- éperon
- (é-pe-ron) s. m.1° Petite branche de métal qui s'adapte aux talons, et est armée à l'extrémité d'une espèce de roue en étoile dont les pointes servent à exciter le cheval.Anciennement. Chausser les éperons, faire chevalier ; locution qui vient de ce que, en armant le nouveau chevalier, on lui chaussait ses éperons.Familièrement. Gagner ses éperons, se distinguer à sa première affaire ; et fig. bien mériter par ses actesFig. Cet homme a besoin d'éperon, il a besoin d'être excité, poussé.Il a plus besoin de bride que d'éperon, d'être retenu que d'être poussé.• Notre esprit assez souvent n'a pas moins besoin de bride que d'éperon, BOILEAU Longin, Sublime, ch. 2.Chausser de près les éperons à quelqu'un, poursuivre de près quelqu'un qui s'enfuit. Les ennemis se retiraient, notre cavalerie leur chaussa les éperons. Locution qui vieillit.Donner un coup d'éperon jusqu'à un certain endroit, y courir, y aller en diligence.Ce cheval n'a ni bouche ni éperon, il a la bouche dure et n'est pas sensible à l'éperon. Et fig. Cet homme n'a ni bouche ni éperon, il est stupide, insensible.Terme de manége. Souffrir l'éperon, se dit d'un cheval peu sensible à cette manière de la conduire. Avoir l'éperon délicat et fin, fuir l'éperon, connaître l'éperon, s'attacher à l'éperon, se manier aisément avec l'éperon, expressions qui toutes désignent un cheval facile à conduire et à stimuler.Journée des éperons, bataille perdue par les Français à Guinegate [1513], ainsi nommée parce que les Français firent plus usage de leurs éperons que de leurs armes ; et la bataille de Courtray [1302], perdue par les Français, ainsi dite à cause de la grande quantité d'éperons que les Flamands vainqueurs prirent sur les chevaliers tués dans la bataille.2° Par analogie, ergot des coqs.3° Ergot que les chiens ont aux jambes de devant.4° Terme de botanique. Prolongement postérieur de la base du calice ou de la corolle de certaines fleurs.Terme de jardinage. Branches courtes, droites, parallèles à l'horizon.Éperon de la Vierge ou de chevalier, plante, pied d'alouette (delphinium consolida, L.).5° Terme d'anatomie. Petite saillie formée, dans l'intérieur des artères, par leur membrane interne, au niveau de chacune de leurs divisions.Terme d'entomologie. Certaines épines insérées à l'extrémité du tibia de quelques insectes.6° Partie de la proue d'un bâtiment terminée en pointe.• L'éperon, qu'on appelait rostrum, était à fleur d'eau ; c'était une poutre qui avançait, munie d'une pointe de cuivre et quelquefois de fer, ROLLIN Hist. anc. Oeuvr. t. IV, p. 569, dans POUGENS.• Leurs gros vaisseaux, portés sur les rochers des côtes voisines, brisés les uns contre les autres, entr'ouverts dans leurs flancs par les éperons des galères athéniennes, couvraient la mer de leurs débris, BARTHÉL. Anach. Introd. part. II, sect. 2.Aujourd'hui les éperons des vaisseaux cuirassés sont des masses d'acier, à bord tranchant, qui occupent toute la hauteur de la proue.7° Terme de guerre. Fortification en angle saillant, qui se fait au milieu des courtines, sur les bords des rivières, etc. pour garantir une place.8° Tout ouvrage en pointe qui sert à rompre le cours de l'eau.Terme de marine. Pointe de rocher qui rompt les lames à l'entrée d'un havre.Ouvrage de maçonnerie terminé en pointe et servant d'appui à un bâtiment, à une muraille.• Une assez haute portion de tour gothique avec l'éperon qui la soutient, DIDEROT Salon de 1767, Oeuvres, t. XIV, p. 486, dans POUGENS..Terme de géologie. Saillie brusque que présente le contre-fort d'une chaîne de montagnes.9° Fig. et familièrement. Rides qui se forment au coin de l'oeil des vieillards.10° Terme d'eaux et forêts. Instrument pour repiquer en glands les clairières des bois.11° Anciennement, couper les éperons, dégrader un chevalier.12° Ordre de l'Éperon, ordre institué en 1266 par le roi de Naples.Ordre de l'Éperon d'or, ordre institué en 1559 à Rome par les papes, pour récompenser le mérite civil.XIe s.• Esperuns d'or [il] ad en ses piez fermez, Ch. de Rol. XXVI.XIIe s.• Et [il] li chaussa son premier esperon, Ronc. p. 29.XIIIe s.• Li Barrois le saisit par le col, et feri cheval des esporons, et le traist par force de bras des archons, Chr. de Rains, p. 40.• Se j'estoie montés sor mon ceval et le feroie [piquais] des esperons parmi enfans ou par presse de gent, BEAUMANOIR LXIX, 6.XVe s.• Monterent à cheval, et au fraper des esperons entrerent en la ville de Courtray ; car il n'y avoit deffense, nul contredit, FROISS. II, p. 226, dans LACURNE.XVIe s.• Je ne pouvois fournir de rennes [rênes] pour les premiers ; ces derniers ont usé mes esperons, D'AUB. Hist. I, 156.• Ils poursuivirent leur victoire en tuant jusques dans l'eau, à la merci et sous les esperons des galeres, D'AUB. ib. I, 246.• On avoit basti au milieu du pont deux demi-esperons qui se flanquoient bien, D'AUB. ib. II, 350.• Le ressentiment de la roine d'Escosse servit d'espron pour faire partir cette grande armée, D'AUB. ib. III, 199.• Les ergots et esperons hautement posés à costé des jambes [chez le coq], O. DE SERRES 350.• Que Millan seroit bientôt revoltée, et qu'il esperoit aller jusques dedans Millan avec un esperon de bois [sans difficulté], ROB. DE LA MARK, Seign. de Fleuranges, Mém. ms. p. 160, dans LACURNE..Wallon, sporon ; provenç. espero ; espagn. esperon, espolon ; portug. espora, esporão ; ital. sperone, sprone ; de l'anc. h. -allem. sporo au nominatif, sporon à l'accusatif ; gaélique, spor. Le radical spor tient peut-être au sanscrit sphar, agiter.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREÉPERON. Ajoutez :13° La veine de l'éperon, veine qui est voisine du lieu où l'éperon pique d'ordinaire.• Le barbe avait probablement été malade ; car plusieurs épingles entourées d'un noeud de crin, et fixées, soit au cou de Scham, soit sur le trajet de la veine de l'éperon (les Anglais la saignent quelquefois), témoignaient que le barbe avait dû perdre beaucoup de sang, E. SUE Godolphin Arabian, ch. VI.Dicton normand : Il faut le saigner à la veine de l'éperon, se dit en parlant de quelqu'un qu'on soupçonne de faire le malade.14° Terme de chirurgie. Éperon, saillie résultant, dans l'anus contre nature, de l'adossement des deux portions de l'intestin accolées l'une à l'autre derrière l'ouverture fistuleuse.• Mémoire sur les anus contre nature dépourvus d'éperons, VELPEAU Paris, 1836.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.