- sucre
- (su-kr') s. m.1° Suc très doux que l'on tire de plusieurs végétaux, principalement de la canne à sucre et de la betterave, et que l'on transforme, au moyen du feu, en une substance cristallisée soluble dans l'eau.• Le sucre ne coûte que onze sous la livre, MAINTENON Lett. à Mme d'Aubigné, t. I, p. 174, dans POUGENS.• Et d'aller du récit de ta gloire immortelle Habiller chez Francoeur le sucre et la cannelle, BOILEAU Épît. I.• Savez-vous que le célèbre Margraaf, chimiste de Berlin, en a tiré [de la betterave] du véritable sucre et de la meilleure qualité ?, BONNET Lett. div. Oeuv. t. XII, p. 126, dans POUGENS.• Les nombreuses fabriques de sucre de betterave qui s'étaient formées, annonçaient à l'Europe qu'on était au moment de secouer le joug du nouveau monde, CHAPTAL Instit. Mém. acad. scienc. t. I, p. 349.• L'écrivain à la mode, entre un double flambeau, Et son verre, et son sucre, et sa carafe d'eau, DELILLE Convers. I.• Le sucre ordinaire est connu depuis nombre de siècles ; mais ce n'est que depuis la découverte de l'Amérique que l'on s'en est servi comme aliment, THENARD Traité de chim. t. III, p. 162, dans POUGENS.Fig. Le sucre des paroles, paroles flatteuses, doucereuses.• Portez à vos païens, portez à vos idoles Le sucre empoisonné que sèment vos paroles, CORN. Poly. v, 2.Fig. Un apothicaire sans sucre, un homme qui manque des objets nécessaires à sa profession.Fig. C'est tout miel et tout sucre, se dit d'une personne doucereuse.• Hé ! qu'il est doucereux ! c'est tout sucre et tout miel, MOL. Éc. des maris, I, 2.• Mon fils m'a rendu compte d'une conversation qu'il eut avec M. de la Trousse, le croyant ... tout sucre et tout miel, SÉV. 28 août 1680.Populairement. C'est un sucre, en parlant des fruits très doux.Fig. Dans l'argot du théâtre, manger du sucre, se dit des applaudissements reçus par un acteur, soit dès son entrée en scène, soit après une tirade à effet.2° Sucre brut, sucre qui, ayant été cuit, n'est pas encore raffiné.• Dix milliers de betteraves exploitées par jour donneront trois cents livres de sucre brut, CHAPTAL Instit. Mém. Acad. scienc. t. I, p. 375.Sucre raffiné, sucre brut qui a été blanchi par le raffinage.Sucre royal, le sucre qui a été raffiné deux fois.Sucre en pain, masse de sucre raffiné, à laquelle on a donné une forme conique.Familièrement. En pain de sucre, en forme de cône. Il a la tête en pain de sucre.• Le duc de Noailles prit le château de Castelfolit, sur un pain de sucre de roche, SAINT-SIMON 23, 2.Sucre candi, sucre pur dissous dans l'eau, cuit en consistance de sirop, et cristallisé ensuite par une évaporation lente dans une étuve.3° Sucre cristallisable, sucre ordinaire, sucre de canne, de betterave, etc.Sucre interverti, sucre de canne dont, par l'action des acides, le pouvoir rotatoire dextrogyre est devenu lévogyre.Sucre liquide, sucre de fruit ou incristallisable : ce sucre accompagne le précédent dans les raisins, les fruits, le miel, les mélasses, etc.4° Fruits confits à plein sucre, fruits confits une livre avec une livre de sucre.Un plein sucre, se dit, chez les confiseurs, des fruits préparés en mettant une livre de sucre pour une livre de fruit ; on l'oppose à demi-sucre.Confitures à mi-sucre, confitures faites avec la moitié du sucre qu'on y met d'ordinaire.Fig.• Les autres ne lui donnaient que des louanges pour ainsi dire à mi-sucre, LESAGE Gil Blas, x, 4.• Il est vrai que le diable est déchaîné ; votre confident est devenu martyr pour des confitures qui ne sont pas à mi-sucre, VOLT. Lett. Villevieille, 23 mars 1767.5° Sucre d'orge, voy. orge.Sucre de pomme, espèce de sucre candi fait en y mêlant du jus de pomme ; il est ordinairement en bâton. Il ne diffère du sucre d'orge que parce qu'on le prépare avec du sucre très blanc, aromatisé à la fleur d'orange ou au citron.Certains confiseurs écrivent suc de pomme.Sucre cuit au grand cassé, sorte de cuisson du sucre ; au petit cassé, cuit à un moindre degré de cuisson.Sucre tors, anciennement pâte faite de sucre et de jus de réglisse, à laquelle on donne la forme de petits bâtons tordus ; aujourd'hui sucre très blanc, cuit au petit cassé, coulé sur un marbre, étiré vivement et souvent, entre les mains, pour le rendre opaque et blanc, puis divisé en petits cylindres que l'on tord deux à deux ; on l'appelait jadis pénide.Sucre rosat, sucre blanc cuit dans de l'eau rose et réduit en tablettes.Le sucre en s'échappant de la cuiller se divise en une espèce de pellicule mince et légère.... on nomme sucre cuit à la petite plume ou perlé celui qui produit difficilement cet effet, et sucre cuit à la grande plume, celui qui le produit facilement, Dict. des arts et m. Confiseur.Sucre rouge, se disait de la cassonade.6° Terme de chimie. Nom donné à tout corps qui, dissous dans l'eau et mis en contact avec le ferment, peut être décomposé et transformé en acide carbonique et en alcool.7° Sucre du foie, sucre de diabète, sucre urinaire, sucre des urines, glycose animale, principe sucré qui existe à l'état normal dans le parenchyme du foie, et dans l'urine en certains états pathologiques.8° Sucre de lait, voy. lactine.9° Sucre de gélatine, substance organique, obtenue en traitant la colle forte par l'acide sulfurique et l'eau, d'abord à froid, puis à la température de l'ébullition ; cette substance n'est pas un véritable sucre, puisqu'elle ne fermente pas en contact avec la levûre à une température convenable.10° Acide du sucre, ancien nom de l'acide oxalique, obtenu pour la première fois par Margraaf en traitant du sucre par l'acide nitrique.11° Sucre de Saturne, acétate de plomb cristallisé.XIIe s.• Et destrampe suie de miel, Et mesle cucre avoeques fiel, Chev. au lyon, v. 1403.XIIIe s.• De moult beles canes, de quoy l'en arrose ce dont le sucre vient, JOINV. 275.• Il font vin de sucre moult bon, et fait devenir yvre moult tost, MARC POL p. 645.XIVe s.• Gingembres et canele, et chucre et asur bis, Baud. de Seb. XI, 516.• Menues espices, sucre en pierre, Ménagier, II, 4.XVe s.• Tu m'as cy donné de mos emmiellés, de paroles farcies de sucre, G. CHASTEL. Exposit. sur vérité mal prise..• Les espices et succres qui s'i font, Les fins draps d'or et soye du pays, E. DESCHAMPS Sur les beautés de Paris..XVIe s.• Après que les abricots confits auront sejourné au liquide un mois, pourront estre mis au sec, recevans leur dernier sucre, qui leur donnera lustre, O. DE SERRES 862.• Le mal passé en comparaison du present n'estoit encore que sucre, comme on parle en commun proverbe, H. EST. Apol. d'Hérod. p. 87, dans LACURNE.• Politien n'eust sceu gouster un vocable, s'il n'eust esté en sucre confict, BONIVARD Advis et devis des langues, p. 57.Wallon, souk ; bourguig. seucre ; provenç. sucre ; portug. açucar ; ital. succhero ; lat. saccharum, grec ; du persan shakara, pracrit, sakkara, qui vient du sanscr. Çarkara , sucre, signifiant originairement grains de sable, à cause que le sucre était en grains (cassonade) (çarkara vient de çri, briser en morceaux). On peut supposer que la forme arabe sukkar n'a pas été étrangère à la conversion de l'a de saccharum en u dans toutes les langues modernes.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRESUCRE. Ajoutez :12° Fig. Bonheur, plaisir.• L'un est parmi du sucre, l'autre parmi de l'absinthe ; l'un a conduit l'indulgence de la fortune, l'autre a dompté sa violence, MALH. Lexique, éd. L. Lalanne..• Nous mangeons du sucre et des confitures quand nous nous ramentevons nos amis qui se portent bien, MALH. ib..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.