- pluie
- (pluî) s. f.1° Eau qui tombe par gouttes de l'atmosphère.• Le temps est à la pluie. Je vois de loin venir la pluie ; Le ciel est noir de bout en bout, SAINT-AMANT la Pluie.• Il part tout morfondu, Sèche le mieux qu'il peut son corps chargé de pluie, LA FONT. Fabl. IX, 2.• Nous avons eu ici des pluies continuelles, et, au lieu de dire après la pluie vient le beau temps, nous disons, après la pluie vient la pluie, SÉV. 60.• Il n'y a point de mémoire d'homme d'un temps si beau et si persévérant : on a oublié la pluie ; quelques vieillards disent qu'ils en ont vu autrefois, mais on ne les croit pas, SÉV. 12 oct. 1677.• Ou quelque longue pluie, inondant vos vallons, A-, t-elle fait couler vos vins et vos melons ?, BOILEAU Sat. III.• Les cieux par lui fermés et devenus d'airain, Et la terre trois ans sans pluie et sans rosée, RAC. Athal I 1.• Les Américains croyaient que la pluie venait de ce qu'une jeune fille qui était dans les nues jouant avec son petit frère, il lui cassait sa cruche pleine d'eau, FONTEN. Orig. fabl. t. III, p. 288, dans POUGENS.• La quantité de pluie qui tombe à Rome est de trente pouces et demi ; à Paris il est rare qu'elle aille à vingt, DUCLOS Oeuv. t. VII, p. 26.Fig. Parler de la pluie et du beau temps, parler de choses indifférentes.• Si l'on dit que nous parlons dans nos lettres de la pluie et du beau temps, on aura raison : j'en ai fait d'abord un assez grand chapitre, SÉV. 45.• Je vis le duc d'Orléans moins assiduement, sans que lui et moi nous parlassions plus que des choses courantes, publiques, indifférentes, en un mot de ce qui s'appelle la pluie et le beau temps, SAINT-SIMON 395, 129.• Je ne serais point embarrassé à entretenir une autre sur le beau temps et sur la pluie, FONTEN. Lett. gal. 24.Fig. Faire la pluie et le beau temps, disposer de tout, être le maître.• Dès que je me vis aimé de ma maîtresse et considéré des domestiques comme celui qui faisait la pluie et le beau temps, LE SAGE Guzm. d'Alf. VI, 8.• Je crois que M. le cardinal de Bernis finira par être archevêque ; mais d'Alembert doute qu'ayant fait les Quatre Saisons, il fasse encore la pluie et le beau temps, VOLT. Lett. Richelieu, 24 janv. 1764.Se mettre, se jeter, se cacher dans l'eau de peur de la pluie, se dit de ceux qui, pour éviter un inconvénient, s'exposent à un autre encore plus grand.• C'est ce qui s'appelle se mettre dans l'eau de peur de la pluie, SÉV. 232.• Je crains qu'il n'ait fait comme Gribouille, qui se mettait dans l'eau de peur de la pluie, GRIMM Corresp. t. IV, p. 205.Fig.• Sans te piquer d'honneur, crois qu'il n'est que de prendre, Et que tenir vaut mieux mille fois que d'attendre ; Cette pluie est fort douce, et, quand j'en vois pleuvoir, J'ouvrirais jusqu'au coeur pour la mieux recevoir, CORN. le Ment. IV, 6.• Et le jeu.... je suis assurée que cela passe la dépense ordinaire ; nous connaissons ces petites pluies qui mouillent fort bien, SÉV. 11 sept. 1680.• Prenez garde que votre paresse ne vous fasse perdre votre argent au jeu : ces petites pertes fréquentes sont de petites pluies qui gâtent bien les chemins, SÉV. 23 mars 1671.Ennuyeux comme la pluie, très ennuyeux2° Fig. La pluie, quelque chose de malheureux, de pénible.• Et ne m'ont les destins, à mon dam trop constants, Jamais après la pluie envoyé le beau temps, RÉGNIER Sat. XI.• Ces jours mêlés de plaisirs et de peines, Mêlés de pluie et de soleil, BÉRANG. Mon hab..3° Il se dit de ce qui tombe en très grande quantité. Les pluies de pierres ont longtemps passé pour fabuleuses.• Nous en sortîmes avec une pluie de pièces de quatre sous, SÉV. 363.4° Terme de mythologie. La pluie d'or, forme sous laquelle Jupiter pénétra dans la tour où Danaé était renfermée.Fig. Une pluie d'or, de très grandes largesses.• Celle [la place] de Danaé [Mlle de Fontanges] est une autre merveille ; il est vrai que la pluie d'or est fort abondante ; nulle de ses soeurs n'approche de sa beauté ; mais les établissements n'en seront pas médiocres, SÉV. 437.• Si leur bonne intelligence eût duré, il serait tombé sur nous une pluie d'or, LE SAGE Guzm. d'Alf. VI, 6.5° Terme d'artificier. Une pluie de feu, une masse d'étincelles qui tombent des airs.6° Les autres fonds [des éventails], qu'on appelle des pluies, se font avec de la poudre d'or ou d'argent faux, Dict. des arts et mét. Éventailliste.7° Pluie d'or et pluie d'argent, noms marchands de deux coquilles univalves.PROVERBESPetite pluie abat grand vent, il faut quelquefois peu de chose pour faire cesser une grande querelle.• Cette petite pluie fit tomber le vent qui commençait à se lever dans la grand'chambre, RETZ Mém. t. II, liv. III, p. 184, dans POUGENS.Il est à couvert de la pluie, il s'est mis à l'abri de la pluie, se dit de quelqu'un qui a amassé du bien et qui est arrivé à une bonne place.À la bonne heure nous a pris la pluie, expression satisfaite de gens qui, menacés de l'orage, ont eu le temps de rentrer au logis, et, figurément, de gens qui ont échappé à quelque péril ou inconvénient.Rosée de mai et pluie d'avril valent mieux que le chariot du roi David, c'est-à-dire il vaut mieux qu'il y ait des pluies et des rosées en mai que si la constellation de la grande Ourse était brillante et par conséquent le temps sec.Après la pluie le beau temps, c'est-à-dire la joie succède à la douleur, aux ennuis.XIe s.• Pluie n'i chet, rosée n'i adeise, Ch. de Rol. LXXVI.XIIIe s.• Car si l'avoit ateinte et la pluie et la bise.... , Berte, XXXI.• Dont leva une pleuve, si prist à espessier, Ch. d'ant. v. 609.XIVe s.• Qui veut avoir le nom des bons et des vaillans, Il doit aler souvent à la pluie et aux champs, Guesclin. 10711.XVe s.• Mais tu scez bien que fort venter Chiet [tombe] souvent par une pluiete, Mir. de Ste Genev. Se nous estions à la pluye, Nous serions bien pirement, O. BASSELIN Vau de Vire, 46.XVIe s.• Il tomba une fort grosse pluye qui dura toute la nuict, AMYOT Sylla, 76.• Oiseau qui au nid se retire, Et cil qui ses plumes attire, Ou se mouille, ou bien fort crie, La pluie est près, quoi que l'on die ; Ou si les vers de terre sortent, Ou saleures humeurs rapportent, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 116.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.