- casser
- (kâ-sé) v. a.1° Faire, d'un objet qui est frappé, deux ou plusieurs fragments. Casser du sucre. Casser du bois. Casser des oeufs pour la cuisine.• Une poutre cassa les jambes à l'athlète, LA FONT. Fabl. I, 14.• Pourvu que le nourrisson ne se casse ni bras ni jambe, J. J. ROUSS. Ém. I.Casser la tête à quelqu'un d'un coup de fusil, de pistolet, le tuer d'une balle dans la tête.• Que d'une force sans seconde La mort sait ses traits élancer Et qu'un peu de plomb peut casser La plus belle tête du monde, VOIT. dans RICHELET.• Songez que les boulets ne vous respectent guère, Et qu'un plomb, dans un tube entassé par des sots, Peut casser d'un seul coup la tête d'un héros, VOLT. Ép. LII, Au roi de Prusse..Se casser la tête, se faire une fracture au crâne ; et par exagération, se faire une blessure à la tête.Fig. Se casser la tête, s'appliquer avec une grande contention d'esprit.• Je le ferai avec toute la diligence possible sans pourtant me casser la tête, BOSSUET Lett. quiét. 227.• Il se casse la tête d'application, SÉV. 367.Se casser la tête, se désespérer.• Elle se cassait la tête contre les murs, SÉV. 409.Fig. Casser la tête, importuner par un grand bruit, par des propos.• Le père Payen, à qui l'on casse la tête, SÉV. 446.On dit aussi d'un vin capiteux, qu'il casse la tête.Casser les os à quelqu'un, le battre.• Et le moi que voici, chargé de lassitude, A trouvé l'autre moi, frais, gaillard et dispos, Et n'ayant d'autre inquiétude Que de battre et casser les os, MOL. Amphitr. II, 1.Se casser le cou, faire une chute dans laquelle on se tue ou se blesse grièvement.Fig. Se casser le cou, ruiner ses affaires, sa fortune. On dit de même, casser le cou à quelqu'un.Par exagération. Se casser le nez, faire une chute sur la face, et plus souvent, se frapper le nez contre un obstacle qu'on ne voit pas ou auquel on ne fait pas attention. Je me suis cassé le nez contre un arbre.Fig. Se casser le nez à la porte de quelqu'un, ne pas le trouver chez lui.Se casser le nez, échouer dans un projet, une entreprise.• Que je traite avec vous des choses où Aristote, Platon, St Thomas et St Bonaventure se sont cassé le nez, VOLT. Lett. d'Argenson, 14 déc. 1770.Comme les coups qu'on se donne sur le nez sont rarement dangereux et toujours ridicules, l'expression casser le nez est toujours prise en moquerie, en dérision, à la différence de casser la tête.Fig. Casser les vitres, ne garder aucuns ménagements.Fig. Cela me casse bras et jambes, cela paralyse tous mes moyens d'action ou bien me stupéfie d'étonnement.• Ce n'est pas moi qui ai trouvé le secret de faire traîner deux mois cette opération, presque terminée en huit jours, quand le roi et l'état-major me vinrent casser les bras, P. L. COUR. Lett. I, 113.• La peur casse les jambes à l'homme ; pourquoi ne briserait-elle pas bien les ailes à l'oiseau ?, CHATEAUB. Amér. 24.Casser la croûte, casser une croûte, manger un morceau. Cassez la croûte avec nous.Fig. N'en casser que d'une dent, n'en pas tâter, s'en passer.• Faites moins la sucrée et changez de langage ; Ou vous n'en casserez, ma foi, que d'une dent, CORN. Le Menteur, IV, 9.Populairement et fig. Je t'en casse, c'est-à-dire ce n'est pas pour toi, tu n'en auras pas.Fig. et bassement, on dit qu'une femme a cassé ses oeufs, quand elle a accouché avant terme par quelque chute ou accident.2° Terme de droit. Annuler. Casser une condamnation, des jugements. Casser un testament.• Casser un mariage.... Non, je m'y veux tenir ; Quelque sensible tort qu'un tel arrêt me fasse, Je me garderai bien de vouloir qu'on le casse, MOL. Mis. V, 1.• [Ils] m'ôtent tout le pouvoir de casser l'alliance, MOL. Sgan. 24.• Il fit casser son mariage avec Anne, BOSSUET Var. 7.• Après la grâce obtenue, nous cassons un acte si solennel, BOSSUET Pén. 1.• J'empêchai qu'on ne cassât cette adoption qui rend aujourd'hui le jeune César si audacieux, VERTOT Rév. rom. XIV, p. 317.3° Destituer. Casser un magistrat. L'empereur cassa le centurion. Casser un officier, c'est le chasser du service ; casser un sous-officier, c'est le priver de son grade.• On le menace tous les jours d'être cassé, SÉV. 324.• Le czar défendit aux officiers sous peine d'être cassés, et aux soldats sous peine de mort, de s'écarter pour piller, VOLT. Charles XII, 4.Casser aux gages, ôter un emploi rétribué ; et figurément, retirer sa confiance à un inférieur.4° Affaiblir, débiliter. Des corps que les fatigues ont cassés. Des rôles fatigants ont cassé la voix de ce chanteur.5° Terme de marine. Casser l'erre, arrêter par degrés une embarcation.6° V. n. Être cassé. Le verre casse aisément. La corde cassa.• Le bois ne casse jamais sans avertir, à moins que la pièce ne soit fort petite ou fort sèche, BUFFON Exp. sur les végét. 1er mém..7° Se casser, v. réfl. Être mis en morceaux. Le pot se cassa en tombant.• S'il se casse quelque chose, je m'en prendrai à vous, et je le rabattrai sur vos gages, MOL. l'Avare, III, 1.Devenir débile, perdre sa force. Il commence à se casser. C'est un homme qui se casse. La voix de ce chanteur s'est cassée promptement.Qui casse les verres les paye, c'est-à-dire l'auteur d'un dommage doit le réparer.Si c'est du grès, on vous en casse, se dit à quelqu'un pour exprimer qu'on refuse de faire ce qu'il désire.CASSER, ROMPRE, BRISER. Ces trois mots expriment que, dans un objet, la continuité est détruite. Ils diffèrent en ce que casser, c'est la détruire en un coup, en une fois ; rompre, c'est la détruire avec un effort, avec le temps ; briser, c'est mettre en pièces. Un coup de barre cassa l'essieu ; un coup de feu le brisa ; une charge trop pesante le rompit. Il faut ajouter que l'étymologie de casser est complexe, venant à la fois de cassus, vain, vide, nul, et de quassare, briser ; de ce côté casser n'a plus de synonymie avec rompre : on casse un contrat, un testament, un officier, mais on ne les rompt pas ; on rompt une alliance, mais on ne la casse pas.XIe s.• Quassét son haume, si l'ont navrét au chef, Ch. de Rol. CLII.XIIe s.• De tous royaumes devez estre cassé [déchus], Roncisv. 19.• L'haume [il] lui froisse, li os lui sont quassé, ib. 104.XIIIe s.• Li rois quasse la cire, s'a au brief esgardé, Berte, LXVII.• Sans deffense la porte quassent, Quassée l'ont ; outre s'en passent, la Rose, 12575.• Bien seroit sa jangle [caquet] quassée, ib. 7432.• [Tibullus] Por cui mort [pour la mort de qui] ge brisai mes fleches, Cassai mes ars [arcs]...., ib. 10541.• Par ceus iert li chastiaus cassés, Se chascun i met bien s'entente, ib. 10770.• Mostrant raisons et semblances de dreit por cel dit casser et varier, Ass. de Jér. 118.• Tuit sunt un, sachés à delivre, Et vie d'oume [homme] et oez [oeufs] quasseiz, RUTEB. 131.• Et li rois cassa l'establissement, et commenda que tot viegne en partie, Liv. de just. 10.XIVe s.• Et certes se ne me cassez Ces trois.... [ne me privez de ces trois], MACHAULT p. 4.XVe s.• Et se mettoient au retour, petit à petit, ceux qui estoient cassés de leurs gages et tous hodés de la guerre, FROISS. III, III, 88.• De balader j'ay beau loisir, Autres deduis me sont cassez, CH. D'ORL. Ball. 40.• Tellement quellement Me faut le temps passer, Quant ne puis nullement Ma fortune casser, CH. D'ORL. Rond. 51.• Casser un privilege, COMM. II, 4.XVIe s.• Et qui s'applicque à tel trafficque, Le plaisir casse, J. MAROT V, 216.• Car la fortune est pour un verre prise, Qui tant plus luit, plus tost se casse et brise, MAROT I, 329.• Ouidà, dit-il, messieurs, je le ferai, mais que j'aie disné ; et cassoit [bâfrait] toujours, B. DESPER. Contes, CV.• La nufvieme legion s'estant mutinée, il la cassa avec ignominie, MONT. III, 168.• Il cassa la compagnie de 300 satellites, que Romulus avoit toujours euz autour de sa personne, AMYOT Numa, 12.• L'edict par lequel il cassoit et annulloit toutes debtes, AMYOT Solon, 25.• Revoquer et casser une ordonnance, AMYOT Péricl. 71.• Quand j'ai veu qu'ils me cassoient [mes chevaux de chasse], je les ai cassez, et puis l'age en cassoit sa part, D'AUB. Faen. I, 5.• Lui casser la teste d'un coup de pistolet, D'AUB. Vie, XIX..• La sentence fut moderée à estre degradé des armes et cassé, D'AUB. ib. LXXXIII.• Vingt hommes d'armes des plus lestes de la compaignie de M. le mareschal de Saint-André se casserent [se démirent], et vindrent trouver M. de Vieilleville, CARLOIX VI, 13.• D'une voix cassée et enrouée, MONT. II, 20.• Ô prompts desirs d'esperance cassez, ô douce erreur, ô pas en vain trassez, RONS. 91.Provenç. cassar, caissar, cachar, quassar ; catal. cassar ; espagn. casar ; ital. cassare ; du latin quassare, secouer, ébranler, fréquentatif de quatere. Il y a aussi le latin cassus, vide, nul, dont la forme et le sens se sont confondus avec quassus, quassare.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRECASSER. Ajoutez :8° En Normandie, casser un tonneau de cidre, le mettre en vidange pour en vendre une partie seulement. Ce n'est pas la peine de casser un tonneau de 800 pots pour en vendre 200. Cette expression n'est pas sans analogie avec celle de rompre charge.Sembablement, en Bourgogne, on casse une pièce de vin, quand on en tire une partie, soit pour la vendre, soit pour tout autre usage.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.