- mélancolie
- (mé-lan-ko-lie) s. f.1° Terme d'ancienne médecine. Bile noire, humeur hypothétique, un des quatre éléments qui, suivant les anciens, constituaient le corps humain, et dont ils avaient placé le siége dans la rate. On regardait la mélancolie comme capable de produire les affections, les maladies hypocondriaques.• Le mal de cette dame ne me paraît rien autre chose qu'une mélancolie noire qui se peut dissiper en excitant tout à coup en elle une émotion qui lui cause une dilatation de coeur, LESAGE Est. Gonz. ch. 46.2° Dans la médecine actuelle, nom d'une lésion des facultés intellectuelles caractérisée par un délire roulant exclusivement sur une série d'idées tristes ; c'est la variété de la monomanie qu'Esquirol a nommée lypémanie. La mélancolie s'observe aussi chez les animaux dont on change brusquement les habitudes, chez ceux qu'on prive des sujets de leur affection.3° Disposition triste provenant d'une cause physique ou morale, dite aussi vulgairement vapeurs du cerveau.• La mélancolie que j'ai dans le coeur et dans les yeux me fait paraître tous les visages comme si je les voyais au travers de la fumée de l'eau-de-vie, et je n'aperçois rien qui ne me semble effroyable, VOIT. Lett. 8.• Laissons-le un peu nager dans la mélancolie, MAIRET Sophon. IV, 5.• Et laisse-moi de grâce, attendant Émilie, Donner un libre cours à ma mélancolie, CORN. Cinna, III, 2.• J'ai honte de montrer tant de mélancolie, CORN. Hor. I, 2.• Je n'irai, par monts ni par vaux, M'exposer au vent, à la pluie ; Je vivrai sans mélancolie, LA FONT. Fabl. IV, 3.• Dans les frayeurs de l'enfer dont il [St François de Sales] était saisi, une noire mélancolie et des convulsions qui lui faisaient perdre le sommeil et le manger, le poussèrent...., BOSSUET Ét. d'orais. IX, 3.• De là les dépits secrets et les mélancolies ; de là les désolations et les désespoirs, les colères et les transports, les blasphèmes et les imprécations, BOURDAL. 3e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 105.• Pauvre esprit, dira-t-on, que je plains ta folie ! Modère ces bouillons de ta mélancolie, BOILEAU Sat. VII.• Surtout je redoutais cette mélancolie Où j'ai vu si longtemps votre âme ensevelie, RAC. Andr. I, 1.• Une noire mélancolie, causée par le dépit et les remords, entretenue par la présence de Tencin, resté ministre de France à Rome, conduisit à la fin Innocent XIII au tombeau, DUCLOS Mém. rég. Oeuv. t. VI, p. 74, dans POUGENS.Il n'engendre pas la mélancolie, de mélancolie, se dit d'un homme qui vit sans souci.• Pour ne point engendrer la mélancolie, LESAGE Gil Blas, X, 10.Le tombeau de la mélancolie, le vin.La mélancolie ne paye point de dettes, c'est-à-dire au lieu de se chagriner de ses dettes, il faut s'évertuer.4° Tristesse déjà adoucie qui succède à une perte cruelle.• La nature, qui, en nous condamnant à vivre, nous a laissé deux précieuses ressources, la mort pour finir les maux qui nous déchirent et la mélancolie pour nous faire supporter la vie dans les maux qui nous flétrissent, D'ALEMB. Tomb. l'Espinasse..• Il adoucit ses douleurs en peignant, dans des vers remplis d'une mélancolie douce et profonde, les vertus et les grâces de celle qu'il pleurait, CONDORCET Haller..• Dès que le désespoir peut retrouver des larmes, à la mélancolie il vient les confier, Pour adoucir sa peine et non pour l'oublier, DELILLE. Imag. III.5° Tristesse vague qui n'est pas sans douceur, à laquelle certains esprits et surtout les jeunes gens sont assez sujets, et qui n'a pas été sans action sur la poésie moderne de l'Europe.• Ô mélancolie enchanteresse ! ô langueur d'une âme attendrie ! combien vous surpassez les turbulents plaisirs, la gaîté folâtre, la joie emportée, et tous les transports qu'une ardeur sans mesure offre aux désirs effrénés des amants !, J. J. ROUSS. Hél. I, 38.• Et la mélancolie errante au bord des eaux, M. J. CHÉN. la Promenade..• Dans un âge beaucoup plus détaché [que le XVIIe siècle] des formes austères de la religion, la mélancolie vint comme un supplément à ce besoin de l'homme de s'élever par la méditation, VILLEM. Litt. franç. XVIIIe siècle, 2e part. 2e leçon..• C'est l'heure où la mélancolie S'assied pensive et recueillie Aux bords silencieux des mers, LAMART. Méd. I, 21.• C'est parmi les hautes herbes des vastes prairies de l'ouest, les forêts solennelles du nord.... que j'ai cherché à découvrir les choses cachées de la nature et les splendides mélancolies de nos solitudes, CAP Audubon, p. 34.XIIIe s.• Melancolie qui est froide et seche, BRUN. LATINI Trésor, p. 103.• Dont lui est or venue ceste melancolie ?, Berte, LXXII.XVe s.• Etle [le captal de Buch] convint mourir par melancolie en la tour du Temple à Paris, dont grandement deplaisoit à ses amis, FROISS. II, II, 30.• Or entrai en merancolie, De ce qu'elle estoit aussi lie [gaie] Aux aultres gens qu'elle ert à moi, FROISS. Espin. amour..• Ce me seroit trop grand folie, Quand demourer puis en repos, De reprendre merencolie, CH. D'ORL. La départie d'amours en balade..• Elle entra en telle melancolie [rêverie, méditation], qu'elle ne cessa, si eut mis par vers sa response, Perceforest, t. VI, f° 83.XVIe s.• Nous devisons, passant melancolie, Sur le chemin des Alpes d'Italie, MAROT II, 81.• Elle a fait plusieurs petites melancholies [minauderies] à son ami, COTGRAVE .Wallon, mîracolèie ; bourg. mérancolie ; provenç. melancolia, malenconia ; esp. melancolia ; ital. melancolia, malinconia ; du lat. melancholia, qui vient de deux termes grecs, l'un dérivé de noir, et l'autre signifiant bile.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.