- poêle
- poêle ou poile 2.(poî-l') s. m.1° Grand fourneau de terre ou de métal, souvent embelli de figures, qui sert dans les pays septentrionaux à échauffer une chambre, et dont l'usage a passé en France.Fig.• Et malgré les volets le soleil irrité Formait un poêle ardent au milieu de l'été, BOILEAU Sat. III.Poêle de construction, poêle construit à demeure avec des carreaux de faïence ou de terre non vernissée sur la place qu'il doit occuper.Terre à poêle, sorte de terre employée dans la construction des poêles.Poêle à la Désarnaud, sorte de poêle en fonte de peu de profondeur que l'on place dans une cheminée.Poêle suédois, gros poêle que l'on construit ordinairement de toute la hauteur de la pièce.2° Nom donné en Allemagne et en Hollande à la chambre où est le poêle.• N'ayant, par bonheur, aucuns soins ni passions qui me troublassent, je demeurais tout le jour enfermé seul dans un poêle, où j'avais tout le loisir de m'entretenir de mes pensées, DESC. Méth. II, 1.XVIe s.• Un Allemand me feit plaisir, à Auguste [Augsbourg], de combattre l'incommodité de nos fouyers par ce mesme argument de quoy nous nous servons ordinairement à condamner leurs poesles, MONT. IV, 255.• Les comtes meinent M. de Vieilleville en une aultre grande salle, qu'ils nommoient poisle, avec sa suicte [il s'agit d'une salle à manger à Vienne, à la cour], CARL. VIII, 21.Bas-lat. pisalis, piselis, piselum, pysalis, qui est synonyme du bas-lat. genecium, gynaeceum, lieu où les femmes de service travaillaient aux ouvrages de laine. Comme ces lieux étaient chauffés, on prit l'habitude de donner au nom de ces ouvroirs le sens de chambre chauffée. Jusque-là tout est clair ; mais d'où vient piselis ? Du Cange le tire de pensile, venant de pensum, tâche, à cause de la tâche que faisaient les ouvrières des gynécées ou poêles. En effet le bas-latin a pensilis, dérivé de pensum ; pensiles ancillae, des servantes chargées de faire une tâche dans les gynécées ou ouvroirs. Dès lors on voit la filiation : pensile, d'où pesile (1er e long), d'où poisle, chambre où l'on fait une tâche, de pensum, tâche (voy. poids). Scheler le tire de l'adjectif latin pensilis, suspendu : balneae pensiles (de Pline), cabinets de bain suspendus, c'est-à-dire construits sur des voûtes et chauffés par-dessous. Mais, pour cette dérivation, on n'a pas comme pour le pensile, de pensum, le chaînon intermédiaire pensiles ancillae.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE2. POÊLE ou POILE. Ajoutez : - REM. M. Ch. Berthoud, de Gingins, canton de Vaud, observe que le mot poêle au sens de chambre où l'on se tient d'habitude en hiver est fort employé dans la Suisse française : le grand poêle de l'hôtel de ville ; mais qu'il ne l'est pas du tout dans la Suisse allemande. En effet, poêle est la traduction du mot allemand ou hollandais qui désigne cette chambre, traduction employée au XVIe siècle et par Descartes ; mais au Dictionnaire la définition est défectueuse : il faut lire : Nom donné par les Français à la chambre où est le poêle en Allemagne et en Hollande.————————poêle 3.(poî-l') s. f.1° Ustensile de cuisine dont on se sert pour frire, pour fricasser.• Autrefois carpillon fretin Eut beau prêcher, il eut beau dire, On le mit dans la poêle à frire, LA FONT. Fabl. IX, 10.Fig. Être dans la poêle, être dans l'embarras.• J'en ris tout autant que vous, quoique je sois dans la poêle, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 18 oct. 1760.Fig. Tomber de la poêle en la braise, ou dans le feu, tomber d'un mal en un pire.• Je tombai par malheur de la poêle en la braise, RÉGNIER Sat. X..• Je ne fis que sauter, comme on dit, de la poêle à frire dans le feu, LE SAGE Guzm. d'Alf. I, 6.Il n'y en a point de plus empêché que celui qui tient la queue de la poêle (voy. queue).Fig. Qui pourrait s'empêcher de rire ? Lebrun d'un vol audacieux Se précipite dans les cieux, Et tombe dans la poêle à frire, DOMERGUE, Epigr. contre Lebrun qui avait épousé sa cuisinière.2° Poêle à confitures, poêle de cuivre sans queue, avec deux anses ; plus souvent appelée bassine.3° Chaudière dans laquelle les chandeliers font fondre leur suif.Grand bassin de cuivre sur lequel les ciriers travaillent leurs ouvrages à la cuiller.Vase de fonte qu'emploient les chaudronniers pour faire fondre l'étain.4° Terme de marbrier. Vase de fonte avec deux anses et trois pieds, dans lequel on allume du charbon pour faire chauffer les petites parties de marbre, les goujons avant de les graisser, et les pinces des polisseurs.5° Nom donné dans nos salines de l'Est à une vaste chaudière servant à l'évaporation du liquide avant qu'on le mette dans les cristallisoirs. Poêle de graduation, poêle de préparation.6° Terme de pêche. Partie du fond d'un étang, plus profonde que le reste, et située vis-à-vis de la bonde, où tout le poisson se rend, à mesure que l'on vide l'étang pour le pêcher.7° Terme de gravure. Ustensile qui sert à chauffer la planche que l'on encre.XIIIe s.• Paeles que l'on aporte du lendit, si doit chascune obole, et de pos autresinc, Liv. des mét. 290.XIVe s.• La dame moult bien entendi.... Ses cuers [son coeur] li bat et li flayelle, Et frit con tourtyalz en payelle, J. DE CONDÉ t. II, p. 41.XVe s.• Qui tient la poisle par la queue, il la tourne par où il luy plaist, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 213.• Son corps feut mis par pieces, et bouilli en une paille, tellement que la chair se separa des os, JUVÉN. Ch. VI, 1422.• Abusé m'a et fait entendre Toujours d'un que il fust un autre, De vieil machefer que fust peauthre, Du ciel une paesle d'airain, VILLON Double ballade..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.