- cheville
- (che-vi-ll', ll mouillées, et non chevi-ye) s. f.1° Morceau de bois ou de fer court et arrondi, dont on se sert pour boucher, ou assembler, ou accrocher. Cheville de bois, de fer. Planter, ficher une cheville.On dit d'un bâtiment qui est achevé, qu'il n'y manque pas une cheville.2° Cheville ouvrière, grosse cheville qui joint l'avant-train avec le train de derrière d'une voiture.Fig. Cheville ouvrière, l'agent principal, indispensable d'une chose.En termes de marine, cheville ouvrière, tige de fer qui traverse le châssis de l'affût d'une caronade ainsi que le piton de sabord.3° Cheville à tourniquet, bâton qu'on passe dans une corde et dont on fait une espèce de tourniquet.4° Petite pièce de bois ou de métal qui sert à tendre les cordes d'un violon, d'une guitare, d'une harpe, d'un piano. Tourmenter ses chevilles, ou les chevilles d'un violon, se dit d'un joueur in habile qui ne sait pas bien s'accorder ou qui est obligé de s'y reprendre à tout instant.5° La cheville du pied, saillie des os de l'articulation du pied, formée en dedans par le tibia, en dehors par le péroné.Fig. Il ne lui va pas à la cheville, c'est-à-dire il lui est très inférieur.• Je répondis au P. Letellier que je n'avais jamais cru nos ducs aller à la cheville du pied d'un comte d'Orient [empire de Constantinople], SAINT-SIMON 369, 128.6° Fil de métal qui traverse les charnons d'une charnière.Pièce d'une presse d'imprimerie.Sorte de grand clou de fer.7° S. f. plur. Terme de vénerie. Andouillers qui sortent des perches de la tête du cerf, du daim, du chevreuil.En termes de blason, ramures d'une corne de cerf.8° Atteler en cheville, atteler un cheval devant un limonier.Aux jeux de l'hombre, du quadrille et du tri, être en cheville, n'être ni le premier ni le dernier en carte.9° Vendre à la cheville, revendre en gros et en demi-gros la viande dépecée : expression en usage parmi les bouchers de Paris. On dit dans le même sens commerce à la cheville. Locution tirée de ce que la viande était accrochée à des chevilles.10° Fig. Terme de littérature. Toute expression qui, inutile à la pensée, ne sert qu'à tenir une place dans la phrase ou dans le vers. Cette épithète est une cheville. Vers remplis de chevilles.• Cheville ! rédondance inutile !, J. J. ROUSS. Ém. II.Par analogie.• C'est une cheville très inutile que l'énoncé qu'il [le cardinal de Bouillon] fait que le roi est grand maître de l'ordre, SAINT-SIMON 279, 27.PROVERBESPour un trou il a vingt chevilles, c'est-à-dire il est plein d'expédients.Autant de trous, autant de chevilles, et autant de chevilles que de trous, autant de reproches, autant de raisons et d'excuses.Le voilà bien, il ne lui faut plus qu'une cheville pour le bien tenir, se dit d'un homme que la fortune a mis dans un bon poste.XIIIe s.• Il ostent la cheville, n'i font delaiement, Berte, XCV.• Et se il i a un nuef fust où il i ait neu fort, il i puet ferir une cheville sans meffet, Liv. des mét. 103.• Nus selier ne puet metre sele à fenestre, bas ne haut, seur voie, se n'est à cheville, Liv. des mét. 211.• Ou sur charbons ou sur greïlles, Ou tournoiés à grans chevilles, Comme Ixion à trenchans roes, la Rose, 19478.• Cil qui le tient à louage [le moulin], sans depecier et apeticier le loier, doit livrer quevilles, fuisiax, aubes et teles menues cozes, BEAUMANOIR XXXVIII, 17.• Si les couchent sur leur costez et leur mettent les jambes parmi les chevilles dedans [sorte de punition], JOINV. 243.• Les bendes sont de fer, et roides les chevilles, Ch. d'Ant. Compl. 107.XVe s.• En ce parti que je vous di furent les François.... et se tinrent tout cois ès marais et en la bourbe et ordures jusques aux chevilles, FROISS. II, II, 183.• Adonc se releva un des deux ; et prit les clefs de la porte qui pendoient à une cheville, FROISS. II, II, 99.• S'entredonnerent telz coups que toute la vallée en retentist ; mais à Lyonnel mal en prit, tellement que les chevilles de sa selle rompirent ; si fut renversé par terre, Perceforest, t. III, f° 90.• Vous cuidez bien, par vos engins, à tous pertuis trouver chevilles, CH. D'ORL. Rondeau..XVIe s.• Ils poulsoient et chassoient hors du siege imperial les empereurs les uns par les autres, ne plus ne moins qu'une cheville chasse l'autre, AMYOT Galba, 2.• L'os de la jambe de sa partie interieure fait la malleole interne, autrement dit la cheville, PARÉ IV, 36.• Je trouveray autant de chevilles que tu trouveras de pertuis, GÉNIN Récréat. t. II, p. 241.• Faire compter les chevilles [faire attendre quelqu'un longtemps dans une chambre], Nuits de Straparole, t. II, p. 228, dans LACURNE.• Pendre son manteau à faible cheville, COTGRAVE .• Des santez vigoreuses, les mortelles maladies ; ainsi des rares et vifves agitations de nos ames, les plus excellentes manies et plus destracquées ; il n'y a qu'un demi tour de cheville à passer de l'un à l'aultre, MONT. II, 214.Picard, keville ; provenç. cavilla ; portug. cavilha ; ital. cavicchia, caviglia, cavicchio, caviglio ; du latin clavicula, petite clef, d'où cheville, diminutif de clavis, clef (voy. clef), transformé par les langues romanes en clavicla, et, par euphonie, cavicla.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRECHEVILLE. Ajoutez :11° Nom donné à une apophyse osseuse du frontal, qui supporte la corne, chez les animaux cornus.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.