- ventre
- (van-tr') s. m.1° La cavité du corps qui contient l'estomac et les intestins. Avoir mal au ventre. Ventre enflé, gonflé, tendu.• Donc vous vous figurez qu'une bête assommée Tienne votre fortune en son ventre enfermée ?, DU RYER Scévole, II, 4.• Millancourt, qui me servait de second, avait été blessé dans le ventre et désarmé, RETZ II, 9.• S'il était là, je lui donnerais tout à l'heure de l'épée dans le ventre, MOL. Fourber. II, 9.• Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre, V. HUGO Feuilles d'aut. 40.Être le dos au feu et le ventre à table, prendre toutes ses commodités en mangeant.Se serrer le ventre, étreindre fortement le ventre avec une courroie, ce qui amortit le sentiment de la faim.On l'a battu dos et ventre, on lui en a donné dos et ventre, sur le ventre et partout, on lui a dansé les deux pieds sur le ventre, se disent d'un homme qui a été excessivement maltraité.Fig. Maltraiter de paroles ou par des critiques fondées.• Nous en donnerons sur dos et ventre à tous ces petits Catons comme vous, qui nous méprisent par envie, DIDER. Neveu de Rameau..Ventre à terre, le ventre appuyé sur le sol. Il leur cria : ventre à terre.• Tu les posteras ventre à terre, entre ci et le quartier général, HAMILT. Gram. 3.• On se jetait à genoux ou ventre à terre, VOLT. Cand. 18.Fig.• Enfin se traînant, gravissant, et par sauts et par bonds, toujours le ventre à terre, il a tant fait...., BEAUMARCH. Mémoires, 4e mém..Fig. Demander pardon ventre à terre, demander pardon avec toute sorte de soumissions.Ventre à terre, se dit d'un cheval qui galope extrêmement vite, et qui, s'allongeant beaucoup, a le ventre près de terre. Ce cheval va ventre à terre.On dit aussi : ce cavalier, ce courrier va ventre à terre, il fait aller son cheval ventre à terre.On dit encore : ce cocher nous a menés ventre à terre.• Les jeunes gens qui en cabriolet se piquent d'aller ventre à terre, croient avoir le meilleur air du monde, GENLIS Maison rust. t. I, p. 177, dans POUGENS.Sur le ventre, couché sur le devant du corps. Le capitaine ordonna à ses soldats de se coucher sur le ventre.À plat ventre, en étant couché sur le devant du corps.• Pâtre étendu à plat ventre sur la paille, DIDER. Salon de 1767, Oeuv. t. XIV, p. 500.Fig. Être à plat ventre devant quelqu'un, lui faire bassement la cour.Fig. Mettre le feu sous le ventre à quelqu'un, l'irriter, l'aigrir, l'exciter.Passer sur le ventre, marcher sur le ventre à quelqu'un, le terrasser et passer par-dessus lui, le considérant comme renversé sur le dos.• Passant dessus le ventre à sa troupe mutine, CORN. Mél. IV, 9.• Darius, se tournant de son côté et lui adressant la parole, lui demanda s'il le trouvait assez puissant pour passer sur le ventre de l'ennemi, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 224, dans POUGENS.• Il [Charles Édouard].... s'empara d'Édimbourg, passa sur le ventre à quatre mille Anglais à Preston, CHATEAUBR. Stuarts, Jacques II.Fig. Passer sur le ventre à quelqu'un, remporter l'avantage sur lui, parvenir au but malgré lui, obtenir un avancement auquel il avait droit.• Quel plaisir pensez-vous qu'eût pris ce bonhomme [Octavius, père d'Auguste] de voir son fils, après avoir marché sur le ventre à ses ennemis et fait mettre les armes bas en tout l'empire, présider au repos et à la paix universelle ?, MALH. Traité des bienf. de Sénèque, III, 32.• Mais avec ce secours, pour peu qu'on sollicite, L'argent passe, morbleu, sur le ventre au mérite, MONTFLEURY Femm. juge et part. II, 1.Fig. Taper sur le ventre à quelqu'un, être familier avec lui.2° Réceptacle des aliments et des boissons.• Que tout chantre Boive à plein ventre, BÉRANG. Concord..• Il n'engageait jamais [à dîner] ces soi disant gastronomes qui ne sont que des gloutons, dont le ventre est un abîme, et qui mangent partout, de tout et tout, BRILLAT-SAVARIN Physiologie du goût, Méditation XXIX.• Il [l'homme] a toujours travaillé pour son ventre plus que pour son coeur et son esprit, G. SAND Rev. des Deux-Mondes, 1er juin 1868, p. 580.Être sujet à son ventre, se laisser aller à sa gourmandise.À ventre déboutonné, en se déboutonnant le ventre, pour manger beaucoup.• Après avoir très bien dîné Jusqu'à ventre déboutonné, SCARR. Typh. I.On dit aussi rire à ventre déboutonné, pour dire : rire beaucoup.Fig. Cet homme s'est donné de son épée dans le ventre, se disait autrefois d'un homme qui avait vendu son épée pour boire.Il fait un dieu de son ventre, le ventre est tout pour lui.• Qui se conduisent en ennemis de la croix de Jésus-Christ, qui auront pour fin la damnation, qui font leur dieu de leur ventre, SACI Bible, St Paul, Épît. aux Philippiens, III, I, 9.Il se dépite, il boude contre son ventre, se dit d'un enfant qui se mutine et ne veut pas manger, et, figurément, d'un homme qui, par dépit, refuse ce qu'on sait qu'il désire et qui lui convient.3° Le ventre considéré par rapport aux fonctions d'évacuation qu'il accomplit. Cet aliment lâche le ventre. Décharger son ventre. Le flux de ventre, le cours de ventre.• Quand vous avez le matin une grâce à demander à un ministre ou à un premier commis, informez-vous adroitement s'il a le ventre libre, VOLT. Dict. phil. Ventres paress..Avoir le ventre paresseux, aller rarement à la selle.4° Le ventre, considéré quant à la proéminence qu'il présente. Il a du ventre. Je commence à prendre du ventre. Son ventre l'incommode.Ce cheval n'a point de ventre, il est serré des flancs.Ce cheval a du ventre, son ventre est trop gros.Terme de manége. Ventre de vache, ventre trop affaissé et débordant les côtes.Ventre de biche, ventre de la couleur de celui de la biche ; c'est à peu près la même chose que ventre lavé.5° Bas-ventre, partie inférieure du ventre. Un coup dans le bas-ventre.• Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat et autres, suivant l'ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de monsieur, MOL. Mal. imag. I, 1.Petit ventre, le ventricule, l'estomac.Le petit ventre se dit vulgairement pour bas-ventre, hypogastre.• M. de Turenne tué d'un boulet qui le frappa au petit ventre, PELLISSON Lett. hist. t. II, p. 381.6° En parlant des femmes et des femelles d'animaux, la partie où se forment les enfants, les petits de l'animal, et où se passe la gestation.• Les enfants, pendant qu'ils sont renfermés au ventre de leur mère, DESC. Méth. v, 8.• Ils étaient comme quand on sort du ventre de sa mère, et noirs comme des diables, SÉV. 31.• Tout le monde sait que le ventre de certains animaux, chez les anciens, était un de leurs plus délicieux mets ; que le sumen, c'est-à-dire le ventre de la truie, parmi les Romains, était vanté par excellence, et défendu même par une ancienne loi censorienne comme trop voluptueux, BOILEAU Réfl. crit. sur Longin, Réfl. VI.En jurisprudence, curateur au ventre, curateur que l'on nomme à l'enfant dont une femme est enceinte au moment du décès de son mari.Le ventre anoblit dans certains pays, c'est-à-dire que les femmes nobles communiquent la noblesse à leurs enfants, bien que les pères ne soient pas nobles.• Maison où le ventre anoblit, et qui, par ce beau privilége, rendra vos enfants gentilshommes, MOL. G. Dand. I, 4.• À combien d'enfants serait utile la loi qui déciderait que c'est le ventre qui anoblit ! mais à combien d'autres serait-elle contraire !, LA BRUY. XIV.• Charles VII donna à la famille de la Pucelle d'Orléans des lettres patentes par lesquelles le ventre anoblissait, VOLT. Moeurs, 162.Fig. C'est le ventre de ma mère, je n'y retournerai jamais, ou, simplement, c'est le ventre de ma mère, c'est-à-dire je ne m'engagerai jamais plus dans une pareille affaire.7° Terme d'anatomie ancienne. Le ventre supérieur, ou la cavité de la tête, le ventre moyen ou la poitrine, le ventre inférieur ou l'abdomen.Particulièrement, la partie intérieure du corps qui est sous les côtes. Il lui arracha le coeur du ventre.Tant que le coeur me battra dans le ventre, tant que je vivrai.Fig. Mettre, remettre le coeur au ventre à quelqu'un, lui donner, lui redonner du courage.• Comme vous voyez, monsieur, c'en est assez pour me remettre le coeur au ventre, puisque c'est une preuve que ma voix n'est pas entièrement perdue, BOILEAU Lett. à Racine, 23 août 1687.Fig. Faire rentrer les paroles dans le ventre à quelqu'un, le faire repentir de ce qu'il a dit, ou l'empêcher de continuer.• Palsangué ! laissez-la donc parler ; vous lui rembourrerez les paroles dans le ventre, GHERARDI Théât. ital. t. I, p. 450.Fig. Avoir dans le ventre, être capable de. Je saurai ce qu'il a dans le ventre.Fig. Il n'avait que cet ouvrage dans le ventre, se dit d'un auteur qui, après un ouvrage, n'en produit plus d'autre, ou qui, après en avoir donné un bon, n'en donne plus que de mauvais.Fig. Cet homme n'a pas six mois, n'a pas un an dans le ventre, n'a pas six mois, un an à vivre.• C'est un homme qui mourra avant qu'il soit peu, et qui n'a tout au plus que six mois dans le ventre, MOL. Mar. forcé, 12.• Je n'ai pas ici mes calculs de la vie humaine ; mais il est clair que, nous autres animaux à deux pieds, nous n'avons que vingt-deux ans dans le ventre l'un portant l'autre, VOLT. Lett. d'Alembert, 7 mai 1761.Fig. Il n'a pas six mois, un an dans le ventre, il ne sera pas six mois, un an dans le poste qu'il occupe, dans la situation où il est.• Cela ne vaut rien ; ces gens-là manqueront incessamment, et ils n'ont pas encore huit jours dans le ventre, DANCOURT les Agiot. II, 7.• Ces cuistres-là [la Sorbonne] n'en ont pas encore pour longtemps dans le ventre, VOLT. Lett. Chabanon, 11 janv. 1768.8° Par dérision, le ventre, le centre dans les assemblées délibérantes, par opposition à la droite et à la gauche.• Au ventre toujours fidèle, J'ai pris, suivant ma leçon, Place à dix pas de Villèle, BÉRANG. Ventru..• Trouvez-moi une tournure plus propre [que l'apostrophe] à remuer une assemblée, à étonner la droite, à émouvoir le ventre, P. L. COUR. Lettre x..9° Fig. Partie la plus large d'un vase.• La cruche au large ventre est vide en un instant, BOILEAU Lutr. I.10° Fig. La partie creuse et intérieure d'un corps quelconque.• Et dans le ventre creux du pupitre fatal Va placer de ce pas le sinistre animal, BOILEAU Lutr. III.Terme de marine. Partie centrale de la coque d'un navire.Terme de métallurgie. Partie la plus large d'un haut fourneau ; endroit où se réunissent les étalages et la cuve.11° Terme de maçonnerie. Partie d'un mur qui boucle ou qui sort de son aplomb sur un de ses parements. Cette muraille fait ventre, ou fait le ventre.12° Terme de physique. Nom donné aux points où les vibrations présentent le plus d'amplitude, par opposition à noeuds.• Les ventres et les noeuds de vibration se succéderont alternativement, POISSON Instit. Mém. scienc. 1817, t. II, p. 394.13° Terme d'anatomie. Partie moyenne et renflée des muscles.Terme d'histoire naturelle. Dans les coquilles, partie la plus renflée de la surface extérieure d'une valve.Bord inférieur ou abdominal des coquilles bivalves.Dans les coquilles spirivalves dont on ne découvre que le dernier tour de spire, la face de ce tour qui correspond à l'ouverture, ou seulement la partie gauche de l'ouverture.14° Terme de gravure. La partie d'un burin qu'on aiguise pour le rendre tranchant.Ventre à planer, palette de bois de chêne que le tourneur applique sur son estomac quand il veut planer une pièce de bois.15° Ancien terme de chimie. Ventre de cheval, fumier, dans lequel on enferme certains vaisseaux, pour faire diverses opérations, par le moyen de la chaleur qu'il contient.16° Ah ! ventre ! ancienne sorte de jurement (de Dieu est sous-entendu, comp. VENTREBLEU).• Ah ! ventre ! il est tout vrai que vous avez raison, CORN. Illus. com. III, 3.• Par la mort ! par la tête ! par le ventre ! si je le trouve, je le veux échiner, MOL. Fourber. II, 9.Tout fait ventre, les aliments les plus communs rassasient comme les plus délicats.À ventre soûl cerises amères, quand on a d'une chose à satiété, elle déplaît.Habit de velours, ventre de son, se dit de celui qui épargne sur sa nourriture et fait des dépenses d'ostentation.Ventre affamé n'a point d'oreilles, l'homme pressé par la faim n'écoute rien.XIe s.• L'osberc [le haubert] desclot josque par sum le ventre, Ch. de Rol. CCLXXXVII.XIIe s.• Plus en auroie le cuer [coeur] del ventre clair [satisfait], Ronc. p. 158.• [Un homme] Out mult esté grevé de grant enfermeté, E out d'idropisie le ventre mult enflé, Th. le mart. 94.XIIIe s.• Cil ki son diu fait de son ventre, GUI DE CAMBRAI Barl. et Jos. p. 70.• Li enfes qu'el a el ventre, devient loiax [légitime] par le [la] vertu du mariage, BEAUMAN. XVIII, 2.• ù [où] le cuer de mon ventre trait [m'attire], Partonop. v. 4530.XIVe s.• En ceste guise s'accorderent, Et tantost à Kalles manderent, Ce qu'il pensoient en leur ventres, G. GUIART t. I, p. 338, v. 7815.• Jà soit que ledit Symon ait esté nez et procreez en loial mariage, et qu'il soit franche personne et de franc ventre hors de toute servitude, DU CANGE venter..XVe s.• Au fort, il faut que je le die, Ce qui fait le ventre lever Ce n'est fors que plaisant folie, CH. D'ORL. Bal. 136.XVIe s.• Il fut bien si estonné, qu'il eust voulu estre au ventre de sa mere, MARG. Nouv. VI.• La verge anoblit et le ventre [la mere] affranchit, LOYSEL 40.• L'autre tout ventre, lippu, couperosé...., D'AUB. Hist. I, 113.• Deux gentils-hommes xaintongeois faussans un corps-de-garde en plain midi en l'eau jusques au ventre des chevaux..., D'AUB. ib. II, 49.• Ils laisserent dans les tranchées le ventre en sus [morts] 400 de ceux qui avoient courage..., D'AUB. ib. II, 51.• Les esperons des navires engagez dans le ventre des autres, D'AUB. ib. II, 81.• Ce conseil privé mit le coeur au ventre d'Abdala, D'AUB. ib. II, 205.• Il mit ce soir là 6000 hommes le ventre au soleil, le reste sauvé dans la nuit, D'AUB. ib. II, 322.• L'assassin [J. Clément] tira de sa manche un cousteau, duquel il lui donna dans le petit ventre [à Henri III], D'AUB. ib. II, 387.• Ces roiaux avoient caché dans leur ventre deux coulevrines : comme donc les liguez estoient prests de faire la charge, les autres se fendent..., D'AUB. ib. III, 222.• Ventre de loup ! monsieur, savez-vous pas bien comment nous avions dejeuné ?, D'AUB. Faen. I, 6.• La division commune et vulgaire, qui est faite en trois ventres, superieur, moyen, inferieur, nommés par ces noms, teste, thorax et epigastre, PARÉ I, 1.• Les femmes de Naples de tout temps ont mieux aimé avoir le ventre de bureau que de velours [que se mal nourrir], PARÉ XIX, 16.• Il passa sur le ventre à tout ce qui se presenta pour lui resister, Mém. s. du Guesclin. ch. 5.• Sans ce qu'on l'eust essayé, ne sçavoir qu'il ha au ventre, Aresta amorum, p. 160, dans LACURNE.• Ils ont rempli trois feuillets de papier en dos et en ventre [le recto et le verso], Nouv. coust. gén. t. III, p. 282.• Au ventre, tout y entre, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 278.• En petit ventre grand cueur, COTGRAVE .• Il n'est horologe plus juste que le ventre, ID. .• Lors cessoit de manger, quand le ventre luy tiroit, RAB. I, 21.Wallon, veintt ; provenç. ventre ; espagn. vientre ; ital. ventre ; du latin ventrem ; sanscr. udara ; lithuanien, vedara, estomacSUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREVENTRE.16° Ajoutez :Ventre de moi, sorte de juron.• Ventre de moi ! que deviendrai-je ?, SCARRON Virg. IV.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.