- poison
- (poi-zon) s. m.1° Nom générique de toutes les substances qui, introduites dans l'économie animale, soit par l'absorption cutanée, soit par la respiration, soit par les voies digestives, agissent d'une manière assez nuisible sur le tissu des organes, pour compromettre la vie ou déterminer très promptement la mort (voy. venin).• Le roi.... eût livré ce grand homme [Annibal], S'il n'eût par le poison lui-même évité Rome, CORN. Nicom. I, 1.• Elle [la duchesse d'Orléans] disait toutes ces choses en anglais, et, comme le mot de poison est commun à la langue française et à l'anglaise, M. Feuillet l'entendit et interrompit la conversation, disant qu'il fallait sacrifier sa vie à Dieu et ne pas penser à autre chose, Mme LA FAY. Hist. Henr. d'Angl..• J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines Un poison que Médée apporta dans Athènes, RAC. Phèdre, V, 7.• Et le fer est moins prompt pour trancher une vie Que le nouveau poison que sa main me confie, RAC. Brit. IV, 4.• Si la terre produit des poisons comme des aliments salutaires, VOLT. Jenni, 9.• Il fallait du courage, comme Storch, pour essayer sur soi-même les poisons [ciguë] qu'il voulait offrir aux autres comme des spécifiques, SENNEBIER Art d'observ. t. I, p. 420, dans POUGENS.• Mon père en ce palais est mort par le poison, DUCIS Hamlet, II, 5.Cour des poisons, chambre royale établie à l'Arsenal en 1679, pour connaître et juger les crimes d'empoisonnement, maléfice, sacrilège et fausse monnaie.Terme de pratique. Crime d'empoisonnement. Accusation de poison.2° Par exagération, breuvage, nourriture de mauvaise qualité.• Toutefois avec l'eau que j'y mets à foison, J'espérais adoucir la force du poison, BOILEAU Sat. III.3° Fig. Maxime pernicieuse, discours, écrit corrupteur.• Et si l'erreur s'épand jusqu'en nos garnisons, Elle y pourra semer de dangereux poisons, CORN. Sertor. IV, 3.• Il répand tant de poison dans ses discours, BOSSUET Var. 9.• Des poisons qu'un flatteur distille, C'était à qui le nourrirait, BÉRANG. Étoiles qui f..• Qui dit pamphlet dit un écrit tout plein de poison. -De poison ?, -Oui, monsieur, et du plus détestable, sans quoi on ne le lirait pas, s'il n'y avait du poison ; non, le monde est ainsi fait ; on aime le poison dans tout ce qui s'imprime, P. L. COUR. Pamphlet des pamphlets.Le poison de l'hérésie, les dogmes des hérétiques.4° Fig. Tout ce qui trouble la raison, agite le coeur.• La crainte, le regret, le déplaisir et tout ce qu'il y a de poisons froids dans l'amour, VOIT. Oeuv. t. II, p. 10, dans POUGENS.• Enfin, je fis du poison de tout, et je vins voir Bélasire, plus désespéré et plus en colère que je ne l'avais jamais été, LA FAY. Zayde, Oeuv. t. I, p. 214, dans POUGENS.• C'est un poison pour vous que la tristesse, et c'est la source des vapeurs, SÉV. à Bussy, 9 oct. 1675.• L'orgueil, qui est presque inséparable de la faveur, est un poison pénétrant et subtil qui se glisse insensiblement dans l'âme des grands, FLÉCH. Mme de Montausier..• D'un regard enchanteur connaît-il le poison ?, RAC. Brit. II, 2.• Quel funeste poison L'amour a répandu sur toute sa maison !, RAC. Phèdre, III, 6.• Tout le reste n'a servi qu'à augmenter le poison qui brûle déjà dans mon coeur, FÉN. Tél. IV.• Défiez-vous de ces douces paroles ; ne lui ouvrez jamais votre coeur ; craignez le poison flatteur de ses louanges, FÉN. ib..• Quand ils [les princes] n'ont jamais goûté que le doux poison des prospérités, ils se croient des dieux, ils veulent que les montagnes s'aplanissent pour les contenter, FÉN. ib. XXIV.• De quel poison charmant je me sens pénétré !, VOLT. Samson, III, 3.• Heureux.... Pour qui les yeux n'ont point de suave poison !, A. CHÉN. Élégies, 15.5° Au féminin, dans le langage le plus trivial, une femme, une fille mauvaise comme du poison. Ampère raconte qu'il entendit une Canadienne qui appelait son enfant, dire : As-tu vu cette poison d'enfant ?Poison était autrefois féminin, comme le veut l'étymologie ; Malherbe lui a encore donné ce genre : César assiégeant Corfinium, Domitius, qui était dedans, commanda à un qui était son serviteur et son médecin tout ensemble de lui donner de la poison, le Traité des bienf. de Sénèque, III, 24. Ce genre se conserve dans la bouche du peuple.XIIIe s.• Que je vos ai la poison [potion] quise [cherchée], Qui bone est contre vostre mal, Ren. 19362.• Atten et sueffre la detrece Qui orendroit [maintenant] te cuit et blece ; Car ge sai bien par quel poison [potion] Tu seras tret à garison, la Rose, 2043.XIVe s.• Poisons pour tuer cerf ou sanglier, Ménagier, II, 5.XVIe s.• Le vin pur, qui autrement est un certain remede contre la poison de la ciguë, si vous le meslez avec le jus de la ciguë rend la force de la poison irremediable, AMYOT Com. discern. le flatt. 36.• Il est aysé de le garantir de l'impression de cette poison [l'éloquence], MONT. I, 381.• Colere, envie, despit, haine, avarice, cupidité, et toute affection particuliere, la poison mortelle du jugement et tout bon sentiment, CHARRON Sagesse, p. 412, dans LACURNE.Prov. poizo, poyzon ; espagn. pocion ; ital. pozione ; du lat. potionem, potion (voy. ce mot). Poison n'a signifié d'abord qu'un breuvage, puis, à la longue, s'est particularisé et a signifié un breuvage malfaisant. Le genre, qui naturellement était féminin, a changé vers le XVIe siècle.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.