- bougre
- (bou-gr') s. m.1° Nom de certains hérétiques que l'on assimilait aux albigeois.2° Celui qui se livre à la débauche contre nature : dénomination venue de ce que les haines populaires accusaient les hérétiques de désordres infâmes.3° Terme de mépris et d'injure, usité dans le langage populaire le plus trivial et le plus grossier. Dans ce sens, il a aussi le féminin bougresse : un vilain bougre, une méchante bougresse.• Le bougre avait juré de m'amuser six mois ; Il s'est trompé de deux...., LA FONT. Poésies mêlées, CLVI.• Le dieu, qui vit la triste enluminure Et l'oripeau du poëte glacé, Se prit à dire, en style moins pincé : Ce bougre-là n'aime pas la nature, LEBRUN Épigramme sur les jardins de Delille.4° Jurement très grossier. Ah ! b.... je me suis fait mal. Dans ce sens, ce mot ne s'écrit jamais que par sa première lettre ; et, quand il s'écrit, il se prononce bé.XIIIe s.• Ha ! male gent, bougre desloial, dist li papes, vous avés desiervi à perdre cors et avoir, Chr. de Rains, 123.• Quant aucuns est condampnés comme bougres, sainte Eglise le doit abandonner à le [la] laie [laïque] justice, BEAUMANOIR XI, 2.• Et li juys et li bougre aucunne fois donnoient loier as crestiens, en tele maniere que...., ID. XXXVIII, 15.XVe s.• Ces nouvelles s'espandirent, que Betisac avoit tenu un long temps l'opinion de boulgres, FROISS. III, IV, 7.• Le cuer d'ire ou ventre me serre, De ce que ces faulz crestiens, Ces faulx bougres, ces ruffiens Si vont nostre loy destruisant, Martyre de saint Étienne. Il faisoit publiquement trancher les testes, pendre les larrons et meurtriers, brusler les bougres, CHRIST. DE PISAN Charles V, part. II, ch. 5.Bulgarus habitant de la Bulgarie. Dans le moyen âge, des doctrines religieuses semblables régnaient parmi les Bulgares et les Albigeois ; de là le nom de bougres donné à ces hérétiques. En dehors du langage de l'histoire, bougre est resté dans le plus bas langage, comme une injure et un jurement.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.