- palais
- palais 1.(pa-lê ; l's se lie : un palê-z immense) s. m.1° Maison vaste et somptueuse qui sert de logement à un grand personnage.• Le nom du mont Palatin était Palatium, comme Capitolium celui du mont Capitolin ; ce mot palatium devint le nom de la maison d'Auguste, plus tard de l'ensemble d'édifices qui composaient le palais et finirent par couvrir la colline tout entière ; ce nom, qui fut d'abord celui d'un lieu où quelques pâtres campèrent, est resté dans presque toutes les langues modernes pour désigner la demeure des rois et des princes : singulière fortune d'un mot !, AMPÈRE l'Hist. rom. à Rome, t. I, p. 30.• Et puis qu'est un palais qu'une maison pompeuse... ?, ROTR. Vencesl. II, 1.• Que le chemin est court d'un palais au tombeau !, ROTR. Bélis. V, 4.• Dans ces superbes palais à qui Madame donnait un éclat que vos yeux recherchent encore, BOSSUET Duch. d'Orl..• Des portes du palais elle sort éperdue, RAC. Brit. V, 8.• Venez dans mon palais, vous y verrez ma gloire, RAC. Ath. II, 7.• Le vieux palais des rois de Babylone, situé au côté oriental du fleuve, avait trente stades de circuit, c'est-à-dire une lieue et demie, ROLLIN Hist. anc Oeuv. t. II, p. 31, dans POUGENS.• C'est ici le palais qu'ont bâti vos aïeux, VOLT. Zaïre, II, 3.• Huniaïou, fils de Babar, régna dans l'Inde avec des fortunes diverses ; c'était, dit-on, un bon astronome et plus grand astrologue ; il avait sept palais dédiés chacun à une planète, VOLT. Polit. et législ. Fragm. hist. sur l'Inde, XXXIII.• Dans nos palais, où près de la victoire Brillaient les arts, enfants des beaux climats, J'ai vu du nord les peuplades sans gloire De leurs manteaux secouer les frimas, BÉRANG. Dieu des bonnes gens.Poétiquement.• Ces faux dieux qui n'ont jamais foulé De ce palais roulant le lambris étoilé, ROTROU St Gen. III, 5.Les coutumes du palais, l'étiquette qu'on y observe.• Les coutumes et les bienséances du palais [en Espagne], BOSSUET Mar.-Thér..Révolution de palais, révolte qui a lieu dans l'intérieur du palais d'un souverain.Maire du palais, voy. maire.Palais national, nom donné aux Tuileries pendant la Révolution.Palais cardinal, le Palais-Royal, qui fut aussi appelé Palais Égalité et Palais du tribunat.Le palais du Luxembourg, celui où siége le sénat, ou siégeait la chambre des pairs.Palais du Corps législatif, celui où siége le corps législatif.Palais apostolique, la demeure du pape à Rome.2° On a donné à plusieurs livres le titre de Palais : le Palais de l'Honneur, le Palais de la Gloire.3° Par exagération, maison magnifique. C'est un palais.Il se dit également des maisons considérables de la plupart des villes d'Italie. Le palais Farnèse.4° Le Palais, ancienne résidence des rois de France, située là où est présentement à Paris le palais de justice.5° Le palais de justice, ou, absolument, le palais, lieu où l'on rend la justice.• Des sottises d'autrui nous vivons au palais : Messieurs, l'huître était bonne ; adieu, vivez en paix, BOILEAU Sat. II.• Pour augmenter l'effroi la Discorde infernale Monte dans le palais, entre dans la grand'salle, BOILEAU Lutrin, IV.Les gens de palais, les juges, les avocats, etc.• Tous les magistrats, tous les gens du palais, PASC. Prov. II.• Il se met en noir pour avoir l'air d'un homme de palais, J. J. ROUSS. Hél. II, 14.Jours de palais, jours où l'on plaide au palais.Style du palais, style de palais, termes de palais, formules, termes de pratique.Collectivement, le palais, tous les gens du palais. C'est l'opinion du palais.Fig. La profession d'avocat. Le palais ne l'a pas enrichi.Palais marchand, nom qu'on donnait quelquefois au palais de justice de Paris, à cause des boutiques qui s'y trouvaient.6° Palais d'Éole, nom qu'on donne, en Italie, à des lieux souterrains, d'où l'on fait passer, par des canaux, une agréable fraîcheur dans les appartements d'été.XIe s.• Mes larges terres dont jo aveie assez, Mes granz paleis de Rome la citet, St Alexis, LXXX.• Quant vous serez au palais signoril, Ch. de Rol. X.XIIe s.• L'apostole de Rome fu en mi le palais, Sax. XV.XIIIe s.• Einsi s'en entra li empereres en Constantinoble, et ala el palès de Blaquerne, VILLEH. XCII.XVIe s.• Appelle à disner les plus apparens du palais du Mans, qui ne s'appeloit pour lors que la Salle, DESPER. Contes, t. I, p. 104, dans LACURNE.Provenç. palai, palait ; cat. palasi ; esp. palacio ; ital. palazo ; du lat. palatium (voy. au commencement de l'article ce que dit Ampère de l'origine de ce mot).————————palais 2.(pa-lê ; l's se lie : le pa-lê-z enflammé) s. m.1° Partie supérieure de la cavité de la bouche, voûte parabolique formée par les deux os susmaxillaires et les deux palatins, et revêtue d'une membrane muqueuse épaisse et dense.• Certes on vit un triste jeu, Quand à Paris dame Justice Se mit le palais tout en feu Pour avoir mangé trop d'épice, SAINT-AMAND dans RICHELET.(par un jeu de mot entre le palais de la bouche et le palais de justice incendié sous Louis XIII).• Son esprit ressemblait à ces palais sains et vigoureux qui expriment avec force et goûtent avec plaisir le suc des viandes pleines de substance, mais qui ne savent ni distinguer ni apprécier des aliments plus délicats, D'ALEMB. Éloges, d'Olivet..• Que nos langues séchées à nos palais brûlants demeurent attachées !, DELILLE Pitié, IV.Il est de fête au palais, se dit des jours de jeûne, par une méchante allusion du palais de la bouche au palais de justice.Il se dit aussi en parlant des animaux. Cette herbe blesse le palais des bestiaux. Un ragoût de palais de mouton.2° Fig. Sens du goût.• Il a surtout un palais sûr, qui ne prend point le change, et il ne s'est jamais vu exposé à l'horrible inconvénient de manger un mauvais ragoût ou de boire d'un vin médiocre, LA BRUY. XI.• Tout est amer à un palais malade, MASS. Carême, Salut..3° Terme de botanique. Renflement externe de la gorge des corolles personnées, qui en ferme l'entrée et réunit les deux lèvres ; et, plus généralement, partie supérieure du fond des corolles monopétales irrégulières.Terme de zoologie. Avancement arrondi dans la bouche des larves des libellules et des insectes parfaits.Partie inférieure de la mandibule supérieure des oiseaux.4° Palais de lièvre, le laiteron.Palais de boeuf ou chagriné, coquille univalve, espèce de nérite.XIIIe s.• Ta vie soit de petit mangier, et tes palais soit esmeus par fain, non mie par savor, BRUN. LATINI Trésor, p. 382.XIVe s.• L'uvule depent et est en la fin du palat, sur les pertuis des deux voies, H. DE MONDEVILLE f° 18, verso..XVIe s.• Pour estre bon beuveur il ne fault le palais si tendre, MONT. II, 15.Lat. palatum. Le provenç. paladel, le catal. espagn. et portug. paladar viennent de formes dérivées de palatum. Diez ne veut pas que palais vienne de palatum ; et en effet palais suppose palatium, non palatum ; et de là il essaye de prouver que palais, édifice, a pris le sens de voûte, puis de voûte de la bouche ou palais. Palatum aurait dû donner palé ; palat du XIVe siècle paraît être une forme savante et non vulgaire. Mais palé, et surtout palés au nominatif a pu se confondre avec palais, très connu, bien plus facilement que palais, édifice, n'a pu passer au sens de voûte et de voûte de la bouche.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.