- parade
- (pa-ra-d') s. f.1° Terme de manége. Arrêt d'un cheval qu'on manie (c'est le sens du mot espagnol parada, et c'est ce sens qui s'est introduit le premier). Un cheval sûr à la parade est un cheval qu'on arrête facilement dans sa course.Parade manquée, se dit lorsque le cheval qu'on veut arrêter s'arme de la bride, en haussant le dos.Lieu où ceux qui vendent des chevaux viennent habituellement les montrer aux acheteurs.2° De ce sens dans les manéges et les carrousels est venu le sens d'exhibition pompeuse, qui se liait d'ailleurs à parer, orner.Lit de parade, lit élevé sur lequel on expose, après leur mort, les personnages de grande distinction.• ....Des Mazarins l'insolente bravade Qui font voir d'Emery [surintendant des finances] en son lit de parade, Lui qu'on ne devait voir qu'en parade au gibet, GUI PATIN t. II, p. 19.• Son corps [de Newton] fut exposé sur un lit de parade dans la chambre de Jérusalem, endroit d'où l'on porte au lieu de leur sépulture les personnes du plus haut rang et quelquefois les têtes couronnées, FONTEN. Newton..• Il a été un temps où les rois et les reines, les princes et princesses étaient exposés après leur mort pendant quelques jours sur un lit de parade, dans une chapelle ardente, LEGRAND D'AUSSY Inst. Mém. sc. mor. et polit. t. II, p. 258.Lit de parade, se disait aussi d'un lit paré sur lequel les nouvelles mariées recevaient pendant quelques jours les visites de leurs connaissances.• On verra la jeune princesse de Guémené [nouvellement mariée] aujourd'hui en parade à l'hôtel de Guémené.... elle y recevra ses visites quatre jours de suite, SÉV. 8 déc. 1679.3° Terme de guerre. Revue qu'on fait passer aux troupes qui vont monter la garde.• Les douze cent mille hommes armés qui font la parade en Europe, pourront bien ne faire longtemps que la parade, VOLT. Lett. Levenhaupt, 13 fév. 1768.• L'esprit de Bonaparte n'est pas à Sainte-Hélène, il est ici dans les hautes classes ; on rêve, non des conquêtes, mais la grande parade ; on donne le mot d'ordre, on passe des revues, on est fort satisfait, P. L. COURIER Lettre au censeur, x..Populairement et fig. Défiler la parade, mourir.Marche que les chevaliers faisaient en bel ordre dans la lice avant de commencer les carrousels.4° Étalage, montre.• L'armée des Macédoniens néglige cette vaine parade [les belles armures], et elle n'a soin que de se conserver inébranlable, VAUGEL. Q. C. III, 2.• Fer, jadis tant à craindre, et, qui, dans cette offense, M'a servi de parade et non pas de défense, CORN. Cid, I, 7.• Paraître avec éclat mère dénaturée.... C'est mettre avec trop d'art la douleur en parade, CORN. Perth. III, 3.• On fait parade du luxe jusque dans l'église, et on le mène en triomphe aux yeux de Dieu même, BOSSUET Sermons, Nécess. de la vie, 2.• Que.... au milieu de l'argent et des diamants il mit en parade des sacs et des boisseaux, BOILEAU Du subl. XXXIV.• Jene compte pour rien la parade des carrosses et des laquais, HAMILT. Gramm. VII.• Ayant su d'ailleurs qu'ils avaient fait parade, dans plusieurs maisons, du premier volume de l'Émile que j'avais eu l'imprudence de leur prêter, J. J. ROUSS. Confess. XI.Terme de marine. Faire parade, orner un vaisseau de tous ses pavillons.De parade, se dit de ce qui est moins pour l'usage que pour l'ornement. Un meuble, un habit de parade.Fig.• Il faut composer un homme en lui-même, avant que de méditer quel rang on lui donnera parmi les autres ; et, si l'on ne travaille sur ce fonds, toutes les autres vertus, si éclatantes qu'elles puissent être, ne seront que des vertus de parade, BOSSUET 2e panég. saint Joseph, préambule..• Distinguons deux hommes en un, L'homme secret et l'homme de parade, LAMOTTE Fabl. II, 19.• Chez certaines femmes, les moeurs de parade et les moeurs négligées sont aussi différentes que la coiffure du jour et la coiffure de nuit, DUFRESNY Double veuvage, I, 10.• Il plaint ces voluptueux de parade, qui livrent leur vie entière à l'ennui pour paraître avoir du plaisir, J. J. ROUSS. Ém. IV.• Quiconque a le courage de paraître toujours ce qu'il est, deviendra tôt ou tard ce qu'il doit être ; mais il n'y a plus rien à espérer de ceux qui se font un caractère de parade, J. J. ROUSS. Lett. à Sophie, Corresp. t. v, p. 26, dans POUGENS.Fig. Faire parade d'une chose, en tirer vanité.• Ébloui du nouvel éclat Dont sa vanité fait parade, BOURSAULT Lett. nouv. t. II, p. 307, dans POUGENS.• Et il me semble qu'on m'avait voulu récompenser par là de ce que je n'avais point fait parade de ma vertu, FONTEN. Lucrèce, Barbe..On dit en un sens analogue : par parade.• La plupart de leurs belles sentences [des sages du monde] ne sont dites que par parade et par une gravité affectée, BOSSUET Sermons, Rosaire, préambule..5° Scènes burlesques données par les bateleurs à la porte de leur théâtre pour piquer la curiosité des passants et s'attirer des spectateurs.• Il ne dédaignait pas même de se prêter à ce genre de farce appelé parade, genre que le bon goût a enfin remis à sa place et relégué sur les balcons de la foire, D'ALEMB. Éloges, Moncrif..• Il est allé à cinq heures du soir à Versailles, où on lui prépare opéras, comédies, ballets, parades, etc., ID. Lett. au roi de Pr. 30 juillet 1781.Par extension.• M. de Maurepas était le premier homme du monde pour les parades ; il était célèbre pour ses bons mots, VOLT. Lett. Delisle, 10 juill. 1774.Par une autre extension, mauvaises pièces de théâtre.• Je ne crois pas qu'il y ait une ville de province dans laquelle on pût achever la représentation de ces parades qui ont été applaudies à Paris, VOLT. Lett. d'Argental, 2 sept. 1767.Fig.• Il [Diderot] a dit : Tu [Voltaire] as reçu les honneurs du triomphe dans la capitale la plus éclairée de l'univers.... et les critiques ont ajouté avec une hardiesse qui ne se dément pas : parade burlesque !, DIDER. Claude et Nér. II, 109.6° Fig. Vain semblant, étalage plein de fausseté. Ses larmes n'étaient qu'une parade. Il jouait une parade. Cette cérémonie ne fut qu'une parade.Parade politique, démonstrations politiques qui ne sont qu'une comédie.• Ménager ou menacer la cour, accroître sa puissance sous les règnes faibles, reculer ou composer avec les gouvernements absolus, voilà quel était [dans le parlement] le cercle de ces évolutions, de ces parades politiques, de ces intrigues souterraines, MIRABEAU Collection, t. III, p. 71.7° Terme d'escrime. Action de parer un coup. Parade prompte, ferme. Chaque botte doit avoir sa parade, ou moyen de la parer, même les bottes secrètes, Dict. des arts et mét. Maître d'armes.Fig.• Allant toujours à la parade, elle leur fit prendre le parti de...., SAINT-SIMON 130, 188.Fig. Il n'est pas heureux à la parade, c'est-à-dire il ne sait pas écarter une plaisanterie, un reproche.XVIe s.• Et fut environ quinze jours le corps de Henri II en parade mortuaire en un grande salle dressée dans les Tournelles, CONDÉ Mémoires, p. 546.• Les pilleurs, les emprunteurs mettent en parade leurs bastiments, leurs achapts, non ce qu'ils tirent d'aultruy, MONT. I, 162.• Sans pompe ny parade de suite, Sat. Mén. p. 3.• [Dames et demoiselles, dans un ballet] après avoir fait le tour de la salle pour la parade comme dans un camp, et après s'estre bien fait voir...., BRANT. Dames ill. p. 80, dans LACURNE.• Feu M. de Guise comparut ainsi en sa parade [habillement] et entrée de camp en un combat à cheval qui se fit un jour au Louvre aux nopces de M. de Joyeuse, BRANT. Cap. estr. t. I, p. 87.• La cavallerie estoit mieux en ordre que le reste ; mais, après avoir fait montre et parade en l'armée du duc, elle se defit incontinent, et ne servit quasi de rien, VILLEROY Mém. t. I, p. 288, dans LACURNE.• Si le cas est que ilz donnent argent pour distribution, vulgairement appelée parade [à l'offertoire, en un enterrement], DU CANGE parata..Espagn. parada, lieu de station, le temps d'arrêt d'un cheval de manége (voy. parer). L'écuyer brillait et faisait briller son cheval à la parade ; le mot parade s'introduisit en France sous François Ier, mais avec sa signification espagnole. Parade restait dans les carrousels, les manéges et les cérémonies ; ce fut sous le règne de Charles IX que certaine figure des carrousels, nommée jusqu'alors comparsa, prit le nom de parade. De là l'expression passa dans les troupes avec sa signification présente ; mais ce fut seulement pendant le règne de Louis XIV, à l'ordonnance du 25 juillet 1665, qu'il fut ordonné aux gardes françaises de faire parade.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.