- rêveur
- rêveur, euse(rê-veur, veû-z') adj.1° Qui rêve, qui s'entretient de ses imaginations.• Sa tête sur un bras languissamment penchée, Immobile et rêveur, en malheureux amant...., CORN. Rodog. V, 4.• Inquiète, rêveuse, insensible aux douceurs Que par un plein succès l'amour verse en nos coeurs, CORN. Suréna, II, 1.• Que dis-tu de m'y voir rêveur, capricieux, Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux...., BOILEAU Épît. XI.• Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir, BOILEAU Poésies div. I.• Effectivement vous me paraissez rêveur, inquiet, MARIV. le Legs, 10.• Les âmes rêveuses, que la mort occupe autant que la vie, se plaisent à contempler cette campagne de Rome où le temps présent n'a imprimé aucune trace, STAËL Corinne, V, 1.2° Qui exprime ou qui a le caractère de la rêverie, en parlant des choses.• Ô bois hospitaliers, mes rêveuses douleurs N'ont pas longtemps, hélas ! à jouir de votre ombre, BERTIN les Amours, Élég. III, 20.• La peinture ne saurait se contenter d'une expression aussi rêveuse et aussi vague que celle des sons, STAËL Corinne, VIII, 3.• Ses pas, en sortant du temple, étaient plus lents, et ses regards plus rêveurs, STAËL ib. IV, 2.• L'amour réveille souvent dans notre âme des idées rêveuses et tristes, STAËL Réfl. sur le but moral de Delphine.• Il n'y avait rien que de suave et d'un peu rêveur dans son esprit [d'Amélie], CHATEAUB. René..• Fénelon.... offrit aux imaginations rêveuses le monde antique, l'Égypte et la Grèce comme les modèles de la perfection et des vertus sociales, AUG. THIERRY Considér. sur l'hist. de France, III..3° Il se dit quelquefois de celui qui médite.• Quel est auprès de lui cet homme si rêveur ? C'est Descartes, ce grand génie, Qui purgea la philosophie Des préjugés et de l'erreur, Divertiss. de Sceaux, dans RICHELET.• Tous les sauvages ont l'air rêveur, quoiqu'ils ne pensent à rien, BUFF. Hist. nat. Hom. Oeuv. t. V, p. 187.4° Substantivement. Celui, celle qui rêve.• Mais pour moi, de Paris citoyen inhabile, Qui ne lui puis fournir qu'un rêveur inutile, Il me faut du repos...., BOILEAU Ép. VI.• La rêveuse dont la langueur La rend encore plus touchante ; Qui se plaint d'un mal qui l'enchante, Dont le remède est dans son coeur, BERNIS Épît. 11, Grâces..5° Celui qui poursuit des idées chimériques.• Les jansénistes disent au contraire que les péchés commis sans grâce actuelle ne laissent pas d'être imputés ; mais ce sont des rêveurs, PASC. Prov. IV.• Ce rêveur poursuit toujours sa chimère ; en nous donnant un élève de sa façon, il ne le forme pas seulement, il le crée, J. J. ROUSS. Ém. IV.• Ces espèces de rêveurs qui se prennent pour des personnages, parce qu'ils ont la manie de s'occuper de grandes choses, RAYNAL Hist. phil. XII, 30.C'est un rêveur, c'est un vieux rêveur, se dit d'un homme qui fait ou qui dit des choses extravagantes, dont les idées sont hors du sens commun ; et, dans les sciences, de celui qui fait des systèmes sans fondement.6° Celui qui médite.• Ce fut [Malebranche] un rêveur des plus profonds et des plus sublimes, DIDER. Opin. des anc. philos. (Malebranchisme)..Corneille a dit : Un rêveur de musique, un musicien qui rêve et qui crée des airs fantasques : Cent vers lui coûtent moins que deux mots de chanson ; Son feu ne peut agir quand il faut qu'il s'explique Sur les fantasques airs d'un rêveur de musique, Excuses à Ariste.7° Un distrait.• Un garçon de belles-lettres et qui fait des vers, nommé la Fontaine, est encore un grand rêveur, TALLEMANT DES RÉAUX Hist. de la Fontaine..XIIIe s.• Nus mestre ne doit souffrir entour li valet qui ne soit bons et loiaus, ne reveeur ne mauvès garçon de quelque lieu qu'il soit, soit de Paris, soit d'ailleurs, Liv. des mét. 61.• Que nus ne nule dudit mestier ne soustiegne en leur mesons ou estuves bordiaus de jour ne de nuit, mesiaus ne meseles, reveurs ne autres genz diffamez de nuit, ib. 189.XIVe s.• Larrons, murdriers, robeurs, resveurs de nuict et autres malfaicteurs, DU CANGE reventare..XVe s.• Ponsard qui estoit un homme de mauvaise vie, reveur de nuit, brigueur...., DU CANGE reventare..XVIe s.• Au visage de Demosthenes on lisoit tousjours une activité, un chagrin resveur et pensif qui ne le laissoit jamais, AMYOT Cicér. et Démosth. II.Rêver ; bourguign. raivou. Le sens ancien de reveur est vagabond, comme celui de rever est vagabonder.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.