- valeur
- (va-leur) s. f.1° Force, courage à la guerre, dans le combat (le sens propre du verbe latin valere étant être fort).• Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées La valeur n'attend pas le nombre des années, CORN. Cid, II, 2.• La parfaite valeur est de faire sans témoins ce qu'on serait capable de faire devant tout le monde, LAROCHEFOUC. Max. 216.• La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont deux extrémités où l'on arrive rarement, LAROCHEFOUC. ib. 215.• Si M. le duc d'York continuait à faire des actions de valeur, SÉV. 16 mars 1689.• Dieu lui avait donné cette indomptable valeur pour le salut de la France, durant la minorité du roi, BOSSUET Louis de Bourbon..• L'un [Turenne], dès qu'il parut dans les armées, donne une haute idée de sa valeur, et fait attendre quelque chose d'extraordinaire, BOSSUET ib..• La valeur n'est qu'une force aveugle et impétueuse, qui se trouble et se précipite, si elle n'est éclairée et conduite par la probité et par la prudence, FLÉCH. Turenne..• La valeur emportée n'a rien de sûr, FÉN. Tél. XII.• La valeur est susceptible de toutes les formes ; elle est généreuse ou brutale, stupide ou éclairée, furieuse ou tranquille, selon l'âme qui la possède, J. J. ROUSS. Disc. vertu des héros..Par extension.• Nos magistrats ont montré en plus d'une occasion la vérité de ce que Cicéron dit dans ses Offices, qu'il y a une valeur domestique et privée, qui n'est pas de moindre prix que la valeur militaire, ROLLIN Traité des Ét. v, 1re part. § 7.2° Fig. Par extension de l'idée de force, ce que vaut une chose.• Le vainqueur Chandasaeb, devenu possesseur des trésors du mort, distribua la valeur de deux cent mille francs aux soldats de Pondichéry, VOLT. Louis XV, 34.• Comment se fait-il que vous soyez si fidèle et si généreux, après n'avoir pas eu honte de me vendre des colifichets quatre fois au-dessus de leur valeur ?, VOLT. Babouc..• La valeur des choses est fondée sur leur utilité, ou, ce qui revient encore au même, sur l'usage que nous en pouvons faire, CONDIL. Comm. gouv. II, 1.Valeur nominale, valeur arbitraire donnée aux pièces de monnaie par la loi, par opposition à valeur réelle ou intrinsèque, qui est la valeur du métal dont la pièce est formée.Terme d'économie politique. Qualité relative des objets, en vertu de laquelle on obtient, en échange de l'un, une plus ou moins grande quantité de l'autre.• La valeur doit être définie le rapport qui s'établit par l'échange entre deux ou divers produits ou services, LEVASSEUR Cours d'Économ. p. 47.Être en valeur, se vendre facilement et avantageusement. Les vins sont en valeur cette année.Cette ferme, cette terre est en valeur, elle est bien cultivée et en état de rapporter ce qu'elle doit produire.Mettre, remettre une terre, une ferme, etc. en valeur, y faire les dépenses et les travaux nécessaires pour qu'elle donne un bon produit.• Mettre en valeur toute la terre d'un royaume, ce qui est bien plus utile que d'en étendre les limites, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. x, p. 423, dans POUGENS.• On voit que, si l'art de mettre en valeur les terres avait fait les mêmes progrès que l'art de mettre l'argent en valeur, nos laboureurs ne seraient pas aussi misérables qu'ils le sont, CONDIL. Comm. gouv. I, 17.Fig.• Leibnitz aimait à faire revivre les opinions des anciens et à les mettre en valeur, BONNET Paling. phil. VII, 6.3° Terme de banque et de commerce. Se dit des lettres de change, billets à ordre, actions, obligations, etc. Déposer des valeurs. Créer des valeurs. Mettre des valeurs en circulation.• Soixante mille écus, que votre oncle vous laisse, Vous ont été comptés en argent ou valeur, REGNARD les Ménechm. v, 5.• Les mots de valeur, qu'on emploie le plus ordinairement dans les lettres et billets de change, sont : 1° valeur reçue comptant ; 2° valeur en compte ; 3° valeur en marchandises ; 4° valeur en moi-même ; 5° rarement valeur entendue, P. GIRAUDEAU la Banque rendue facile, p. z..Valeur reçue, locution dont on se sert dans les promesses et dans les lettres de change pour marquer qu'on a reçu autant que la somme qui y est spécifiée. Vous payerez à M.... dix mille francs, valeur reçue.Valeur en compte, locution dont on se sert dans les lettres de change pour indiquer qu'on est en compte courant avec la personne ou la société au profit de laquelle la lettre est faite.Valeurs réelles, celles qui reposent sur des biens existant matériellement.Valeurs fictives, celles qui ne reposent que sur des produits éventuels.4° La valeur-papier, en termes de finance et de l'administration des postes, le papier imprimé représentant une valeur entre les mains du porteur ; tels sont les billets de banque, actions et obligations au porteur, coupons d'intérêts ou de dividendes. Il est permis d'insérer dans les lettres chargées des titres et valeurs-papiers de toute nature, Instruction imprimée à la suite de l'Almanach des postes.5° Terme de mathématique. Toute quantité exprimée en chiffres ou même algébriquement, et provenant de la résolution d'une ou plusieurs équations.6° Terme de turf. Intérêt pécuniaire attaché à une course.7° Terme de musique. Durée relative d'une note indiquée par sa figure.• Autrefois la valeur des notes n'était pas réglée sur la notion de la mesure, c'est-à-dire sur une division mathématique du temps ; elle se rapportait à la quantité des syllabes, à la prosodie ou rhythme poétique ; et, selon que le rhythme qui en résultait était ternaire ou binaire, les valeurs étaient également ternaires ou binaires, parfaites dans le premier cas, imparfaites dans le second cas, J. D'ORTIGUE Dict. de plain-chant, valeur..Outre leur valeur rhythmique, les notes de la musique moderne ont encore une valeur tonale, résultant de leur intonation relative.• Les élèves exécutent, sans s'en apercevoir, les notes diésées ou bémolisées, comme si elles étaient naturelles, parce qu'ils ne sentent pas la valeur tonale de chaque note, FERROND Théorie de la tonalité, p. 35.Les silences ont aussi leur valeur, et chaque figure de note a un silence qui lui correspond.8° Valeur intellectuelle, morale, prix qu'on attache à une chose intellectuelle, morale.• Lisez-moi.... Les Quatrains de Pibrac et les doctes Tablettes Du conseiller Mathieu ; l'ouvrage est de valeur Et plein de beaux dictons à réciter par coeur, MOL. Sgan. 1.• Ce sacrifice [la messe] d'une valeur infinie, où toute la croix de Jésus est renfermée, BOSSUET Mar. Thér..• Concluons qu'il n'y a qu'une longue suite d'années qui puisse établir la valeur et le vrai mérite d'un ouvrage, BOILEAU Longin, Subl. Réfl. VII.• En fait de sentiments, ce qui peut être évalué n'a pas de valeur, CHAMFORT Max. et pens. VI.Attacher de la valeur à quelque chose, en faire grand casPièces de nulle valeur, papiers de nulle valeur, pièces, papiers qui ne servent à rien.9° Il se dit, en un sens analogue, des personnes. Les hommes qui ont quelque valeur.Bouhours, Nouv. Rem., blâme cette locution, qui, usitée dès le XVIIe siècle, s'est conservée dans l'usage.10° Juste signification des termes suivant l'usage reçu.• L'éducation et le commerce que nous avons avec les autres hommes, nous apprennent peu à peu la valeur des mots, leurs différentes destinations, les divers usages de leurs terminaisons..., DUMARS. Oeuv. t. III, p. 386.• Personne ne connut comme Tibère la valeur des expressions, clair lorsqu'il n'était pas obscur à dessein, DIDER. Cl. et Nér. I, 37.Fig. Donner de la valeur à ce qu'on dit, le relever par sa prononciation et son débit.11° Terme de peinture. Effet d'un ton de couleur relativement aux tons avoisinants. Il faut éteindre certains tons pour donner de la valeur à d'autres. Donner plus de valeur à un muscle, lui donner plus de relief.Valeur se dit aussi en sculpture par rapport aux formes.12° Familièrement. La valeur de..., estimation approximative d'une quantité quelconque. Nous avons fait la valeur de deux lieues. Il n'a pas bu la valeur d'un verre de vin.13° Non-valeur, voy. non-valeur.14° Contre-valeur, voy. contre-valeur.XIe s.• Sa grant valor, ki purreit acunter ?, Ch. de Rol. XXXIX.• Itel valor deit aveir chevaler, ib. CXXXIX.• [Il] Vint à Burdeles la citet de valur, ib. CCLXIX.XIIe s.• Mais à dame de valor Doit on penser nuit et jor, Couci, I.• [Mon coeur] Ki de toute sa valour [de tout ce qu'il vaut] vous mercie, ib. II.• Dame, valour, beauté et cortoisie [il y] A tant en vous qu'on n'i sait qu'amender, ib. XXI.• Salemons se dressa, en cui manoit valours, Sax. XXVII.XIIIe s.• Je prendrai por le [la] valor de l'esterlin...., Comput, f° 23.• Et convient que li trouveres [le trouveur] l'en responde [de la trouvaille], et que li rende le [la] coze ou le [la] valeur s'il ne pot le coze ravoir, BEAUMANOIR XXV, 22.• Il estoit home de grant nom et de grant valeur, JOINV. 218.XIVe s.• Forte fut la bataille, nulz homs ne vit greigneur [plus grande] ; Henriot noble gent et de noble valeur, Guesclin. 16205.XVe s.• Il [Louis XI] congnoissoit toutes gens d'auctorité et de valleur qui estoient en Angleterre, en Espaigne...., COMM. I, 10.XVIe s.• J'ay toute ma vie beaucoup estimé de vous, mes amis ; mais, leur disoit elle, voz valeurs me tiennent aujourd'hui tant obligée à vous aimer...., BEAUGUÉ Guerre d'Escosse, II, 2.• .... Que nuls vivant sus peine de la hart N'aye à piller la valleur d'un liard, J. MAROT V, 144.• Le jugement de la valeur et foiblesse d'une place se prend par...., MONT. I, 53.• La vaillance ne consiste pas en la valeur de nostre cheval ny de nos armes, mais en la nostre, MONT. I, 243.• Qui a de la valeur, si le face paroistre en ses moeurs, en ses propos...., MONT. III, 232.• Ayant perdu cinq chevaulx de service en la guerre, la valeur luy en fut rendue en argent des coffres de la chose publique, AMYOT Cat. 1.• Il les prescha et exhorta de faire leur devoir en celle bataille, comme ceulx qui avoient à faire preuve deleur valeur au milieu de la Grece, AMYOT Flamin. 11.Provenç. et espagn. valor ; ital. valore ; du lat. valorem (QUICHERAT, Addenda), de valere, être fort, valoir (voy. valoir).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREVALEUR. Ajoutez :15° Manière d'apprécier le mérite des concurrents à l'École des beaux-arts.• Diplôme [d'architecte], que l'on n'obtient qu'après avoir remporté douze valeurs en première classe et à la suite d'épreuves..., Journ. offic. 7 août 1875, p. 6468, 2e col..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.