- votre
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1° Il répond au pronom personnel vous, se met toujours devant le substantif, et se dit en parlant à une personne ou à plusieurs.• Philinte : Dans vos brusques chagrins je ne vous puis comprendre ; Et, quoique amis enfin, je suis tout des premiers.... - Alceste : Moi, votre ami ? rayez cela de vos papiers, MOL. Mis. I, 1.• Quoiqu'il soit votre fils et même votre ouvrage, Il est votre empereur, RAC. Brit. IV, 2.• Votre Oreste au berceau va-t-il finir sa vie ?, RAC. Iphig. I, 1.• D'ordinaire ces messieurs-là [les lutins] sont brusques ; ils ouvrent vos rideaux, tirent votre couverture, vous donnent quelques soufflets, et on ne sait ce qu'ils deviennent, FONT. Lett. gal. 12.• Adieu, Tithon et l'Aurore ; avez-vous gagné vos soixante-neuf ans au métier de Tithon ?, VOLT. Lett. Moncrif, 27 mars 1757.• Ce mot de Mme de Sévigné à sa fille : J'ai mal à votre poitrine ; expression de génie, si l'on peut appeler ainsi ce que le coeur a inventé, MARMONTEL Oeuv. t. VII, p. 474.2° Il se dit quelquefois non pas de ce que vous possédez, mais de ce dont vous parlez, de ce qui tient à vous d'une façon quelconque.• Que voulez-vous dire avec votre bon visage ? Monsieur l'a fort mauvais, MOL. Mal. imag. II, 3.• Astarbé vous défend de découvrir au roi quel est votre étranger, FÉN. Tél. III.• Et parbleu ! vous rêvez ; Pour connaître vos gens, mettez mieux vos lunettes, REGNARD Bal, sc. 13.• Vous voulez rire avec vos quatre millions, VOLT. Mél. hist. Quelques niaiseries, XI.• Votre Malebranche, lui dit un jour l'Ingénu, me paraît avoir écrit la moitié de son livre avec sa raison, et l'autre avec son imagination et ses préjugés, ID. l'Ingénu, 10.• Le marquis : Je vous ai parlé du chevalier de Villars. - Délie : Eh bien ? - Le marquis : Eh bien, c'est votre inconnu, GENLIS Théât. d'éduc. Zélie, III, 2.3° Avec un nom de personne, il se dit souvent par dédain ou par colère.• Voici votre Achorée, CORN. Pomp. v, 2.• Revenez à moi, me dit-elle, et je me moquerai de votre Monsieur [le frère do Louis XIII], qui est le dernier des hommes, RETZ Mém. t. II, liv. III, p. 365, dans POUGENS.• Voici votre Mathan : je vous laisse avec lui, RAC. Ath. II, 4.4° Votre, vos, placé devant les adverbes comparatifs fait le superlatif. Votre plus grande dépense. Vos moins chers volumes.Au XVIIe siècle, on répétait volontiers votre devant un second adjectif, quand il y en avait deux : Renoncer à ce qui devrait être votre souveraine et votre unique consolation, BOURDAL. Domin. 5° dimanche après Pâques, Prière, t. II, p. 199. On dirait aujourd'hui : Votre souveraine et unique consolation.XIe s.• Je jetai voz choses de la nef pur poür [peur] de mort, Lois de Guill. 38.• Branche d'olive en vos mains porterez, Ch. de Rol. v.• Dunt bien purrez voz soldeiers luer, ib. IX.• Vostre curages est mult pesmes e fiers, ib. XVIII.XIIe s.• [Je] Proi vous, dame, par vo très grant valors, Que vous amez [aimiez] vostre loial ami, Couci, VII.• Mais quant vostre oil [vos yeux] me veulent regarder, Et je remir le vostre biau cors gent, ib. x.• Et vos [votre] douz front qui plus est clair que glace, ib. XI.XIIIe s.• Seigneur, j'ai bien veues vos lettres, et bien sai tout certainement que vostre seigneur sont li plus haut home qui soient, VILLEH. XI.• Fille, ce dist li rois, ressemblez [à] vostre mere, Berte, IV.• Mere, ce dist Aliste, Diex oie vo priere, ib. XII.• Bien est vos traïsons veüe et esprouvée, ib. XVI.• Sire, que la vostre ame soit de Dieu couronnée, ib. XLVI.• Quant pour vostre marastre vo pere avez perdu, ib. LI.• Vo marastre vous a et ferue et laidite, ib. LIX.XVe s.• Ilz se recommandent à vous comme vostres chevaliers, Perceforest, t. VI, f° 105.XVIe s.• Et votre amour [l'amour que je vous porte] m'excuse, Qui troubla tant mes douloureux esprits, MAROT I, 352.Berry, voute ; norm. vote ; picard, vo ; provenç. vostre, vostra ; espagn. vuestro, vuestra ; portug. vosso, vossa ; ital. vostro, vostra ; du lat. vester, dérivé de vos, vous ; dérivé du grec vous deux. Dans l'anc. franç. vostre s'emploie au pluriel, mais seulement au nominatif ; vos, qui en est l'apocope, s'emploie au singulier et au pluriel ; au nominatif singulier, il peut devenir vo. Votre, étant enclitique, a pris l'o bref, mais il reprend l'o long quand il n'est plus enclitique : le vôtre.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.