ébranler

ébranler
(é-bran-lé) v. a.
   Faire branler, mettre en branle, communiquer un mouvement d'oscillation. Ébranler une cloche. Les détonations du canon ébranlaient les airs.
   Devant qu'il soit deux ans, Je veux que l'on me voie avec des airs fendants, Dans un char magnifique, allant à la campagne, Ébranler les pavés sous six chevaux d'Espagne, REGNARD Ménechmes, IV, 2.
   Il loge sa mollesse en un riche palais, Et, derrière un char d'or promenant trois valets, Sous six chevaux pareils ébranle au loin la rue, GILB. XVIIIe siècle..
   Faire chanceler. Le torrent ébranle les rochers. Le canon de l'assiégeant avait ébranlé la muraille.
   Il ébranla en peu de temps une partie du mur avec les machines, D'ABLANCOURT Arr. liv. I, dans RICHELET.
   Sur ses antiques fondements, Venait-il ébranler la terre ?, RAC. Athal. I, 4.
   Le sacristain, bouillant de zèle et de courage, Le prend [un Quinault], se cache, approche, et, droit entre les yeux, Frappe du noble écrit l'athlète audacieux ; Mais c'est pour l'ébranler une faible tempête ; Le livre sans vigueur mollit contre sa tête, BOILEAU Lutrin, V.
   Communiquer un mouvement.
   Sur l'ais qui le soutient auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine, BOILEAU Lutrin, V.
   Et d'un bras, à ces mots, qui peut tout ébranler, Lui-même se courbant, s'apprête à le rouler [le lutrin], BOILEAU ib. III.
   Terme de manége. Ébranler son cheval au galop, le faire passer du pas, du trot ou de quelque autre allure, à celle du galop.
   Mettre en désordre. Le feu d'une batterie formidable ébranla la première ligne de l'ennemi. L'apparition des gendarmes ébranla la foule ameutée.
   Fig. Faire chanceler. La ligue ébranla le trône des Valois.
   Le manque d'héritiers ébranlait sa province, CORN. Oedipe, V, 4.
   Et ma tête abattue ébranlerait la vôtre, CORN. Sertor. IV, 3.
   Mais, si tu les soutiens, qui peut les ébranler ?, RAC. Ath. III, 7.
   Des scandales qui peuvent ébranler leur foi, MASS. Car. Resp. hum..
   Et si de vos flatteurs la funeste malice Jamais dans votre coeur ébranlait la justice, VOLT. Brut. III, 6.
   Au midi, les séditions, l'ignorance et l'indiscipline, tous les genres de corruption qui dégradent un peuple, ébranlaient depuis un siècle l'empire Ottoman, RAYNAL Hist. phil. V, 23.
   Faire branler, rendre peu ferme, rendre incertain. Il ébranla ma résolution.
   La frayeur de la mort ébranle le plus ferme, THÉOPHILE Poésies, dans RICHELET.
   Jaloux des bons desseins qu'il tâche d'ébranler, CORN. Polyeucte, I, 1.
   Et reconnaissez-vous que tout ce qu'il m'a dit, Par quelque impression ébranle mon esprit ?, CORN. Nicom. IV, 1.
   Raffermis ma vertu, qu'ébranlent tes soupirs, BOILEAU Lutrin, II.
   Et les dons achevant d'ébranler leur devoir, RAC. Bajaz. I, 1.
   Un amour qu'il peut vouloir troubler, Mais que tout son pouvoir ne pourrait ébranler, RAC. Phèd. III, 6.
   Les plus affreux périls ne sauraient m'ébranler, LAMOTTE Inès, IV, 2.
   Ses menaces n'ont pu ébranler ma fidélité, LESAGE Diabl. boît. ch. 5.
   Modifier les convictions, les sentiments.
   Depuis qu'on commence à être ébranlé par la raison, PASC. dans COUSIN.
   Le peuple est ébranlé, ne perdons point de temps, CORN. Héracl. I, 5.
   Si vous êtes ébranlés par l'autorité de M. Jurieu, BOSSUET Avert. 1.
   Mais le dessein est pris, rien ne peut m'ébranler, RAC. Mithrid. IV, 4.
   .... De ce soupir, que faut-il que j'augure ? Du sang qui se révolte est-ce quelque murmure ? Croirai-je qu'une nuit a pu vous ébranler ?, RAC. Iphig. I, 3.
   Les plus grandes merveilles, Sans ébranler ton coeur, frapperont tes oreilles ?, RAC. Athal. I, 1.
   Thémistocle eut ici besoin de toute son adresse et de toute son éloquence pour ébranler le peuple, ROLLIN Hist. anc Oeuvres, t. III, p. 227, dans POUGENS.
   Ainsi périt, à l'âge de trente-six ans et demi, Charles XII, roi de Suède, après avoir éprouvé ce que la prospérité a de plus grand et ce que l'adversité a de plus cruel, sans avoir été amolli par l'une ni ébranlé un moment par l'autre, VOLT. Charles XII, 8.
   Ébranler la gravité, faire presque rire.
   Madame la Dauphine ne put tenir plus longtemps les éclats de rire ; la majesté du roi en pensa être ébranlée, SÉV. 502.
   Ébranler la santé, les nerfs, rendre la santé moins solide, les nerfs plus susceptibles.
   S'ébranler, v. réfl. Recevoir un mouvement d'oscillation, être mis en branle. Les cloches s'ébranlaient. La porte s'ébranla sous les coups répétés.
   Se mettre en mouvement pour se porter en avant. Deux régiments s'ébranlèrent pour charger l'ennemi.
   Elle pâlit, s'ébranla pour aller à lui, HAMILT. Gramm. 10.
   S'ébranlant tous ensemble, ils couraient de toutes leurs forces contre les barbares, ROLLIN Hist. anc. Oeuvres, t. IV, p. 155.
   Il fallut qu'un Italien, le colonel Delfanti, s'élançât le premier ; alors les soldats s'ébranlèrent, et la foule suivit, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 13.
   Se mettre en mouvement pour se retirer, s'enfuir. L'infanterie ne put soutenir un feu si vif sans s'ébranler.
   Les Suédois consternés s'ébranlèrent, et, le canon ennemi continuant à les écraser, la première ligne se replia sur la seconde, et la seconde s'enfuit, VOLT. Charles XII, 4.
   Fig. Il répondit, sans s'ébranler, que la bataille n'était pas encore perdue, puisqu'il n'avait pas encore combattu, Relation des campagnes de Rocroi, dans LEROUX, Dict. comiq.
   Et si ce coeur s'ébranle ?, CORN. Polyeucte, II, 6.
   Ne t'ébranle donc point dans les tentations, Ne t'inquiète point de leurs inquiétudes, CORN. Imit. II, 9.
   Le sang à ces objets facile à s'ébranler, RAC. Iph. IV, 1.
   Les esprits s'ébranlaient, VOLT. Fanat II, 2.
   XVIe s.
   Ces paroles esmeurent et esbranlerent la plus part de l'armée de Demetrius, AMYOT Pyrr. 22.
   Les hommes d'armes commencerent à se mettre au galop ; le bataillon de gens de pied s'esbranla aussi après eux, AMYOT Alex. 63.
   Il est messeant de s'esbranler pour la menace du coup, MONT. I, 49.
   Es- préfixe, et branler.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • ébranler — [ ebrɑ̃le ] v. tr. <conjug. : 1> • 1428; de é et branler 1 ♦ Provoquer l ébranlement de (qqch.), faire trembler, vibrer par un choc. ⇒ agiter, secouer. Détonation qui ébranle les vitres. « Quelquefois une charrette lourde passait, en… …   Encyclopédie Universelle

  • ébranler — ÉBRANLER. verbe actif. Donner des secousses à une chose, en sorte qu elle ne soit plus dans une ferme assiette. Cette mine, cette batterie a fort ébranlé le bastion, Les vents ont ébranlé cette maison. Les éruptions de l Etna ébranlent toute la… …   Dictionnaire de l'Académie Française 1798

  • ÉBRANLER — v. a. Donner des secousses à une chose, en sorte qu elle ne soit plus dans une ferme assiette. Cette mine, cette batterie a ébranlé le bastion. Les vents ont ébranlé cette maison. Ce coup lui a ébranlé le cerveau.   Il s emploie figurément, dans… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • ÉBRANLER — v. tr. Amener par des secousses une chose à ne plus être dans une ferme assiette. Les vents ont ébranlé la maison. Ce coup lui a ébranlé le cerveau. Les voûtes du temple s’ébranlèrent. Fig., Un empire que les discordes ont ébranlé. ébranler le… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • ébranler — vt. , secouer, (ep. d une personne qui a fait une chute) : éssarkalyî (Saxel.002), snâ, snalyî <sonner> (Albanais.001). A1) ébranler, déstabiliser, diminuer la stabilité par des secousses : ÉBRANLÂ vt. (001, Chambéry, Saxel). A2) ébranler,… …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • s'ébranler — ● s ébranler verbe pronominal Se mettre en mouvement, en marche : L armée s ébranla …   Encyclopédie Universelle

  • secouer — [ s(ə)kwe ] v. tr. <conjug. : 1> • 1532; réfect. de secourre (XVe), d apr. les formes secouons, secouez; de l a. fr. sequeurre, lat. succutere 1 ♦ Remuer avec force, dans un sens puis dans l autre (et généralement à plusieurs reprises). ⇒… …   Encyclopédie Universelle

  • émouvoir — [ emuvwar ] v. tr. <conjug. : 27, sauf p. p. ému> • esmoveir 1080; lat. pop. °exmovere, du lat. class. emovere « mettre en mouvement » 1 ♦ Vx ou littér. Mettre en mouvement. ⇒ agiter, ébranler, mouvoir. « Aucun souffle n émouvait le maigre… …   Encyclopédie Universelle

  • affermir — [ afɛrmir ] v. tr. <conjug. : 2> • 1372; de 1. a et 1. ferme 1 ♦ Rare Rendre ferme, plus stable, plus solide. Affermir ses positions. ⇒ consolider. « Il affermit sa casquette » (Duhamel). Pronom. « Le mouvement du cavalier qui s affermit en …   Encyclopédie Universelle

  • ébranlement — [ ebrɑ̃lmɑ̃ ] n. m. • 1503; de ébranler 1 ♦ Oscillation ou vibration produite par un choc ou une secousse. ⇒ commotion , tremblement. Il « crispa ses deux poings sur les barreaux; la secousse fut frénétique, l ébranlement nul » (Hugo). 2 ♦ Fig.… …   Encyclopédie Universelle

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