- quel
- quel, quelle(kèl, kè-l') adj.1° Il s'emploie pour exprimer la qualité, et répond au latin qualis.• La façon dont il a vécu avec moi montre assez quel il est, VAUGEL. Q. C. 366.• Voilà quelle je suis et quelle je veux être, CORN. Héracl. I, 2.• Allez, allez, vous pourrez avec eux [les médecins] avoir quel mal il vous plaira, MOL. l'Av. I, 8.• Qu'ils apprennent au moins quelle est la religion qu'ils combattent, avant que de la combattre, PASC. Pens. IX, 1, éd. HAVET..• En voici la preuve, me dit-il, et Dieu sait quelle ! c'est Escobar, PASC. Prov. v..• Tout est à l'armée ; quand on voit un homme dans les rues avec une épée, les petits enfants crient sur lui ; voilà quel est Paris présentement, SÉV. 6 juin 1672.• Le matin elle fleurissait, avec quelles grâces, vous le savez, BOSSUET Duch. d'Orl..• Mettez-vous dans quelle situation il vous plaira, la prière l'adoucit...., MASS. Carême, Prière 2.• Ils ont supposé dans les conquérants un droit, je ne sais quel, de tuer, MONTESQ. Espr. X, 3.Il s'emploie en ce sens interrogativement.• Quelle réponse t'a-t-on faite ?, MOL. l'Av. II, 1.• Quels honneurs n'a-t-on pas rendus à M. Corneille et à M. Racine ?, BOILEAU Lett. à Perrault..• Quels courages Vénus n'a-t-elle pas domptés ?, RAC. Phèdre, I, 1.• Quelle raison a-t-on pour croire que la séparation de l'âme et du corps ne puisse se faire sans une douleur extrême ?, BUFF. Hist. nat. homme, Oeuv. t. IV, p. 373.• Quel homme est-ce ? - C'est un beau, court, jeune vieillard..., rusé, rasé...., BEAUMARCH. Barb. de Sév. I, 4.Il s'emploie en ce sens exclamativement.• Au reste, égalant les plus belles, Et surpassant les plus cruelles, N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs : Quelle l'eût-on trouvée au fort de ses faveurs !, LA FONT. Fabl. XIII, 26.• Quel homme !, MOL. Mis. I, 1.• Ariane, ma soeur, de quel amour blessée Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !, RAC. Phèdre, I, 3.• Joas : Quel père Je quitterais ! et pour.... - Athalie : hé bien ? - Joas : pour quelle mère !, RAC. Athal. II, 7.• Moi-même, plein d'un feu que sa haine réprouve, Quel il m'a vu jadis, et quel il me retrouve !, RAC. Phèdre, III, 6.• Quel devins-je au récit du crime de ma mère !, RAC. Mithr. I, 1.2° Il se dit aussi pour exprimer la nature de la personne ou de la chose, et répond au latin quis, quisnam.• Je vous ai légué d'Étallonde [un des condamnés d'Amiens], comme je ne sais quel Grec donna en mourant sa fille à marier à je ne sais quel autre Grec, VOLT. Lett. d'Alembert, 29 oct. 1774.• Personne ne doute, dit Peña, scolie 47, qu'il ne faille faire mourir les hérétiques, mais on peut demander quel genre de supplice il convient d'employer, VOLT. Dict phil. Inquisition..Il s'emploie interrogativement en ce sens.• Quel est donc, lui dis-je, ce vieillard si modeste avec tant d'amour-propre, et si malheureux avec tant de bonheur ? C'est, me dit-il, Isocrate, BARTHÉL. Anach. ch. 8.• Berger, quel es-tu donc ? qui t'agite ?, A. CHÉN. Idylles, la Liberté..Quel de, pour lequel.• Quels de vos diamants me faut-il lui porter ?, CORN. Suite du Ment. II, 3.• Quel des deux voulez-vous, ou mon coeur ou ma cendre ? Quelle des deux aurai-je, ou la mort ou Cassandre ?, ROTROU Venceslas, II, 2.• Quelle de mes tristes pensées Avec tes flots n'a pas coulé ?, LAMART. Harm. II, 5.3° Il se dit pour combien grand, et répond au latin quantus, et pour combien de, et répond au latin quot.• La reine [d'Espagne] parla au peuple avec tant de grâce, de force et de courage qu'il est incroyable avec quel succès, SAINT-SIMON 282, 85.Il s'emploie en ce sens interrogativement et exclamativement.• Quel charme de s'ouïr louer par une bouche Qui, même sans s'ouvrir, nous enchante et nous touche !, LA FONT. Fill. de Minée..• Madame la Dauphine est accouchée hier jeudi à dix heures du soir d'un duc de Bourgogne : votre ami vous mandera la joie éclatante de toute la cour, avec quel empressement on la témoignait au roi, à Monsieur le Dauphin, à la reine ; quel bruit, quels feux de joie, quelle effusion de vin, quelle danse de deux cents Suisses autour des portes, quels cris de vive le roi ! quelles cloches sonnées à Paris ; quels canons tirés, quel concours de compliments et de harangues, SÉV. 7 août 1682.• Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement : quel feu ! quelle naïveté ! quelle source de bonne plaisanterie ! quelle imitation des moeurs ! quelles images et quel fléau du ridicule !, LA BRUY. I.• Si l'on juge, par le passé, de l'avenir, quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature, et, j'ose dire, dans l'histoire !, LA BRUY. XII.• Quelle ville qu'Athènes ! quelles lois ! quelle police ! quelle valeur ! quelle discipline ! quelle perfection dans toutes les sciences et dans tous les arts ! mais quelle politesse dans le commerce ordinaire et dans le langage, LA BRUY. Disc. sur Théophr..4° Il s'emploie pour indiquer l'ordre, le rang, et répond à l'ancien adjectif quantième. En quel siècle sommes-nous ? Dans le XIXe. En quelle année vivons-nous ? En 1869. Quel jour du mois est-il aujourd'hui ? Le trois.5° Quelle heure est-il ? Il est deux heures, huit heures. De même on dit : Quel âge avez-vous ? et l'on répond : soixante-huit ans. Dans les deux cas la réponse renferme une ellipse : il est [l'heure de] huit heures ; j'ai [l'âge de] soixante-huit ans.6° Tel quel, voy. tel.7° Quel que, quelle que, voy. QUEL QUE à son rang alphabétique.PROVERBE Quel pour moi, tel pour toi.1. Cet adjectif interrogatif, suivi d'un substantif, peut être avec ce substantif le régime direct du verbe qui le suit : et alors le participe est variable, d'après la règle générale qui veut que le participe s'accorde quand il est précédé de son régime direct. Quelle nouvelle m'avez-vous apportée ?2. De Paris à Lyon quelle est ma route ? peut signifier trois choses : la route en tant que désignant les lieux par où je passerai ; la route par rapport à ses qualités : agréable, variée, triste ; la route par rapport à sa longueur. Quelle est votre maison ? peut signifier laquelle de ces maisons est la vôtre, ou de quelle façon est votre maison. Le sens de quel est devenu très confus : la cause en est dans la perte que la langue a faite de plusieurs excellentes tournures : on ne peut plus dire qui au sujet, en parlant d'une chose ; qui est cette maison ? n'est plus français ; l'adjectif quant, quantes a péri ; quantième n'est plus que substantif. De la sorte, quel en est venu, bon gré mal gré, à remplacer tous ces mots.XIe s.• En quel mesure en pourrai estre fiz [certain] ?, Ch. de Rol. x.• Oez, seignur, quel pechet nous encombre, ib. II.XIIe s.• Mais [je] ne sai pas encor certainement Quel guerredon ele me voudra rendre, Couci, v.• Par quel forfait et par quel mesprison M'avez, Amors, de vos si esloigné ?, LA BRUY. VII.• Quant il sauront queus iert [sera] li guerredons, LA BRUY. XIII.• Il leur a demandé : qex [quelles] nouveles, baron ?, Sax. XXII.• Parole à David, si li di que il eslised de treis choses quele que il volt mielz que jo li face.... E li prophete vint al rei, si li dist de part nostre seignur, et ruvad [rogavit] que il esleist quel membre que il volsist, Rois, p. 217.XIIIe s.• [Elle] Ne sut quel part aler, tousjours se traist en sus, Berte, XXIV.• Quel deable ont la voie [à] Blanchefleur ci aprise ?, ib. LXXVI.XIVe s.• Et par consequent queles sont les parties ou les communicacions politiques, teles sont les amistés, ORESME Eth. 245.XVIe s.• Ayant aesles cartilagineuses (quelles sont es souris chaulves), fort longues et larges, RAB. Pant. IV, 3.• ....Quel' rancune te touche ?, MAROT II, 5.• Adjoustans, quels, combien d'hommes, quelles armes...., MONT. I, 24.• Ils envoyoient devant les plus grossiers, pour voir quel il y faisoit, CASTELN. 72.• Les corps secs et durs, quels sont les membranes, ne sont alterés que par medicamens forts, PARÉ VIII, 18.Berry, queu, queulle, queux au pluriel ; bourguig. quei ; provenç. qual, cal ; espagn. cual ; ital. quale ; du lat. qualis, formé du relatif, et de lis, que Bopp, Gr. comp. § 419, rapproche du suffixe grec signifiant ressemblance ; ainsi qualis serait : semblable à qui.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.