langue

langue
(lan-gh') s. f.
   Organe principal du goût, qui concourt à la déglutition et à la parole, et qui est formé essentiellement d'un muscle très mobile revêtu d'une membrane muqueuse. Tirer la langue. Montrer sa langue au médecin.
   Je tondis de ce pré la largeur de ma langue, LA FONT. Fabl. VII, 1.
   En général, les animaux qui ont la langue rude sont ordinairement carnassiers, BUFF. Quadrup. t. IV, p. 329, note d, dans POUGENS.
   Langue chargée, langue couverte d'un enduit blanc, jaune, noir ; ce qui se voit dans diverses maladies.
   Tirer la langue à quelqu'un, se moquer d'une personne ou la braver par une grimace.
   Tirer la langue, se dit d'un chien qui, haletant, essoufflé, laisse sa langue pendre hors de la gueule.
   Fig. Tirer la langue d'un pied de long, être dans le besoin.
   Je lui verrais tirer la langue d'un pied de long, que je ne lui donnerais pas un verre d'eau, se dit en parlant d'une personne dont on n'a nulle compassion.
   Avoir soif à avaler sa langue, avoir une grande soif.
   Ennuyeux à avaler sa langue, se dit de ce qu'on ne peut voir, entendre ou lire, sans éprouver un excessif ennui.
   Familièrement. Avaler sa langue, se condamner au silence.
   Jeter sa langue aux chiens, voy. CHIEN, nos 3.
   Se mordre la langue, se faire, en mâchant quelque chose, une morsure à la langue.
   Fig. Se mordre la langue, s'arrêter au moment de dire ce qu'on ne doit pas ou ce qu'on ne veut pas exprimer. J'allais dire une sottise, je me suis mordu la langue.
   Se mordre la langue d'avoir parlé, s'en repentir. À peine eut-il lâché cette parole, qu'il s'en mordit la langue.
   Mince comme la langue d'un chat, comme une langue de chat, très mince, très délié.
   Terme de chasse et de manége. Donner de la langue, appeler, exciter le chien, le cheval par un bruit qui se fait avec la langue.
   Terme de manége. Les aides de la langue, certains cris que fait le cavalier pour animer le cheval.
   La langue de certains animaux considérée comme aliment. Faire cuire une langue. Manger une langue de boeuf.
   Il n'acheta que des langues, lesquelles il fit accommoder à toutes les sauces ; l'entrée, le second, l'entremets, tout ne fut que langues, LA FONT. Vie d'Ésope..
   Langue fourrée, espèce de préparation culinaire de la langue du porc ou du boeuf.
   Langue de carpe, le palais de la carpe, qui est un mets charnu et délicat.
   La langue considérée comme organe de la parole.
   Il le servit enfin, mais ce fut de la langue, CORN. Pomp. I, 1.
   Je vous l'ai déjà dit, votre langue nous perd, CORN. Héracl. II, 4.
   Que ne sait point ourdir une langue traîtresse ?, LA FONT. Fabl. III, 6.
   Je supplie avant tout les dieux de m'assister ; Fassent les immortels, conducteurs de ma langue, Que je ne dise rien qui doive être repris, LA FONT. ib. XI, 7.
   Disant que la langue est la pire chose qui soit au monde ; c'est la mère de tous les débats, la nourrice des procès, la source des divisions et des guerres, LA FONT. Vie d'Ésope..
   Tudieu ! comme avec lui votre langue cajole !, MOL. Éc. des f. V, 4.
   Ma langue, en cet endroit, A fait un pas de clerc dont elle s'aperçoit, MOL. le Dép. I, 4.
   L'on voudrait avoir cent langues pour le faire connaître [l'amour qu'on ressent], PASC. Pass. de l'amour..
   L'éloquence de la chaire n'est pas propre au récit des combats et des batailles ; la langue d'un prêtre destinée à louer Jésus-Christ le sauveur des hommes, ne doit pas être employée à parler d'un art qui tend à leur destruction, FLÉCH. Turenne..
   Combien de fois arrêta-t-elle par autorité le coup mortel qu'une langue cruelle allait porter à l'honneur ou à la fortune d'une famille !, FLÉCH. Dauph..
   Et, dès le premier mot, ma langue embarrassée Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée, RAC. Bérén. II, 2.
   Ah ! c'est trop le livrer à des langues perfides, RAC. Phèdre, V, 3.
   Sa fureur [de la calomnie], de sang avide, Poursuit partout l'innocent ; Rois, prenez soin de l'absent Contre sa langue homicide, RAC. Esth. III, 3.
   On a bien raison de dire qu'une des grâces les plus signalées que Dieu puisse accorder aux rois, est de les délivrer de la langue des flatteurs et du silence des gens de bien, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VIII, p. 17, dans POUGENS.
   Il n'en est pas un seul qui ait conservé sa langue pure et ses lèvres innocentes, MASS. Carême, Médisance..
   La langue, dit un apôtre, est un feu dévorant, MASS. ib..
   Mais de ces langues diffamantes Dieu saura venger l'innocent, J. B. ROUSS. Odes, I, 4.
   Sa langue, dont le ciel tolère l'insolence, N'a pas langui dix ans dans un morne silence, C. DELAV. Paria, II, 2.
   On dit d'un babillard qu'il n'aura pas de langue pour la moitié de sa vie.
   Avoir la langue grasse, avoir la langue épaisse, éprouver quelque embarras dans la prononciation, prononcer mal certaines consonnes, principalement les r.
   Familièrement. Avoir la langue bien pendue, avoir une grande facilité de parler.
   Tant sa langue était bien pendue !, SCARRON Virg. VIII.
   Il arrive tant d'accidents aux femmes en couche, et vous avez la langue si bien pendue, à ce que me dit M. de Grignan, qu'il me faut pour le moins neuf jours de bonne santé pour me faire partir joyeusement, SÉV. 101.
   Avoir la langue bien affilée, avoir beaucoup de babil.
   Fig. Être sujet aux langues, être exposé aux jugements, aux médisances.
   Ainsi les actions aux langues sont sujettes, RÉGNIER Sat. V.
   Dénouer la langue, couper le filet de la langue, opération qui donne plus de facilité pour parler à ceux que le filet gêne.
   Fig. Dénouer, délier la langue à quelqu'un, faire rompre le silence à quelqu'un qui voulait le garder.
   Voici, Sans marchander, de quoi te délier la langue, MOL. le Dép. I, 4.
   Non, pour louer un roi que tout le monde loue, Ma langue n'attend pas que l'argent la dénoue, BOILEAU Sat. IX..
   Avoir la langue liée, n'oser parler de quelqu'un ou de quelque chose.
   Familièrement. La langue lui va toujours, cette personne babille continuellement.
   Tenir sa langue, se taire.
   Si vous me promettiez de tenir votre langue, je vous conterais..., P. L. COUR. 2e lettre particulière..
   Il a bien de la langue, il a la langue bien longue, il ne saurait tenir sa langue, il parle beaucoup, il dit tout ce qu'il sait, il ne saurait garder un secret.
   C'est avoir bien de la langue que de ne pouvoir se taire de ses propres affaires, MOL. Fourber. III, 4°..
   Avoir bien de la langue, signifie aussi tenir des discours hardis.
   Par exclamation. Quelle langue ! c'est-à-dire quel bavard ! quelle bavarde !
   Il a la langue dorée, c'est une langue dorée, c'est-à-dire sa parole est facile, élégante, propre à séduire, surtout par des promesses favorables en quelque genre que ce soit.
   Elle a converti son docteur, cette fine langue dorée, BEAUMARCH. Mar. de Fig. IV, 1.
   N'avoir point de langue, parler très peu, ou, quand on devrait parler, garder le silence.
   Être maître, n'être pas maître de sa langue, savoir, ne pas savoir se taire.
   Ne pas savoir conduire sa langue, mal gouverner sa langue, dire des choses qu'il faudrait taire.
   Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire ; De ce que je dirais je ne répondrais pas, Et je me jetterais cent choses sur les bras, MOL. Mis. V, 1.
   Avoir une grande volubilité de langue, parler avec une grande rapidité.
   La langue lui a fourché, il a lâché une parole pour une autre.
   Familièrement. Avoir un mot sur la langue, sur le bout de langue, sur le bord de la langue, croire qu'on va trouver dire un mot qu'on cherche et qui échappe.
   J'avais ça sur le bord de la langue, et je l'ai oublié en chemin, VADÉ Nicaise, SC. 10.
   C'est une mauvaise langue, une méchante langue, une langue dangereuse, une langue de serpent, une langue de vipère, c'est-à-dire c'est une personne qui aime à dire du mal, des médisances, des calomnies.
   Langue de serpent, fertile en impostures, MOL. l'Ét. III, 4.
   Vous serez assailli par ces langues de serpent que votre complaisance a comme aiguisées contre les autres, FLÉCH. Serm. I, 278.
   Oh ! dame, il y a de méchantes langues dans notre village, voyez-vous ?, DANCOURT l'Opéra de village, SC. 8.
   On dit dans un sens analogue une langue empoisonnée.
   Il [le monde] a pour eux [les justes] des yeux plus censeurs et une langue plus empoisonnée, MASS. Carême, Médisance..
   On dit même quelquefois langue, absolument, pour mauvaise langue.
   Dorine : Il [Tartuffe] passe pour un saint dans votre fantaisie ; Tout son fait, croyez-moi, n'est rien qu'hypocrisie. - Mme Pernelle : Voyez la langue, MOL. Tartuffe, I, 1.
   Coup de langue, médisance ou mauvais rapport que l'on fait.
   Le coup de verge fait une meurtrissure ; mais un coup de langue brise les os, SACI Bible, Ecclésiastiq. XXVIII, 21.
   Ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant, MOL. Impromptu, 1.
   Voilà pas le coup de langue ?, MOL. Bourg. gent. III, 12.
   Fig. et familièrement. Donner du plat de la langue, faire de belles promesses qu'on n'a pas dessein d'exécuter.
   Faire merveilles du plat de la langue, chercher à étourdir par de grandes phrases.
   Faire la langue à quelqu'un, lui faire la leçon, lui suggérer ce qu'il doit dire.
   Prendre langue, aller aux renseignements, s'informer.
   Voilà avec elle un coquin de valet qui est l'espion de la mère ; retirez-vous et me laissez prendre langue, DANCOURT l'Opérateur, sc. 6.
   Je le connaissais fort, et pris langue avec lui du détail de ce que j'avais à faire, SAINT-SIMON 102, 85.
   Je m'embarquai dans la chaloupe du bâtiment avec le capitaine, pour aller prendre langue à terre, CHATEAUBR. Itin. part. I.
   La contradiction des langues, les jugements divers que les hommes portent des mêmes choses.
   Ah ! regardez plutôt la contradiction des langues et la diversité bizarre des jugements humains, MASS. Carême, Resp. hum..
   Le parler d'une nation. Apprendre sa langue par principes. Parler une langue étrangère. Vous savez donc l'hébreu ? - L'hébreu ? parfaitement.
   J'ai dix langues, Cliton, à mon commandement, CORN. le Ment. IV, 3.
   Tous les hommes, de quelque nation, de quelque tribu et de quelque langue qu'ils fussent, adorèrent la statue d'or que Nabuchodonosor avait dressée, SACI Bible, Daniel, III, 7.
   Pauline est trop heureuse, ma chère enfant, d'être votre secrétaire.... elle apprend la langue française, que la plupart des femmes ne savent pas, SÉV. 1er juin 1689.
   Ces audiences où elle recevait les ambassadeurs, entrant dans les intérêts de chacun et parlant à chacun sa langue, FLÉCH. Dauphine..
   Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée...., BOILEAU Art p. I.
   L'on ne peut guères charger l'enfance de la connaissance de trop de langues, LA BRUY. XIV.
   L'intelligence des langues sert comme d'introduction à toutes les sciences, ROLLIN Traité des Ét. liv. I, p. 1.
   On comptait dans ses troupes jusqu'à vingt-deux nations de vingt-deux langues différentes que Mithridate parlait toutes avec facilité, ROLLIN Hist. anc. t. X, p. 131, dans POUGENS.
   C'est, comme on vous a dit, ce maître italien Qui vient montrer sa langue, REGNARD le Distr. III, 3.
   Ne croyons pas que notre langue soit l'ouvrage de l'ignorance ou du hasard ; elle a ses principes, et qui sont très uniformes, dès le temps de François 1er, D'OLIVET Rem. Racine, § 9.
   Le fameux docteur Swift forma le dessein, dans les dernières années du règne de la reine Anne, d'établir une académie pour la langue, à l'exemple de l'Académie française, VOLT. Dict. phil. Société royale..
   Quand on a un nombre suffisant d'auteurs approuvés, la langue est fixée, VOLT. ib. Langues..
   Notre langue se parle à Vienne, à Berlin, à Stockholm, à Copenhague, à Moscou ; elle est la langue de l'Europe ; mais c'est grâce à nos bons livres, et non à la régularité de notre idiome, VOLT. Lett. Guyot, 7 août 1767.
   Notre langue et nos belles-lettres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne, VOLT. Lett. Mme Denis, 24 août 1750.
   C'est le peuple qui a fait les langues ; c'est au philosophe à découvrir l'origine des choses, DIDER. Rech. phil. sur le beau, Oeuv. t. II, p. 461.
   La langue française règne dans la prose ; si ce n'est pas le langage des dieux, c'est celui de la raison et de la vérité, RAYNAL Hist. phil. XIX, 12.
   C'est Charles-Quint qui a dit qu'un homme qui sait quatre langues vaut quatre hommes, STAËL Corinne, VII, 1.
   En déliant la langue [grecque] du rhythme poétique, Hécatée, Hérodote lui conservèrent les formes de la poésie, les expressions et les mots hors du dialecte commun, P. L. COUR. Hérodote, Préface du traducteur.
   Don des langues, grâce que Dieu fait à un homme lors qu'il lui donne, par miracle et sans étude, la connaissance et l'usage d'une langue.
   Langue mère ou matrice, celle qui a servi à en former d'autres ; et, par opposition, langue dérivée, celle qui est formée d'une autre. Le latin est une langue mère par rapport au français, et le français est une langue dérivée. L'hébreu paraît une langue mère dans le domaine syno-arabe. Une langue aryenne primitive à laquelle on ne remonte que conjecturalement et par induction, serait la langue mère du sanscrit, du zend, du grec, du latin, etc.
   Nos mères et les langues dites mères ont beaucoup de ressemblance ; les unes et les autres ont des enfants qui se marient dans le pays voisin, et qui en altèrent le langage et les moeurs, VOLT. Dict. phil. Langues..
   On trouva dans le Canada trois langues mères, l'algonquine, la siouse et la huronne ; on jugea que ces langues étaient primitives, parce qu'elles renfermaient chacune un grand nombre de ces mots imitatifs qui peignent les choses par le son, RAYNAL Hist. phil. XV, 4.
   Langue mère, dite beaucoup mieux langue primitive, langue unique que l'on suppose avoir été la mère de toutes les autres. Les langues mères au sens relatif existent réellement ; une langue mère au sens absolu est une pure hypothèse.
   Plusieurs rabbins prétendent que la langue mère était le samaritain ; quelques autres ont assuré que c'était le bas-breton ; dans cette incertitude, on peut fort bien, sans offenser les habitants de Quimper et de Samarie, n'admettre aucune langue mère, VOLT. Dict. phil. ABC..
   Langue primitive ou originelle, se dit aussi de celle qu'on suppose ne s'être formée d'aucune autre.
   Langues soeurs, langues que l'on considère comme dérivées d'une même langue mère. Les langues néo-latines sont soeurs.
   Langue morte, celle qu'un peuple a parlée, mais qui n'existe plus que dans les livres. Le latin, l'hébreu sont des langues mortes. Les dictionnaires d'une langue morte ne la présentent qu'en partie, parce que ceux qui les compilent ne sauraient où prendre une infinité de mots qui ont aussi proprement appartenu à cette langue que les mots qui nous en sont encore connus, Préf. du Dict. de FURETIÈRE.
   Par opposition, langue vivante, celle qu'un peuple parle actuellement.
   Langue vulgaire, se dit de tous les idiomes modernes, par opposition aux langues anciennes ou savantes.
   La langue d'oc, l'ancienne langue qui se parlait au delà de la Loire, dont se sont servis les troubadours, que l'on connaît sous le nom de provençal, et que dans le temps on appelait plus ordinairement langue limousine (oc veut dire oui).
   Langue d'oïl (oïl veut dire oui) ou langue d'oui, l'ancien français, la langue française avant le XVe siècle, celle dans laquelle ont écrit les trouvères.
   La langue de si (si veut dire oui), l'italien.
   Langues orientales, langues parlées en Asie, surtout celles de la partie de l'Asie qui est la plus voisine de l'Europe.
   Jeunes de langue, jeunes gens que quelques gouvernements entretiennent pour apprendre les langues orientales, et devenir drogmans.
   La langue sainte, la langue hébraïque.
   Langues du Nord, les langues germaniques et slaves, par opposition aux langues du Midi, qui sont dérivées du latin.
   Langue naturelle ou maternelle, celle du pays où l'on est né, par opposition à langue étrangère, celle d'un autre pays.
   Langue nationale, celle que parle généralement une nation, aussi par opposition à langue étrangère.
   Langue sacrée, toute langue dans laquelle sont écrits les livres qu'on regarde comme inspirés par la Divinité.
   Langues synthétiques ou concrètes, celles qui rendent les indications grammaticales par des terminaisons variables. Langues analytiques, celles qui expriment chaque idée, chaque rapport grammatical par un mot distinct.
   Langue écrite, langue pourvue d'un alphabet et dans laquelle on a composé des livres. Les langues des sauvages ne sont pas des langues écrites.
   Langue écrite, langue littéraire, la partie la plus cultivée d'une langue, celle qui figure seule dans les bons écrivains.
   Langue philosophique, langue où l'on suppose que la génération des mots suivrait exactement celle des pensées.
   Langue universelle, dite aussi langue philosophique, langue qui serait commune à tous les peuples.
   Il [Leibnitz] conçut le projet d'une langue philosophique qui mît en société toutes les nations, DIDER. Opin. des anc. phil. (Leibnitzianisme)..
   Maître de langue, celui qui enseigne une langue vivante.
   Fig. Platon, poëte, s'il en fût, Platon qui n'aimait pas le peuple, l'appelle son maître de langue, P. L. COURIER, Hérodote, Préface du traducteur.
   Absolument. La langue, la langue française.
   La langue fut portée sous Louis XIV au plus haut point de perfection dans tous les genres, non pas en employant des termes nouveaux inutiles, mais en se servant avec art de tous les mots nécessaires qui étaient en usage, VOLT. Louis XV, 43.
   L'ensemble des règles qui régissent un idiome ; cet idiome considéré par rapport à sa correction.
   Pour la langue on verra dans peu nos règlements, Et nous y prétendons faire des remuements, MOL. F. sav. III, 2.
   Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain, BOILEAU Art p. I.
   Qu'on dise : il [Ronsard] osa trop, mais l'audace était belle ; Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle ; Et de moins grands, depuis, eurent plus de bonheur, STE-BEUVE Poésies, à Ronsard..
   L'ensemble des mots et des tournures dont un auteur fait surtout usage. La langue de Corneille, de Racine.
   Ce pamphlétaire [P. L. Courier], qui ne se gênait d'aucune vérité périlleuse à dire, hésitait sur un mot, sur une virgule, se montrait timide à toute façon de parler qui n'était pas de la langue de ses auteurs, A. CARREL Oeuvres, tome V, p. 211.
   Langue académique, celle qui se parle dans les discours d'apparat, et, en un autre sens, celle-là seule qui figure dans le Dictionnaire de l'Académie, qui a la sanction de ce corps littéraire.
   Penser traduire Hérodote dans notre langue académique, langue de cour, cérémonieuse, roide, apprêtée, pauvre d'ailleurs, mutilée par le bel usage, c'est étrangement s'abuser, P. L. COUR. Hérodote, Préface du traducteur.
   Manière de parler, abstraction faite de l'idiome dont on se sert. Personne n'a mieux parlé que lui la langue du sentiment, la langue de l'amour.
   Songez que je vous parle une langue étrangère [celle de l'amour], RAC. Phèdre, II, 2.
   Fi donc, petit badin, un peu de retenue ; Vous me parlez, marquis, une langue inconnue, REGNARD le Joueur, II, 4.
   La langue des dieux, la poésie.
   La Grèce avait de grands poëtes, Homère, Antimaque, Pindare, et, parlant la langue des dieux, bégayait à peine celle des hommes, P. L. COUR. Hérodote, Préface du traducteur.
   On dit dans le même sens : la langue des vers, la langue poétique.
   La langue des vers est si magnifique en Italie, que l'on y aurait plus tort que partout ailleurs en renonçant à ses beautés, STAËL Corinne, VII, 2.
   Que ces conteurs des premiers âges de la Grèce aient conservé la langue poétique dans leur prose, on n'en saurait douter après le témoignage des critiques anciens ou d'Hérodote, qu'il suffit d'ouvrir seulement pour s'en convaincre, P. L. COUR. Hérodote, Préface du traducteur.
10°   La langue d'une science, d'un art, l'ensemble des mots, des locutions dont on fait usage dans cette science, dans cet art. La langue des mathématiques. La langue de la métallurgie. On dit dans le même sens : la langue technique.
11°   Système de signes appropriés à une notation. L'algèbre est une langue bien faite.
12°   Moyens d'expression de l'artiste. La langue des couleurs, des sons.
13°   Terme de l'ordre de Malte. Les langues, les huit nations dont il était composé ; savoir trois en France, la langue de France, la langue de Provence et la langue d'Auvergne ; deux pour l'Espagne, la langue d'Aragon et la langue de Castille ; et trois autres, la langue d'Italie, la langue d'Allemagne, et la langue d'Angleterre. Le chef de chaque langue se nommait grand prieur.
14°   Langue, se dit de certaines choses qui ont la forme d'une langue.
   Langues de feu, formes de langue-couleur de feu que le Saint-Esprit fit descendre sur chaque apôtre lorsqu'il leur donna le don des langues pour aller prêcher l'Évangile.
   Langues de feu, flammes allongées que projette un incendie.
   Déjà l'incendie, hydre immense, Lève son aile sombre et ses langues de feu, V. HUGO Odes, IV, Chant de fête de Néron..
   Terme de marine. Langue de voile, morceau de toile que l'on ajoute sur le côté de plusieurs espèces de voiles.
   Langue de terre, certain espace de terre beaucoup plus long que large, qui ne tient que par un bout aux autres terres, et qui est environné d'eau de tous les autres côtés. Cette ville est bâtie sur une langue de terre.
   Langue de terre, se dit aussi d'une terre étroite qui en joint deux autres.
   Ces deux mers, venant à serrer la terre des deux côtés, font une langue qui attache à la terre ferme cette province, VAUGEL. Q. C. livre III, dans RICHELET.
   Cette étroite langue de terre, qui joint l'Amérique méridionale avec la septentrionale, est fortifiée par une chaîne de hautes montagnes, RAYNAL Hist. phil. VII, 9.
   Il se dit aussi des pièces de terre longues et étroites qui sont enclavées dans d'autres terres.
   MM. les syndics du pays de Gex savent assez et attesteront combien est stérile le sol de cette petite province, qui n'est qu'une langue de terre d'environ cinq lieues de long et de deux de large, sur le bord du lac de Genève, VOLT. Polit. et législ. Remontr. du pays de Gex, Au roi en son conseil..
15°   Trompe des insectes lépidoptères.
16°   Langue ou glossopètre, dent de poisson fossile.
17°   Langue, se dit des trois pièces intérieures du périanthe des iris, qui ont leur extrémité relevée, par opposition aux trois pièces extérieures, qui penchent vers la terre et qu'on appelle mentons.
   Langue-d'agneau, nom vulgaire du plantain moyen.
   Langue-de-boeuf, la buglose officinale et la scolopendre.
   Langue-de-bouc, la vipérine.
   Langue-de-cerf, la scolopendre, plante de la famille des fougères.
   Langue-de-chat, bidens tripartita, etc. composée tubuliflore, ou eupatoire à feuilles d'arroche.
   Langue-de-cheval, un des noms vulgaires du ruscus hipoglossum (asparaginées), appelé encore laurier alexandrin.
   Langue-de-chien, voy. cynoglosse.
   Double-langue, fragon dont les feuilles portent sur le milieu une seconde feuille.
   Langue-de-noyer, langue-de-pommier, espèces d'agaric.
   Langue-d'oie, grassette.
   Langue-d'oiseau, le stellaria holostea, etc. caryophyllées.
   Langue-de-passereau, nom vulgaire du polygonum aviculaire (polygonées), dit aussi renouée. C'est aussi le nom vulgaire de la stellère passerine (thymélées).
   Langue-de-serpent, ophioglosse.
   Langue-de-vache, nom donné par les Espagnols au talin polyandre (portulacées) et au talin crénelé, tous les deux originaires du Pérou.
   
   Langue-de-vache, dans les environs de Boulogne, nom donné à la scabieuse, scabiosa arvensis, etc. knautia arvensis, COULT. (famille des dipsacées).
   Langue-de-vache, la grande consoude (borraginées), dans quelques cantons de la France.
18°   Grande-langue, le torcol.
19°   Nom vulgaire de différentes coquilles. Langue-d'or, nom marchand d'une coquille bivalve ; c'est la telline foliacée.
   Langue-de-serpent, langue-de-tigre, coquilles bivalves.
   Langue-de-chat, espèce de coquille allongée et plate : c'est encore une telline.
20°   Nom de certains outils ou engins.
   Langue-de-carpe, instrument connu aussi sous le nom de trivelin, dont les dentistes se servent pour l'extraction des dents molaires ou pour celle des racines.
   Langue-de-serpent, petit instrument dont les dentistes se servent pour enlever le tartre des dents de la mâchoire inférieure.
   Langue de balance, style perpendiculaire au fléau, qui se trouve caché par la châsse quand la balance est en équilibre.
   Langue-de-boeuf, outil des maçons qui est taillé en forme de coeur.
   Langue-de-carpe, outil d'acier aigu et tranchant des deux côtés dont se sert l'armurier.
   Langue-de-carpette, outil de serrurier, dont le tranchant est arrondi.
   Langue, bout de tuyau de plomb aplati qui jette l'eau en nappe dans la cuvette d'une garde-robe.
   Terme de marine. Langue, coin pour empêcher que les cercles de fer des mâts ne déchirent les étambrais. On place aussi des langues entre le traversin de la hune et l'avant de la caisse du mât, etc.
21°   Langue-de-chat, espèce de petite pâtisserie sèche et longue.
PROVERBES
   L'usage est le tyran des langues, c'est-à-dire l'usage prévaut sur les règles de la grammaire.
   On ne s'entend pas, c'est la confusion des langues, se dit d'une conversation où tout le monde parle à la fois.
   Un coup de langue est pire qu'un coup de lance.
   Qui langue a, à Rome va, c'est-à-dire qui sait parler, s'expliquer, peut aller partout.
   Beau parler n'écorche pas la langue, c'est-à-dire il n'en coûte rien de parler poliment.
   Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, c'est-à-dire il faut, avant de parler, mûrement réfléchir.
   LANGUE, IDIOME. Langue désigne en général l'expression des pensées par la parole d'après les principes communs à toutes les grammaires. Idiome présente la langue au point de vue des particularités propres à chaque nation. Ainsi on dira : le projet d'une langue universelle, et non d'un idiome universel ; au contraire on dira l'idiome bourguignon, l'idiome picard, etc. et non la langue bourguignonne, la langue picarde.
   XIIe s.
   ....cols [coup] de lange ne fait plaie, CRESTIEN DE TROIES dans HOLLAND, p. 266.
   Les langues d'or [du gonfanon] li sont as poins batant [lui battent sur les mains], Ronc. 38.
   XIIIe s.
   Citoles et violes font moult melodies ; mais andeus [toutes les deux] sormonte langue soef, BRUN. LATINI Trésor, p. 356.
   Quant uns hom a bone langue dehors, et il n'a point de conseil dedans, sa parleure est fierement perilleuse à la cité et à ses amis, BRUN. LATINI ib. 469.
   Et s'aucuns fel [felon] sa langue en sache [en tire la langue par dérision]...., Lai de l'Ombre.
   Et aux langues lascher les freins, Bat. des 7 arts.
   Et se le crior le sait, il est ateint de fauceté et est en la merci dou seignor de perdre quanque il a et la laingue aussi, As. de Jérus. I, 212.
   Renart li a la langue traite Bien demi pié fors de la gueule, Ren. 1106.
   Fils à vilain, fait-il, malfez, Malostruz et mal engendrés, Orgueil de serf, hueil [oeil] de larron, Langue de leu [loup], cri de paon, Partonopex, Ms de St-Germain, f° 164, dans LACURNE.
   Langue ment bien, mais cuer [coeur] ne puet [peut] changier, Bibl. des chartes, 4e série, t. V, p. 27.
   XIVe s.
   Bonnes balences et justes, perciées entre le bras et la langue, sans estre enarchiées, Ordonn. des rois, t. I, p. 760.
   De langue sçait mieulx menacer, Que ferir de fer ne d'acier, Le liv. du bon Jehan, V. 1147.
   XVe s.
   Ne on n'ose ceuls approuchier Qui ont mains d'or, langues d'argent ; L'on ne tient compte d'autre gent, E. DESCH. poésies mss. f° 522.
   Toutes servantes doivent foy et loyaulté à leur maistresse, avoir courte langue, et longues aureilles et grandes, Aresta amorum, p. 183, dans LACURNE.
   XVIe s.
   Foy n'y est rien, langues y sont cousteaux Par trop mesdire, MAROT I, 380.
   Ceste langue estoit la mienne maternelle, MONT. I, 196.
   Ils ont des espées de bois appointées par un bout, à la mode des langues de nos espieux, MONT. I, 239.
   Cela ne se passa point sans prisonniers, par lesquels on print langues de toutes parts, D'AUB. Hist. I, 213.
   Après avoir tout un temps joué de la langue [exhorté] en vain envers plusieurs...., D'AUB. ib. II, 62.
   La batterie assiduelle de cette puissante femme et des langues habilles qui la suivoient, avoit coeffé quelques deputez, D'AUB. ib. II, 336.
   La racine,.... la base,.... la pointe de la langue, PARÉ IV, 12.
   L'herbe dite langue-de-chien desire la terre sablonneuse et legere, O. DE SERRES 620.
   Langue-de-serpent ne se loge jamais qu'en bonne terre, grasse et humide, O. DE SERRES 620.
   Autant de langues que l'homme sçait parler, autant de fois est-il homme, BRANT. CharlesQuint..
   Mieulx vaut des mains estre battu que de la langue estre feru, GÉNIN Récréat. t. II, p. 245.
   Mordre sa langue est mal penser, GÉNIN ib..
   Et de souspirs et larmes [ils] feirent langues Pour achever, sans parler, leurs harangues, la Marguerite des marguer. f° 383, dans LACURNE. Gens de langue et procureurs, Nouv. coust. génér. t. I, p. 677.
   De ceux qui ont esté sept ans hors du pays sans avoir entendu langue ou eu marque d'eux, ib. t. I, p. 577.
   Hardie langue, couarde lance, COTGRAVE .
   Longue langue, courte main, ID. .
   Mieux vaut glisser dupied que de la langue, COTGRAVE .
   Le peuple est souverain seigneur de sa langue, et la tient comme un fief de franc alleu, et n'en doit recognoissance à aulcun seigneur, RAMUS dans LIVET, la Gramm. franç. p. 179.
   Notre langue, qui est aujourd'hui [en 1555] en sa plus grande force et consistance, ne peut souffrir reformation, J. PELLETIER dans LIVET, la Gramm. franç. p. 154.
   Adieu, vieille forest, le jouet de Zephyre, Où premier j'accorday les langues de ma lyre, RONSARD La forêt de Gastine..
   Wallon, linwe ; Verviers, lèwe ; picard et Berry, lingue ; provenç. lengua, lenga ; cat. llengua ; esp. lengua ; port. lingua, lingoa ; ital. lingua ; du lat. lingua.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
   LANGUE. Ajoutez :
22°   Langue de châtaignier, sorte de champignon croissant près de terre sur les troncs d'arbre et alimentaire ; le nom savant est fistuline.
23°   Langue de vache, sorte d'enclume.
   On achève de lui donner la configuration voulue en continuant de la battre [la plaque d'argent] tantôt avec la tête et tantôt avec la panne du marteau, sur diverses enclumes appropriées à la forme du vase, et que l'on nomme langues de vache, Oeuvres de Benvenuto Cellini, trad. L. Léclanché, Traité de l'orfévrerie, ch. XII, ou t. II, p. 325.
24°   Anciennement, langue de boeuf, dague, miséricorde très large, portant souvent, dans sa gaîne, un petit couteau nommé bâtardeau.
   Grand comme une langue de chat, se dit d'un objet de très petite dimension. Ne m'en donnez qu'une langue de chat ; je n'en veux qu'une langue de chat. C'est de là que vient langue de chat, nom d'une petite pâtisserie.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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