tout

tout
tout, toute
(tou, tou-t' ; le t se lie : tou-t homme ; au pluriel, l's se lie : tou-z animaux ; tou-z y sont ; quelques-uns font sentir l's du pluriel même devant une consonne : tous' viendront ; ils y sont tous' ; c'est une mauvaise prononciation ; remarquez d'ailleurs que la prononciation de tout et de tous n'est pas la même ; ou dans le premier a un son moins grave que dans le second : tou et toû) adj.
1°   Qui comprend totalité, intégrité, qui ne laisse rien en dehors.
2°   Il se construit avec l'article défini et les adjectifs possessifs, et se met avant eux.
3°   Tous les jours, tous les mois, etc. Tous les deux jours, tous les trois jours, etc.
4°   Il se construit avec l'article un, une, dans le sens d'entier.
5°   Il se joint aux pronoms personnels, et se met après.
6°   Tous deux, ou tous les deux.
7°   Tout s'emploie au sens de chaque, et alors il se construit sans article.
8°   Tout, construit sans article au sens de plein, entier, sans réserve.
9°   Tout devant un nom de peuple, de pays, de ville, etc. exprime la totalité, l'ensemble des habitants. Tout Rome.
10°   Tout Corneille, toutes les oeuvres de Corneille.
11°   Tous, au pluriel, s'emploie pour récapituler, résumer.
12°   Tout, dans le sens de toute espèce de, rien que.
13°   Tous, toutes au pluriel, au sens de tous les hommes, toutes les femmes.
14°   Égal à tous, en termes de marine.
15°   S. m. Tout, nom donné, sur le turf anglais, à un homme qui a pour profession d'espionner les écuries des courses.
16°   Une chose considérée dans son entier, une chose complète.
17°   Il se dit aussi sans article en ce sens.
18°   Tout, sans article, signifiant toute chose, toute sorte de choses.
19°   Tout, signifiant tout le monde, tout homme, tout ce qu'il y a de gens, de personnes.
20°   Le tout, toutes les choses en question.
21°   Le tout, signifiant tout ce qu'il y a de plus important, de principal dans une affaire.
22°   Mon tout dans une charade.
23°   Au jeu, tout l'argent qu'on a devant soi.
24°   À tout.
25°   À tout prendre.
26°   Après tout, dans le fond, tout bien considéré.
27°   Du tout, complétement, absolument (au sens affirmatif). Du tout avec rien, pas, point, au sens négatif.
28°   En tout.
29°   Sur le tout, par surcroît.
30°   Sur-tout.
31°   Adv. Entièrement, complétement.
32°   Tout, construit avec un adjectif ou un participe féminin, commençant par une voyelle ou une h muette.
33°   Tout, construit avec un adjectif ou un participe féminin, commençant par une consonne ou une h aspirée.
34°   Tout s'emploie adverbialement devant un substantif pour exprimer plénitude.
35°   Il se joint à plusieurs prépositions et adverbes pour donner à l'expression plus d'énergie.
36°   Il se met devant des superlatifs.
37°   Tout au plus.
38°   Tout, entrant dans diverses locutions.
39°   Tout le premier, toute la première, tout les premiers.
40°   Tout le même, tout les mêmes.
41°   Tout un autre homme.
42°   Je suis tout à vous.
43°   Tout.... que.... avec un adjectif, bien que, quoique.
44°   Tout.... que étant suivi d'autres membres de phrase qui en dépendent, on peut supprimer le que dans ces membres de phrase.
45°   Tout, au sens de quoique, a été employé sans que.
46°   Tout devant en et un participe présent signifie simultanéité.
47°   Au trictrac, tout à bas.
   Qui comprend totalité, intégrité, qui ne laisse rien en dehors. Tout ceci ; tout cela.
   C'est tout ce que je puis faire que de vivre, BALZ. liv. I, lett. 4.
   Vous vous réservez tout pour Paris, et auriez peur de vous profaner au village, BALZ. liv. v, lett. 15.
   Notre Aragon, pour nous presque tout révolté, CORN. D. Sanche, I, 1.
   Que dix lustres et plus n'ont pas tout emporté Cet assemblage heureux de force et de clarté, Ces prestiges secrets de l'aimable imposture Qu'à l'envi m'ont prêtés et l'art et la nature, CORN. Oed. Vers à M. Fouquet..
   Et, tirant toute à vous la suprême puissance, Vous me laissez des titres vains, CORN. Agés. III, 1.
   Si vos conseils propices Ne conduisent mon sort parmi ces précipices, Je m'abandonne toute aux traits du désespoir, MOL. le Dép. IV, 1.
   Je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage, MOL. Mis. IV, 3.
   Je suis ravie de votre bonne santé et de votre beauté, car je vous aime toute, SÉV. 236.
   Cette conversation dura une heure, il est impossible de la redire toute, SÉV. 12.
   La justice divine, qui semble dormir et oublier les pécheurs, leur répugnant, pour ainsi dire, de toute elle-même, BOSSUET Sermons, 3e dim. de l'avent, nécessité, 2.
   Nous avons tous une même origine, et cette origine est petite, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Nous composions son histoire de tout ce qu'on peut imaginer de plus glorieux, BOSSUET ib..
   Il me trahit, vous trompe et nous méprise tous, RAC. Andr. IV, 3.
   La vie est courte et ennuyeuse, elle se passe toute à désirer, LA BRUY. XI.
   Tout donné ce qui était vacant, tout réglé ce qui était à faire après lui, il [Louis XIII] le voulut rendre public, SAINT-SIMON 398, 178.
   Seule, loin de vous-même, et toute à mon ennui, VOLT. Zaïre, IV, 2.
   Mille petites craintes, toutes frivoles, la fatiguaient, RAYNAL Hist. phil. X, 13.
   Dans ce que je suis, moi, je mets toute mon âme ; J'étais tout à la guerre, et suis tout à ma femme, COLLIN D'HARLEV. Moeurs du jour, v, 3.
   Tout ce qui, tout ce que, peut être représenté par le pronom il.
   Tout ce que nous faisons, que nous pleurions, que nous nous réjouissions, il doit être d'une telle nature que nous puissions du moins le rapporter à Jésus-Christ, et le faire pour sa gloire, MASS. Carême, Élus..
   Tous tant que..., autant qu'il y en a.
   Et je veux nous venger, toutes tant que nous sommes, De cette indigne classe où nous rangent les hommes, MOL. Fem. sav. III, 2.
   Oui, Dieu veut le salut de tous tant que nous sommes ; Jésus-Christ a versé son sang pour tous les hommes, L. RAC. Grâce, IV.
   Tout ce qui, tout ce que.... s'emploie quelquefois pour désigner des personnes.
   Je ne vous prierai point, tout ce que vous êtes ici, de l'en démentir, VAUGEL. Q. C. 467.
   Hé quoi ! tout ce que j'aime, Cette Esther, l'innocence et la sagesse même.... Dans cette source impure aurait puisé ses jours !, RAC. Esth. III, 4.
   Tout ce qui reste encor de fidèles Hébreux Lui viendront aujourd'hui renouveler leurs voeux, RAC. Ath. I, 2.
   Pline eut pour amis tout ce que son siècle a produit de grands hommes, tous ceux que leurs rares vertus distinguaient le plus, ROLLIN Hist. anc. liv. XXV, ch. III, II, 4.
   Familièrement. Tout-ci, tout-ça, toutes sortes de choses, de discours.
   Il lui disait tout-ci, tout-ça, qu'il l'aimait bien, et qu'elle était la plus belle du monde, MOL. Mal. imag. II, 11.
   Ils sont tous étonnés, tous vivants, tous entiers, etc. il n'y en a aucun parmi eux qui ne soit étonné, qui ne soit vivant, qui ne soit entier, etc. Ils sont tout étonnés aurait un autre sens (voy. tout n° 31, adverbe).
   Tout ce qu'il y a.... sont les...., construction dans laquelle le substantif au pluriel, quoique placé après le verbe, en détermine le nombre.
   On m'a montré la pièce ; et, comme tout ce qu'il y a d'agréable sont effectivement les idées qui ont été prises de Molière...., MOL. Impromptu, 3.
   Tout ce qu'il y a d'hommes sont presque toujours emportés à croire, non pas par la preuve, mais par l'agrément, PASC. l'Art de persuader, édit. FAUGÈRE..
   Tout ce qu'il y a de.... avec un adjectif, équivaut à un superlatif, et signifie tout ce qui est le plus...
   Il [Jésus-Christ] a été tout ce qu'il y a de grand et tout ce qu'il y a d'abject, PASC. Lettre sur la mort de son père.
   Se faire tout à tous, s'accommoder à toutes les opinions, à tous les caractères.
   Enfin je me suis fait tout à tous pour les sauver tous, SACI Bible, St Paul, 1re épît. aux Corinth. IX, 22.
   Chacun croit être tout à tous, PASC. Pens. XXV, 19, édit. HAVET..
   Mme de Castries, aimable, amusante, gaie, sérieuse, toute à tous, charmante quand elle voulait plaire, SAINT-SIMON 42, 252.
   Il savait se faire tout à tous ; je me plaisais fort avec lui, j'en parlais à tout le monde, J. J. ROUSS. Conf. X.
   Bossuet, pour employer cette locution au pluriel, a fait de tout à tous une locution invariable :
   On ne peut compter les exemples ni des riches qui se sont appauvris.... ni des pasteurs charitables qui se sont faits tout à tous, BOSSUET Hist. II, 7.
   Somme toute, somme totale, toutes les sommes jointes ensemble.
   Fig. Somme toute, en définitive, à tout prendre. Il a de l'argent, des places ; mais, somme toute, il n'est pas heureux.
   Il se construit avec l'article défini et les adjectifs possessifs, et se met avant eux.
   C'est tout le rare exploit dont il se peut vanter, CORN. Andromède, v, 2.
   Il m'a sacrifié tout ce haut avantage, CORN. ib..
   Nous prîmes en même temps toutes ses villes, nous en tuâmes tous les habitants, hommes, femmes et petits enfants, SACI Bible, Deutéron. II, 34.
   J'y ai parlé [à la Sorbonne] toute ma demi-heure, PASC. Prov. II.
   Je prie M. le gouverneur de donner sur cela [la peste en Provence] tous les meilleurs ordres du monde, SÉV. 6 avr. 1672.
   Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est là tout l'homme, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Dans cette courte prière vous voyez la soumission aux ordres de Dieu, l'abandon à sa providence, la confiance en sa grâce et toute la piété, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, BOSSUET Reine d'Anglet..
   La puissance, les richesses, la violence, la flatterie, l'autorité, la faveur, tous les vents ne l'ébranlent pas, LA BRUY. XII.
   L'on est né quelquefois avec des moeurs faciles, de la complaisance, et tout le désir de plaire ; mais...., LA BRUY. XI.
   Un simple dépit est souvent toute la raison qui nous arrache brusquement au siècle et nous précipite dans la retraite, MASS. Carême, Vocation..
   Tout l'homme, c'est-à-dire, l'homme en entier, l'homme entièrement, l'homme considéré comme un individu spécifique, DUMARS. Oeuvres, t. IV, p. 202.
   Nous avons tout le temps de nous ennuyer, VOLT. Micromégas, 2.
   Le marquis de Feuquières veut qu'on ne donne à la bataille de Sénef que le nom de combat, parce que l'action ne se passa pas entre deux armées rangées, et que tous les corps n'agirent point, VOLT. Louis XIV, 12.
   Ce bel esprit de tous les temps, Cet homme de toutes les heures [le président Hénault], VOLT. Lett. en vers et en prose, 81.
   Voilà [au siége de Philisbourg], madame, la folie humaine dans toute sa gloire et dans toute son horreur, VOLT. Lett. Mme de la Neuville, 1734.
   Toutes mes pensées n'étaient que des désirs, toutes mes réflexions que des projets, tous mes sentiments que des espérances, GRAFFIGNY Lett. péruv. 18.
   Tous les peuples qui vivent misérablement sont laids ou mal faits, BUFF. De l'homme..
Tout le monde, voy. monde 1, n° 15.
   En marine. Tout le monde en haut ! commandement pour faire monter tout l'équipage sur les gaillards.
   On dit de même : tout le monde en bas ! tout le monde à la bande ! etc.
   Tous les jours, tous les mois, tous les ans, chaque jour, chaque mois, chaque an.
   Tous les deux jours, tous les trois jours, tous les quatre mois, tous les six ans, etc. de deux jours en deux jours, de trois jours en trois jours, de quatre mois en quatre mois, de six ans en six ans, etc.
   Tous les cent dix ans les Romains devaient célébrer des fêtes solennelles en l'honneur des dieux, pendant trois jours et pendant trois nuits, DUMARS. Oeuvres, t. I, p. 45.
   Toutes les deux heures, toutes les vingt-quatre heures, etc. de deux heures en deux heures, de vingt-quatre heures en vingt-quatre heures.
   Il se construit avec l'article un, une, dans le sens d'entier. Tout un pays.
   Souvent il ne faut qu'un grand dans un royaume, ferme dans la foi, pour arrêter le progrès de l'erreur et des nouveautés, et conserver à tout un État la foi de ses ancêtres, MASS. Petit car. Vices et vertus..
   Il se joint aux pronoms personnels, et se met après. Nous tous, vous tous, eux tous, elles toutes.
   Tous deux, ou tous les deux, l'un et l'autre. Ils partirent tous deux pour la ville. Tous les deux sont morts depuis longtemps.
   De les suivre tous deux ils semblaient m'ordonner ; Tous deux dans le Tartare ils semblaient m'entraîner, VOLT. Oedipe, II, 2.
   Je les servais tous deux, et tous deux m'ont flétrie, VOLT. Tancr. II, 7.
   On dit de même : tous trois, tous quatre, et tous les trois, tous les quatre.
   Je suis content si j'ai cette dernière [cognée de fer]. - Tu les auras, dit le dieu, toutes trois [les cognées d'or, de fer et d'argent], LA FONT. Fabl. v, 1.
   Au delà de ce dernier nombre jusqu'à dix, on supprime rarement l'article ; au delà de dix on l'emploie toujours. Tous les cinq, tous les six, etc. tous les seize, tous les vingt, etc.
   On a voulu trouver une distinction entre tous deux et tous les deux ; tous trois et tous les trois, etc. On supposait que, disant : Ils viennent tous trois, pour exprimer qu'ils viennent ensemble, on ne pouvait dire qu'ils sont morts tous trois depuis longtemps pour exprimer que ces trois personnes avaient cessé de vivre, et qu'il fallait mettre ils sont morts tous les trois. Le fait est que l'usage n'établit aucune distinction réelle entre les deux expressions ; et ce qui le prouve, c'est qu'au delà de dix on ne peut se dispenser de mettre l'article. Ainsi on ne dira pas : Ils sont partis tous seize, mais on dira : ils sont partis tous les seize ; soit qu'il s'agisse d'un départ simultané, soit qu'il s'agisse seulement d'exprimer que les seize ne sont plus là.
   Tout s'emploie au sens de chaque, et alors il se construit sans article. à tout propos. De tout point. En tout point. à toute occasion. à tout moment. De toute part. De toute sorte.
   Tout dieu veut aux humains se faire reconnaître, LA FONT. Fill. de Minée.
   Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle, BOSSUET Reine d'Anglet..
   .... en tout lieu disposée à les suivre, BOILEAU Sat. XII.
   Tout éloge imposteur blesse une âme sincère, BOILEAU Épît. IX.
   Toute musique n'est pas propre à louer Dieu, et à être entendue dans le sanctuaire ; toute philosophie ne parle pas dignement de Dieu, de sa puissance, des principes de ses opérations et de ses mystères, LA BRUY. XVI.
   L'auteur des dialogues a dit que les belles sont de tous pays, et moi je dis que les sottises sont de tous les siècles, FONTEN. Jug. de Plut..
   Tout mortel en naissant apporte dans son coeur Une loi qui du crime y grave la terreur, L. RAC. Épît. II.
   Trente mille habitants de tout âge et de tout sexe sont écrasés sous des ruines, VOLT. Candide, 5.
   Tout bourgeois est soldat, tout Paris est en armes, L. RAC. Henr. III.
   Tout empereur allemand appelé en Italie y est toujours mal reçu, L. RAC. Ann. Emp. Conrad II, 1025.
   Tout esprit de parti doit céder au désir de s'instruire, L. RAC. Comm. Corn. Rem. Bérén. préf..
   Nous avions la liberté de nous voir à toute heure, LEGRAND la Nouveauté, sc. 7.
   Toute femme m'amuse, aucune ne m'attache, GRESS. le Méch. II, 1.
   On dit aussi : à tous moments, de toutes parts, de toutes sortes, etc.
   Et ne voyais-tu pas dans mes emportements Que mon coeur démentait ma bouche à tous moments ?, RAC. Andr. v, 3.
   Tout autre, avec une négation, nul autre.
   L'auteur de ces merveilles [le monde] les comprend ; tout autre ne le peut faire, PASC. Pens. I, 1.
(Remarquez que nul autre indiquerait seulement que personne ne peut comprendre ces merveilles ; le tour positif tout autre indique de plus qu'il y en a qui l'essayent, mais qu'ils sont impuissants).
   Tous temps, toutes maximes, chaque temps a ses maximes.
   Je crois qu'en ce temps-ci On eût fait au Scamandre un très méchant parti : En ce temps-là semblables crimes S'excusaient aisément ; tous temps, toutes maximes, LA FONT. Scamandre..
   Par tout pays, par toute terre, en quelque lieu que ce soit.
   Tout venant. Voy. venant.
   Tout, construit sans article, au sens de plein, entier, sans réserve.
   En toute liberté goûtez un bien si doux, CORN. Hor. II, 3.
   Cette amitié me charme, et je dois avouer Qu'Othon a jusqu'ici tout lieu de s'en louer, CORN. Othon, II, 5.
   On s'élève par cette passion [l'amour], et on devient toute grandeur, PASC. Pass. de l'amour..
   Elle le livra pour tout supplice à sa conscience, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Il sauva [dans une épidémie] ce peuple [de la Normandie, dont il était gouverneur] qui avait perdu toute espérance de santé et toute mesure de prudence, FLÉCH. Duc de Montausier..
   Il [le duc Bernard de Veimar] en gagne une quatrième [bataille], contre le duc de Lorraine, Charles IV, qui, comme Veimar, n'avait pour tout Etat que son armée, VOLT. Ann. Emp. Ferdinand III, 1638.
   Le monde étant de toute éternité, ce qui fait sa beauté et son harmonie est aussi éternel, DIDER. Opin. des anc. philos. (pythagorisme)..
   Tout moi-même, ma personne entière.
   J'aime avec tout moi-même ; et l'amour qu'on me donne En veut, je le confesse, à toute la personne, MOL. Fem. sav. II, 12.
   En tout bien, tout honneur, sans qu'il y ait rien à redire.
   Mme de Brissac a une très bonne provision pour son hiver, c'est-à-dire M. de Longueville et le comte de Guiche, mais en tout bien et tout honneur, SÉV. 111.
   À tout hasard, au risque de tout ce qui peut arriver.
   À toute force, par toute sorte de moyens. Il veut à toute force faire fortune.
   À toute force, signifie aussi à la rigueur, absolument. On pourrait à toute force lui accorder ce qu'il demande.
   Aller, courir à toutes jambes, à toute bride, aller courir fort vite.
   Être à toutes mains, être propre à tout, se prêter à tout.
   On dit de même : un homme à toutes mains.
   Prendre de toutes mains, prendre de tous les côtés, à l'aide de tous les moyens.
   On dit de même : prendre à toutes mains.
   Elle [Mme de Grancey] a mandé que l'âme prenante de Mme de Fienne avait passé heureusement dans son corps, et qu'elle prenait à toutes mains, SÉV. 391.
   Dans le canton de Neufchâtel, Seine-Inférieure, fromage de tous biens, le fromage fabriqué avec la crème et le caillé du lait, tandis que les fromages fins se font seulement avec la crème.
   Tout devant un nom de peuple, de pays, de ville, etc. exprime la totalité, l'ensemble des habitants.
   J'ai vu tout Israël dispersé dans les montagnes comme des brebis qui n'ont point de pasteur, SACI Bible, Rois, III, XXII, 17.
   Si l'opéra comique attire toujours tout Paris, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 11 fév. 1771.
   Tout, joint avec un nom de pays, de ville, exprime une extrême affluence.
   Toute la France a visité cette maison, SÉV. 23 déc. 1671.
   Vous allez vous distinguer, j'espère ; cela peut doubler votre réputation ; j'ai tout Paris ce soir, PICARD Duhautcours, I, 5.
   Tout est invariable avec un nom de ville.
   C'est moi qui suis Sosie, et tout Thèbes l'avoue, MOL. Amph. I, 2.
   Vous parlez devant un homme à qui tout Naples est connu, MOL. l'Av. v, 5.
   Ce prélat [Fénelon] a rempli tout Rome et toute la terre du grand nombre des sectateurs dont il se vantait, dans la faculté de Paris, BOSSUET Signatures des docteurs..
   Et tout Smyrne ne parlait que d'elle et d'Euphrosyne ; leur amitié passait en proverbe, LA BRUY. III.
10°   Tout Corneille, toutes les oeuvres de Corneille.
   Quant à la lecture des poëtes français, nous l'interrompîmes, lorsque le prince eut beaucoup lu plusieurs tragédies de Corneille, tout Racine, tout Molière, tout Regnard et toutes les pièces de théâtre de M. de Voltaire, CONDIL. Oeuv. t. v, p. CXLVI.
   Tout Gil Blas, le roman entier de Gil Blas.
   Deux nobles campagnards, grands lecteur de romans, Qui m'ont dit tout Cyrus dans leurs longs compliments, BOILEAU Sat. III.
11°   Tous, au plur. s'emploie pour récapituler, résumer. Il fut obligé de solliciter, d'avancer de l'argent, de répondre ; toutes choses fort désagréables.
   Auprès de lui la fait asseoir, Prend une main, un bras.... Toutes sottises dont la belle Se défend avec grand respect, LA FONT. Fabl. IV, 4.
12°   Tout, dans le sens de toute espèce de..., de rien que.... Ce sont toutes fables que vous contez là.
   Nous la faisons de tous écots [la Fortune], Elle est prise à garant de toutes aventures, LA FONT. Fabl. v, 11.
   Sans leur aide [des dieux], il ne peut entrer dans les esprits Que tout mal et toute injustice, LA FONT. ib. XI, 7.
   Ne venez pas plus loin ; Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin, MOL. Tart. I, 1.
   Ces visites, ces bals, ces conversations Sont du malin esprit toutes inventions, MOL. ib..
13°   Tous, toutes, au plur. s'emploie substantivement au sens de tous les hommes, toutes les femmes. Voyez ces femmes, toutes sont belles.
   Abandonner mon camp en est un [crime] capital, Inexcusable en tous, et plus au général, CORN. Nicom. II, 2.
   Tous sortaient plus éclairés d'avec lui, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Non, ce secret terrible est de tous ignoré, VOLT. Sémiram. v, 1.
   Tous se nuisent, tous se détestent, tous s'embrassent, PICARD Provinc. à Paris, II, 1.
14°   Terme de marine. Égal à tous, nom d'un des pavillons de la série des signaux, qui égale en valeur un des dix-neuf autres, quand il est hissé à une place inférieure.
15°   S. m. Tout, nom donné, sur le turf anglais, à un homme qui a pour profession d'espionner les écuries des courses.
16°   Une chose considérée dans son entier, une chose complète.
   Et le drôle eut lapé le tout en un moment, LA FONT. Fabl. I, 18.
   Notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers imperceptible lui-même dans le sein du tout, PASC. Pens. I, 1.
   Ils [les Perses] ne surent jamais trouver ce bel art depuis si bien pratiqué par les Romains, d'unir toutes les parties d'un grand État et d'en faire un tout parfait, BOSSUET Hist. III, 5.
   Que d'un art délicat les pièces assorties N'y forment qu'un seul tout de diverses parties, BOILEAU Art p. I.
   Entre esprit et talent il y a la proportion du tout à sa partie, LA BRUY. XII.
   Tandis que nous ne formerons qu'un même esprit et un même tout avec lui [le monde], MASS. Mystères, Pentecôte..
   J'avais déjà compris qu'en morale comme en géométrie le tout est plus grand que la partie, STAAL Mém. t. I, p. 41.
   Étant, comme dit Timée, un point entre deux éternités, il me sera impossible de comprendre ce grand tout et son maître, qui m'engloutissent de toutes parts, VOLT. Princ. d'act. 3.
   Les gens du monde, faute d'étude et de talent exercé, sont rarement capables de former un tout tel que le théâtre l'exige, DUCLOS Oeuv. t. VIII, p. 99.
   Cessons de considérer ce qui détermine une étendue à être telle, un tout à être tel, nous aurons les idées abstraites d'étendue et de tout, CONDIL. Conn. hum. sect. 5.
   Tout ou partie, le tout ou une portion.
   Au plur. Tout, dans ce sens substantif, conserve le t. Plusieurs touts distincts les uns des autres.
   Il y a de la différence, une différence du tout au tout, la différence est complète.
17°   Il se dit aussi sans article. Tout ou rien. Il joue à tout perdre. Ce n'est pas tout.
   Il y a tout à parier que.... De cet exemple-ci ressouvenez-vous bien ; Et, quand vous verriez tout, ne croyez jamais rien, MOL. Sgan. 24.
   Puisque vous n'êtes point, en des liens si doux, Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous, MOL. Mis. v, 7.
   J'y vendrai ma chemise, et je veux rien ou tout, RAC. Plaid. I, 7.
   S'il faut tout vous dire, ne me lisez point, J. J. ROUSS. Ém. II.
   La seule idée que je n'étais pas tout pour elle, faisait qu'elle n'était presque rien pour moi, J. J. ROUSS. Confess. IX..
   La fortune n'est rien, la sagesse est tout, CONDIL. Étud. hist. I, 1.
   Ils jouent la vie comme une partie d'échecs, dans laquelle le succès est tout, STAËL Corinne, VI, 3.
   Dieu sur tout, se dit proverbialement, comme une parole de résignation et de confiance en Dieu.
   Dieu et sa providence sur tout, SÉV. 597.
   C'est tout dire, on ne peut dire rien de plus.
   Qui dit Sillery dit tout ; Peu de gens en leur estime Lui refusent le haut bout, LA FONT. Fabl. VIII, 13.
   Car Mignot, c'est tout dire, et dans le monde entier Jamais empoisonneur ne su mieux son métier, BOILEAU Sat. III.
   C'est tout, et puis c'est tout, il n'y a rien de plus.
   Quoiqu'il n'eût guère vu d'autres gens qu'un ermite, Son troupeau, ses mâtins, le loup, et puis c'est tout, LA FONT. Fabl. x, 10.
   C'est un bon homme, et puis c'est tout, il n'a que de la bonté, ce n'est qu'un bon homme.
   Ce n'est pas tout, ce n'est pas le tout, il ne suffit pas, ce n'est pas assez. Ce n'est pas tout, ce n'est pas encore tout, il faut que vous alliez là.
   Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici, LA FONT. Fabl. III, 5.
   Monsieur Fleurant, ce n'est pas tout que d'être civil, il faut être aussi raisonnable et ne pas écorcher les malades, MOL. Mal. imag. I, 1.
   J'ai conclu, après la lecture, que ce n'était pas le tout d'être fanatique, qu'il fallait tâcher encore de n'être pas ridicule, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 18 janv. 1773.
   Ce n'est pas tout pour un magistrat d'être serviteur des gendarmes ; il faudrait être bon et ami de l'équité, P. L. COUR. Lettre au Censeur, IV.
   Ce n'est pas le tout que des choux, il faut encore de la graisse, se dit quand on n'a qu'une partie de ce qui est nécessaire.
   Voilà tout, il n'y a rien à ajouter.
   Vous êtes légère, étourdie et paresseuse ; voilà tout, GENLIS Veillées du château t. I, p. 154, dans POUGENS.
   Terme de marine. La barre dessous, tout ! commandement de mettre la barre tout à fait sous le vent.
   Sciez tout ! sciez autant que possible avec vos avirons.
18°   Tout, sans article, signifiant toute chose, toute sorte de choses.
   Dans une grande âme tout est grand, PASC. Pass. de l'amour..
   Ma fille, on n'a jamais tout craint, quand on aime comme je fais, SÉV. 4 oct. 1679.
   Et, dans ce désespoir, qui peut tout ose tout, TH. CORN. Comte d'Essex, III, 4.
   Tout fuit, tout diminue, tout disparaît à mes yeux, BOSSUET Anne de Gonz..
   Tout est vain dans l'homme, si nous regardons le cours de sa vie mortelle ; mais tout est précieux, tout est important, si nous contemplons le terme où elle aboutit et le compte qu'il en faut rendre, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Tout était Dieu, excepté Dieu même, BOSSUET Hist. II, 3.
   Tout, s'il [Néron] est généreux, lui prescrit cette loi ; Mais tout, s'il est ingrat, lui parle contre moi, RAC. Brit. I, 1.
   La jeunesse est présomptueuse, elle se promet tout d'elle-même ; quoique fragile, elle croit pouvoir tout, et n'avoir jamais rien à craindre, FÉN. Tél. I.
   Tout était adoré dans le siècle païen ; Par un excès contraire on n'adore plus rien, L. RAC. Relig. VI.
   Hé bien, mon ami, tiens, voilà Jupiter qui peut tout, qui se mêle de tout, qui gouverne tout, qui est maître de tout ; et je suis Momus, moi, qui me moque toujours de tout, DANCOURT Comédie des coméd. l'Amour charlat. III, 2.
   [Les Français] vivant comme des enfants qui ne savent jamais la raison de ce qu'on leur ordonne, qui murmurent de tout, se consolent de tout, se moquent de tout et oublient tout, VOLT. Dial. 1.
   Algarotti était un Vénitien fort aimable.... il savait un peu de tout, et donnait à tout de la grâce, VOLT. Mém. Volt..
   Il a réponse à tout, se dit d'une personne qui lève les objections, écarte les soupçons, etc.
   J'ai fait des questions : il répondait à tout, IMBERT Jaloux sans amour, III, 9.
   Il y va de tout, il importe de tout, rien n'est plus important.
   C'est cela même qui est le principal artifice de votre conduite, de faire croire qu'il y va de tout en une chose qui n'est de rien, PASC. Prov. XVIII.
   Il importe de tout de bien savoir choisir [les conversations], pour se le former [l'esprit] et ne point le gâter, PASC. Pens. VII, 16, éd. HAVET..
   Être de tout, se mêler de toutes les affaires, aller dans toutes les sociétés, être de toutes les parties.
   Cette incommodité [la surdité] n'est pas médiocre dans un âge où l'on aime fort à être de tout, SÉV. 4 oct. 1677.
   Le voilà [Dangeau] de tout à la cour, mais toujours subalterne, SAINT-SIMON 39, 196.
   Familièrement. Comme tout, extrêmement, on ne peut davantage.
   Ils s'ennuient comme tout à ce camp, et votre maison leur vient bien à point, DANCOURT Maison de camp. sc. 6.
   Voilà un petit mot qui me plaît comme tout, MARIV. Arleq. poli par l'amour, sc. 12.
   Tout y va, la paille et le blé, on n'y épargne rien.
   Bien que tout soit sans article, on peut y rapporter le pronom il.
   Il voit tout comme il est, et jamais ne s'abuse, CORN. Imit. II, 4.
   Dans une action tout allait comme il pouvait, sans que personne fût en état d'y pourvoir, BOSSUET Hist. III, 5.
   Une raison première et universelle qui a tout conçu avant qu'il fût, BOSSUET Conn. v, 2.
   Se faire à tout, se prêter à tout, s'habituer, se prêter aux usages, aux convenances.
   Tout compté, tout rabattu, ou tout bien compté et rabattu, tout étant bien examiné, toutes compensations faites. Tout compté, tout rabattu, il me doit encore mille francs.
   On dit dans un sens analogue : tout débattu, tout pesé, tout compté.
   Ceci montre aux provinces Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi S'abandonner à quelque puissant roi, Que s'appuyer de plusieurs petits princes, LA FONT. Fabl. VIII, 19.
   Tout débattu, tout bien pesé, Les âmes des souris et les âmes des belles Sont très différentes entre elles, LA FONT. ib. IX, 7.
19°   Tout signifiant tout le monde, tout homme, tout ce qu'il y a de gens, de personnes.
   Voici son raisonnement [de la comédienne Nell Gwin, qui voulait que Charles II reconnût un fils qu'il avait d'elle] : cette duchesse [de Portsmouth, maîtresse de Charles II], dit-elle, fait la personne de qualité ; elle dit que tout est son parent en France...., SÉV. 11 sept. 1675.
   Toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Tout cédait au charme secret de ses entretiens, BOSSUET ib..
   On trouve tout consterné, excepté le coeur de Madame, BOSSUET ib..
   Tout n'est pas Caumartin, Bignon ni d'Aguesseau, BOILEAU Sat. XI.
   Je ne choisirai point dans ce désordre extrême ; Tout me sera Pyrrhus, fût-ce Oreste lui-même, RAC. Andr. V, 2.
   Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune, RAC. Iphig. I, 1.
   Tout frémit, tout se tait, aucun ne se présente, VOLT. Tancr. III, 4.
   Enfin je veux, chez moi, que tout chante, tout rie, PIRON Métrom. II, 1.
20°   Le tout, toutes les choses en question. Je vous laisse le tout pour six francs.
   Il se dit après l'énumération de plusieurs choses, pour les joindre toutes ensemble. Il a fait telle et telle chose, le tout pour parvenir à son but.
   Le tout ensemble, ce qui résulte de l'assemblage de plusieurs parties formant un tout. Il y a quelques beaux vers dans cette pièce ; mais le tout ensemble n'en vaut rien.Le tout signifiant tout ce qu'il y a de plus important, de principal dans une chose.
   Il ne s'agit ici [dans la recherche de la vraie religion] de l'intérêt léger de quelque personne étrangère.... il s'agit de nous-mêmes et de notre tout, PASC. Pens. IX, 1.
   Chacun est un tout à soi-même ; car, lui mort, le tout est mort pour soi, PASC. ib. XXV, 19.
   On ne perd jamais que d'une voix [dans le procès de Fouquet], et cette voix fait le tout, SÉV. 9 déc. 1664.
   C'est notre tout que notre présent ; et nous le dissipons, et l'on trouve la mort, SÉV. 8 avr. 1676.
   Vous avez des grâces de toutes les manières, et surtout un don de persévérance qui est le tout, SÉV. à Moulceau, 24 nov. 1687.
   La piété est le tout de l'homme, BOSSUET Louis de Bourbon..
   La seule créature qui cherche au dehors et qui ne soit pas à soi-même son tout, c'est l'homme, CHATEAUBR. Génie, I, VI, 1.
   Aux sots revêtus Le tout est de plaire, BÉRANG. Scand..
   Il en fait son tout, c'est son tout, c'est l'objet de sa sollicitude exclusive, il l'aime uniquement.
   Enfin il en est fou ; c'est son tout, son héros, MOL. Tart. I, 2.
   Vous savez sûrement que ma gouvernante, et mon amie, et mon tout, est enfin devenue ma femme, J. J. ROUSS. Lett. à M. Moultou, Corresp. t. VII, p. 113, dans POUGENS..
22°   Mon tout, dans une charade, se dit du mot composé qui forme le sujet.
23°   Au jeu, à la bouillotte, je fais mon tout, je risque tout ce que j'ai d'argent devant moi.
   Fig. Le tout pour le tout, expression dont on se sert pour indiquer qu'on est disposé à ne rien épargner pour venir à bout d'une affaire. Mettre, risquer, jouer le tout pour le tout.
   Le tout, la troisième partie qui se joue après qu'un des deux joueurs a perdu partie et revanche, et où l'on joue autant d'argent qu'on en a joué dans les deux premières parties ensemble.
   Je lui gagnai partie, revanche et le tout dans un clin d'oeil, HAMILT. Gram. III.
   Le tout du tout, la partie qui se joue, après que la même personne a perdu partie, revanche et le tout, et dans laquelle on joue autant d'argent qu'on en a joué dans les trois parties précédentes.
24°   À tout, se dit, à certains jeux de cartes, de la couleur qui emporte toutes les autres. Jouer à tout.
   On en fait d'ordinaire un seul mot, voy. atout.
25°   À tout prendre, en considérant une chose dans son ensemble, dans ce qu'elle a de bon et de mauvais. à tout prendre, la situation est bonne.
26°   Après tout, dans le fond, tout bien considéré.
   Mais, madame, après tout, je ne suis pas un ange, MOL. Tart. III, 3.
   Et peut-être, après tout, en l'état où je suis, Sa mort avancera la fin de mes ennuis, RAC. Andr. I, 4.
   Après tout, ces inepties, qui dans notre siècle sont parvenues au dernier excès, ne font aucun mal à la société, VOLT. Pol. et lég. Fragm. Inde, 6.
27°   Du tout, complétement, absolument, de tout point (emploi affirmatif qui a vieilli).
   Que si nos maux passés ont laissé quelques restes, Ils vont du tout finir, MALH. VI, 6.
   Cela est du tout admirable, BOSSUET 3e sermon pour la Purific..
   Les sacrements y sont ou falsifiés ou anéantis du tout, BOSSUET Var. 15.
   Aujourd'hui il se joint avec rien, point, pas, pour rendre la négation plus forte, et signifie en aucune façon, nullement.
   Entendre clairement et distinctement qu'une chose est telle qu'on ne peut du tout point y rencontrer de limites, c'est clairement entendre qu'elle est infinie, DESC. Rép. aux 1res obj. 10.
   [Nature] De quoi parle à mon coeur ton murmure imparfait ? Ne me dis rien du tout, ou parle tout à fait, CORN. Héracl. IV, 4.
   L'aube du jour arrive, et d'amis point du tout, LA FONT. Fabl. IV, 22.
   M. de Laverdy fait assurément mieux que ses prédécesseurs [aux finances] ; car il ne fait rien du tout, et cela donne de grandes espérances, VOLT. Lett. Richelieu, 21 juill. 1764.
   Charles, indigné de se voir, en quelque sorte, chassé des terres du Grand Seigneur, se détermina à ne point partir du tout, VOLT. Charles XII, 6.
   Quant aux affaires, je n'y entends du tout rien, J. J. ROUSS. Lett. à Mme d'Épinay, janvier 1757.
   Du tout, avec ne, sans pas, point, ou rien, même sens ; mais moins usité.
   Si la piété.... En toi pauvre insensé n'est du tout amortie, RÉGNIER Épît. I.
   Que je ne puis du tout consentir à ma honte, CORN. Cid, II, 1.
   Elle est de fort bon lieu, mon père ; et, pour son bien, S'il n'est du tout si grand que votre humeur souhaite...., CORN. Ment. II, 5.
   Mon fils, je ne puis du tout croire Qu'il ait voulu commettre une action si noire, MOL. Tart. v, 3.
   J'ai trouvé ici un gros paquet de vos lettres ; je ferai réponse aux hommes quand je ne serai du tout si dévote [dévotions du vendredi saint], SÉV. 24 mars 1671.
   Du tout, point du tout, servant de réponse, s'emploient elliptiquement pour nier. Avez-vous fait cela ? Du tout.
   Moi ? point du tout, je ne veux rien savoir, REGNARD Sérénade, 3.
28°   En tout, tout compris, sans rien omettre. Cela revient à deux cents francs en tout.
   En tout et par tout, entièrement.
   Je suis de votre avis en tout et par tout, Dict. de l'Académie.
29°   Sur le tout, par surcroît.
   Quelquefois même aux bons mots s'abandonne, Mais doucement et sans blesser personne ; Toujours discret et toujours bien disant, Et sur le tout, aux belles complaisant, J. B. ROUSS. Épît. I, 1.
   Terme de blason. Sur le tout, voy. sur 2, n° 45.
30°   Surtout, voy. surtout.
31°   Adv. Entièrement, complétement, sans exception, sans réserve. Je suis tout à vous. Il est tout en Dieu.
   La réflexion des lumières sur ce bronze en fait sortir un jour tout extraordinaire, CORN. Andromède, décor. du 5e acte..
   Que celui qui souffre et est persécuté ne soit ni tout méchant ni tout vertueux, mais un homme plus vertueux que méchant, CORN. Cid, avert..
   Seigneur, il est tout vrai, j'aime en votre palais, CORN. Oed. I, 3.
   Il [Dieu] est toujours tout juste et tout bon...., CORN. Poly. I, 1.
   Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique, LA FONT. Fabl. III, 4.
   Il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon, LA FONT. ib. VII, 4.
   Par un exemple tout égal, LA FONT. ib. X, 1.
   On ne saurait excuser en aucune sorte ses sentiments [de Montaigne] tout païens sur la mort, PASC. Entret. avec M. de Saci..
   Votre marquis est tout aimable, tout parfait, tout appliqué à ses devoirs ; c'est un homme, SÉV. 551.
   Je voudrais que vous fussiez, ou tout un, ou tout autre ; que vous fussiez ouvertement, ou contre moi, ou pour moi, BOURDAL. Dim. Octave de l'Ascension, Dominic. t. II, p. 253.
   C'est là ce qui fait peur aux esprits de ce temps, Qui, tout blancs au dehors, sont tout noirs au dedans, BOILEAU Disc. au roi..
   Nos vaisseaux tout chargés des dépouilles de Troie, RAC. Andr. II, 1.
   Le Seigneur tout seul lui paraît bon, véritable, fidèle, MASS. Carême, Pécheresse..
   Des ajustements tout achetés, tout prêts à être mis, sont bien aussi séduisants que l'argent même avec lequel on les achète, MARIV. Pays. parv. 1re part..
   Je ne deviendrai point, je suis tout devenu, MARIV. ib..
   Comme il disait ces mots, arrive frère Coutu en hâte, tout courant, tout essoufflé, tout suant, tout haletant, VOLT. Facéties, Rel. appar. Bertier..
   Familièrement. C'est tout un, c'est la même chose, cela revient au même.
   Notre mort (Au moins de nos enfants, car c'est tout un aux mères), LAFONT. Fabl. III, 6.
   Proverbialement. C'est tout un, mais ce n'est pas de même, cela revient au même, quoique ce ne soit pas la même chose.
   Tout nouveau, tout beau, se dit de choses qui plaisent par le changement, et pour avertir de ne pas se fier à cette satisfaction.
   Avoir tout l'air de, avoir complétement l'apparence. Il a tout l'air d'avoir été dupe.
32°   Tout se construit de même avec un adjectif ou un participe féminin, commençant par une voyelle ou une h muette. Des mains tout écorchées.
   Mais enfin je connus, ô beauté tout aimable, Que cette passion peut n'être pas coupable, MOL. Tart. III, 3.
   Et, traitant de mépris les sens et la matière, à l'esprit, comme nous, donnez-vous tout entière, MOL. Fem. sav. I, 1.
   Je crains que cette censure ne donne à ceux qui en sauront l'histoire, une impression tout opposée à la conclusion, PASC. Prov. I.
   Autrefois on écrivait, on imprimait (et quelques personnes suivent encore cette orthographe) toute dans ces cas-là.
   Et puisque vous voyez mon âme toute entière...., CORN. Nicom. III, 2.
   Je vous embrasse, ma très chère et très aimable, et suis toute entière à vous, SÉV. 229.
   Pour moi, j'étais toute ébaubie, SÉV. 5 mars 1683.
   Elle se trouve toute vive et toute entière entre les bras de la mort, BOSSUET Duch. d'Orl..
   D'un repas sortant toute enfumée, BOILEAU Sat. X..
   Eucharis, rougissant et baissant les yeux, demeurait derrière, toute interdite, sans oser se montrer, FÉN. Tél. VII.
   Il a commencé son règne par une conduite toute opposée à celle de Pygmalion, FÉN. ib. VIII.
   Je me sens toute émue ; il n'y a rien de si charmant que vous, MONTESQ. Templ. de Gnide, 3.
33°   Tout, mis devant un adjectif ou un participe féminin commençant par une consonne ou par une h aspirée, reçoit même genre et même nombre que l'adjectif ou le participe (anomalie que l'oreille a exigée). Elles parurent toutes honteuses.
   Oui, j'ai fait vanité d'être toute romaine, CORN. Hor. I, 1.
   Sévigné.... qui naquîtes toute belle, à votre indifférence près, LA FONT. Fabl. IV, 1.
   D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante, LA FONT. ib. VIII, 3.
   Ma toute bonne, nous commençons d'être connues, MOL. Préc. 12.
   La bonne d'Escars, en vérité, ne se peut trop remercier : elle était toute malade, et cependant elle s'est appliquée avec un soin extrême à faire cette commission, SÉV. 309.
   Enfin me voilà toute reposée, toute tranquille, toute contente d'être en repos dans ma solitude, SÉV. 9 sept. 1671.
   Toute couchée et toute à votre aise, vous causerez avec moi, SÉV. à Mme de Grignan, 1684.
   Une autre Rome toute chrétienne sort des cendres de la première, BOSSUET Hist. III, 1.
   Ces lois qu'il a protégées l'ont rétabli [Charles II] presque toutes seules, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Notre duchesse de Bourgogne est toute triste de l'extrémité où se trouve la reine sa soeur, MAINTEN. Lett. au duc de Noaill. 22 févr. 1706.
   C'est surtout de Phénicie que vient le culte de la déesse que nous appelons Vénus ; la fable de Vénus et d'Adonis est toute phénicienne, VOLT. Déf. mil. Bolingbr. 9.
C'est par analogie avec cet emploi qu'on a dit toute de glace, en parlant d'un objet féminin.
   Didon, jadis toute de glace, Devint bientôt toute de feu, SCARR. Virg. IV.
   Il a plu à Dieu de se faire aimer ; et comme il a vu la nature humaine toute de glace pour lui, toute de flamme pour d'autres objets...., BOSSUET 2e sermon, Annonciat. Préambule..
34°   Tout s'emploie adverbialement devant un substantif pour exprimer plénitude. Il est tout coeur.
   Ah ! qu'il est doucereux, c'est tout sucre et tout miel, MOL. Éc. des maris, I, 2.
   Le chien est tout zèle, tout ardeur, tout obéissance, BUFF. Chien..
   Timidité touchante dans un homme dont le regard était tout esprit et tout âme, MARMONTEL Mém. VI.
   Mon admirable frère est tout âme, CHATEAUBR. Natch. 2e partie, 1re moitié..
   Être tout oeil et tout oreille être tout yeux et tout oreilles, regarder, écouter très attentivement.
   Le diable était tout yeux et tout oreilles, LA FONT. Belphég..
   Si le substantif est féminin et commence par une consonne ou par une h aspirée, tout n'en reste pas moins invariable.
   N'usez pas de toute votre raison, ne soyez pas tout intelligence et tout lumière, BALZ. De la cour, 4e disc..
   Pourquoi ne songez-vous pas qu'il [Dieu] est tout vue, tout ouïe, tout intelligence, BOSSUET Sermons, 1er dim. de l'avent, Nécessité, 1.
   Mon Dieu, vous êtes tout amour et par conséquent tout jalousie, FÉN. t. XVIII, p. 303.
   Dans nos souhaits innocents, nous désirions être tout vue, pour jouir des riches couleurs de l'aurore ; tout odorat pour sentir les parfums de nos plantes ; tout ouïe pour entendre les concerts de nos oiseaux ; tout coeur pour reconnaître ces bienfaits, BERN. DE ST-P. Paul et Virg..
   Pourtant Molière, dans un cas semblable, a suivi la règle de l'adjectif féminin. Harpagon : Sais tu bien de quoi nous parlons ? - Valère : Non ; mais vous ne sauriez avoir tort, et vous êtes toute raison, l'Av. I, 7.
   Familièrement. Cet enfant est tout le portrait de son père, il lui ressemble parfaitement.
35°   Il se joint à plusieurs prépositions et adverbes pour donner à l'expression plus d'énergie. Tout de travers. Il lui parla tout froidement. Tout haut. Tout court. Parler tout bas.
   De tout loin je vous ai reconnue, CORN. Gal. du Pal. IV, 14.
   Votre trésor ! où pris ? - Tout joignant cette pierre, LA FONT. Fabl. IV, 20.
   Mettez une pierre à la place, Elle vous vaudra tout autant, LA FONT. ib. IV, 20.
   Tout comme si je ne sonnais pas, MOL. Mal. imag. I, 1.
   C'est justement tout comme, La femme est en effet le potage de l'homme, MOL. Éc. des femmes, I, 3.
   Il me persuade qu'il [Ch. de Sévigné] n'a point d'envie de faire une sottise ; mais, comme il est faible, et qu'il me mande tous les jours qu'il est différent de lui-même, qu'il est deux ou trois hommes tout à la fois...., SÉV. 1er nov. 1679.
   Elle [Mme de la Boulaye] trouve cette petite affaire toute comme elle est, SÉV. 19 août 1681.
   J'ai vu le triste Hémon abandonner son rang Pour venir embrasser ce frère tout en sang, RAC. Théb. III, 3.
   Monsieur Perrin Dandin, Tout franc, vous vous levez tous les jours trop matin, RAC. Plaid. I, 1.
   J'arrivai exactement à l'heure ; de tout loin je regardais si je ne la verrais point sur le chemin, J. J. ROUSS. Conf. VI.
   Ce que vous dites là sont tout autant de fables, sont tout autant de visions, les choses que vous nous dites ne sont que des fables, des visions.
   Tout juste, avec une correspondance tout à fait exacte.
   On oublie que la moitié de la nation égorgea l'autre pour des arguments théologiques ; il y aura bientôt deux cents ans tout juste [à la Saint-Barthélemy], VOLT. Dial. XXIV, 3.
   Tout maintenant, voy. maintenant.
   Tout à cette heure, voy. heure, n° 18.
   Tout d'un temps, voy. temps, n° 38.
   Populairement. Tout de même, néanmoins. On m'a défendu d'aller, mais j'irai tout de même.
36°   Il se met devant des superlatifs.
   Joignez-y quelque boeuf : choisissez pour ce don Tout le plus gras du pâturage, LA FONT. Fabl. XI, 1.
   Et, quoique amis enfin, je suis tout des premiers...., MOL. Mis. I, 1.
   Votre hôtellerie est toute des plus fréquentées, SÉV. 430.
   La fête sera toute des meilleures, SÉV. 18 août 1680.
   Conservez votre joie et votre santé tout le plus longtemps que vous pourrez, SÉV. à Bussy, 29 juin 1686.
   J'étais tout au mieux avec le prélat, qui, toutes les fois qu'il me rencontrait, s'arrêtait pour me parler, LESAGE Estev. Gonz. 28.
   Il est vrai, madame, qu'il est tout des plus laids, mais on n'en trouve pas facilement, BRUEYS Muet, IV, 6.
   Il me paraît que chacun s'en va tout le plus loin qu'il peut, VOLT. Lett. Richelieu, 19 juill. 1773.
   Contravention toute des plus graves et des plus répréhensibles, MONTAIGLON Hist. de l'Acad. de peint. t. I, p. 143.
   À tout le moins, pour le moins.
   Tous tes péchés confesseras à tout le moins une fois l'an, Commandements de l'Église.
37°   Tout au plus, en portant la chose aussi loin qu'il est possible.
   César, né du temps de Scipion l'Africain, n'aurait pas subjugué la république romaine ; et, si Mahomet revenait aujourd'hui, il serait tout au plus shérif de la Mecque, VOLT. Dict. phil. à propos..
38°   Il sert à former certaines locutions dont on ne peut le retrancher sans détruire ou altérer le sens. Tout à coup, tout de go, tout à fait, tout beau, tout de bon, etc. Voy. coup, go, fait, beau, bon, etc.
   Tout doux, en douceur, avec ménagement.
   Je crains fort pour mon fait quelque chose approchant, Et je m'en veux, tout doux, éclaircir avec elle, MOL. Amph. II, 3.
   Quant à tout doux, locution interjective, voy. doux.
39°   Tout le premier, toute la première, tout les premiers, le premier de tous, la première de toutes, les premiers de tous. Nous avons douté de cette nouvelle et vous tout le premier. Madame, les femmes prendront cette mode, et vous toute la première (et vous deux toutes les premières). On suivra cet exemple, et nous tout les premiers.
   Accusez et Calchas et le camp tout entier, Ulysse, Ménélas, et vous tout le premier, RAC. Iphig. IV, 6.
   J'aurais ri tout le premier de ces plaisanteries, s'il me les eût faites en particulier, LESAGE Guzm. d'Alf. III, 12.
40°   Tout le même, tout les mêmes, toute la même, toutes les mêmes. C'est tout le même homme que vous avez connu. Ce sont tout les mêmes hommes.
   Il est certain que l'action par laquelle maintenant il [Dieu] le conserve [le monde] est toute la même que celle par laquelle il l'a créé, DESC. Méth. v, 7.
41°   Tout un autre homme, un homme tout différent.
   Il semble que l'on ait toute une autre âme quand on aime que quand on n'aime pas, PASC. Pass. de l'amour..
   J'ai toujours cru que Mme de Coulanges.... serait toute une autre personne, SÉV. 25 juin 1690.
   On dit plutôt aujourd'hui : un tout autre homme.
42°   Je suis tout à vous, formule de politesse, signifiant : je suis tout disposé à faire ce qui vous sera agréable.
   Elliptiquement. Tout à vous, se dit dans les formules de salutation par lesquelles on finit une lettre.
   En ce sens, une femme écrit : je suis tout à vous.
43°   Tout.... que.... avec un adjectif, bien que, quoique, avec le verbe à l'indicatif ; en cet emploi tout s'accorde avec l'adjectif féminin, quand cet adjectif commence par une consonne ou une h aspirée. Tout habiles et tout artificieux qu'ils sont.
   Les peines que me donne cette amitié sont douces, tout amères qu'elles sont, SÉV. 4 oct. 1684.
   Tout éclairée qu'elle était, elle n'a point présumé de ses connaissances, BOSSUET Duch. d'Orléans..
   La Grèce, toute polie et toute sage qu'elle était, BOSSUET Hist. II, 5.
   M. Chapelain a reçu l'ode avec la plus grande bonté du monde : tout malade qu'il était, il l'a retenue trois jours, et a fait des remarques par écrit, que j'ai fort bien suivies, RAC. Lett. 3 à Levasseur..
   La valeur, tout héroïque qu'elle est, ne suffit pas pour faire les héros, MASCAR. Or. fun. de Tur..
   Et, tout amie des bienséances que je suis, je ne vous approuve pas, MARIV. le Legs, sc. 10.
   On dit que vos chevaux manquent de fourrage en Westphalie, et qu'on leur donne du jambon ; pour Dieu, faites donner à dîner à Lekain, tout laid qu'il est, VOLT. Lett. Richelieu, 4 juin 1757.
   Tout roi qu'il est, il [Frédéric II] ne trouve pas mauvais que les grands devoirs de l'amitié aillent les premiers, VOLT. Lett. Thiriot, 16 août 1743.
   Au XVIIe siècle, on écrivait quelquefois toute même devant une voyelle.
   Cette pensée.... me blesse, toute impossible que je la vois présentement, SÉV. 17 juin 1685.
   On mettait quelquefois le verbe au subjonctif ; mais ce n'est plus l'usage.
   Tout grand jurisconsulte que je sois, je me trouve bien empêché à y répondre, VOIT. Lett. 76.
   Il se construit en ce sens avec un substantif. Tout hôtelière qu'elle était.
   Si bien que, tout ours qu'il était, Il vint à s'ennuyer de cette triste vie, LA FONT. Fabl. VIII, 10.
   J'avoue que cet abus, tout abus qu'il est, fatigue même votre patience, BOURDAL. 14e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 400.
   Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre, RAC. Plaid. I, 1.
   Tout monsieur de la Vallée que j'étais, moi qui n'avais jamais eu d'autre voiture que mes jambes, MARIV. Pays. parv. 5e part..
   Tout marchands d'habits que nous sommes, Messieurs, nous observons les hommes, BÉRANG. Vieux habits..
   Mais, si le substantif est féminin et commence par une consonne ou par une h aspirée, tout s'accorde avec le substantif. Toute femme qu'elle est. Toutes harpies qu'elles sont.
   Cependant, même avec un substantif féminin présentant ces conditions, tout reste invariable si ce substantif est un nom de chose.
   Ce coeur se réveille, tout poudre qu'il est, BOSSUET Reine d'Anglet..
44°   Tout.... que étant suivi d'autres membres de phrase qui en dépendent, on peut supprimer le que dans ces membres de phrase.
   Mais il me reste un fils, et je sens que je l'aime, Tout rebelle qu'il est, et tout mon rival même, RAC. Théb. III, 6.
   Tout ennemi qu'il est de son roi légitime, Tout vengeur des Anglais, tout protecteur du crime, Je crains de l'affliger, seigneur, et je me tais, VOLT. Adél. du Guesclin. I, 1.
   Telle était l'inflexibilité de Charles dans ses opinions, que, tout abandonné qu'il était en Pologne, tout poursuivi dans ses propres États, tout captif dans une litière turque, conduit prisonnier sans savoir où on le menait, il comptait encore sur la fortune, VOLT. Charles XII, 7.
45°   Tout, au sens de quoique, a été employé sans que.
   Tout dédaigné je l'aime ; et, malgré sa rigueur, Ses charmes plus puissants lui conservent mon coeur, CORN. Suiv. III, 3.
   Oui, je le chérirai tout ingrat et perfide, CORN. Hor. II, 5.
   Juge par là combien ce conte est ridicule. - Tout ridicule, il plaît, et le peuple est crédule, CORN. Héracl. I, 1.
   Le bon homme, tout vieux, chérit fort la lumière, MOL. l'Ét. III, 5.
   Nos pères, tout grossiers, l'avaient beaucoup meilleur [le goût], MOL. Mis. I, 2.
   Oui, toute mon amie, elle est, et je la nomme Indigne d'asservir le coeur d'un galant homme, MOL. ib. III, 7.
   Il [le sénéchal de Rennes] l'a laissée [une femme enlevée] pour une autre toute mariée aussi, qu'il a enlevée de vive force, SÉV. 19 août 1671.
   Monseigneur, tout à sa façon pesante et indolente, ne fut pas tout à fait neutre [dans des querelles de deux princesses], SAINT-SIMON t. VIII, p. 261, édit. CHÉRUEL.
   Cette tournure, bien que tombée en désuétude, pourrait encore être employée en des circonstances bien choisies.
46°   Tout, devant en et un participe présent, signifie simultanéité. Il lui a dit ses vérités tout en riant. Il sortit tout en grondant.
47°   Tout à bas, se dit au trictrac quand, avec les deux dames prises à la pile, on joue les deux nombres qu'on a amenés.
   Tout d'une, se dit quand on joue ces deux nombres avec une seule dame.
   1. Il faut distinguer : ils sont tous étonnés, et ils sont tout étonnés. Le premier signifie que tous sont étonnés ; le second, qu'ils sont entièrement étonnés. Mais cette distinction disparaît au pluriel féminin ; elles sont toutes confuses signifiant : elles sont entièrement confuses. Si on voulait exprimer que la confusion est chez toutes, il faudrait dire : toutes sont confuses.
   2. Devant un adjectif féminin ou une locution équivalant à un adjectif, commençant par une voyelle ou par une h muette, on met tantôt tout et tantôt toute, suivant le sens. On met tout, quand il s'agit d'exprimer excès, intensité, et que tout ne peut pas être déplacé : Elle était tout en larmes ; elle est tout à son devoir. Au contraire on mettra toute quand on voudra exprimer la totalité, et que toute pourra être déplacé : la forêt lui parut toute enflammée, on peut dire : toute la forêt lui parut enflammée ; la maison était toute en feu, on peut dire : toute la maison était en feu ; cette maison est toute à lui, on peut dire : toute cette maison est à lui. Cette distinction relative à tout n'était pas observée dans le XVIIe siècle ni dans le XVIIIe.
   Elle vient toute en pleurs vous demander justice, CORN. Cid, II, 8.
   Ensuite et toute à genoux, cette pauvre Mme de Froulai se traîna à ses pieds [du roi], SÉV. 21 août 1675.
   Toute en pleurs à ses pieds je me suis prosternée, VOLT. Orphel. v, 1, 3.
Dans tout entier employé comme une seule expression, tout reste toujours invariable. Une heure tout entière. Les bons pères ne meurent pas tout entiers. Des masses tout entières de rochers. Cette règle, aujourd'hui obligatoire, ne l'était pas du tout au XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe.
   Sont-ils morts tous entiers avec leurs grands desseins ?, CORN. Cinna, I, 3.
   Je t'offre tous entiers et mon corps et mon âme, ID. Imit. IV, 9.
   Il y périt trois légions toutes entières, MÉZER. Hist. de Fr. av. Clovis, I, 14.
   C'est lui qui a inventé la machine à transporter de gros arbres tous entiers sans les endommager, FONTEN. Sébastien..
   4. Au reste, au XVIIe siècle et même plus tard, la règle générale était de faire accorder en tous les cas tout avec son substantif, au lieu d'en faire un adverbe, un mot invariable.
   J'en croyais ses regards, qui, tous remplis d'amour, Étaient de la partie en un si lâche tour, CORN. Mél. III, 3.
   Un excès de plaisir nous rend tous languissants, CORN. Cid, IV, 3.
   Souvent ceux que tu vois par leur vertu sublime Mériter notre amour, emporter notre estime, Tous parfaits qu'on les croit, sont le plus en danger, CORN. Imit. I, 20.
   Des choses toutes opposées, LA BRUYÈRE XIII.
   Jusqu'ici je me suis livré à des chagrins et à des tristesses toutes humaines, MASS. Avent, Afflictions..
   Un phoque.... que les Russes appellent lièvre de mer, à cause de sa blancheur, les lièvres étant tous blancs dans ce pays pendant l'hiver, BUFF. Quadrup. t. XI, p. 166.
   5. Tout autre présente deux cas qu'il faut distinguer. Dans le premier cas, tout y signifie entièrement, et autre ne peut pas être déplacé ; alors tout reste invariable : c'est tout autre chose ; voici de tout autres affaires ; la cour était tout autre à Marly qu'à Versailles. Mais, quand tout y signifie chaque et que autre peut être déplacé, alors tout s'accorde avec le substantif : demandez toute autre chose, c'est-à-dire toute chose autre ; toute autre femme se serait rendue à ces sages conseils, c'est-à-dire toute femme autre ; laissez là toutes autres affaires.
   Toute autre [qu'Agrippine] se serait rendue à leur discours, RAC. Brit. IV, 3.
   6. On répète tout devant chaque substantif qu'il modifie. Ainsi l'on doit dire : il a perdu toute l'affection et toute l'inclination qu'il avait pour moi, et non pas : il a perdu toute l'affection et inclination. Fléchier a manqué à cet usage : [Jésus] dans sa crèche supprimant toute sa grandeur et sa gloire.... Serm. pour le jour de Noël. à plus forte raison faut-il le répéter devant deux substantifs de genre différent et dire : Je suis avec toute l'ardeur et tout le respect possible ; cependant Bossuet a dit : Il en prend [des psaumes] avec David tous les sentiments et les affections, Ét. d'orais. VI, 42. Cet exemple ne peut guère être imité. Si on voulait supprimer le second tout, il faudrait prendre le tour ancien et retrancher en même temps l'article avec le pronom : Toute la grandeur et gloire, toute sa grandeur et gloire ; mais cela est archaïque. Toutefois il serait utile de réhabiliter cette tournure, qui abrège notablement la phrase.
   7. On trouve dans les auteurs toute nuit pour toute la nuit.
   Il vint hier de Poitiers, et, sans faire aucun bruit, Chez lui paisiblement a dormi toute nuit, CORN. le Ment. III, 2.
Cette tournure est tombée en désuétude. On en trouve des exemples dans les plus anciens textes (voy. l'historique).
   8.
   Je vous aime tout ce qu'on peut aimer, est un barbarisme de phrase, VOLT. Comm. Rem. Corn. Cid, II, 5.
   9. Tout ce qui.... n'est pas. Grammaticalement, cette locution signifie que la première condition n'entraîne pas toujours la seconde : Tout ce qui reluit n'est pas or ; c'est-à-dire ce qui reluit n'est pas tout de l'or. Mais on ne dira pas : Tout ce qui est créé n'est pas éternel ; car cela ne peut se tourner en : Ce qui est créé n'est pas tout doué d'éternité. En un mot, pour que la locution soit tout à fait claire, il faut que tout puisse être ôté de sa place, et passer dans le second membre. Mais cette locution a aussi un autre sens ; elle signifie : tous ceux, nul de ceux, tout ce qui, rien de ce qui.
   Tous ceux qui la connaissent ne l'accusent pas, c'est-à-dire nul de ceux qui la connaissent ne l'accuse, LETOURNEUR trad. Cl. Harlowe, t. VII, p. 309, éd. Genève.
   Tout ce qui n'est pas Dieu ne peut pas remplir mon attente, c'est-à-dire rien de ce qui n'est pas Dieu ne peut remplir mon attente, PASC. Prière pour l'usage des mal..
En conséquence, il faut avoir présents à l'esprit les deux sens de cette locution, afin de ne pas tomber, par inadvertance, dans une amphibologie.
   10. Notez encore ceci : Tous les champs ne sont pas ravagés, signifie que parmi les champs tous ne sont pas ravagés. Mais cette tournure peut encore signifier qu'aucun des champs n'est ravagé.
   Exemples : Tous les métiers languissent, et ne nourrissent plus les ouvriers, FÉN. Lett. anon. au roi, 1693.
   Tous les grands panneaux de la voûte n'existent plus, TH. GAUTIER Journ. offic. 6 août 1871.
Ici encore il faut prendre garde à l'amphibologie, et avoir soin que le contexte détermine précisément le sens de la tournure.
   VIIIe s.
   Toti pour omnes : Ubi et toti fuerant sepulti, BOUCHERIE Rev. des langues romanes, t. II, p. 116, 1871.
   Xe s.
   Tuit oram que por nos [elle] degnet preier, Eulalie.
   Et en tot, Fragm. de Valenc. p. 469.
   XIe s.
   Set ans tuz pleins ad ested en Espaigne, Ch. de Rol. I.
   Un faldestoed [fauteuil] i unt fait tut d'or mer [pur], ib. VIII.
   Blanche ad la barbe e tut flurit le chef, ib..
   Par cels de France voelt il del tut errer [agir], ib. XI.
   Vus li avez tuz ses castels toluz, ib. XVI.
   Sire, dist Guenes, ço ad tut fait Rollans, ib. XXIV.
   S'ert ki l'ociet [s'il y avait qui le tue], tute pais puis averiumes, ib. XXVIII.
   Tut entur lui vint milie Sarazins, ib. XXX.
   Dist al paien : Deus tut mal te tramette, ib. CXXII.
   Mais tut seit fel, [qui] cher ne se vende primes [d'abord], ib. CXLI.
   Rolans s'en turne, par le camp [champ] vait tut suls, ib. CLX.
   Lessez gesir les morz tut cum il sunt, ib. CLXXIV.
   Li angles est tute noit [toute la nuit] à son chef [à la tête de Charlemagne], ib. CLXXXI.
   XIIe s.
   À tote vostre vie, Ronc. p. 11.
   Toz cois se tint, ib..
   De mon bernage tot le mieux alosé [ce qu'il y a de plus renommé parmi mes barons], ib..
   p. 35. Tout en plorant [il] lor fit beneïçon, ib. p. 98.
   Tout par amour [elle] prendra la loi saintie, ib. p. 148.
   Tot droit à Blaive [ils] en sont devant alé, ib. p. 166.
   Tout tremblant se leva, ib. p. 192.
   Toz nus soit despouillez ses cors et sa façons, ib. p. 200.
   Donques ai-je toute joie enhaïe, Couci, II.
   Bien [je] cuidai vivre sans amour, Des ore en pais tout mon aé [âge], ib. III.
   Puisqu'en vous sont tot mal esteint, Et tout bien à droit alumé, ib..
   Toute biautez qui sor autre resplent Est mise en li [elle], qu'il n'y a que mesprendre, ib. v.
   Sor tote joie est cele couronnée Que j'ai d'amour : Diex ! i faudrai-je donc ?, ib. VI.
   [Amour] Qui tout me donne à vos entierement, ib. XVI.
   Puisqu'ele m'a du tout à son vouloir, ib. XVII.
   Car j'i met tout, cuer et cors, et desir, Sens et savoir..., ib. XIX.
   La couronne de France doit estre mise avant ; Car tuit autre roi doivent estre à lui apendant, Sax. I.
   Desor toz autres rois [vous] auriez le dangier [domination], ib. VI.
   Tot ainsi com li asnes qui regarde le faix, ib. XV.
   D'ire et de mautaient [il] esprent tous [tout entier] et atise, ib. XXIII.
   Tous li moins courrouciés s'estoit bien aatis Qu'ains i lairroit la teste que il fust asservis, ib. XXVI.
   Tous li plus hardi d'eus voussist [voudrait] estre à Brandis, ib..
   Li autre l'unt laissié tut sul enmi l'estur, Th. le mart. 28.
   Nostre seignur Deu del tut [du tout] siwez, et de tut vostre quer [coeur] servez, Rois, p. 41.
   Li toz poanz Deus, Job, p. 478.
   Ô parole brief et plaine, parole vive et fructifianz et digne k'ele tot par tot soit receue, ST BERN. p. 558.
   XIIIe s.
   Et s'alierent ensemble en tel maniere, et distrent qu'il seroient de ore mais tuit un, VILLEH. CXV.
   La galie où il estoit prist terre tout maintenant, VILLEH. LXXVIII.
   Il est crestiens tout ausi come vos estes, VILLEH. LXVI.
   Et lors virent tout à plein Constantinoble, VILLEH. LXI.
   Li Grieu avoient ce pont rompu, et li baron firent toute jor labourer l'ost et le pont affaitier toute nuit, VILLEH. LXXIV.
   Je ne pris [prise] rien, ne biauté ne jouvent ; Pourquoi ? parce que la mort tout mestroie, Anonyme dans Couci.
   Tous ceus qui y alerent [je] ne vous voeil deviser, Berte, III.
   Que tout li grant seigneur, li comte et li marquis..., ib. v.
   Bien savez que tous trois de servage [je] jetai, ib. VII.
   [Rue qui] Ne fust toute couverte de dras très richement, ib. IX.
   Vostre chambre [je] ferai de toutes pars vider, ib. XI.
   Ele ert [était] en la forest toute la plus deserte, ib. XXXV.
   Moult volentiers la doivent [l'histoire] oïr toutes et tuit, ib. XXXVI.
   Je ne manjai pieça, toute sui afamée, ib. XLVI.
   Ele est toute engelée, et s'a faim moult forment, ib. XLVII.
   En nuit me sui au bois toute seule geüe, ib. LII.
   Laissez tout ce aler, n'en soit parole dite, ib. LIV.
   À tous se fist amer [aimer], ib. LIX.
   [Je] N'ai pas trouvé ma fille, on m'a du tout menti, ib. LXXXIX.
   Ne [femme] qui si fust à Dieu de tout en tout donnée, ib. CXV.
   Diex, nostre sire, qui est tout poissant, nous puet bien aidier, Chr. de Rains, p. 59.
   L'en appele drap nays, à Paris, le drap duquel la chaane et la tisture est tout d'un, Liv. des mét. 119.
   Vraiement sien ne sunt il mie, Tout ait il sor eus seignorie, la Rose, 5320.
   Lors devés la rose cueillir, Tout veés-vous neïs Dangier, Qui vous acuelle à ledangier [injurier], Ou que honte et paor en groucent, ib. 7717.
   Tot simplement et sans faire semblant que son aversaire ne s'en aperceive et amende sa faute, Ass. de J. 50.
   Forment [il] l'honeure, et tot por l'or, Dont tant a creü son tresor, Fl. et Bl. 2227.
   Dans rois, fait-il, foi que vous doi, Del tot en tot [je] pas ne l'otroi, ib. 2761.
   Et comme li chevaliers eust hiaume el quel il avoit tout plain de broces par derriere, BEAUMANOIR LXI, 63.
   Tel fait, qui sont si apert, doivent estre vengié par l'office au juge, tout soit ce que nus ne s'en face droitement partie, BEAUMANOIR VI, 12.
   Par les parties devons nous entendre le tout, Psautier, f° 107.
   .... Je te renvi Au gieu où nous metrons chascun Tout contre tout ; tout ert [sera] à un, Meraugis, p. 194.
   XIVe s.
   Eslire très bonnes choses et avoir de telles choses vraye oppinion, ce n'est pas tout un, ORESME Éth. 65.
   La chose qui est la partie d'un tout approce plus de son tout que le tout ne approce de la partie, ORESME ib. 250.
   Tout partout où Bertran en Bretaigne savoit Ne joustes ne tournoiz, et qu'on s'i assambloit, Sur la meilleur jument de son pere montoit, Guesclin. 285.
   Qu'on lui coupe la langue tout outre, si que dès lors en avant il ne puisse dire mal de Dieu ne d'autre, Ordonn, des Rois, t. II, p. 283.
   Ils le jetterent tout mort [roide mort], Chr. de St Denis, t. I, f° 17, dans LACURNE.
   XVe s.
   Il sentoit encore plusieurs villes et chasteaux sur la riviere de la Dordogne, qui contrarioient grandement le pays et travailloient toutes gens dont il avoit l'obeissance, FROISS. II, II, 1.
   Jean Lyon en estoit tout lié [joyeux], et cuidoit que ce fust pour lui, et ce estoit contre lui du tout, FROISS. II, II, 52.
   Ainsi fut l'ost logé toute une nuit en un bois, FROISS. I, I, 36.
   Estoit messire Godemar du Fay tout capitaine de la cité de Tournay et de Tournesis et des forteresses environ, FROISS. I, I, 100.
   Si repasserent toutes leurs gens, et s'en retournerent en ville sans perdre un tout seul homme, AL. CHART. Hist. de Ch. VI et VII, p. 95.
   Peu après la guette de St Denys vit venir les coureurs des François, et sonna à tout ; et incontinent le dit messire de Beaumont et ses gens d'armes saillirent hors de la diste ville, AL. CHART. ib. p. 99.
   Une fois pour toutes croyez Que vous demourez escondict, AL. CHART. la Belle dame sans mercy..
   Tout malade qu'il estoit, qui luy eust parlé d'Anglois, il eust faict maniere de les combatre, JUVÉN. 1411.
   Le peuple de Rome veindrent dire qu'ils tueroient tout, s'ils n'avoient en pape un Romain, JUVÉN. 1381.
   Gaires nul en son temps, à mectre le tout pour le tout, n'a esté trouvé pareil de luy, CHASTEL. Chr. des ducs de Bourg. II, 17.
   Ils firent grande poursuite environ deux ans ; et de tout s'adressoient à Estienne de Vers, COMM. VII, 2.
   À regarder le tout, COMM. Prol..
   Angers où hantent toutes nations de gens estrangers, COMM. I, 1.
   Les Anglois meslez parmy, qui cuyderent posseder le tout du royaulme, COMM. VI, 13.
   Quand Gadiffer l'entendit, il se print à rire, tout si malade qu'il estoit, Perceforest, t. I, f° 48.
   XVIe s.
   À tout le moins qu'il vous souvienne Des propos tenus en ce lieu, MAROT dans JAUBERT, Gloss..
   Le chasteau ne se voulut de premiere venue rendre, ains attendit à mettre le siege et asseoir l'artillerie ; et, voyans que c'estoit à tout [tout de bon], parlementerent et se rendirent, JEAN D'AUTON Ann. de Louis XII, p. 179. dans LACURNE.
   Au jour que tu viendras en ta majesté sainte Pour juger ce grand tout, qui fremira de crainte...., DESPORTES Oeuv. chrestiennes, Paraphrase du Libera me..
   Ceux cy, tous ignorans que ilz sont, en sçavent autant que les aultres, RAB. Pant. v, 18.
   Somme toute, il la tua, RAB. Épi. 15.
   Tout ce qu'on peut de vous voir ou penser, Sont lacs et noeuds, qui mon ame ont liée, ST-GEL. 143.
   Et sommes tous enclins, quand tout est dit, à desirer ce qui est interdit ; le patient demande tout exprès L'eau defendue, et est tousjours après, ST-GEL. 200.
   S'il se pouvoit faire que tout tant qu'il y a de peres en terre, vinsent à perdre toute amour et affection paternelle, CALV. Instit. 715.
   J'entreprendrois bien sus ma vie, toute femme que je suis, de le garder de passer [Charles Quint], MARG. Lett. 127.
   S'il plaisoit au roy entendre de M. de Lautrec comme les chouses vont, sans du tout croire ceulx qui de longtemps ont desiré ruiner la maison de Montferrat, MARG. ib. 59.
   Il s'enfuit tout en chemise, MARG. Nouv. XL..
   Il les chargea touts endormis, MONT. I, 27.
   En tout et partout, MONT. I, 28.
   Tout sur l'heure, MONT. I, 59.
   Ceulx qui.... touts blecez encores et ensanglantez, MONT. I, 63.
   Tout presentement [au moment même], MONT. I, 73.
   Tout à un coup, MONT. I, 82.
   C'est tout un, MONT. I, 84.
   Exemples en tout et partout veritables, MONT. I, 104.
   Tout grand boeuf qu'il estoit, MONT. I, 105.
   Lors l'ancien feu est esteint tout partout en la maison, MONT. I, 112.
   Le tout avoit esté descouvert par un des complices, MONT. I, 127.
   Un peu de chaque chose et rien du tout : à la francoise, MONT. I, 154.
   On nous les placque [les règles de grammaire et de rhétorique] en la memoire toutes empennées, MONT. I, 163.
   Ils vont tous nuds [à la guerre], MONT. I, 239.
   Or moy je suis tout face, MONT. I, 259.
   Tout beau et honneste que vous estes, MONT. II, 5.
   Mais toutes imbecilles qu'elles sont, quand...., MONT. II, 294.
   As-tu grand froid ? - Du tout point, respond Diogenes, MONT. IV, 162.
   Il est tout notoire que ces trois princes ont grandement aimé leur peuple, LANOUE 52.
   La pluspart des senateurs sont entr'eux très bien accordans, pour commettre toute iniquité, LANOUE 65.
   Ils devroient plustost en avoir compassion, et en toute douceur les prendre par le bras, et...., LANOUE 71.
   N'est-ce pas comme rebailler une saignée à un qui a quasi tout perdu son sang ?, LANOUE 193.
   On ne sçauroit du tout rien dire de Lycurgus, en quoy il n'y ait toujours quelques diversités entre les historiens, AMYOT Lyc. 1.
   La science et sagesse qui pour lors estoit en estime, consistoit tout en graves sentences et dicts moraux, AMYOT Thésée, 3.
   Chasque citoyen avoit en tout et partout egale auctorité, AMYOT ib. 28.
   Les vieillards estoient comme peres et maistres de tout tant qu'ilz estoient d'enfans, AMYOT Lyc. 35.
   Attalus et Pompeius moururent tous deux à semblable jour qu'ilz estoient nez, AMYOT Cam. 33.
   Trouvant les portes de la ville toutes ouvertes, AMYOT ib. 39.
   À grands coups de leurs grosses lances, qu'ilz leur passoient de part en part à travers le corps fer et bois et tout, AMYOT Crassus, 51.
   Je tremble tout [suis tout tremblant] que quelqu'un de ces dieux Ne passionne après son beau visage, RONS. 114.
   Ma maistresse est toute angelette, Ma toute rose nouvelette, Toute mon gracieux orgueil.... Toute mon coeur, toute mon oeil, Toute mes jeux et mes blandices..., Toute mon tout, toute mon rien..., Toute mon mal, toute mon bien, Toute fiel, toute ma sucrée..., Ma toute simple et toute fine, Toute mon ame et tout mon coeur, RONS. 143.
   Tout ce qui est parfait ne dure pas longtemps, RONS. 266.
   Le destin et la parque noire En tous ages sillent nos yeux, RONS. 409.
   Las ! ce n'est rien de voir, maistresse, La face qui est tromperesse, Et le front bien souvent moqueur : C'est le tout que de voir le coeur, RONS. 568.
   Il print l'oreille lu larron, et la lui coupa toute nette, DESPER. Contes, LVIII.
   Et, sans faire sonner trompette ni sourdine, delogea toute nuit...., CARLOIX I, 7.
   Qui voudroit bien juger de quelqu'un, il le faudroit voir à son tous les jours, CHARRON Sagesse, p. 208, dans LACURNE.
   Qui tout me donne tout me nie, COTGRAVE .
   Qui de tout se taist de tout a prix, COTGRAVE .
   Il est tout presché qui n'a cure de bien faire, COTGRAVE .
   Tu ris une naissance, et je pleure un trespas ; Mais nous faillons tous deux, DE BRACH Oeuv. t. II, p. 38.
   Bourguig. tô ; wallon, to ; provenç. tot ; espagn. et portug. todo ; ital. tutto ; du lat. totus, entier. Totus est pour toutus ; osque, touto ; sabellien, touta ; qui veulent dire cité, commune ; <
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
TOUT.
36°   Ajoutez :
   Tout le plus, autant qu'il est possible.
   M. Nicole avait devant lui saint Chrysostome et Bèze, ce dernier afin de l'éviter ; ce qu'on a fait tout le plus qu'on a pu, RAC. Lexique, éd. P. Mesnard..

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • tout — tout …   Dictionnaire des rimes

  • tout — [ tu ] ; toute [ tut ] ; tous [ tu ] (adj.), [ tus ] (pron.) ; toutes [ tut ] adj., pron., adv. et n. • Xe; bas lat. tottus, forme expressive de totus « tout entier, intégral » I ♦ Adj. A ♦ (fin …   Encyclopédie Universelle

  • tout — Tout, Totus tota totum. Tout ce que tu diras, Quicquid dixeris. Tout autant, Tantundem. Tout autant comme si, etc. AEque ac si Titus Manlius collega eius deuoueretur. Tout autant de chemin, Tantundem viae. Tout au plus, Ad summum. Tout d un coup …   Thresor de la langue françoyse

  • tout va (à) — ⇒TOUT( )VA (À), (TOUT VA , TOUT VA )loc. adv. et adj. A. Loc. adv., JEUX. [Dans les casinos, sert à indiquer que la mise n est pas limitée, ou que tout l argent laissé sur le tapis est misé à nouveau] Sans aucune limite. P. anal. Cinq minutes… …   Encyclopédie Universelle

  • tout-va (à) — ⇒TOUT( )VA (À), (TOUT VA , TOUT VA )loc. adv. et adj. A. Loc. adv., JEUX. [Dans les casinos, sert à indiquer que la mise n est pas limitée, ou que tout l argent laissé sur le tapis est misé à nouveau] Sans aucune limite. P. anal. Cinq minutes… …   Encyclopédie Universelle

  • tout-en-un — [tutɑ̃nœ̃] n. m. ÉTYM. D. incert. (attesté XXe); de tout, en et un, titre d un ouvrage qui eut son heure de célébrité. ❖ ♦ Ouvrage de référence qui regroupe en un volume des informations de toutes sortes. 0 Qui m a appris tout ce que je sais, c… …   Encyclopédie Universelle

  • Tout — (tout; t[=oo]t; Scot. & dial. t[=oo]t), v. i. [imp. & p. p. {Touted}; p. pr. & vb. n. {Touting}.] 1. To look narrowly; spy. [Scot. & Dial. Eng.] [Webster 1913 Suppl.] 2. (Horse Racing) (a) To spy out the movements of race horses at their trials,… …   The Collaborative International Dictionary of English

  • tout-va — (à) ou tout va (à) [ atuva ] loc. adv. • 1953; de l expression tout va utilisée dans les casinos pour indiquer que la mise n est pas limitée ou que l argent sur le tapis est remis en jeu; cf. va tout ♦ Sans limite, sans retenue. « Sa soupe à l… …   Encyclopédie Universelle

  • tout-va\ à — tout va (à) ou tout va (à) [ atuva ] loc. adv. • 1953; de l expression tout va utilisée dans les casinos pour indiquer que la mise n est pas limitée ou que l argent sur le tapis est remis en jeu; cf. va tout ♦ Sans limite, sans retenue. « Sa… …   Encyclopédie Universelle

  • tout\ va — (à) ou tout va (à) [ atuva ] loc. adv. • 1953; de l expression tout va utilisée dans les casinos pour indiquer que la mise n est pas limitée ou que l argent sur le tapis est remis en jeu; cf. va tout ♦ Sans limite, sans retenue. « Sa soupe à l… …   Encyclopédie Universelle

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