porter

porter
porter 1.
(por-té) v. a.
1°   Soutenir comme on soutient une charge, un faix.
2°   Porter, en termes de manége.
3°   Avoir dans son sein, en parlant des femmes et des femelles ; produire ; porter intérêt.
4°   Transporter d'un lieu en un autre.
5°   Soutenir, transporter quelque chose de pesant, en parlant des animaux.
6°   Il se dit des nouvelles, des ordres qui sont transmis.
7°   Avoir sur soi ou tenir à la main, sans égard à la pesanteur de l'objet.
8°   Mettre sur soi pour servir à l'habillement, à la parure, à la défense.
9°   Il se dit du maintien, de la contenance, des attitudes, des différentes manières de tenir son corps, sa tête, ses bras. Même sens, en parlant des animaux.
10°   Aux jeux de cartes, avoir telle ou telle carte.
11°   Il se dit des choses qui soutiennent comme on soutient un fardeau.
12°   Porter de la voile, de la toile, en parlant d'un navire.
13°   Porter bateau, en parlant d'une rivière.
14°   Faire aller, diriger, conduire.
15°   Porter le cap, porter à la route, en termes de marine.
16°   Pousser, étendre.
17°   Fig. Montrer, manifester.
18°   Il se dit simplement pour avoir.
19°   Fig. Porter quelqu'un à, le faire parvenir à.
20°   Fig. Induire, exciter, pousser à, en parlant des personnes et des choses qui poussent, excitent.
21°   Fig. Supporter, souffrir.
22°   Porter le vin, en parlant des personnes ; porter l'eau, en parlant du vin.
23°   Soumettre à une juridiction.
24°   Porter une loi, un arrêt.
25°   Inscrire.
26°   Exprimer, déclarer.
27°   Évaluer.
28°   Causer, amener, entraîner avec soi, avec un nom de chose pour sujet.
29°   Avoir telle ou telle dimension.
30°   Comporter.
31°   V. n. Être soutenu, posé sur. Porter à faux. Un porte à faux.
32°   Se dit de la glace qui est en état de soutenir les hommes, les voitures.
33°   Avoir dans ses armes, en termes de blason.
34°   Faire les commissions.
35°   Atteindre, en parlant des armes de jet, des projectiles et de tout ce qu'on lance.
36°   Parcourir une certaine étendue, en parlant du son, du regard.
37°   Heurter, toucher.
38°   Avancer vers, en termes de marine.
39°   Porter, faire porter, en termes de couture.
40°   Il se dit de quelque mal ou dommage.
41°   Porter à la tête, en parlant de liqueur, d'odeur, de chaleur.
42°   V. réfl. Se porter, être porté, soutenu comme un faix.
43°   Aller, se transporter.
44°   Être porté comme vêtement.
45°   Fig. Agir de telle ou telle façon.
46°   Avoir disposition à, inclination pour.
47°   Se porter bien, se porter mal.
48°   Se présenter comme candidat.
49°   Prendre une qualité et agir en conséquence.
50°   S. m. Le porter.
   Soutenir comme on soutient une charge, un faix.
   Ô Dieu, que la gloire couronne, Dieu, que la lumière environne, Qui voles sur l'aile des vents, Et dont le trône est porté par les anges, RAC. Esth. I, 5.
   Devant elle [la Liberté] on portait ces piques et ces dards, On traînait ces canons, ces échelles fatales Qu'elle-même brisa, quand ses mains triomphales De Genève en danger défendaient les remparts, VOLT. Ép. 76.
   Au bûcher qui l'attend vous allez la porter ?, VOLT. Olymp. v, 3.
   J'ai porté dans mes bras l'empereur à l'armée, VOLT. Orphel. v, 1.
   Déjà, lui [Rapp] le premier, il touchait [à la redoute], lorsqu'à son tour il est atteint ; c'était sa vingt-deuxième blessure.... on porta Rapp à l'empereur, qui lui dit : Eh quoi, Rapp, toujours ?, SÉGUR Hist. de Nap. VII, 9.
   Fig.
   Lorsqu'une pensée est trop faible pour porter une expression simple, c'est la marque pour la rejeter, VAUVENARGUES. Max. 111.
   Porter la croix, se dit de Jésus-Christ portant le bois de sa croix jus qu'au lieu du crucifiement.
   On lui donne même à porter la croix qui lui est destinée, BOURDAL. Exhort. sur J. C. portant sa croix, t. II, p. 136.
   Fig.
   L'école d'un Dieu qui nous enseigne à porter tous les jours notre croix, et à renoncer à nous-mêmes, PASC. Factum pour les curés de Rouen.
   Prov. Chacun porte sa croix en ce monde, c'est-à-dire chacun a ses afflictions particulières.
   Porter la robe, la queue de quelqu'un, soutenir a queue de sa robe, afin qu'elle ne traîne pas par terre.
   Être porté sur, marcher involontairement sur.
   On marche, on est porté sur les corps des mourants, VOLT. Mérope, v, 6.
   Fig. et familièrement. En porter (sous-entendu des cornes), être mari malheureux, trompé.
   Ironiquement. Il est le plus fort, il portera les coups, c'est-à-dire c'est lui qui sera battu.
   Fig. Porter tout le poids des affaires, en être chargé seul.
   Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, LA FONT. Fabl. X, 2.
   Fig. Porter le poids du jour et de la chaleur, avoir seul toute la fatigue, tout le travail, tandis que les autres se reposent.
   Avoir plus de travail, plus d'affaires qu'on n'en peut porter, être chargé de tant de travail, de tant d'affaires qu'on n'y peut suffire.
   J'ai de la peine tout ce que j'en peux porter, DIDER. Père de fam. v, 9.
   Fig. Porter le joug, subir l'autorité de quelqu'un.
   Ô portera le joug désormais sans se plaindre, CORN. Cinna, V, 3.
   Fig. Porter des fers, être captif, être esclave.
   Porter des fers se dit aussi de l'esclavage amoureux.
   Le sort vous y voulut l'une et l'autre amener, Vous pour porter des fers, elle pour en donner, RAC. Andr. I, 4.
   Fig. Porter. Être chargé de.
   Me voilà seul, portant la haine universelle !, LEGOUVÉ Épich. et N. V, 4.
   Il en portera la peine, il en sera puni.
   Il portera la peine de son iniquité, SACI Bible, Lévit. V, 1.
   Nos pères ont péché, nos pères ne sont plus, Et nous portons la peine de leurs crimes, RAC. Esth. I, 5.
   Il en portera la folle enchère, c'est lui qui en sera responsable.
   Fig. Porter les iniquités d'autrui, être puni pour autrui.
   Que tous les serviteurs et les proches des traîtres Portent l'iniquité des parents et des maîtres, MAIRET Soliman, V, 6.
   Fig. et familièrement. On le porte sur les épaules, se dit de quelqu'un d'ennuyeux, de fatigant.
   Fig. Porter dans son coeur, chérir.
   Sachez que je vous porte toutes dans mon sein et dans mes entrailles ; vous m'êtes toutes présentes à l'esprit jour et nuit, BOSSUET Sermons, 2e exhort. pour une visite..
   Vous ne sauriez lire Démosthène sans voir qu'il porte la république dans le fond de son coeur, FÉN. t. XXI, p. 11.
   Mes chers enfants, je vous porte en mon coeur, BEAUMARCH. Mère coupable, II, 16.
   Terme de manége. Porter son cheval, le soutenir, en marchant, de la main, des jarrets et de la cuisse.
   Porter en avant, faire aller son cheval devant soi à droite ou à gauche.
   Porter haut, faire marcher son cheval la tête levée.
   Se dit des femmes et des femelles d'animaux qui ont, pendant un temps déterminé, le nouvel être dans leur sein.
   Une mère peut-elle oublier son enfant et n'avoir point de compassion du fils qu'elle a porté dans ses entrailles ?, SACI Bible, Isaïe, XLIX, 15.
   Heureuses les entrailles qui n'ont pas porte d'enfants [lors de la ruine de Jérusalem] !, BOSSUET Histoire, II, 8.
   La femelle du buffle ne fait qu'un petit, et le porte environ douze mois, BUFF. Quadrup. t. V, p. 113.
   Absolument. Les cavales portent onze mois.
   Il y a une variété infinie dans les animaux pour le temps et la manière de porter, de s'accoupler et de produire, BUFF. Hist. anim. IX..
   Il se dit de la terre, des arbres qui produisent, parce que la terre, l'arbre portent ce qui est produit.
   Quand nous arrivâmes sur cette côte, nous y trouvâmes un peuple sauvage qui errait dans les forêts, vivant de sa chasse et des fruits que les arbres portent d'eux-mêmes, FÉN. Tél. X..
   Le pays [la Suède] est stérile et pauvre ; la Scanie est la seule province qui porte du froment, VOLT. Charles XII, 1.
   Fig.
   Les grands hommes se font les uns les autres ; et, si Rome en a plus porté qu'aucune autre ville, c'est que l'État romain était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros, BOSSUET Hist. III, 6.
   Si le climat avait tant de puissance, la Grèce porterait encore des Platon et des Anacréon, comme elle porte les mêmes fruits et les mêmes fleurs, VOLT. Lett. Somarokof, 26 fév. 1769.
   Cette somme porte intérêt, elle produit un intérêt.
   Fig.
   Au fond du coeur reconnaissant le bienfait porte intérêt, DIDER. Claude et Nér. II, 29.
   Ce billet a porté, n'a pas porté, il a gagné, il n'a pas gagné.
   Transporter d'un lieu en un autre. Portez ces papiers dans mon appartement. On porta les tableaux dans le musée. Porter une lettre à la poste.
   Quand il fut question de porter ce tribut [une somme d'argent], Le mulet et l'âne s'offrirent, Assistés du cheval ainsi que du chameau, LA FONT. Fabl. IV, 12.
   Fig.
   Vous portâtes soudain la guerre dans la Perse, CORN. Héracl. IV, 4.
   Il n'y a chose si innocente où les hommes ne puissent porter du crime, MOL. Tart. Préface.
   Quand vous vous promenez par ces beaux jours que je connais, y portez-vous cette douleur et cette pesanteur ? n'êtes-vous jamais sans plus ou moins de cette incommodité ?, SÉV. à Mme de Grignan, 19 janv. 1680.
   Aussitôt qu'il eut porté de rang en rang l'ardeur dont il était animé, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Qui est-ce qui a jamais porté plus de voeux et plus de prières au pied du trône ?, FLÉCH. Duc de Mont..
   Faites-lui concevoir Qu'il doit porter ailleurs ses voeux et son espoir, RAC. Brit. II, 3.
   L'heureux succès de cette première expédition des Carthaginois leur fit naître l'envie de porter leurs armes en Espagne, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. I, p. 245.
   Tu sais que je te quitte, et le destin m'ordonne De porter nos drapeaux aux champs de Babylone, VOLT. Mort de Cés. I, 1.
   J'ai porté mon courroux, ma honte et mes regrets Dans les sables mouvants, dans le fond des forêts, VOLT. Alz. II, 1.
   Oui, portez-lui la foi que vous m'avez jurée ; que votre coeur remplisse avec elle tous les engagements qu'il prit avec moi, J. J. ROUSS. Hél. VI, 6.
   La hardiesse du célèbre Drake, qui porta le ravage sur les côtes du Pérou, RAYNAL Hist. phil. VII, 33.
Porter la mort, causer la mort de beaucoup.
   Je [la Gorgone] porte l'épouvante et la mort en tous lieux ; Tout se change en rocher à mon aspect horrible ; Les traits que Jupiter lance du haut des cieux N'ont rien de si terrible Qu'un regard de mes yeux, QUIN. Pers. III, 1.
   Vous portâtes la mort jusque sur leurs murailles, RAC. Bérén. I, 3.
   On dit dans un sens analogue : porter le carnage.
   Et moi jusqu'en son camp j'ai porté le carnage, VOLT. Fanat. I, 1.
   Porter la vie, vivifier, ranimer.
   Et l'astre qui les dore [les montagnes] en ouvrant sa carrière, Sans y porter la vie y répand la lumière, ST-LAMB. Sais. III.
   Fig. et familièrement. Il ne le portera pas loin, il ne le portera pas en paradis, en l'autre monde, c'est-à-dire je me vengerai.
   Si dans mon pays un pareil dieu venait faire un pareil miracle, il ne le porterait pas loin, VOLT. Dial. 27.
   Ne pas le porter loin, succomber promptement à une maladie, à un chagrin.
   M. et Mme de Chaulnes ne s'en consolèrent ni l'un ni l'autre [de la perte du gouvernement de Bretagne], et ne le portèrent pas loin, SAINT-SIMON 27, 58.
   Porter quelqu'un en terre, le porter pour l'enterrer.
   Sur la fin d'avril 1774, le roi, allant à la chasse, rencontre le convoi d'une personne qu'on portait en terre, VOLT. Louis XV, 41.
   Porter quelqu'un par terre, le renverser.
   Le Tolédan ne put résister à la force du coup qui le porta par terre, LESAGE Diable boit. ch. 15.
   En parlant des animaux, soutenir, transporter quelque chose de pesant. Un mulet portant cinq cents pesant. Le cheval qui le portait s'abattit.
   Brezé lui disait quelquefois [à Louis XI, qui disait qu'il portait tout son conseil dans sa tête], par une équivoque du goût de ce temps, que son cheval était le plus fort qu'il y eût au monde, puisqu'il portait le roi et son conseil, DUCLOS Oeuvr. t. III, p. 342.
   Il se dit des nouvelles, des ordres qui sont transmis. Il porte de mauvaises nouvelles.
   Lorsque, occupé d'un côté, il envoie reconnaître l'autre, le diligent officier qui porte ses ordres, s'étonne d'être prévenu et trouve déjà tout ranimé par la présence du prince, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Ce fut à la sinistre lueur des flammes du bazar que Napoléon l'acheva [une lettre à Alexandre], et que partit le Russe ; celui-ci dut porter la nouvelle de ce désastre à son souverain, dont cet incendie fut la seule réponse, SÉGUR Hist. de Nap. VIII, 6.
   Porter la parole, voy. parole, n° 6.
   Porter parole, voy. parole, n° 13.
   Porter témoignage, témoigner qu'une chose est ou n'est pas.
   Je vous avais bien dit que la pierre porterait témoignage, VOLT. Zadig, 10.
   Avoir sur soi ou tenir à la main, sans égard à la pesanteur de l'objet. Il ne porte jamais d'argent sur lui.
   Donner la chasse aux gens Portants bâtons et mendiants, LA FONT. Fabl. I, 5.
(la Fontaine accorde les participes).
   Fig.
   Un dieu qui porte les excuses de tout ce qu'il fait faire : l'amour, MOL. l'Av. V, 3.
   Vous me jugez capable De vous porter en dot un bien considérable, MOL. Femm. sav. V, 1.
   Nous faisons voir, par les pièces mêmes de nos adversaires, que, comme les juifs, ils portent leur condamnation, SÉV. 16 mars 1689.
   Un jeune prince du sang qui portait la victoire dans ses yeux, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Vous savez que les droits qu'elle porte avec elle Peuvent de son époux faire un prince rebelle, RAC. Brit. I, 2.
   Bien loin que les rois de France puissent, de leur propre mouvement, ôter la vie à un de leurs sujets comme nos sultans, ils portent au contraire toujours avec eux la grâce de tous les criminels : il suffit qu'un homme ait été assez heureux pour voir l'auguste visage de son prince, pour qu'il cesse d'être indigne de vivre, MONTESQ. Lett. pers. 102.
   Mettre sur soi pour servir à l'habillement, à la parure, à la défense. Porter des habits brodés. Porter une bague. Porter des pistolets, une épée, une cuirasse.
   J'ai une délicatesse furieuse pour tout ce que je porte, MOL. Préc. 10.
   Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l'état que vous portez ?, MOL. l'Av. I, 5.
   Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien, MOL. ib..
   On ne voit point ici la grandeur insultante Portant de l'épaule au côté Un ruban que la vanité A tissu de sa main brillante, VOLT. Ép. 76.
   Ils vont presque nus ; leur vêtement ne consiste que dans une toile de coton qui les couvre depuis la ceinture jusqu'au milieu de la cuisse ; c'est tout ce que la chaleur du pays leur permet, disent-ils, de porter sur eux, BUFF. Hist. nat. homme, Oeuv. t. V, p. 134.
   Les femmes avaient les cheveux extrêmement longs, et les hommes les tenaient courts ; les femmes portaient en bracelets des os d'une blancheur éclatante que les hommes portaient en collier, RAYNAL Histoire philosophique, IX, 5.
   Cela est bien porté, cela est mal porté, signifie qu'une mode ou un vêtement est porté par les personnes estimables ou du grand monde, ou bien par les personnes de bas étage ou sans moeurs.
   Fig. Bien porter, mal porter, soutenir avec honneur, avec déshonneur. Il porte mal une si haute dignité. Bien porter le nom de ses ancêtres.
   Milord, me dit-il, en me donnant le saint nom d'ami, vous m'apprîtes à le porter, J. J. ROUSS. Hél. VI, 3.
   Il porte le cheveux longs, les cheveux courts, il se coiffe en cheveux longs, en cheveux courts.
   Porter la barbe, ne pas se raser la barbe, la laisser croître.
   On dit dans le même sens : porter moustache.
   Un homme portant barbe, un homme qui a de la barbe au menton, un homme fait.
   La gent qui porte crête, les poules et les coqs.
   La gent qui porte crête au spectacle accourut, LA FONT. Fabl. VII, 13.
   Porter lunettes, porter des lunettes, se servir de lunettes pour remédier à quelque défaut de la vue. Je suis myope, je porte lunettes.
   Porter le mousquet, servir comme soldat.
   Porter l'épée, être officier.
   Porter la robe, la soutane, le petit collet, le froc, être magistrat, ecclésiastique, abbé, moine.
   Porter la couronne, être roi.
   Tous les rois ont une couronne ; Tous ne la savent pas porter, GODEAU Ode à Louis XIII.
   S'il portait la couronne ou de Sparte ou d'Argos, CORN. Oedipe, II, 2.
   Porter les armes, faire la guerre, servir dans une armée.
   Autrefois, porter l'arme, faire le mouvement de l'arme, qui consiste, pour les simples soldats, à la placer perpendiculairement contre l'épaule gauche ; aujourd'hui, placer l'arme sous le bras droit, le pontet en avant.
   Porter les armes à quelqu'un, lui faire le salut militaire qui consiste à porter l'arme. Les sentinelles portent les armes pour rendre le salut militaire.
   Il a porté les chausses, il a été page.
   Il a porté les couleurs, les livrées, la livrée, il a été laquais.
   Elle porte le haut-de-chausse, elle porte les chausses, elle porte la culotte, se dit d'une femme qui au logis est plus maîtresse que le mari.
   Porter les couleurs d'une dame, porter, dans son ajustement, des couleurs semblables à celles qu'elle affectionne le plus ; et fig. se mettre au rang de ses adorateurs.
   Porter le deuil d'une personne, être vêtu de vêtements de deuil à cause de la mort de cette personne.
   Il se dit du maintien, de la contenance, des attitudes, des différentes manières de tenir son corps, sa tête, ses bras. Porter la tête haute. Il portait le bras en écharpe.
   Porter le pied en dedans, en dehors, tourner, en marchant, la pointe du pied en dedans, en dehors.
   Bien porter son âge, porter bien son âge, avoir encore, malgré un grand âge, de la fraîcheur, de la vigueur, de l'agilité.
   Et si je forme un voeu, C'est que, vous ressemblant d'humeur et de visage, Le roi qui se fait vieux porte aussi bien son âge, C. DELAV. Louis XI, III, 3.
   En un autre sens, il porte bien son âge, il présente tous les signes d'un âge avancé.
   En parlant des animaux, particulièrement du cheval et du chien. Ce chien porte bas l'oreille.
   Ils [les fous] portent en volant le cou tendu et la queue étalée, BUFF. Ois. t. XVI, p. 131.
   Porter le nez au vent, ou, elliptiquement, porter au vent, se dit d'un cheval qui tient le nez en l'air, au vent.
   Fig. Porter le nez au vent, et, elliptiquement, porter au vent, avoir l'air hautain, avantageux.
   Ils portent au vent, attelés tous deux au char de la fortune, et tous deux fort éloignés de s'y voir assis, LA BRUY. VIII.
   Toujours portant au vent, fier comme un Ecossais, DESTOUCH. Glor. I, 3.
   Porter haut, porter bas, se dit d'un cheval qui tient la tête haute, basse.
   Fig. Le porter haut, se prétendre de grande qualité, et aussi se prévaloir de ses avantages, afficher de grandes prétentions.
   On dirait d'un seigneur, tant il le porte haut, HAUTEROCHE Bourg. de qual. III, 4.
   Détrompez-vous, de grâce, et portez-le moins haut, MOL. Mis. V, 6.
   On lui impute qu'il aime à dominer, et qu'il aime mieux avoir dans son église des moines dont il prétend disposer, quoique peut-être il se trompe, que des chanoines séculiers qui le portent un peu plus haut, RAC. Lett. 23 à Vitart..
   Ce cheval porte beau, il porte bien sa tête.
   Fig. Le porter beau, faire figure et parade.
   Terme de chasse. Lorsqu'un cerf pousse sa nouvelle tête, on dit qu'il porte quatre, six ou huit de refait. Il porte quatre, quand il a dehors un bout de perche et un tout petit andouiller ; six quand il a un petit surandouiller de plus ; huit, ou mi-tête lorsque chaque perche porte un andouiller, ce qui arrive vers la mi-mai.
   Porter la hotte, se dit d'un lièvre qui a beaucoup couru et dont le dos est arrondi.
   Porter le trait, se dit d'un limier qui va devant assez pour faire tendre le trait.
10°   Aux jeux de cartes, porter, avoir telle ou telle carte.
   Je porte l'as de trèfle, MOL. Fâch. II, 2.
   Seissac fit une tenue à M. de Lorge, puis un va-tout qu'il gagna, ne portant quasi rien, SAINT-SIMON 55, 168.
   Porter beau jeu, vilain jeu, avoir beau jeu, vilain jeu aux premières cartes.Bien porter, mal porter, garder ou écarter les cartes que la rentrée favorise.
   Porter une couleur, se dit de la couleur dont on a le plus de cartes en main. Il portait coeur, mais il ne lui est rien rentré.
   Porter à une couleur, se dit en parlant de la couleur dans laquelle on cherche à faire son jeu. Il portait à carreau.
11°   Il se dit des choses qui soutiennent comme on soutient un fardeau. Des colonnes qui portent une galerie.
   Les pièces de bois de quatorze pieds de longueur sur cinq pouces d'équarrissage peuvent porter au moins cinq milliers, BUFF. Hist. nat. Part. expér. Oeuv. t. VIII, p. 218.
   Il [le peuple de Sumatra] croit que la terre, parfaitement immobile, est portée par un boeuf, le boeuf par une pierre, la pierre par un poisson, le poisson par l'eau, l'eau par l'air, l'air par les ténèbres, les ténèbres par la lumière ; c'est là que finit son système, RAYNAL Hist. phil. II, 12.
   Familièrement. Tant que terre le pourra porter, aussi loin qu'il pourra aller.
   Ils sont allés à la rencontre de cette princesse, tant que terre les pourra porter, SÉV. 405.
   Fig. L'un portant l'autre, compensation faite du plus et du moins (locution qui signifie que l'un porte l'autre, que le plus fort soutient, compense le plus faible).
   On ne vit à Paris, l'un portant l'autre, que vingt-deux à vingt-trois ans ; l'un portant l'autre, on n'a tout au plus que cent vingt livres par an à dépenser, VOLT. l'H. aux 40 écus, Entret. avec un géomètre..
   En France chaque mille carré contient 200 habitants, l'un portant l'autre, VOLT. Russ. I, 1.
   La durée moyenne de chaque règne est d'environ 20 à 22 ans, en sorte que 15, 20, 30, 50 rois successifs et davantage ne règnent qu'environ 20 à 22 ans l'un portant l'autre, D'ALEMB. Quest. calc. probab. Oeuv. t. IV, p. 298, dans POUGENS..
   On dit dans le même sens : le fort portant le faible.
12°   En parlant d'un navire. Porter de la toile, de la voile, avoir beaucoup de voiles dehors.
   Les vents ayant été favorables depuis Madère, n'y ayant pas eu un seul jour de calme, on a porté beaucoup de voiles la nuit, D'ESTRÉES à Seignelay, 30 juin 1680, dans JAL.
   Ce bâtiment porte la voile, porte bien la voile, il penche peu, quoiqu'il ait beaucoup de voiles et que le vent souffle avec quelque force.
13°   Porter bateau, se dit d'une rivière dont l'eau est assez profonde pour qu'on y puisse naviguer.
14°   Faire aller, diriger, conduire. Porter les aliments à sa bouche. Porter le pied en avant. Porter un verre à ses lèvres.
   Absolument.
   Il se sert de ses pieds de devant pour porter à sa gueule, BUFF. Quadrup. t. III, p. 76.
   Porter la santé de quelqu'un, porter une santé, boire à la santé de quelqu'un en s'adressant à un autre pour l'inviter à en faire autant ; ainsi dit, parce qu'en portant la santé on élève et porte en avant le verre.
   Cependant mon hâbleur, avec une voix haute, Porte à mes campagnards la santé de notre hôte, BOILEAU Sat. III.
   Nous n'avons pas porté de santé, ma nièce et moi, depuis un souper où nous nous trouvâmes tous deux un peu mal, à Francfort, VOLT. Lett. Richelieu, 30 déc. 1753.
   Porter la main à, étendre la main jusqu'à.
   J'ai bien sué pour le faire [un mouvement], dit-il en portant la main sur le front, MONTESQ. Lett. pers. 101.
   Qu'un habile organiste porte sans dessein les mains sur le clavier...., CONDIL. Log. I, 9.
   Ils portaient ensuite cette même main au coeur, au front et aux yeux, CHATEAUBR. Itin. 3e part..
   Porter la main à l'épée, au chapeau, étendre la main pour tirer l'épée ou pour ôter son chapeau.
   Porter la main sur quelqu'un, le frapper, ou l'arrêter prisonnier.
   Je me garderais bien de porter la main sur la personne du fils du roi, SACI Bible, Rois, II, XVIII, 12.
   Porter un coup à quelqu'un, lui donner un coup.
   Si le détestable parricide de notre grand roi Henri IV avait porté ce coup sur un roi des Indes, MONTESQ. Lett. pers. 103.
   On dit dans le même sens : porter une botte.
   Fig. Porter un coup, porter un coup mortel, porter le dernier coup, ébranler, renverser.
   Le même jour que ce grand criminel Dut à la liberté porter le coup mortel, VOLT. Mort de Cés. III, 2.
   Pour porter le dernier coup à la France, l'empereur se ligue avec les Vénitiens, le pape Adrien et les Florentins, VOLT. Ann. Emp. Charles-Quint, 1523.
   Porter un coup, se dit aussi des choses qui nuisent. Cette affaire a porté un coup à sa réputation. Ce malheur a porté un coup mortel à sa santé.
   Fig. Porter coup, se dit de choses qui font une grande impression. Toutes ses paroles portent coup.
   Porter coup se dit aussi de choses qui nuisent. Ce chagrin porta coup à sa santé.
   Fig. Porter bonheur, porter malheur, porter guignon, se dit des choses ou des personnes que l'on croit influer sur la réussite.
   Si cela était, reprit-elle, c'est vous qui me porteriez bonheur, c'est à vo s que je devrais la protection du ciel, STAËL Corinne, VII, 3.
   Fig. Porter préjudice, porter un préjudice, nuire.
   Porter ses pas en quelque lieu, s'y transporter.
   Sous les murs du palais quelqu'un porte ses pas, VOLT. Zaïre, v, 8.
   Porter les yeux, la vue, les regards sur, regarder.
   Mais dessus ce vieillard plus je porte les yeux, Plus je crois l'avoir vu jadis en d'autres lieux, CORN. Oedipe, IV, 4.
   Fig.
   Rome ne porte point ses regards curieux Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux, RAC. Brit. III, 8.
   Gardons-nous d'oser porter un oeil curieux sur ces mystères ; rendons ce respect à l'essence infinie, de ne rien prononcer d'elle, J. J. ROUSS. Lett. de la Montagne, III.
   Fig. Porter sa vue bien loin, prévoir les choses de loin.
   Fig. Porter ses vues bien haut, former de grands desseins.
   Au sens de faire aller, diriger, conduire, il se dit de choses qui donnent le mouvement. La tempête porta le vaisseau contre un écueil. Les courants portaient rapidement le navire à la côte. Des tuyaux qui portent l'eau dans un jardin.
   Le dessein généreux qui portait là ses pas, ROTR. Antig. I, 2.
   Des figures qui semblent pleurer autour d'un tombeau.... des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique témoignage de notre néant, BOSSUET Louis de Bourb..
   Fig.
   Ah ! qu'un seul des soupirs que mon coeur vous envoie, S'il s'échappait vers elle, y porterait de joie !, RAC. Andr. I, 4.
   Ce fusil porte bien son plomb, c'est-à-dire le menu plomb qu'il lance ne s'écarte pas trop
   On dit de même : ce fusil porte bien la balle.
   Porter son ombre, porter ombre, se dit d'un corps qui projette son ombre sur une surface.
   Fig.
   Qui ne sait que de pareils désordres ont toujours été le mauvais côté des grandes guerres, la partie honteuse de la gloire ; que la renommée des conquérants porte son ombre comme toutes les choses de ce monde ?, SÉGUR Hist. de Nap. VIII, 8.
15°   Terme de marine. Porter le cap à, avoir le cap dirigé vers, faire marcher le navire vers.
   Porter à la route, pousser, en parlant du vent, dans la direction de la route que veut faire le navire. Un moment après cette séparation [d'avec l'escadre de M. de Preuilly], nous essuyâmes un coup de vent le plus terrible dont j'aie mémoire ; mais il dura peu et nous porta à la route, Mém. du marquis de Villette, dans JAL.
16°   Pousser, étendre. Il faut porter plus loin ce mur, cette haie.
   Après avoir porté votre empire jusqu'aux extrémités de la terre, VAUGEL. 507.
   D'avoir porté si loin vos armes dans l'Asie Que même votre Rome en a pris jalousie, CORN. Nicom. IV, 2.
   Fig.
   Serait-il possible que vous ne lui eussiez point fait vos compliments [au cardinal Forbin de Janson] comme tout le monde ? auriez-vous porté si loin vos vieux ressentiments ?, SÉV. avril 1690.
   Comme on dit sans cesse aux humains qu'ils ne sont estimables qu'au tant qu'ils aiment la gloire, ils portent là toutes leurs pensées, et cela forme toute la bravoure française, SÉV. à Bussy 23 oct. 1683.
   Pendant qu'il passait sa vie dans ces occupations, et qu'il portait au-dessus de ses actions les plus renommées la gloire d'une si belle et si pieuse retraite, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Ne portez pas la vengeance jusqu'à lui ravir une vie spirituelle et immortelle, BOURDAL. 1er avent, Sur le scandale, p. 101.
   Ce palais achevé, et dans cette splendeur où vous désirez de le porter avant de l'habiter, LA BRUY. VI.
   Les Athéniens n'occupaient pas un for grand terrain dans la Grèce ; mais jusqu'où leur réputation ne s'étendit-elle point ? en portant le sciences à leur perfection, ils portèrent leur propre gloire à son comble, ROLLIN Traité des Ét. disc prélim..
   Athènes n'est point née pour le repos ; ce n'est point par cette voie que nos ancêtres l'ont portée au point de grandeur où nous la voyons, ROLLIN Hist. anc Oeuv. t. III, p. 624, dans POUGENS.
   À ce coupable excès porter sa hardiesse !, VOLT. Zaïre, V, 8.
   Il [Anaximandre] passe pour avoir porté les mathématiques fort au delà du point où Thalès les avait laissées, DIDER. Opin. des anc. phil. (ioniques)..
   Porter haut une chose, la faire valoir, la relever.
   Mais porte-lui si haut la douceur de régner, Qu'à cet éclat du trône il se laisse gagner, CORN. Rod. I, 2.
   Porte, porte plus haut le fruit de ta victoire : Je t'ai donné la vie et tu me rends ma gloire, CORN. Cid, III, 6.
   Porter haut, signifie aussi élever à un haut degré de perfection.
   Je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de l'ajustement, MOL. Préc. 10.
   Fig. Porter aux nues, porter aux cieux, louer extrêmement.
   On porte jusqu'aux cieux leur justice suprême, VOLT. Oedipe, I, 3.
   Fig. Porter dans l'esprit, persuader.
   Une banqueroute immense d'un de leurs missionnaires acheva de les perdre [les jésuites].... ces seuls mots de missionnaires et de banqueroutiers, si peu faits pour être joints ensemble, portèrent dans tous les esprits l'arrêt de leur condamnation, VOLT. Pol. et lég. Traité de la tolérance, suite et conclusion..
17°   Fig. Montrer, manifester. On porte partout son caractère.
   Je désire vivement voir le monde et le connaître ; mais j'y porterai bien de la gaucherie et de la timidité, GENLIS Veillées du chât. t. III, p. 36, dans POUGENS.
Témoigner, en parlant de sentiments.
   Mais cette amour si ferme et si bien méritée Que tu m'avais promise et que je t'ai portée, CORN. Poly. IV, 3.
   Un mari, une femme, un père, un fils ne sont liés entre eux que par l'amour qu'ils se portent, ou par les bienfaits qu'ils se procurent, MONTESQ. Lett. pers. 104.
   Porter amitié, porter affection à quelqu'un, l'avoir en amitié.
   Porter honneur, porter respect, honorer, respecter.
   Nous vous y porterons autant de respect que si vous étiez chez vous, ainsi qu'il est juste, MARIV. Marianne, 9e part..
   Porter envie, envier.
   Porter envie, signifie aussi souhaiter pour soi, sans malveillance, un bonheur qu'on voit arriver à un autre.
   Hélas ! à notre sort ne portez point envie, Un seul de vos printemps vaut toute notre vie, DELILLE Trois règ. VII.
18°   Il se dit simplement pour avoir.
   Sous un visage d'homme il porte un coeur de marbre, TRISTAN Panthée, I, 7.
   Je porte un coeur sensible, et vous l'avez percé, CORN. Poly. V, 3.
   Parmi ces grands sujets d'allégresse publique Vous portez sur le front un air mélancolique, CORN. Toison d'or, I, 1.
   De qui même le front, déjà pâle et glacé, Porte empreint le trépas dont il est menacé, CORN. Oed. I, 1.
   Ils ne savent que trop que l'homme, par sa propre nature, a toujours le pouvoir de pécher et de résister à la grâce, et que, depuis sa corruption, il porte un fond malheureux de concupiscence, qui lui augmente infiniment ce pouvoir, PASC. Prov. XVIII.
   Portant encore sur leurs corps les glorieuses marques des tourments qu'ils avaient soufferts, FLÉCH. Hist. de Théod. I, 82.
   Quoiqu'il soit Italien et qu'il porte une face équivoque, il peut être un fort honnête homme, LESAGE Estev. I, 7.
   Monsieur porte sur sa physionomie les traits de probité dont cette action est une preuve éclatante, MARIVAUX Paysan parvenu, part. 6.
   J'ai beaucoup vu dans mon enfance l'abbé Gédouin, l'abbé de Châteauneuf et Mlle Lenclos ; je puis assurer qu'à l'âge de quatre-vingts ans son visage portait les marques les plus hideuses de la vieillesse, VOLT. Dictionn. phil. Dictionnaire.
   On ne corrige pas les moeurs, on les peint, et un laid visage ne paraît point laid à celui qui le porte, J. J. ROUSS. Lett. à d'Alemb..
   Ce misérable enfant qui porte les traits d'un perfide, BEAUMARCH. Mère coupable, I, 8.
   Familièrement. Il montre tout ce qu'il porte, il découvre les parties du corps qu'il devrait cacher.
   Cet homme porte la mine d'avoir fait telle chose, on juge à sa mine qu'il a fait telle chose.
   On dit dans le même sens : il porte tout l'air d'un fripon, il porte la mine d'un drôle.
   Ce monsieur Loyal porte un air bien déloyal, MOL. Mart. v, 4.
   Il porte sa recommandation sur sa figure, c'est-à-dire sa figure prévient en sa faveur.
   Porter un nom, être nommé ou intitulé de telle ou telle façon.
   Quoique ma tragédie [Andromaque] porte le même nom que la sienne [d'Euripide], le sujet en est pourtant très différent...., RAC. Andr. 2e préf..
   Sa première pièce [de Corneille] fut donc Mélite ; la demoiselle qui en avait fait naître le sujet porta longtemps dans Rouen le nom de Mélite, nom glorieux pour elle, et qui l'associait à toutes les louanges que reçut son amant, FONTEN. Hist. vie de Corn..
   Robert Sorbon s'est immortalisé par la maison qu'il a fondée, et qui porte son nom, DIDER. Opin. des anc. philos. (scholastiques)..
   Que le favori d'Auguste [Mécène] serait surpris de voir son nom si souvent profané, et le ton rampant que les gens de lettres prennent avec ceux qui le portent !, D'ALEMB. Ess. sur la soc. des gens de lett..
   Il se dit aussi des objets qui ont en soi ou sur soi quelque chose. Ce monument porte telle inscription.
   Ce que je veux de toi porte le caractère D'une vertu plus haute et digne de te plaire, CORN. Perth. III, 3.
   Un ridicule qui porte un caractère d'agrément, MONTCRIF dans DESFONTAINES.
   L'univers porte encor les marques du chaos, BERNIS Poés. div. Mond. poét..
   Porter en soi quelque honte, avoir en soi quelque chose de honteux.
   Accepter de l'argent porte en soi quelque honte, CORN. Suite du Ment. I, 2.
   Cela porte son excuse avec soi, se dit d'un empêchement légitime qu'on allègue, pour s'excuser de n'avoir pas fait quelque chose.
   Cette viande porte sa sauce, ce fruit porte son sucre, la sauce, le sucre n'est pas nécessaire à cette viande, à ce fruit.
19°   Fig. Porter quelqu'un à, le faire parvenir à.
   Moins pour me seoir si haut, que pour vous y porter, CORN. Othon, III, 3.
   S'étant élevés jusqu'à un certain degré où ils [les anciens] nous ont portés, le moindre effort nous fait monter plus haut ; et avec moins de peine et moins de gloire nous nous trouvons au-dessus d'eux, PASC. Fragm. sur le vide..
   Pour vous porter au trône où vous n'osiez prétendre, RAC. Mithr. IV, 4.
   Vous m'avez porté à cette haute dignité par des acclamations et des voeux publics qui me sont peut-être plus glorieux que la dignité même dont vous m'avez honoré, VERTOT Révol. rom. XII, 187.
   Aider de son crédit, favoriser. Il y a des personnes puissantes qui le portent.
   Le duc d'Orléans me croyait trop jacobite, il se persuadait que ma haine pour Noailles et mon éloignement de Canillac m'en donnaient pour les Anglais qu'ils portaient, SAINT-SIMON 444, 185.
   Porter, se dit d'électeurs qui sont décidés à donner leurs voix à un candidat. Il est porté par la majeure partie des électeurs. Qui portons-nous ?
20°   Fig. Induire, exciter, pousser à, en parlant des personnes.
   Elle m'a.... Tant dit qu'au désespoir je porterais son âme, Si je lui refusais ce qu'exige sa flamme, MOL. Éc. des maris, III, 2.
   Il [Clovis] gagna sur les Allemands la bataille de Tolbiac par le voeu qu'il fit d'embrasser la religion chrétienne, à laquelle Clotilde sa femme ne cessait de le porter, BOSSUET Hist. I, 11.
   Quel démon vous irrite et vous porte à médire ? Un livre vous déplaît ; qui vous force à le lire ?, BOILEAU Sat. IX..
   La force qui met nos esprits en mouvement, c'est la volonté de Dieu qui nous anime et qui nous porte vers le bien, MALEBR. Rech. vér. éclairc. liv. VI, t. IV, p. 315, dans POUGENS..
   Être porté d'amitié pour quelqu'un, avoir de l'amitié pour lui.
   Il se dit aussi des choses qui poussent, excitent.
   Je suis marri que la colère Me porte jusqu'à lui déplaire, MALH. V, 10.
   Je crois qu'un bon dessein dans le cloître te porte...., CORN. Place roy. V, 8.
   D'autres soins éteindront cette ardeur de vengeance ; Ceux de vous agrandir vous porteront ailleurs, CORN. Sertor. III, 4.
   Les tentations qui le portent au péché, PASC. Prov. IV.
   Il est impossible que cette surprise ne fasse rire, parce que rien n'y porte davantage qu'une disproportion surprenante entre ce qu'on attend et ce qu'on voit, PASC. ib. XI.
   Voyez un peu où me porte le libertinage de ma plume, SÉV. 5 janv. 1689.
   Qui sait même où m'allait porter ce repentir ?, RAC. Phèdre, IV, 5.
   Quelques heureux essais d'éloquence le portèrent d'abord vers le barreau, MAIRAN Éloges, Lémery.
   Absolument.
   Et sur ces grands objets qui doivent porter à Dieu, vous vous trouvez embarrassé dans votre religion sur ce qui se passe à Rome et au conclave, SÉV. à Coulanges, 26 juillet 1691.
   Des accents de langueur qui, répandus sur le calme des eaux ou se mêlant à leur murmure, portent au recueillement et à la mélancolie, BUFF. Ois. t. XIV, p. 333.
   Le spectacle de la nature, qui porte à la rêverie, STAËL Corinne, XVII, 2.
21°   Fig. Supporter, souffrir.
   Ce coup est un peu rude à l'esprit le plus fort ; Et je doute comment vous portez cette mort, CORN. Hor. v, 11.
   En consentant à prendre la robe d'un esclave, il a consenti à en porter toute l'ignominie, BOURD. Exhort. sur la flagell. de J. C. t. II, p. 77.
   Sans doute on ne veut pas que, mêlant nos douleurs, Nous nous aidions l'un l'autre à porter nos malheurs, RAC. Brit. I, 3.
   J'aurais beaucoup de choses à vous proposer ; mais vous ne pouvez pas les porter maintenant, FÉN. t. XVII, p. 162.
   Nous craignons comme le dernier des malheurs qu'on nous en prive [du temps] pour toujours, et nous craignons presque comme un malheur égal d'en porter l'ennui et la durée, MASS. Carême, Temps.
   Dès que ce spectacle de vanité ne nous environne point, on porte impatiemment le silence et la solitude qui nous suit, MASS. Confér. Zèle contre les vices.
22°   Fig. Porter bien le vin, en boire beaucoup sans s'enivrer ; porter mal le vin, s'enivrer vite.
   L'épitaphe de ce prince [Darius], où il se vante d'avoir eu le mérite de boire beaucoup et de bien porter le vin, montre que c'était là véritablement une gloire chez les Perses, ROLLIN Hist. anc. Oeuvr. t. III, p. 165, dans POUGENS.
   Ce vin porte bien l'eau, il conserve une partie de sa force quoiqu'on y mette de l'eau. On dit dans le sens contraire : il ne porte pas l'eau.
23°   Soumettre à une juridiction.
   Ils [les rois] ne portaient point d'affaires au peuple qu'elles n'eussent été délibérées dans le sénat, MONTESQ. Esp. XI, 12.
   On faisait un crime à Lalli de ne s'être pas emparé de ce poste, nommé Chetoupet, avant d'aller à Madras ; tous les maréchaux de France assemblés auraient eu bien de la peine à décider de si loin si on devait assiéger Chetoupet ou non ; et on portait cette question à la grand'chambre, VOLT. Pol. et lég. Fragm. Hist. Inde, 19.
   Les habitants des îles et des villes soumises à la république sont obligés de porter leurs affaires aux tribunaux d'Athènes, pour qu'elles y soient jugées en dernier ressort, BARTHÉL. Anach. ch. 16.
   Je porte ma tête à la justice du roi, si je suis coupable ; mais, si c'est M. de Montaigu qui l'est, je porte ma plainte aux pieds du trône, J. J. ROUSS. Lett. à M. du Theil, Corresp. t. IV, p. 219. dans POUGENS.
   Porter plainte, adresser à une autorité une plainte contre quelqu'un.
   De tous côtés, on portait des plaintes au parlement de refus de sacrements, VOLT. Hist. parlem. 65.
   Environ deux années auparavant, le cardinal de Polignac avait déjà porté plainte contre l'abbé de Saint-Pierre, à l'occasion du mémoire de ce dernier sur l'établissement de la taille proportionnelle, D'ALEMB. Éloges, l'ab. de St-P..
24°   Fig. Porter une loi, un arrêt, établir une loi, rendre un arrêt.
   L'an de Rome 428, les consuls portèrent une loi qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en servitude dans leurs maisons, MONTESQ. Esp. XII, 21.
   Souillé de trois divorces et du sang de deux femmes, il [Henri VIII] fit porter une loi dont la honte et la cruauté sont égales : c'est que tout homme qui sera instruit d'une galanterie de la reine doit l'accuser sous peine de haute trahison, VOLT. Moeurs, 135.
   Quand l'arrêt est porté, qui conseille est coupable, VOLT. Orph. v, 2.
   Pour contenir tant de nations diverses et si ennemies les unes des autres, il a été porté des lois atroces, RAYNAL Hist. phil. II, 19.
   Porter un arrêt, se dit aussi de la simple décision d'une volonté.
   L'arrêt qu'en ta faveur aura porté ma fille...., VOLT. Scythes, I, 2.
   Porter un jugement, porter son jugement d'une chose, sur une chose, la juger, l'apprécier.
25°   Fig. Inscrire. Porter quelqu'un sur une liste.
   Au lieu de fatiguer les conjurés de quantité de petites corrections qu'il faudrait porter sur l'ancien exemplaire, j'envoie un cinquième acte bien propre [du Triumvirat], VOLT. Lett. d'Argental, 11 janv. 1764.
   Il se trouva plus d'une fois des articles qui n'étaient pas portés sur les factures, RAYNAL Hist. philosophique, VII, 32.
   Dans le même sens, porter à compte, en recette, en débet, au crédit.
26°   Fig. Exprimer, déclarer. L'ordonnance porte que.... Que porte la lettre que vous avez reçue ? La traduction ne reproduit pas exactement ce que porte le texte.
   L'arrêt porte restitution de fonds, BOSSUET Lett. abb. 82.
   La tradition portait que les armées de Sémiramis et de Cyrus avaient péri dans ces déserts, MONTESQ. Espr. XXI, 8.
27°   Fig. Évaluer.
   On dit que son mari [le duc de Choiseul] a autant de dettes qu'il a fait de belles actions ; on les porte à plus de deux millions, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 19 janv. 1771.
28°   Fig. Causer, amener, entraîner avec soi, avec un nom de chose pour sujet.
   Après son action qui n'eut jamais d'égale, Le commerce entre nous porterait du scandale, MOL. Tart. IV, 1.
   Un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir ; la réalité exclut absence et déplaisir, PASC. Pens. XVI, 7, éd. HAVET.
   L'amitié que j'ai pour vous porte bien des peines et des amertumes avec elle, SÉV. à Mme de Grignan, 7 août 1675.
   Le péché en général porte séparation d'avec Dieu, et attache très intime avec la créature, BOSSUET 3e sermon, Passion, 2.
   Une pensée neuve, forte, juste, lumineuse porte avec elle son expression, D'ALEMB. Mél litt. Oeuv. t. III, p. 153, dans POUGENS.
29°   Fig. Avoir telle dimension.
   J'ai fait abattre deux chênes fort lisses, dont la tige portait plus de vingt-cinq pieds sans aucunes grosses branches, BUFF. Hist. nat. part. expér. Oeuv. t. VIII, p. 221.
   Terme de maçon. Cette pierre porte tant de long et de gros, elle a tant de longueur et de grosseur.
30°   Fig. Comporter.
   S'ils n'ont pas plus d'esprit que ne porte leur condition, LA BRUY. IX..
31°   V. n. Être soutenu, être posé sur. Tout l'édifice porte sur ces colonnes.
   L'autre exige que mon corps porte sur mes genoux, MONTESQ. Lett. pers. 46.
   Fig.
   Sa confiance doit porter sur l'autorité de la raison, J. J. ROUSS. Ém. IV.
   C'est un tissu d'idées qui ne portent sur rien, DIDER. Mém. t. IV, p. 312, dans POUGENS.
   Porter à fond, en parlant d'une construction, reposer sur son fondement.
   On dit aussi dans la même acception : porter de fond.
   Porter à cru, reposer directement sur le sol même.
   Porter à faux, ne pas porter directement sur la base, sur le point d'appui, être mal posé, être hors de son aplomb. Cette poutre porte à faux.
   Substantivement, un porte à faux, un endroit d'une construction qui est hors de son aplomb. Il y a dans l'Église de Saint-Denis plusieurs porte à faux. Ce mur est hors d'aplomb, il est en porte à faux.
   Porter à faux, se dit aussi des parties en saillie, d'un balcon par exemple.
   Fig. Porter à faux, se dit de raisonnements, de propositions dont le principe est vicieux, ou qui ne sont pas d'accord avec leur principe.
   Je vous remercie de l'Anti-financier ; l'ouvrage est violent, et porte à faux d'un bout à l'autre, VOLT. Lett. Damilaville, 18 janv. 1764.
   La selle de ce cheval porte sur le garrot, elle touche ce cheval sur le garrot.
   Ce carrosse porte sur la flèche, il touche, il bat la flèche quand il est en mouvement.
   Tirer à bout portant, tirer en appuyant le bout de l'arme sur le corps de quelqu'un ou du moins de fort près.
   Fig. Dire quelque chose à bout portant, dire en face quelque chose de fâcheux, de direct.
   On sent bien le reproche, il est à bout portant, FAGAN Rendez-vous, sc. 5.
32°   Se dit de la glace qui est en état de soutenir les hommes, les voitures. Il a gelé fortement, la glace porte.
   Le fleuve était pris, il portait : le cours des glaçons, que jusque-là il charriait, contrarié par un brusque contour de ses rives, s'était suspendu, SÉGUR Hist. de Nap. X, 8.
33°   Terme de blason. Avoir dans ses armes une certaine couleur. Il porte de gueules.
   Cette maison de Montfort portait d'argent à la croix de gueules, givrée d'or, SAINT-SIMON 188, 9.
34°   Faire les commissions. Cette femme a longtemps porté pour une marchande de modes.
35°   Atteindre, en parlant des armes de jet, des projectiles, et de tout ce qu'on lance. Une longue carabine qui portait fort loin. Tous les traits ont porté. Le boulet ne porta que jusqu'au pied de la muraille.
   Le premier soutenant que le canon porterait au delà d'une hauteur voisine ; l'autre, au contraire, qu'il n'y porterait pas, PELLISSON Lett. hist. t. I, p. 380, dans POUGENS.
   Le prince d'Harcourt et la Feuillade eurent querelle avant-hier..., le prince lui jeta une assiette à la tête, l'autre lui jeta un couteau ; ni l'un ni l'autre ne porta, SÉV. à Bussy, 25 nov. 1655.
   Fig.
   Les coups de canon que l'on tira à Bordeaux avaient porté jusqu'à Paris, avant même que l'on y eût mis le feu, RETZ Mém. t. II, liv. III, p. 17, dans POUGENS.
   Ton triomphe est parfait ; tous tes traits ont porté, RAC. Phèdre, III, 2.
   Il se dit également des coups d'armes à feu ou autres. La blessure est dangereuse, le coup a porté sur l'os.
   Porter juste, toucher au but, l'atteindre. Le coup a porté juste.
   Fig. Il se dit de ce qui fait impression, est décisif.
   Il n'y a pas un mot dans la vôtre [lettre] qui ne porte ; on ne voudrait ni en ôter ni en mettre un seul, SÉV. à Bussy, 10 sept. 1681.
   Fig. Porter contre, être défavorable, en parlant des choses.
   Par la même raison qu'il [Jurieu] a convaincu Luther d'impiété, il s'en est convaincu lui-même, et sa preuve porte contre lui, BOSSUET 2e avert. 9.
   Fig. Je ne vois point où porte ce discours, je n'en vois pas l'intention.
   Fig. Cette observation, cette objection porte sur telle chose, elle a telle chose pour objet.
36°   Parcourir une certaine étendue, en parlant du son, du regard. Sa vue porte loin. Le bruit du canon portait à plusieurs lieues.
   Il se dit du vent, en un sens analogue. Quand le vent porte, on entend le bruit de la cascade jusqu'ici.
37°   Heurter, toucher. La tête a porté contre une pierre.
   Au jeu de paume, la balle a porté sur le toit, sur les deux toits, elle y a touché.
   La balle porte au mur, ou, absolument, la balle porte, de son premier bond elle touche au mur qui la renvoie.
38°   Terme de marine. Avancer vers.
   Le Fortuné tira l'Adroit de l'embarras où le gros vaisseau l'aurait pu mettre ; il porta dessus et fit prendre le parti de faire..., Rapport de J. Bart, 11 juill. 1694, dans JAL.
   Porter au sud, au nord, etc. gouverner, faire route au sud, au nord.
   On dit de même. porter au large, porter à terre.
   Porter à telle aire de vent, gouverner à cette aire de vent.
   Porter plein ou bon plein, gouverner de manière à avoir du largue dans les voiles.
   Faire porter, remplir, gonfler de vent une voile ou les voiles.
   Nous découvrîmes, à dix ou douze lieues de Naples, les quatorze vaisseaux hollandais.... nous fîmes porter à toutes voiles sur ces vaisseaux qui étaient sous le vent, Mém. de Villette, 1677, dans JAL.
   Laisser porter, laisser arriver.
   On dit qu'un courant porte à telle aire de vent, pour dire qu'il prend la direction de tel rumb.
   Des courants rapides qui portent quelquefois à l'est, et quelquefois à l'ouest, BUACHE Inst. Mém. scienc. mor. et pol. t. V, p. 37.
   On dit qu'une voile porte, quand elle reçoit le vent sur sa face postérieure et fait avancer le navire.
   Une voile porte à culer quand elle est disposée de manière à faire marcher le navire dans le sens de la poupe.
39°   Terme de couture. Faire porter signifie qu'en assemblant deux morceaux quelconques, on a fait plisser légèrement un des côtés sur l'autre, de façon qu'un des deux morceaux soit plus long que l'autre ; synonyme d'emboire. Cette couture porte, est portée. Vous avez fait porter votre couture.
40°   Fig. Il se dit de quelque mal ou dommage. Dans le combat, la perte a porte surtout sur l'aile gauche. La maladie porta sur ceux qui avaient le plus souffert de privations.
41°   Porter à la tête, se dit d'une liqueur, d'une odeur, d'une chaleur qui étourdit, qui en-tête.
   Mlle Pulchérie lui avait assuré que le feu lui portait à la tête, et qu'elle voulait s'accoutumer à s'en passer, GENLIS Veillées du chât. t. II, p. 531, dans POUGENS.
   Porter sur les nerfs, les agacer.
   Ce n'est pas ma faute si les étrangetés dont nous sommes bernés me portent sur les nerfs, G. SAND Famille de Germandre..
42°   Se porter, v. réfl. Être porté, soutenu comme un faix. Les pots au lait se portent sur la tête.
   Se porter, se dit de gens tellement serrés que leurs pieds ne touchent plus la terre. Il y avait tant de monde qu'on se portait.
   Se porter soi-même.
   Le sage, se portant partout avec lui, porte aussi son bonheur, J. J. ROUSS. Hél. I, 65.
Aller, se transporter. Le roi s'y porta de sa personne. Tout le monde se porte de ce côté.
   On s'y portait [au discours de réception de M. de Noyon] dans le désir d'en faire sa cour au roi, et dans l'espérance de s'y divertir, SAINT-SIMON 14, 23.
   Cette grande barge rousse qui se trouve sur nos côtes et sur celles d'Angleterre se porte également sur les côtes de Barbarie, BUFF. Ois. t. XIV, p. 287.
   Il se dit, dans un sens analogue, des choses qui se meuvent. Le sang s'est porté à la tête.
   Quel Louvre ! un vrai charnier dont l'odeur se porta D'abord au nez des gens, LA FONT. Fabl. VII, 7.
   Fig. Se diriger, en parlant du regard, de la pensée, de l'attention, etc.
   C'est sur toutes ces choses que l'éducation se porte, MONTESQ. Esp. IV, 2.
   À Smolensk, une fièvre d'hésitation s'empare de lui ; ses regards se portent sur Kief, Pétersbourg et Moscou, SÉGUR Histoire de Napoléon, VI, 9.
44°   Être porté comme vêtement. Cette étoffe ne se porte plus.
45°   Fig. Agir de telle ou telle manière dans certaines occasions. Il s'y est porté un peu mollement.
   Un combat général où Vannius fut défait après s'être porté vaillamment, PERROT Tac. 356.
46°   Fig. Avoir disposition à, inclination pour.
   Au lieu que vous les aviez menacés de leur faire signer cette constitution, quand vous pensiez qu'ils y résisteraient, lorsque vous vîtes qu'ils s'y portaient d'eux-mêmes, vous n'en parlâtes plus, PASC. Prov. XVII.
   On ne conclut rien, et l'on ne se porte à rien, parce qu'on n'y pense point, BOURDAL. Serm. 19e dim. après la Pentec. Dominic. t. IV, p. 202.
   Monsieur, ne craignez rien ; Isabelle toujours doit se porter au bien, REGNARD Ménech. III, 8.
   Il [Louis XIV] se porta de lui-même, dans le cours de sa maladie, à donner au duc du Maine une distinction dont le duc d'Orléans fut vivement piqué, STAAL Mém. t. I, p. 277.
   Mais, bien loin de sauver son amant du pillage, C'est elle qui s'y porte avec plus de courage, DESTOUCH. Diss. II, 1.
   Se porter, se laisser emporter à, aller à.
   Volage, fallait-il pour un peu de rudesse Vous porter si soudain à changer de maîtresse ?, CORN. Gal. du Pal. V, 4.
   Comment, mon père, c'est vous qui vous portez à ces honteuses actions ?, MOL. l'Av. II, 2.
   Nous donnons à tous les meilleurs ordres que nous pouvons ; j'admire comme on se porte naturellement à ce qui touche le goût, SÉV. 3 mai 1680.
   Il ne faut pas trouver étrange, si, Jésus leur prêchant [aux Juifs] ce qu'il avait appris au sein de son père, ils se portent à la dernière fureur et se résolvent de le mettre à mort, BOSSUET Sermons, Sur l'Église, 1.
   À quels excès ne se porte-t-on pas contre des concurrents qui se présentent et qui font ombrage ?, BOURD. 1er dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 53.
   Jusques où les hommes ne se portent-ils point par l'intérêt de la religion, dont ils sont si peu persuadés, et qu'ils pratiquent si mal ?, LA BRUY. XVI.
   Se porter à la dernière extrémité, à des extrémités contre quelqu'un, exercer sur lui des actes de violence, d'emportement.
   Se porter à des excès contre quelqu'un, même sens.
47°   Fig. Se porter bien, être en bonne santé ; se porter mal, être malade, indisposé.
   Comment vous portez-vous ? c'est-à-dire quel est l'état de votre santé ? Il est vrai que ce n'est que de la santé dont il est question en ce monde ; comment vous portez-vous ? comment vous portez-vous ? et l'on ignore entièrement ce qui touche cette science qui nous est si nécessaire, SÉV. 387.
   Rien de plus agréable que de se bien porter, et de savoir qu'il y a des gens qui craignent qu'on ne se porte mal, MAINTENON Lett. à d'Aubigné, 24 juill. 1680.
   Il se dit aussi des animaux.
   Elle [l'intelligence humaine] les voit [les bêtes] vivre et mourir, être malades et se porter bien, à peu près comme font les hommes, BOSSUET Conn. V, 1.
   M. Brinkenhof, ayant fait accoupler des chameaux.... a obtenu un petit chameau qui se porte bien, BUFF. Quadrup. t. IX, p. 175.
   Fig. Ses affaires se portent mal, c'est-à-dire il est dans une situation fâcheuse, critique.
   Ainsi, de tous côtés primé par un rival, Ses affaires sans moi se porteraient fort mal, CORN. Veuve, II, 5.
48°   Fig. Se porter, se présenter comme candidat à une élection. Il se porte dans le département des Vosges.
49°   Fig.
   Prendre une qualité et agir en conséquence L'infâme Barcochébas, un voleur, un scélérat, parce que son nom signifiait le fils de l'étoile, se disait l'étoile de Jacob prédite au livre des Nombres, et se porta pour le Christ, BOSSUET Hist. II, 9.
   Une duègne qui se portait pour gouvernante, HAMILT. Gramm. 6.
   Il se porte pour amant déclaré, HAMILT. ib. 11.
   Ces premiers poëtes n'eurent qu'à se porter pour inspirés par les dieux, pour envoyés des dieux, pour enfants des dieux, on les en crut, FONT. Sur la poés. en gén. Oeuv. t. VIII, p. 286, dans POUGENS..
   Se porter fort pour quelqu'un, l'appuyer, répondre de son consentement.
   Terme de jurisprudence. Se porter partie contre quelqu'un, intervenir contre lui dans un procès.
   Se porter pour appelant, interjeter appel d'une sentence.
   Se porter héritier, ou pour héritier, prendre la qualité d'héritier et agir en conséquence.
50°   S. m. Ces gants sont d'un bon porter.
PROVERBES
   Argent comptant porte médecine.
   La nuit porte conseil, c'est-à-dire il est bon de laisser passer une nuit, et, en général, du temps sur un parti à prendre.
   XIe s.
   An dreit Taison espeiret arriver, Mais ne puet estre, ailurs l'estot aler [il lui faut aller ailleurs] ; An dreit à Rome les portet li orez [le vent], St Alexis, XXXIX.
   De l'altre dei qui porte l'anel, Lois de Guill. 13.
   Branches d'olive en vos mains porterez, Ch. de Rol. v.
   Ne vus ne il n'i porterez les piez, ib. XVIII.
   Qu'à Marsilion [il] me portast mon message, ib. XX.
   Tant vus [mon épée] aurai en curt à rei portée, ib. XXXV.
   Mult [il] se fait fier de ses armes porter, ib. LXX.
   Ce dist Rolanz : purquei me portez ire ?, ib. CXXIX.
   XIIe s.
   E si vos les volez saver [savoir les nouvelles], mandez qui les vos port, Machab. II, 2.
   Vous porterez ma chartre, où li seax d'or pend, Sax. XXI.
   Plus biaux princes de lui [que lui] ne put porter escu, ib. XXVIII.
   Sire, li reis vus ad porté grand amistié : Bien li devriez faire co qu'il vus ad preié, Th. le mart. 25.
   XIIIe s.
   Ce qu'on a tant porté, Quant chiet [tombe], adès en poise [on en a toujours du chagrin], Hist. litt. t. XXIII, p. 572. Et li Grieu [les Grecs] les commencierent à enhaïr et à porter mauvais cuer, VILLEH. CXXVI.
   [Elle] De tout portoit les cles, qu'elle l'ot deservi [mérité], Berte, LIX.
   Et mainte grant riviere qui bien porte navie, ib. LXXII.
   Com je vous ai porté mauvaise compaignie !, ib. CX.
   Ma mescheance [j'] ai, sire [Dieu], pour vous en gré portée, ib. CXXVI.
   À cinq labiaus de gueule l'ainsnés fils le porta [porta l'écu], ib. CXXXI.
   Les escus [il] froisse et fent com s'il fussent d'escorce ; à chevalier n'assemble qu'à terre ne le porce, AUDEFROI LE BAST. Romancero, p. 19.
   La boucle d'une pierre fu, Qui ot grant force et grant vertu ; Car cis qui sor soi la portoit Nesuns venins ne redotoit, la Rose, 1077.
   Atant s'en entrent tot es nes [dans les navires] ; Or ont boin vent et bien portant, Fl. et Bl. 114.
   Si vous cri merci jointes paumes, Que cis las dolereus Guillaumes, Qui si bien s'est vers moi portés [comporté], Soit secorus et confortés, ib. 10695.
   Tout li enfant que cele porte qui est serve sont serf, tout soit ce que li peres soit frans hons, BEAUMANOIR XLV, 45.
   On ne croit pas que tex teroirs puist tel vin porter, BEAUMANOIR XLV, 14.
   Et l'un des Turs porta un chevalier du Temple à terre, JOINV. 419.
   XIVe s.
   Il me souffist, se je tout seul porte mes infortunes, ORESME Eth. 290.
   Et as choses maintenant dites font et portent tesmoignage et signe de verité aucunes ordenances propres...., ORESME ib. 72.
   Pour ce se porta il folement et sotement, ORESME ib. 201.
   Car le vin fait souvent d'ire maint fol parler, Et s'en doit bien garder qui ne le peut porter, Guesclin. 22113.
   XVe s.
   Dieu merci ! je me porte assez bien ; mais j'avois plus d'argent quant je faisois guerre pour la partie du roi d'Angleterre, FROISS. II, III, 24.
   Ainsi se porta celle journée, et n'y eut rien fait, non chose qui fasse à recorder, FROISS. I, I, 91.
   Et s'en alla denoncer audit messire Hervey, et dire la besogne ainsi comme elle se portoit, FROISS. I, I, 177.
   Les barons qui demeurés estoient et le remenant du pays, ne le [Hue le Despensier] purent plus porter [supporter], FROISS. I, I, 9.
   Au regard de celle que j'ayme loyaulment, elle me suffit très bien ; mais à ce que vous voulez porter la vostre plus belle que la myenne, cela ne pourroye souffrir, ains deffendray sa beauté à l'encontre de tous autres, Perceforest, t. V, f° 21.
   Or en as tu assez et plus que porter n'en pues [tu n'en peux porter], AL. CHART. Quadril. invect..
   Quelles nouvelles, ma maistresse ? Comment se portent nos amours ?, CH. D'ORL. Ball. 14.
   E stendoit ses limites plus avant que le traicté ne portoit, COMM. III, 1.
   Je sçay bien que ma langue m'a porté grant dommage, COMM. I, 10.
   Le duc de Bourgogne portoit fort grant honneur aux ambassadeurs et gens estranges, COMM. V, 9.
   Autant que la veue pouvoit porter, COMM. I, 6.
   Sa personne pouvoit assez porter le travail qui luy estoit necessaire, COMM. III, 3.
   Je luy ose bien porter ceste louenge, et ne sçay si je l'ay dit ailleurs, COMM. III, 12.
   XVIe s.
   J'ay faict de diligence ce que la compaignie que je mene en a peu porter, MARG. Lett. 41.
   Madame s'est bien portée jusques à ceste nuict qu'elle a eu peur d'avoir sa goutte, MARG. ib. 52.
   Vous savés combien vostre paine est necessaire aux affaires dont vous portés le faix, MARG. ib. 64.
   Le desir que j'ay de savoir comme se porte votre santé ne me laisse passer en ce lieu sans vous escripre, MARG. ib. 17.
   Comme les occasions de la guerre le portent [comportent] souvent, MONT. I, 49.
   Quelque masque qu'ils portent, MONT. I, 108.
   Je regarde tousjours comment s'en est porté le bout [de la vie], ID. I, 68.
   La main se porte souvent où nous ne l'envoyons pas, MONT. I, 98.
   On peult se porter excessivement en une action juste, MONT. I, 233.
   Ceulx ci portent leurs testes tousjours couvertes de beguins, MONT. I, 260.
   Le pape Boniface huitiesme entra, dict on, en sa charge comme un regnard, s'y porta comme un lion et morut comme un chien, MONT. II, 1.
   Lorsqu'ils commençoient à porter les armes, MONT. II, 83.
   Ny les traicts ny les glaives ne portent que par le congé de nostre fatalité, MONT. III, 132.
   Il est porté par leurs loix, que le larron soit condamné en amende pour le larecin, LA BOÉTIE 219.
   La terre qui porte des herbes sauvages, LA BOÉTIE 227.
   Le bon renom qu'acquiert celui qu'on void qui se porte en toute douceur et facilité avec ses semblables, LANOUE 47.
   Et qui s'assujettira aux coustumes domestiques, portera obeissance aux lois publiques, LANOUE ib..
   Le zele que chascun porte à sa religion, LANOUE 67.
   Le noble a davantage d'obligation que l'ignoble à se porter vertueusement, LANOUE 186.
   Tirant de près, les coups portent, qu'ils adressent tousjours aux cuisses ou aux visages, LANOUE 313.
   N'esperant plus que ses affaires se portassent jamais comme il desiroit, AMYOT Thés. 43.
   Le temps prefix à porter le deuil estoit fort court, AMYOT Lyc. 56.
   Proculus et Velesus porterent la parole, AMYOT Numa, 9.
   Il estoit singulierement aimé et porté des gens de bien, AMYOT Péric. 11.
   Il fut eleu consul contre sa voulunté, non jà pour affection que le peuple portoit à ce Lepidus, mais pour gratifier à Pompeius, qui le portoit et luy favorisoit, AMYOT Sylla, 70.
   Agesilaus, encore qu'il se portoit fort mal, à cause de plusieurs bleceures...., AMYOT Agésil. 28.
   Je suis demourée pour porter encore malheur au grand Pompeius, AMYOT Pomp. 105.
   Et ne seroit sa charge gueres vacante, car vous estes icy tout porté pour lui succeder, CARL. I, 38.
   La Mozelle est si glacée qu'elle porte, CARL. V, 8.
   L'eau de la mer soustient et porte, sans comparaison, plus facilement que la douce des fleuves, PARÉ I, 35.
   Qui rien ne porte, rien ne lui chet [tombe], COTGRAVE .
   Bourguig. potai ; Berry, pourter ; provenç. et espagn. portar ; ital. portare ; du lat. portare, qui est un dénominatif issu d'un participe passé portum (qu'on ne trouve pas), comme tutari l'est de tutum, qui vient de tueor ; portum tient au radical grec, j'apportai (voy. porte).
————————
porter 2.
(por-tèr) s. m.
Espèce de bière forte d'Angleterre.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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