconnaître
(re-co-nê-tr') v. a.
   Il se conjugue comme connaître.
   Se remettre dans l'esprit l'idée de quelqu'un ou de quelque chose que l'on connaît. Je reconnais le cachet. Reconnaître des gens à leur voix, à leurs allures.
   Quand elle fut dans la tour et qu'elle se présenta à la porte, les épines qui la bouchaient et qui s'étaient d'elles-mêmes détournées pour laisser passer Psyché la première fois, ne la reconnaissant plus [elle était devenue noire], l'arrêtèrent, LA FONT. Psyché, II, p. 200.
   Vous voilà tout désolé parce que vous avez vu votre père sans le reconnaître, FÉN. Tél. XXIV.
   Un chien, un éléphant reconnaît son maître au bout de dix ans, VOLT. Dial. XXV.
   Oui, je te le répète, oui, c'est lui que j'ai vu ; Mieux encor que mes yeux mon coeur l'a reconnu, GRESSET le Méch. III, 1.
   Ai-je encor des amis dans mes tristes destins ? Un seul m'était resté, non parmi les humains ; Aux portes du palais il [le vieux chien] m'a su reconnaître, Il est mort de sa joie en revoyant son maître, P. LEBRUN Ulysse, II, 2.
   Fig.
   De mes feux mal éteints je reconnus la trace, RAC. Andr. I, 1.
   Absolument.
   Elle renverse tout ce qui s'offre à ses pas, Et, sur ceux qu'elle voit, frappe sans reconnaître, CORN. Veuve, IV, 1.
   On ne le reconnaît plus, nous ne le reconnaissons plus, il est tout à fait changé.
   Ces mêmes gens, pour l'ordinaire si flatteurs et si complaisants, peuvent se démentir : quelquefois on ne les reconnaît plus, et l'on voit l'homme jusque dans le courtisan, LA BRUY. XI.
   Depuis que vous avez quitté la province et que votre maîtresse est devenue une riche héritière, je ne vous reconnais plus, GENLIS Théât. d'éduc. le Méchant par air, I, 1.
   Connaître à quelque signe, à quelque marque, à quelque indication, une personne ou une chose qu'on n'a jamais vue. à sa démarche on reconnut une déesse. Reconnaître une plante d'après la description donnée par les auteurs.
   Il [M. de Turenne] dit au petit d'Elboeuf : Mon neveu, demeurez là ; vous ne faites que tourner autour de moi, vous me feriez reconnaître, SÉV. 211.
   Ils [les princes morts] vont tous ensemble se confondre dans un abîme où l'on ne reconnaît plus ni princes, ni rois, ni toutes ces autres qualités superbes qui distinguent les hommes, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Dans ce même Dieu, dans ce même Seigneur, nous reconnaissons un père dont nous sommes tous les enfants, BOURDAL. Myst. Trinité, t. I, p. 500.
   Peuples et vous, Abner, reconnaissez Joas, RAC. Ath. V, 5.
   Il reconnut dans le visage d'Arcésius une grande ressemblance avec Laërte, FÉN. Tél. XIX..
   Ce serait une surprise assez agréable de voir Pandore [dans l'opéra de ce nom], le démêler [Prométhée] dans l'assemblée des sylvains et des faunes, comme Marie-Thérèse, beaucoup moins spirituelle que Pandore, reconnut Louis XIV au milieu de ses courtisans, VOLT. Lett. Chabanon, 29 janv. 1768.
   Il faut être aveugle pour n'être pas ébloui de ce spectacle [le ciel] ; il faut être stupide pour n'en pas reconnaître l'auteur, VOLT. Dict. phil. Religion, II.
   Nous serons bien heureux s'il [Bartholo] ne vous reconnaît pas, vous qu'il n'a jamais vu, BEAUMARCH. Barb. de Sév. I, 4.
   Se faire reconnaître, prouver qui l'on est par des indications certaines.
   Il se dit des marques morales, intellectuelles qui font connaître quelqu'un ou quelque chose.
   Pour vous, ma chère enfant, je vous reconnais bien à consentir...., SÉV. 1er nov. 1671.
   Reconnaissez ici le monde, reconnaissez ses maux toujours plus réels que ses biens, et ses douleurs par conséquent plus vives et plus pénétrantes que ses joies, BOSSUET Anne de Gonz..
   On reconnaît Joad à cette violence, RAC. Athal. III, 5.
   À votre langage seul, je vous reconnaîtrais pour un stoïcien, FONT. Dial. 1er, Morts anc..
   Entre plusieurs traits dont brille son discours [de Montesquieu], on reconnaîtrait l'écrivain qui pense, au seul portrait du cardinal de Richelieu, D'ALEMB. Éloges, Montesquieu..
   De son temps [de Molière] le janséniste reconnaissait le jésuite dans Tartufe, et le jésuite y reconnaissait le janséniste, DIDEROT Claude et Nér. I, 50.
   Je reconnais bien là mon homme ; il ne traite rien que de bouche, Corresp. du général Klinglin, I, 220.
   Parvenir à connaître, à apercevoir, à découvrir la vérité de quelque chose. On a reconnu son innocence. On reconnaît à ces indices la salubrité de l'eau. On reconnaît leur mauvaise foi.
   On ne les sent aussi [les remords] que quand le coup approche, Et l'on ne reconnaît de semblables forfaits Que quand la main s'apprête à venir aux effets, CORN. Cinna, III, 2.
   Et reconnaissez-vous que tout ce qu'il m'a dit, Par quelque impression ébranle mon esprit ?, CORN. Nicom. IV, 1.
   Je ne reconnais point, pour moi, quand on se moque ; Parlez-vous tout de bon ?..., MOL. Éc. des fem. II, 6.
   Image sensible où nous devons reconnaître l'inutilité de toutes nos oeuvres pour le salut, si la foi animée de la charité et de la grâce n'en est pas le principe et comme le premier moteur, BOURDAL. Pensées, t. I, p. 216.
   L'on ne reconnaît plus en ceux que le jeu et le gain ont illustrés, la moindre trace de leur première condition, LA BRUY. VI.
   Napoléon ne reconnut pas immédiatement, on va le voir, la force réelle des Prussiens, CHARRAS Waterloo, chap. VIII.
   Reconnaître avec la négation signifie quelquefois ne plus avoir égard à, ne plus écouter. Il ne reconnaît d'autre loi que sa volonté.
   Implacables l'un pour l'autre et irréconciliables ennemis pendant que la séance [de jeu] dure, ils [les joueurs] ne reconnaissent plus ni liaisons, ni alliance, ni naissance, ni distinction, LA BRUY. VI.
   Considérer, observer. Reconnaître les lieux, le terrain.
   Disposition facile à reconnaître dans cette queue, que l'oiseau [le troglodyte] a coutume, non-seulement de relever, mais d'épanouir en volant, et qui la fait paraître à deux pointes, BUFF. Ois. t. X, p. 48.
   Fig. Reconnaître les dispositions de quelqu'un,
   Terme de guerre. Reconnaître, se dit pour examiner, s'instruire de ce qui concerne la situation, la nature, la force d'un lieu ou d'une troupe ennemie. Il envoya reconnaître les passages, les ennemis, leur contenance, leur nombre.
   Il [le roi] arriva avant midi, reconnut la place fort exactement, suivant sa coutume, PELLISSON Lett. hist. t. I, p. 292.
   J'ai des ordres à donner, des lieux à reconnaître, des dispositions à faire et des dépêches à dicter, Lett. du roi de Pr. à Voltaire, 21 juin 1760.
   Absolument. Il est allé reconnaître.
   Reconnaître une patrouille, une ronde, etc. s'assurer qu'elle n'est pas ennemie.
   Faire l'exploration de contrées, d'eaux inconnues.
   Alexandre laissa son armée et sa flotte à Patale, alla lui-même avec quelques vaisseaux reconnaître la mer, marqua les lieux où il voulut que l'on construisît des ports, des havres, des arsenaux, MONTESQ. Esp. XXI, 8.
   Ce que Séleucus reconnut fut appelé mer Séleucide ; ce qu'Antiochus découvrit fut appelé mer Antiochide, MONTESQ. ib. XXI, 9.
   Il y a de très fortes raisons qui me portent à croire que la région de notre pôle qui n'a pas été reconnue ne le sera jamais, BUFF. 6e ép. nat. Oeuv. t. XII, p. 310.
   Colomb y aborda [au continent], lorsqu'en 1498 il reconnut l'Orénoque, RAYNAL Hist. phil. XII, 2.
   Terme de marine. S'approcher d'une terre, en examiner la forme, en étudier les abords.
   Comme on n'eut plus de sujet de craindre le mauvais temps.... on fit route pour reconnaître le cap de la Vele, Mém. d'Estrées, 24 août 1680, dans JAL.
   Le petit vaisseau sur lequel il avait abordé en Bretagne, n'était venu que pour reconnaître la côte, VOLT. Ingénu, 7.
   Reconnaître un écueil, un danger, s'en approcher, les relever, les dessiner.
   Reconnaître un vaisseau, s'approcher de lui pour juger de sa force, connaître sa nationalité, etc.
   Admettre, accepter comme vrai, comme incontestable. Ce philosophe reconnaissait l'existence des atomes.
   On reconnaît d'un commun accord les avantages de.... Les gourmets reconnaissent un excellent goût aux huîtres de.... Sans doute qu'étant chrétien comme vous prétendez l'être, vous n'hésiterez pas à reconnaître qu'il n'est rien de plus important pour vous que tout ce que je viens de vous marquer, BOURDAL. Pens. t. II, p. 32.
   Se soumettre à l'autorité d'une personne.
   Paris et tout le royaume, avec un fidèle et admirable empressement, reconnaît son roi gardé par la Providence et réservé à ses grands ouvrages, BOSSUET le Tellier..
   Les Gaules n'eurent presque rien qui n'obéît aux Français ; et tous reconnaissaient Charles Martel, BOSSUET Hist. I, 11.
   Étant chrétien, il ne reconnaît point, à proprement parler, d'autre maître que Dieu ; ou, reconnaissant d'autres puissances, il ne les regarde que comme des puissances subordonnées au Tout-Puissant, BOURDAL. Pensées, t. I, p. 229.
   Aussi bien n'attends pas qu'un coeur comme le mien Reconnaisse un vainqueur et te demande rien, RAC. Alex. V, 3.
   Ce jour, ce triste jour frappe encor ma mémoire, Où Néron fut lui-même ébloui de sa gloire, Quand les ambassadeurs de tant de rois divers Vinrent le reconnaître au nom de l'univers, RAC. Brit. I, 1.
   Marguerite Waldemar, fille de Waldemar III, la Sémiramis du Nord, profita de ces troubles, et se fit reconnaître reine de Suède, de Danemark et de Norwége, VOLT. Moeurs 119.
   On dit dans un sens analogue : reconnaître un Dieu.
   Lui [Descartes] qui avait employé toute la sagacité de son esprit à chercher de nouvelles preuves de l'existence d'un Dieu, fut accusé de n'en point reconnaître, VOLT. Dict. phil. Newton et Descartes..
   Je reconnus son Dieu, VOLT. Alz. V, 5.
   Les Chaldéens reconnaissaient un dieu suprême, une âme du monde, qu'ils adoraient sous le nom de Baal, CONDIL. Histoire anc. III, 4.
   Reconnaître un gouvernement, reconnaître qu'il est légitimement établi et qu'il prend place à côté des anciens gouvernements.
10°   Dans le langage religieux, reconnaître se dit quelquefois pour déclarer sa foi.
   Quiconque me confessera et me reconnaîtra devant les hommes, je le reconnaîtrai aussi moi-même devant mon Père qui est dans les cieux, SACI Bible, Évang. St Matthieu X, 32.
11°   Reconnaître pour, reconnaître en telle qualité.
   Énée, que les Romains reconnaissent pour leur fondateur, BOSSUET Hist. I, 5.
   Il [Jésus-Christ] déclara qu'il ne reconnaissait pour mère et pour frère que ceux qui faisaient la volonté de son Père céleste, BOURDAL. Assompt. de la Vierge, Myst. t. II, p. 321.
   Le Pont vous reconnaît dès longtemps pour sa reine, RAC. Mithr. I, 3.
   Louis XIV reconnut le fils de Jacques II pour roi en 1701, VOLT. Suppl. au Siècle de Louis XIV, 1re part..
   On dit dans un sens analogue et par ellipse : reconnaître de, c'est-à-dire pour être de.
   Les sauvages du Canada font brûler leurs prisonniers ; mais, lorsqu'ils ont des cabanes vides à leur donner, ils les reconnaissent de leur nation, MONTESQ. Esp. XXIII, 17.
12°   Terme militaire. Faire reconnaître un officier, le proclamer en présence de la troupe où il doit commander.
13°   Reconnaître un enfant, s'avouer authentiquement pour père ou mère d'un enfant naturel.
   Elle [la duchesse de Portsmouth] a un fils qui vient d'être reconnu, à qui on a donné deux duchés, SÉV. 216.
   Mme de Montespan eut cinq enfants de suite ; je ne sais s'ils furent reconnus tous ensemble, ou séparément, Mme DE CAYLUS Souvenirs, p. 57, dans POUGENS.
   Le roi fit ensuite reconnaître les siens [bâtards], savoir le duc du Maine, M. le comte du Vexin, Mlle de Nantes, Mlle de Tours, Mme DE CAYLUS ib. p. 58.
14°   Reconnaître son seing, sa signature, une lettre, un billet, etc. reconnaître qu'on a signé l'écrit dont il s'agit, qu'on a écrit en effet la lettre, le billet, etc.
   Reconnaître une rente, une redevance, en passer un aveu.
15°   Avouer, confesser.
   Vous, Seigneur, dont la bonté infinie n'a rien donné aux hommes de plus efficace pour effacer leurs péchés que la grâce de les reconnaître...., BOSSUET Anne de Gonz..
   Chrétiens, que répondrons-nous à ce reproche ? il est juste, reconnaissons-le, BOSSUET Sermons, Rechute, 2.
   Qu'ils raisonnent comme il leur plaira ; s'ils n'ouvrent pas les yeux et qu'ils s'obstinent à ne vouloir pas reconnaître la fatale illusion qui les séduit...., BOURDAL. Pensées, t. I, p. 200.
   Il reconnaît sa dernière injustice, RAC. Brit. V, 1.
   Dans les commencements il [Idoménée] a fait des fautes, et il met sa gloire à les reconnaître par les offres dont il vous prévient, FÉN. Tél. XI.
   Reconnaître que les animaux sont doués de sensations et de mémoire, sans savoir comment cela s'opère, ce serait parler en sage qui sait que l'ignorance vaut mieux que l'erreur, VOLT. Louis XIV, Écriv. Pardies..
   L'Ingénu, qui avait beaucoup de bon sens, disputa, mais reconnut son erreur ; ce qui est assez rare en Europe aux gens qui disputent, VOLT. Ingénu, 3.
   On dit : reconnaître de, avec un infinitif. Ce fut une chose fort touchante, quand elle [Mme de Coulanges malade] fit écrire à M. du Gué pour lui recommander M. de Coulanges, et cela par conscience et par justice, reconnaissant de l'avoir ruiné, SÉV. 7 oct. 1676
   On supprime quelquefois la préposition de.
   Je reconnais avoir reçu.... Puisque vous reconnaissez ce défaut être une source de discorde, BOSSUET Sermons, 2e exhort. pour une visite..
16°   Avoir de la reconnaissance pour.
   Mais puisqu'on reconnaît si mal mes bons offices, MOL. l'Ét. I, 10.
   Qui reconnaît les grâces, aime à en faire, BOSSUET Hist. III, 3.
   Narcisse, c'est assez : je reconnais ce soin, RAC. Brit. IV, 4.
   Je reconnais, Abner, ce service important, RAC. Athal. II, 8.
   Je sais bien reconnaître les procédés qu'on a pour moi, GENLIS Théât. d'éduc. les Dangers du monde, I, 6.
   Récompenser.
   L'ode de M. Chapelain n'a-t-elle pas été reconnue d'une pension de cinq cents écus ?, NAUDÉ Mascurat, in-4° p. 237, dans GODEFROY, Lex. de Corneille..
   Va, je reconnaîtrai ce service en son lieu, CORN. Rodog. III, 1.
   Vous voulez d'un sujet reconnaître le zèle, RAC. Esth. II, 5.
   Pour reconnaître ces services, Antiochus leur accorda plusieurs priviléges, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VIII, p. 240, dans POUGENS.
   Reconnaître quelqu'un, user de reconnaissance envers lui, le récompenser.
   ....c'est de quoi nous ravir De le voir [Dieu] aussi prompt à te bien reconnaître [Louis XIV], Que ta haute valeur fut prompte à le servir, CORN. Inscript. mises sous des estampes, XVIII, Prise de Hesdin..
   De César, de son maître il paie ainsi l'estime, Et reconnaît si mal qui lui veut tant de bien, ROTR. St Gen. II, 8.
   Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins, MOL. D. Juan, III, 2.
   Absolument. Témoigner de la reconnaissance.
   Quand peut-on être ingrat, si c'est là reconnaître, Et que puis-je sur vous si le coeur n'y consent ?, CORN. Agés. V, 4.
17°   Se reconnaître, v. réfl. Trouver sa ressemblance, son image, dans un portrait, dans un miroir, etc.
   Il se regarda dans un miroir, et se reconnaissait à peine, tant il était changé ! Qui est-ce qui ne se reconnaît pas dans Molière ; et, si l'on ressuscitait les héros de nos tragédies, ils auraient bien de la peine à se reconnaître sur notre scène, DIDER. Essai sur la peinture, ch. 5.
   Fig. Retrouver ses opinions, ses sentiments dans un autre. Se reconnaître dans son fils.
18°   Se remettre dans l'idée un lieu qu'on a connu et où l'on se retrouve. Il y a bien longtemps que je suis venu ici ; mais je me reconnais.
   Fig. Ce manuscrit est difficile à lire ; mais je commence à m'y reconnaître. C'est une affaire embrouillée ; je ne m'y reconnais plus.
19°   Se reconnaître, constater qu'on se connaît les uns les autres.
   Dans tous les discours et tous les écrits de certaines gens, on n'entend ni on ne voit presque autre chose que le terme de vérité ; c'est, ce me semble, le signal pour se reconnaître les uns les autres ; c'est leur cri de guerre, BOURDAL. Pensées, t. I, p. 276.
20°   Être reconnaissable ou reconnu.
   L'opération de la grâce se reconnaît dans ses fruits, BOSSUET Anne de Gonz..
   Le duc et le marquis se reconnut aux pages, BOILEAU Sat. V.
21°   Avouer quelque chose de soi.
   Quoiqu'il se reconnaisse pécheur et qu'il fasse profession de l'être, BOURDAL. 7e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 56.
22°   Connaître qu'on a péché, qu'on a failli.
   Que dirai-je donc pour vous arrêter ?... qu'il [Dieu] vous fera mourir d'une mort soudaine, sans avoir le loisir de vous reconnaître ?, BOSSUET Sermons, Rechute, 2.
23°   Reprendre ses sens, examiner ce qu'on doit faire.
   Quand votre jugement se sera reconnu, Vous bénirez le mal qui vous est avenu, MAIRET Sophon. V, 6.
   Il y a apparence qu'il eût été tué.... si elle n'eût donné aux chrétiens le temps de se reconnaître, SCARR. Rom. com. II, 14.
   Il [Polybe] voyait les Romains.... ne laisser aux Macédoniens aucun moment pour se reconnaître, BOSSUET Hist. III, 6.
   Vous alléguez le bruit, le tumulte, les soins, les engagements, les agitations du monde ; tout votre temps, dites-vous, s'y consume ; et à peine pouvez-vous vous reconnaître, BOURDAL. Pensées, t. II, p. 35.
   Quelques jours ; rien ne presse ; Encore faut-il bien qu'elle se reconnaisse ; à peine est-elle encor mariée...., DUFRÉNY Mariage fait et rompu, I, 6.
   Je ne suis pas digne d'avoir le temps de me reconnaître et de me repentir de ma rage, MARIV. Pays. parv. 3e part..
   
   "Ma colère revient, et je me reconnois ; Immolons en partant deux ingrats à la fois, RAC. Mithr. IV, 5". L'usage, dès le temps de Racine, avait décidé qu'il fallait toujours prononcer je reconnais ; et, par conséquent, l'autre prononciation [celle comme fois] ne doit être regardée, dans Racine, que comme on regarde les archaïsmes dans Virgile, D'OLIVET Rem. Racine, § 12.
   XIe s.
   Très sei [il] la tint [la lettre], ne la volt demustrer, Nel reconnissent usque il s'en seit alet, St Alexis, LVIII.
   Dusque li uns son tort en reconnuisse, Ch. de Rol. CCLXI.
   XIIe s.
   Si coiement [j'] ai ma dolor menée, Qu'à mon semblant ne la reconnoist-on, Couci, VI.
   E tuz les reis de cele terre recunnurent lur regnes de lui, e pais out de tutes parz, Rois, p. 240.
   Puet cel estre qu'il s'est en sei reconeüz, E de la felunie s'est ensi defenduz, Th. le mart. 151.
   Ben reconnurent Renoart à l'escu, Bat. d'Aleschans, V. 7125.
   XIIIe s.
   Aucune foiz avient que cil qui a receu monstre qu'il aime plus son bienfaitor que cil lui ; et ce font il, por ce que l'on ne les blasme dou non reconoistre le benefice, BRUN. LATINI Trésor, p. 320.
   Tout aussi com [à] Symon [elle] l'avoit reconneü [déclaré], Berte, LI.
   Ont requesneu Girart et Mengiers que...., DU CANGE accensare..
   XIVe s.
   Les bestes mues se recognoissent en leur viandes, et s'esjoissent et delettent es unes et es autres non, ORESME Eth. 97.
   XVe s.
   Et jurerent [les bourgeois] et reconnurent à tenir la cité de luy, FROISS. I, I, 58.
   [Philippe de Valois après avoir menacé les Flamands de sa vengeance leur promet toutefois que] s'ils se vouloient reconoistre et retourner à lui et à la couronne de France [ils venaient de s'allier à Édouard III], il leur pardonneroit...., FROISS. I, I, 106.
   Fi du latin ! parlons françois ; Je m'y reconois davantage, BASSEL. IX..
   XVIe s.
   L'amour mal reconnu vous brusle, MARG. Nouv. LXX. M. A..
   Muret que la France recognoist pour le meilleur orateur du temps, MONT. I, 194.
   D'aultres ne recognoissant aultre dieu ny aultre divinité qu'elles [les bêtes], MONT. II, 133.
   Ce qu'estant parachevé, on iroit recognoistre la ville de plus près, LANOUE 448.
   Ilz s'en coururent au camp de Martius, disant qu'ilz ne recognoissoient autre superieur que luy, AMYOT Cor. 44.
   Sachant bien que Pyrrhus, recognoissant les bienfaits qu'il avoit receuz de Ptolomaeus, ne lui refuseroit jamais rien, AMYOT Pyrrh. 12.
   Le roi le trouva en fin las de sa besongne mal reconnue [récompensée], D'AUB. Hist. III, 335.
   C'est une vache de Barbarie qui ne recognoist que son propre veau, COTGRAVE .
   Folie faire et folie recognoistre sont deux paires de folies, COTGRAVE .
   Re..., et connaître ; bourg. requeunoitre ; wallon, riknoh ; provenç. recognoscer, reconoscer, reconnoisser ; espagn. reconocer ; port. reconhocer, ital. riconoscere.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • RECONNAÎTRE — v. tr. Retrouver dans sa mémoire l’idée, l’image d’une personne, d’une chose, quand on vient à la revoir ou à l’entendre. Il y avait longtemps que je ne l’avais vu, j’ai eu de la peine à le reconnaître. Je l’ai reconnu à sa démarche, à sa voix.… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

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