- serein
- serein, eine 1.(se-rin, rè-n') adj.1° Qui est sans nuage, sans brouillard et sans vent, en parlant de la constitution de l'air. Le ciel était serein. Temps, air serein.• Quand, dans la nuit sereine, une blanche nuée Danse autour du croissant des cieux, V. HUGO Orient. 33.Par extension.• Montrez-lui cette mer sereine, bleue, unie, Belle des bords charmants qu'elle pare à son tour, P. LEBRUN Voy. de Grèce, II, 2.2° Fig. Qui annonce une grande tranquillité d'esprit.• Voulez-vous que je montre un visage serein ?, MAIR. Sophon. V, 2.• Ses yeux furent-ils jamais moins sereins ? perdit-elle quelque chose de sa tranquillité ordinaire ?, FLÉCH. Mme de Montausier..• Et sous un front serein déguisant mes alarmes, RAC. Phèd. IV, 6.• Je n'ai rien vu de si serein, de si posé, et en même temps de si grave que cette physionomie-là, MARIV. Marianne, 6e part..3° Fig. Exempt de trouble, d'agitation.• Je souhaite que cette aurore soit suivie d'un aussi beau jour qu'elle le mérite, et que tous ceux de sa vie soient exempts de nuages et aussi clairs et sereins que son visage et son esprit, VOIT. Lett. 24.• Du chagrin le plus noir elle écarte les ombres, Et fait des jours sereins de mes jours les plus sombres, RAC. Esth. II, 7.• Dans le cours d'une longue vie, je ne puis pas me dire avoir eu un jour serein et un moment tranquille, MONTESQ. Lett. pers. 9.• Je vous souhaite un soir serein sur la fin de ce jour orageux qu'on appelle la vie, VOLT. Lett. à Mme de Lutzelbourg, 2 sept. 1753.• Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! Nature au front serein, comme vous oubliez !, V. HUGO Rayons et ombres, 34.Il se dit, en un sens analogue, des personnes.• La paix l'offre à mes yeux plus calme et plus serein, BOILEAU Épît. I.• C'était [le comte d'Oxford] une âme sereine, inaccessible à l'envie, à l'amour des richesses et à la crainte du supplice, VOLT. Louis XIV, 24.• M. Gordon était un vieillard frais et serein, qui savait deux grandes choses, supporter l'adversité, et consoler les malheureux, VOLT. Ingénu, 10.• Fontenelle, qui allait quelquefois le voir [le cardinal de Fleury] ou plutôt l'observer, et qu'il recevait avec plaisir, parce que le philosophe n'avait jamais de demande à lui faire, était surpris de trouver toujours ce ministre tranquille et serein, au milieu du tumulte des affaires et des intrigues de la cour, D'ALEMB. Oeuv. t. X, p. 97.4° Terme de médecine. Goutte sereine, privation de la vue causée par la paralysie de la rétine ; ainsi dite parce qu'une opinion populaire attribuait la paralysie à une goutte d'humeur qui tombait sur l'oeil, mais sereine, limpide, parce qu'en cette affection la transparence de l'oeil n'est pas troublée.• On me mande que Mme de Pompadour est attaquée d'une goutte sereine qui lui a déjà fait perdre un oeil, et qui menace l'autre ; l'Amour était aveugle, mais il ne faut pas que Vénus le soit, VOLT. Lett. d'Argence, 26 févr. 1762.XIIIe s.• Li jours estoit biaus et seris, H. DE VALENC. VI.• Ce fu en mai au tens novel, Que il fesoit seri et bel, Ren. 2662.• Et el vergier au tans seri Des oisiaus i a si douc cri, Fl. et Bl. 1997.• Li oisel qui se sont teü Tant come il ont le froit eü, Sont en mai por le tens serin Si lié [joyeux] que...., la Rose, 73.XVIe s.• Comme la lune aux estoilles esclaire Par le serein de quelque nuict bien claire...., DU BELLAY III, 3, verso..• Ma raison a bien son cours plus delivre en la prosperité.... je veois bien plus clair en temps serein, MONT. III, 272.Provenç. seren, sere ; cat. seré ; espagn. et ital. sereno ; du lat. serenus, comparé par Curtius au grec, d'été, et, Sirius ; sanscr. swar, ciel, surya, soleil.————————serein 2.(se-rin) s. m.Humidité fine, pénétrante, généralement peu abondante, qui tombe après le coucher du soleil, ordinairement pendant la saison chaude et sans qu'il y ait de nuages au ciel.• Et celui-ci [oreiller] pour vous garder du serein, MOL. Mal. imag. I, 7.• Je fus avant-hier toute seule à Livry me promener délicieusement avec la lune ; il n'y avait aucun serein, SÉV. 213.• Je reviens quand il fait du serein, de peur de vous déplaire, SÉV. 432.• Une sotte timidité me fait rompre avec l'aimable serein, le plus ancien de mes amis, que j'accuse peut-être injustement de tous les maux que j'ai eus, SÉV. 9 oct. 1676.• Il vaut mieux rapporter ici vos belles dents que de les perdre en Provence par le serein, SÉV. à Mme de Grignan, 15 avr. 1671.• Hélas ! du serein, bon Dieu ! où le pourrions-nous prendre ? il faudrait qu'il y eût de l'air, SÉV. 27 sept. 1687.• Mlle du Rocher, qui était là, observa que le serein tombait et pourrait incommoder Léocadie, GENLIS Mères riv. t. II, p. 123, dans POUGENS.• Je prendrais l'air un moment sous ces arbres. - C'est le serein que tu prendras, BEAUMARCH. Mar. de Fig. V, 5.XIIIe s.• Del martin tresk' al serain, Poeme d'Haveloc, V. 768.XIVe s.• Perchiez l'esprevier et reposez et laissiez passer le chault, et après volez au serain, Ménagier, III, 2.XVe s.• Abusé m'a et faict entendre.... Du matin qu'estoit le serain, VILLON Gd Test. Double ball..XVIe s.• Ostezvous du serein, craignez-vous point le rheume ? , DESPORTES Diverses amours, XIV, contre une nuit trop claire..• J'avais toujours appris que le serein ne s'espandoit qu'à la naissance de la nuit, MONT. III, 13.• Se mettre à couvert du serein, MONT. II, 342.Berry, serein, promenades et repas nocturnes que l'on fait faire aux brebis à partir de la mi-juillet jusqu'à la fin d'août : mener les oueilles au serein ; provenç. seren ; catal. seré ; espagn. portug. et ital. sereno. Ménage le dérive de serenus, parce que le serein tombe particulièrement les jours sereins. Mais déjà La Monnoye a contesté cette étymologie, et remarqué qu'il s'agissait non du temps serein, mais du temps du soir. Cette conjecture prend une grande force par l'historique, où, dans les textes anciens, serain n'a que le sens de soir. Il faut donc admettre une dérivation de serum, le soir, ou plutôt une confusion de la très ancienne langue qui rattacha serenus, serein, à serum, soir.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.