- solitude
- (so-li-tu-d') s. f.1° État d'une personne qui est seule.• Il n'y a que lui [Dieu] qui, étant riche de sa propre essence, jouisse d'une solitude bienheureuse et abondante en toutes sortes de biens, BALZ. De la cour, 1er disc..• Je n'avais pas voulu que la princesse [de Tarente] vînt ici [aux Rochers] ; je lui avais fait valoir nos dévotions de jeudi [jour de l'Assomption].... j'ai donc été en solitude, SÉV. 18 août 1680.• Cette âme qui s'est tant aimée et tant cherchée, ne se peut plus supporter, aussitôt qu'elle est seule avec elle-même ; sa solitude lui fait horreur, BOSSUET la Vallière..• Il faut savoir se donner des heures d'une solitude effective, si l'on veut conserver les forces de l'âme, BOSSUET Mar.-Thér..• Ne vous offensez pas, si mon zèle indiscret De votre solitude interrompt le secret, RAC. Bérén. II, 4.• Laissez-moi, j'ai besoin d'un peu de solitude, RAC. Bajaz III, 6.• Les jeunes gens, à cause des passions qui les amusent, s'accommodent mieux de la solitude que les vieillards, LA BRUY. XI.• À moins d'une extrême piété, l'homme sera toujours malheureux dans une solitude absolue, GENLIS Mères riv. t. I, p. 367, dans POUGENS.Fig.• Si l'on ne se fait une solitude intérieure, d'où notre opinion sorte bien rarement, et où celle d'autrui n'entre jamais...., BERN. DE ST-P. Paul et Virginie..2° État d'une personne retirée du commerce du monde.• La solitude effraye une âme de vingt ans, MOL. Mis. V, 7.• De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement.... de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible, PASC. Pens. IV, 2, éd. HAVET..• Après cette grande foule d'hommes et d'affaires qui l'environnait, il s'était lui-même réduit à une espèce d'oisiveté et de solitude ; mais il la sut soutenir, BOSSUET le Tellier..• Dans sa treizième année il quitta la maison paternelle ; il se jeta dès lors dans la solitude, il embrassa dès lors les austérités, BOSSUET 2e panég. St Franç. de Paul, 1.• Si la solitude a ses jouissances, elle a ses privations, BERN. DE ST-P. Chaum. ind..• Tout homme qui a eu beaucoup à se plaindre des hommes, cherche la solitude, BERN. DE ST-P. Paul et Virginie..• L'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois, Dans ce qu'aux yeux mortels la terre a de plus rude, Appela de tout temps les âmes de son choix, LAMART. Harm. I, 11.Se jeter dans la solitude, se retirer du monde, se faire ermite.• Il ne perdra guères de temps à se jeter dans la solitude, SÉV. 388.3° Isolement de gens qui n'ont point de semblables à eux.• Leur solitude [des Frères de Bohême, qui ne trouvaient nulle part des chrétiens semblables à eux], dénuée de la succession et de toute ordination légitime, leur fit tant d'horreur qu'encore du temps de Luther ils envoyaient de leurs gens qui se coulaient furtivement dans les ordinations de l'Église romaine, BOSSUET Var. XI, 178.• Ne trouverai-je pas ici un homme de coeur ? en vérité, quand on en cherche, on est effrayé de sa solitude, A. DE MUSS. On ne badine pas avec l'amour, III, 7.4° Fig. Isolement moral, privation d'affection.• Cette tristesse vient de la solitude du coeur, qui se sent toujours fait pour jouir, et qui ne jouit pas ; qui se sent toujours fait pour les autres, et qui ne les trouve pas, MONTESQ. Ars. et Ismén..• Voyez mon malheur et mes larmes, la solitude de mon âme, le vide affreux que vous y avez fait, et l'abandon cruel où vous me laissez !, D'ALEMB. Aux mânes de Mlle de l'Espinasse.5° Lieu éloigné de la fréquentation des hommes.• Solitude où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais !, LA FONT. Fabl. XI, 4.• Je vous avoue que j'ai été ravie de voir cette divine solitude [Port-Royal], dont j'avais tant ouï parler ; c'est un vallon affreux, tout propre à faire son salut, SÉV. 26 janv. 1674.• Nous naissons, nous vivons pour la société ; à nous-mêmes livrés dans une solitude, Notre bonheur bientôt fait notre inquiétude, BOILEAU Sat. X..• Je me suis fixé dans cette île peu habitée, séduit par la douce température et par ses solitudes, BERN. DE ST-P. Paul et Virg..Poétiquement.• Ils passent de la nef la vaste solitude, BOILEAU Lutr. III.6° Lieu devenu inhabité, dépeuplé.• Pourquoi voulez-vous périr et faire de cette ville une solitude ?, BOSSUET Hist. II, 8.• Quoi ! ces tyrans cruels.... Qui dépeuplent la terre et dont la barbarie En vaste solitude a changé ma patrie, VOLT. Alz. II, 2.• Au concours bruyant qui se pressait sous ces portiques, a succédé une solitude de mort, VOLNEY Ruines, II.• Rome sommeille au milieu de ces ruines ; cet astre de la nuit, ce globe que l'on suppose un monde fini et dépeuplé, promène ses pâles solitudes au-dessus des solitudes de Rome, CHATEAUBR. Italie, 3e lettre, promen..Par extension.• Les morts ne sont plus de rien, ils n'ont plus de part à la société humaine ; c'est pourquoi les tombeaux sont appelés des solitudes [dans Job], BOSSUET 1er panég. St Franç. de Paule, I.Fig. Depuis son départ, depuis sa mort, ma maison n'est plus qu'une solitude.7° Désert, étendue de pays inhabitée, inculte.• Étant sortis de Socoth, ils campèrent à Etham, à l'extrémité de la solitude, SACI Bible, Exode, XIII, 20.• Ils vous opposeront de vastes solitudes, Des déserts que le ciel refuse d'éclairer, RAC. Alex. V, 1.• Solitude absolue [le Sahara], mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme, qui se voit seul, plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, BUFF. Quadrup. t. V, p. 14.• Ces solitudes nues où l'homme n'a jamais respiré sous l'ombrage, où la terre sans verdure n'offre aucune subsistance aux animaux, aux oiseaux, BUFF. Ois. t. XIV, p. 42.XIVe s.• Il amoit fort solitude, ne en nulle maniere ne vouloit pour lui mariage, Ménagier, I, 6.• Ceste solitude et famine, BERCHEURE f° 93.Lat. solitudinem, de solus, seul.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.