- ouvrir
- (ou-vrir), j'ouvre, tu ouvres, il ouvre, nous ouvrons, vous ouvrez, ils ouvrent ; j'ouvrais ; j'ouvris ; j'ouvrirai ; j'ouvrirais ; ouvre, ouvrons ; que j'ouvre, que nous ouvrions ; que j'ouvrisse ; ouvrant, ouvert, v. a.1° Écarter ce qui empêche d'entrer, de pénétrer, de voir ; faire que ce qui était clos ne le soit plus. Ouvrir une fenêtre, une armoire. Ouvrir le robinet d'une fontaine. Ouvrir le rideau.• À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie, Et, pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie, LA FONT. Fabl. I, 2.• Quiconque de vous deux n'ouvrira pas la porte N'aura point à manger de plus de quatre jours, MOL. Éc. des f. I, 2.• Il ouvre un oeil mourant qu'il referme soudain, RAC. Iph. V, 6.Ouvrir, pris absolument, signifie ouvrir la porte.• On ouvre chez Médée, ôtez-vous de sa vue, CORN. Médée, I, 3.• C'est monsieur ; Ouvre vite. - Ouvre, toi, MOL. Éc. des f. I, 2.Fig.• Des lumières imperceptibles et successives dissipèrent une partie de ces nuages dont il était environné [le protestantisme] ; il demanda et il reçut, il frappa et on lui ouvrit, FLÉCH. le Tellier..Ouvrir, pris absolument, pour ouvrir sa boutique, son magasin. Ce marchand n'a pas encore ouvert. Les marchands n'ouvrent pas les jours de fête.On dit qu'une ville ouvre ses portes, quand elle se rend ou se soumet.• Une conduite si modérée et si habile lui fit ouvrir les portes des villes sans le secours des armes, ROLLIN Hist. anc. Oeuvr. t. X, p. 183, dans POUGENS.Fig. Ouvrir la porte, donner accès. Ouvrir la porte aux abus, aux désordres.• Il [Théodose] venait le conjurer de rompre ses liens, et de lui ouvrir la porte du salut, au nom de Jésus-Christ, qui a ouvert celle de sa miséricorde aux pécheurs qui se repentent sincèrement, FLÉCH. Hist. de Théodose, IV, 10.Ouvrir une maison, en ouvrir les portes.Fig. Ouvrir sa maison à quelqu'un, l'accueillir chez soi.• Ô gens durs, vous n'ouvrez vos logis ni vos coeurs, LA FONT. Phil. et Bauc..• Chère amie, ouvrez-moi votre maison sans crainte ; elle est pour moi le temple de la vertu, J. J. ROUSS. Hél. VI, 7.Dans l'antiquité, ouvrir un asile, recevoir sous la protection d'un lieu consacré ou même d'une ville.• Tous ceux qui avaient pu se sauver du carnage général de l'Asie s'étaient réfugiés à Rhodes, qui les reçut avec joie et leur ouvrit un asile qui les mit en sûreté, ROLLIN Hist. anc. Oeuvr. t. X, p. 437, dans POUGENS.• D'une foule de brigands ou esclaves fugitifs à qui Romulus avait ouvert un asile, vous voyez naître les maîtres du monde, CONDILL. Étud. hist. I, 1.Ouvrir une bourse, défaire ce qui la ferme.Fig. Ouvrir sa bourse à quelqu'un, lui offrir de l'argent.Fig. Ouvrir la main, dépenser de l'argent.• Sachez cependant que, quand j'ouvre tout à fait la main libérale, je tiens un peu plus fermée la main qui est la gardienne de la maison et la soeur économe, DUCIS Correspondance, 11 oct. 1813.Ouvrir la bouche, écarter les deux mâchoires.On dit de même : Ouvrir le bec.• Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un héron ! J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux dieux ne plaise ! Il l'ouvrit pour bien moins, LA FONT. Fabl. VII, 3.Fig. Ouvrir la bouche, parler.• Au moment que j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle de Louis de Bourbon, prince de Condé, BOSSUET Louis de Bourbon..Ouvrir la bouche à quelqu'un, le faire parler.• Le vôtre [intérêt] toutefois m'ouvrira seul la bouche, CORN. Nicom. II, 3.Ouvrir la bouche, se dit de la cérémonie par laquelle le pape autorise les cardinaux à prendre la parole dans les consistoires. Je [Louis XV] serai très ravi que vous m'en donniez [des conseils] ; ainsi je vous ouvre la bouche, comme le pape aux cardinaux, et vous permets de me dire ce que votre zèle et votre attachement pour moi et mon royaume vous inspireront (1742), Corresp. de Louis XV et de Noailles, t. I, p. 11.Ouvrir les yeux, écarter les paupières qui étaient rapprochées.• Je n'ouvre plus les yeux que pour verser des pleurs, QUINAULT Agrippa, II, 2.Ouvrir les yeux, s'éveiller.Dans le langage biblique, ouvrir les yeux des aveugles, rendre la vue à ceux qui l'ont perdue.• Il [le Messie] doit.... ouvrir les yeux aux aveugles, et rendre la santé aux infirmes, PASC. Prophét. 21, éd. FAUGÈRE..Fig. Ouvrir les yeux, faire attention à.• Il savait comme on perd son bien par négligence, Qu'il faut ouvrir les yeux..., RÉGNIER Sat. VIII.• Il m'est venu des scrupules, madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais, MOL. D. Juan, I, 3.• Ouvrez les yeux, chrétiens, contemplez ces augustes tribunaux où la justice rend ses oracles, BOSSUET le Tellier..• Hélas ! ce fut encor dans ce temps odieux Qu'aux offres des Romains ma mère ouvrit les yeux, RAC. Mithr. I, 1.• Cependant je rends grâce au zèle officieux Qui sur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux, RAC. Athal. I, 1.• Ouvrez les yeux, seigneur, et songeons entre nous Par combien de raisons Bérénice est à vous, RAC. Bérén. III, 2.Terme de marine. Ouvre l'oeil ! recommandation aux hommes du bossoir de faire toute l'attention possible à ce qui se passe au dehors du bâtiment.Fig. Ouvrir les yeux, surveiller.• Un prince zélé pour la justice nomme un principal et universel magistrat, capable de contenter ses désirs ; l'infatigable ministre ouvre des yeux attentifs sur tous les tribunaux, BOSSUET le Tellier..Fig. Ouvrir les yeux, devenir clairvoyant.• Les hommes ouvraient les yeux de plus en plus pour connaître l'aveuglement où l'idolâtrie les avait plongés, BOSSUET Hist. II, 7.• Soyez sûr que nous tendrons tant de piéges à Moncade, qu'à la fin nous ferons ouvrir les yeux à Lucinde, BARON Homme à bonnes fort. III, 2.Fig. Ouvrir les yeux, s'apercevoir qu'on était dans l'erreur.• Les gentils ouvrent les yeux et s'unissent en esprit aux Juifs convertis, BOSSUET Hist. II, 7.• Si à ce coup vous n'ouvrez les yeux, vous les aurez bien assoupis, BOSSUET 1er avert. 1.• Un si noble présent me fit ouvrir les yeux, RAC. Bajaz. V, 4.Ouvrir les yeux à la vérité, la reconnaître.Fig. Ouvrir les yeux à quelqu'un, l'éclairer, le rendre clairvoyant.• La raison et le temps m'ouvrent assez les yeux, Et l'âge ne fera que me les ouvrir mieux, CORN. Nicom. II, 3.• Vous en savez beaucoup, ma soeur, et vos mérites Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez, CORN. Agés. II, 1.• Saint Augustin nous apprend qu'il est utile aux superbes de tomber, parce que leur chute leur ouvre les yeux, BOSSUET Panégyrique, St Pierre, 2.• Vous dites que je vous ai ouvert les yeux sur Protésilas, FÉN. Tél. XIII.• Ce mauvais succès ouvrit les yeux à Tigrane, et le fit revenir de son ivresse, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. X, p. 214, dans POUGENS.Ouvrir des yeux grands comme une salière, ou, simplement, ouvrir de grands yeux, regarder d'un air ébahi, être très étonné.• Il ouvrait de grands yeux à mesure qu'on lui contait chaque circonstance, HAMILT. Gramm. 8.• Je ne sors pas d'admiration et d'étonnement à la vue de certains personnages que je ne nomme point : j'ouvre de fort grands yeux sur eux, je les contemple, LA BRUY. III.• Les deux marchands ouvrirent de grands yeux, et parurent fort surpris, LESAGE Gil Blas, V, 1.• Là où le vulgaire rit, le philosophe admire ; et il rit où le vulgaire ouvre de grands yeux stupides d'étonnement, VOLT. Dict. phil. Montagne..Fig. Ouvrir les oreilles, écouter attentivement, et aussi accueillir favorablement une proposition, etc.Fig. Ouvrir de grandes oreilles, entendre, écouter avec étonnement.Fig. Ouvrir l'esprit, le rendre capable de mieux comprendre.• Le meilleur moyen de se rendre habile, c'est de s'entretenir souvent des choses qui ouvrent l'esprit, MÉRÉ Conversations, dans RICHELET.• J'ouvre l'esprit, et rends le sexe habile à se garder de ces piéges divers, LA FONT. Scam..• Corbinelli vous répondra.... sur le goût amer ou doux.... je n'entends pas bien.... il m'a promis de m'ouvrir l'esprit là-dessus, SÉV. 26 août 1676.Fig. Ouvrir le coeur, le rendre accessible aux bons sentiments.• Il y a cinq ou six endroits dans votre dernière lettre qui sont d'un éclat et d'un agrément qui ouvrent le coeur, SÉV. 8 janv. 1674.Ouvrir le coeur, signifie aussi disposer favorablement.• La noblesse de ses expressions [de Louis XIV] vient de celle de ses sentiments.... pendant qu'il parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les coeurs, et donne je ne sais comment un nouvel éclat à la majesté qu'elle tempère, BOSSUET Mar.-Thér..Ouvrir son coeur, son âme à quelqu'un lui confier ses plus secrets sentiments.• Et si tu veux enfin que je t'ouvre mon âme, CORN. Hor. IV, 5.• Quoi ! Cinna ! ... quoi ! Maxime ! ... à qui j'ouvrais mon coeur, CORN. Cinna, IV, 1.• Elle ouvre assez bien son coeur sur les chapitres les plus délicats, SÉV. 142.• Il me sera difficile d'oublier tous ces lundis où j'avais le plaisir de vous ouvrir mon coeur sur toute sorte de sujets, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 24 oct. 1700.• Mon coeur vous fut ouvert tant qu'a vécu mon père, RAC. Bérén. III, 1.• Je t'ai ouvert mon coeur ; songe que tu le perces du coup de la mort, si tu laisses entrevoir l'état où je suis, VOLT. Écoss. I, 5.On dit dans le même sens : ouvrir sa pensée, ses secrets, ses sentiments, son intention.• Et songez qu'il est temps de m'ouvrir vos pensées, CORN. Sur. II, 2.• Parlez, duc, et sans peine ouvrez-moi vos secrets, ROTROU Venc. III, 2.• Non, non, ma fille ; vous pouvez, sans scrupule, m'ouvrir vos sentiments, MOL. Am. magn. IV, 1.• C'est à quoi j'ai songé, Et je vous veux ouvrir l'intention que j'ai, MOL. F. sav. II, 8.Ouvrir son coeur, son âme à quelque chose, s'y laisser aller.• Si vous ouvrez votre âme à ces impressions, CORN. Cinna, II, 1.• Il n'ose ouvrir son âme à l'espérance, SÉV. 412.• Pour ouvrir votre coeur à la parole de vie, MASS. Carême, Parole..Fig. Ouvrir l'appétit, le rendre plus vif.• Il [M. Fagon] prétend que leur effet naturel [des eaux de Bourbon] est d'ouvrir l'appétit et de rendre les forces ; quand elles font le contraire, il faut y renoncer, RAC. Lett. 12e à Boileau..2° Terme de marine. Ouvrir une voile, la disposer de manière qu'elle reçoive le vent sous un plus grand angle.Ouvrir une batterie, enlever les mantelets de sabord.Ouvrir l'arrière, l'avant d'un navire, en abaisser les murailles.Ouvrir une rade, un port, permettre l'entrée de cette rade, de ce port.3° Pratiquer une ouverture, une percée. On a ouvert une porte, une fenêtre dans ce mur. Ouvrir une vue sur son voisin.Fig. et absolument. Désobstruer.• Où va-t-on prendre que des eaux qui ne font qu'ouvrir, soient propres à rajuster et à resserrer ce qui est relâché et insensible ?, SÉV. 28 sept. 1689.Ouvrir un mur, y faire une percée.On dit de même : ouvrir une forêt, un bois.4° Fendre, entamer. Ouvrir un pâté. Ouvrir un abcès.Ouvrir la veine, pratiquer une saignée.Ouvrir les veines, donner la mort en ouvrant les vaisseaux aux poignets et aux jarrets ; genre de mort usité chez les Romains de l'Empire.Ouvrir quelqu'un, ouvrir son corps après sa mort.Poétiquement, ouvrir le flanc, donner la mort avec une arme tranchante.• Il vient d'ouvrir le flanc dont il reçut la vie, VOLT. Fanat. V, 1.Terme militaire. Ouvrir l'ennemi, ouvrir une troupe, l'enfoncer.5° Commencer à creuser, à fouiller. Ouvrir une carrière, un canal.• Pendant que ceux de Chalcédoine ne songeaient qu'à garder leurs remparts, il ouvrit, à trois quarts de lieue de la ville, une mine souterraine...., ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. XI, 2e part. p. 529, dans POUGENS..• Les relations de la Chine nous parlent de la cérémonie d'ouvrir les terres que l'empereur fait tous les ans ; on a voulu exciter les peuples au labourage par cet acte public et solennel, MONTESQ. Esp. XIV, 8.• Le peuple découvert par M. Pallas près du Jenisca et qui ouvrit les mines dans le sein de la terre avec des instruments de cuivre avant l'invention du fer, BAILLY Atlantide, Lett. 24.• Lorsque les naturels du pays virent ouvrir de profondes tranchées et employer le ciment, ils dirent que leurs tyrans creusaient des tombeaux pour s'enterrer, RAYNAL Hist. phil. VII, 31.Terme de guerre. Ouvrir la tranchée, faire les premiers travaux pour établir des tranchées autour d'une place assiégée.• Vous saurez que c'est le régiment de Picardie et point du tout celui de Champagne, qui a ouvert la tranchée, où personne n'a été blessé, SÉV. 11 oct. 1688.Poétiquement. Ouvrir des abîmes, se dit de la terre, de la mer qui se fend.• Quoi ! pour noyer les Grecs et leurs mille vaisseaux, Mer, tu n'ouvriras pas des abîmes nouveaux !, RAC. Iph. V, 4.Fig.• À moins que, cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il [Dubois] ne vît jour à mieux en ouvrant un autre boyau, SAINT-SIMON 390, 14.6° Diviser une chose, en séparer les parties contiguës. Ouvrir des noix.• La justice.... Demande l'huître, l'ouvre, et l'avale à leurs yeux, BOILEAU Épître II.Ouvrir les rangs, se dit d'une troupe qui écarte ses files pour laisser passer.Ouvrir une lettre, en défaire le cachet.• J'embrasse Grignan, et le supplie de m'excuser si j'ai ouvert la lettre de Mme de Guise : j'ai voulu voir son style ; m'en voilà contente pour jamais, SÉV. 182.• Il ouvre la lettre d'une main tremblante, VOLT. Zadig, 8.Ouvrir les lettres, les décacheter dans les bureaux de poste par ordre supérieur en violation du secret des lettres, ou par abus de confiance.• Il paraît que Votre Majesté n'avait pas encore reçu le petit monument.... en voici donc une copie que je hasarde encore dans ce paquet ; je le recommande à Dieu, aux houssards et aux curieux qui ouvrent les lettres, VOLT. Lett. Roi de Prusse, 27 mars 1759.• Votre Majesté sait que toutes les lettres, et à plus forte raison les siennes, sont ouvertes peut-être en dix endroits depuis Berlin jusqu'à Paris, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 30 janv. 1778.Ouvrir un livre, en écarter la couverture, pour le lire.• Je ne finirais jamais, si je voulais rapporter les négligences, l'inexactitude, les affectations, les singularités du traducteur [le P. Simon] ; on ne peut presque ouvrir son livre sans y trouver de nouvelles fautes, BOSSUET 2e instr. sur les passages, conclusion..• La vie des saints est en mépris : Grenade, Rodriguès, Saint-François de Sales sont à peine ouverts, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 19 fév. 1701.• Il n'y a qu'à ouvrir les lois saliques et ripuaires pour voir que les Romains ne vivaient pas plus dans la servitude chez les Francs que chez les autres conquérants de la Gaule, MONTESQ. Esp. XXX, 10.• M. de Luzanne, d'un air froid et distrait, ouvrait quelques brochures posées sur la cheminée, GENLIS Veillées du chât. t. I, p. 429, dans POUGENS.Écarter, séparer. Ouvrir les bras, les jambes.• Daignez m'ouvrir vos bras pour la dernière fois, RAC. Iphig. V, 3.• À cet infortuné daignez ouvrir les bras ; Dites du moins : mon fils, Brutus ne te hait pas, VOLT. Brutus, V, 7.Fig. Ouvrir les bras à quelqu'un, l'accueillir avec bonté.Terme militaire. Ouvrir les rangs, les espacer à une distance déterminée.7° Ouvrir la poitrine, rendre la poitrine aussi large que possible en effaçant les épaules. Les exercices ouvrent la poitrine.8° Rendre libre, permettre l'accès. Ouvrir une issue. S'ouvrir un passage.• Quand elle [la mort] ouvre le ciel, peut-elle sembler dure ?, CORN. Poly. II, 6.• Ouvrez-moi seulement les chemins d'Arménie, CORN. Nicom. V, 7.• ....Comme s'ils pouvaient anéantir l'éternité.... cependant cette éternité subsiste ; et la mort, qui la doit ouvrir...., PASC. Pens. IX, 2, éd. HAVET..• Il ranima les citoyens par sa présence [dans une peste].... et, par une exacte police qui coupait les communications mortelles pour en ouvrir de salutaires, il sauva ce peuple qui avait perdu toute espérance de santé, FLÉCH. Duc de Mont..• Il arriva dans le monde un événement qui détermina Valens son frère à ouvrir le Danube, MONTESQ. Rom. 17.• Il [Pierre le Grand] voulait joindre par des canaux, dont il dressa le plan, la Duine, le Volga, le Tanaïs, et s'ouvrir des chemins nouveaux de la mer Baltique au Pont-Euxin et à la mer Caspienne, et de ces deux mers à l'Océan septentrional, VOLT. Charles XII, I.• Les voyages tentés sur la mer Glaciale n'ont pas encore ouvert une route de l'Europe et de l'Asie à l'Amérique, BUFF. Not. just. Ép. nat. Oeuvr. t. XIII, p. 329, dans POUGENS..• Des ports commodes semblaient leur ouvrir la mer, CONDILL. Hist. anc. I, 9.Ouvrir l'entrée, écarter ce qui empêche d'entrer.• Voilà donc de ces lieux ce qui m'ouvre l'entrée, RAC. Bajaz. I, 1.Fig.• Il ne fallait qu'en ouvrir l'entrée [des affaires] à un génie si perçant, pour l'introduire bien avant dans les secrets de la politique, BOSSUET le Tellier..S'ouvrir l'entrée, écarter pour soi-même ce qui empêche d'entrer.• Le pontife [juif] s'ouvrait l'entrée dans le sanctuaire par le sang des animaux ; mais Jésus-Christ y devait entrer par son propre sang, BOSSUET Méd. sur l'Év. la Cène, 78e jour..Ouvrir un pays, en faciliter l'entrée.• La Sardaigne que la révolte ouvrit aux Romains, BOSSUET Hist. I, 8.Fig.• Il apporta ce même esprit dans le conseil, où l'autorité du prince, qu'on y exerce avec un pouvoir plus absolu, semble ouvrir un champ plus libre à la justice, BOSSUET le Tellier..• Il a ouvert les grandes routes [en mathématiques], mais il pouvait encore ou y servir de guide, ou en ouvrir de nouvelles, FONTEN. Leibnitz..• Il [M. Halley] a ouvert le chemin des richesses par tout ce qu'il a fait en faveur de la navigation, et il a ajouté à cette gloire celle de n'avoir jamais rien fait pour s'enrichir, MAIRAN Eloges, Halley..• La première route que s'ouvre M. Halley le conduit à tout ce qu'il y a de plus caché et de plus subtil en astronomie, MAIRAN ib..• Descartes donna un oeil aux aveugles ; ils virent les fautes de l'antiquité et les siennes ; la route qu'il ouvrit est depuis lui devenue immense, VOLT. Dict. phil. Newton et Descartes..• Ce ne fut plus la terre qui servit de théâtre à leur valeur ; l'Océan leur ouvrit une autre carrière, RAYNAL Hist. phil. V, 1.9° Fig. Rendre accessible à l'esprit.• Daniel, je suis venu à vous, pour vous ouvrir la connaissance des choses, PASC. Prophét. 26, éd. FAUGÈRE..• Cette version [des Septante], qui ouvrait l'intelligence des Écritures de l'Ancien Testament à une infinité de peuples, fut un des plus considérables fruits des conquêtes des Grecs, ROLLIN Hist. anc Oeuv. t. VII, p. 361, dans POUGENS.Donner l'indication de, suggérer.• Le ciel m'est plus propice et m'en ouvre un moyen, CORN. Suréna, III, 2.• D'autant mieux qu'ayant entrepris de vous peindre, ils vous ouvraient l'occasion de les peindre aussi, MOL. Impromptu, 1.• Et contre cet hymen ouvrez-moi du secours, MOL. Tart. II, 3.• Ne me pourriez-vous point ouvrir quelque moyen ?, MOL. Éc. des f. III, 4.• Je le [le succès] dois, sire, à l'ordre que Votre Majesté me donna d'y ajouter un caractère de fâcheux, dont elle eut la bonté de m'ouvrir les idées elle-même, MOL. Épît. dédic. des Fâch..• Le moyen que je vous ouvre est sans doute plus honnête, PASC. Condit. des grands, III.10° Fig. Commencer (dans tout ce n° 10, il y a la métaphore d'une porte, d'une barrière ouverte). Ouvrir la campagne. Ouvrir un cours.• Seigneur, attendez-vous que j'ouvre l'entretien ?, CORN. Pulchér. I, 3.• C'est le mois d'avril qui commence à ouvrir le printemps, SÉV. Lett. à Bussy, 27 fév. 1679.• Quel jour, ma fille, que celui qui ouvre l'absence ! comment vous a-t-il paru ?, SÉV. 27 mai 1675.• J'ai voulu devant elle en ouvrir le discours, RAC. Bérén. II, 2.• C'est par où nous ouvrirons les instructions de cette sainte carrière, MASS. Carême, Jeûne..• Il [Sigismond] ouvre dans Presbourg des conférences pour la paix avec ses sujets, VOLT. Ann. Emp Sigismond, 1428.• ....Et d'agiles vaisseaux Ouvriront les combats sur la scène des eaux, DELILLE Én. V.Ouvrir la lice, entrer le premier dans la lice.On dit dans le même sens : ouvrir le champ, ouvrir la carrière.• C'est à vous de courir Dans le champ glorieux que j'ai su vous ouvrir, RAC. Bajaz. II, 1.• On demande à présent un style plus châtié, plus élégant, plus soutenu ; on ne pardonne plus ce qu'on pardonnait à un grand homme qui avait ouvert la carrière, VOLT. Com. Corn. Rem. Rodog. I, 5.Ouvrir boutique, commencer à tenir boutique.Ouvrir une école, commencer à tenir une école.On dit dans le même sens : ouvrir un café, une auberge, un bureau d'affaires, etc.Ouvrir la chasse, chasser à l'ouverture de la chasse.Ouvrir le bal, danser le premier, la première dans un bal.• Palavicin rapporte qu'en 1562 les pères assemblés au concile de Trente délibérèrent de donner un bal à Philippe II, roi d'Espagne, que toutes les dames de la ville y furent invitées, que le cardinal de Mantoue ouvrit le bal, et que Philippe II et tous les pères du concile y dansèrent, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuv. t. IV, p. 132, dans POUGENS.Ouvrir la danse, commencer à danser.• Rien de plus merveilleux et de plus terrible que de voir ces légions [les soldats français] marcher au son de la musique, comme si elles ouvraient les danses de quelque fête, CHATEAUB. Natch. liv. I.Fig. et populairement. Ouvrir la danse, commencer le combat.Ouvrir la vendange, se mettre à vendanger.• Dieu bénira-t-il la vendange Qu'on ouvrira sans violon ?, BÉRANG. Violon brisé..Ouvrir le pas, commencer un pas d'armes, un tournoi.Ouvrir sa maison, commencer ou recommencer à tenir table ouverte, à donner des soirées.Dans le même sens : ouvrir ses salons.Ouvrir le feu, commencer à faire jouer des batteries d'artillerie.Ouvrir un dé, aux dominos, poser un point qui n'a pas encore été joué. Ouvrir le six, le trois.Il se dit, dans un sens analogue, des choses qui sont le commencement de quelque chose.• Si je n'ai pas vécu la compagne d'Achille, J'espère que du moins un heureux avenir à vos faits immortels joindra mon souvenir, Et qu'un jour mon trépas, source de votre gloire, Ouvrira le récit d'une si belle histoire, RAC. Iph. V, 2.Ouvrir un commerce avec, former des relations de commerce, d'affaires.• Hambourg et Lubeck, ayant entrepris d'ouvrir un commerce dans la Baltique, se virent obligés de s'unir pour se défendre contre les brigands qui infestaient ces parages, RAYNAL Hist. phil. I, Introd..Ouvrir un avis, être le premier à le proposer.• Un fat quelquefois ouvre un avis important, BOILEAU Art p. IV.• Je vous ouvre peut-être un avis salutaire, RAC. Athal. III, 6.• Lamachus ouvrit un troisième avis, qui n'était peut-être pas le moins sage, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 638, dans POUGENS.On dit dans le même sens : ouvrir les premières paroles, ouvrir une opinion.• Au moins appuyez-moi Pour en avoir ouvert les premières paroles, MOL. Fâch. III, 3.• D'autres habitants ouvrirent d'autres opinions, BERN. DE ST-P. Paul et Virginie..Au brelan et au jeu de renvi, faire la première vade.11° Terme de commerce. Ouvrir un crédit à quelqu'un, l'autoriser à prendre à une caisse l'argent dont il a besoin.Ouvrir un compte avec quelqu'un, porter sur ses livres le nom d'une personne avec qui on entre en relations d'affaires.12° Terme de chamoiseur. Ouvrir les peaux, les rendre molles et maniables.Terme de verrerie. Ouvrir la bosse, présenter le verre soufflé en bosse au feu du grand ouvreau, jusqu'à ce que cette bosse s'étende d'elle-même et s'ouvre tout à fait.13° Terme de marine. Ouvrir deux pointes, ouvrir deux côtes, être situé de manière que, les ayant devant soi, on les voie séparément.Ouvrir un port, une rade, s'approcher de plus en plus de l'ouvert d'un port, d'une rade.14° V. n. Être ouvert. Les boutiques n'ouvrent pas les jours de fête. Cette porte n'ouvre jamais.Donner accès sur. Cette porte ouvre sur la cour, sur le jardin.• Elle s'appuya sur le Tolédan, qui la conduisit vers la petite porte du jardin qui ouvrait sur la mer, LESAGE Diable boit. ch. XV, p. 315, dans POUGENS.Ouvrir se dit aussi du moment où l'on commence à s'éveiller dans une maison.• Non, il ne tardera pas ; Nous n'ouvrons pas matin, REGNARD le Joueur, I, 2.Il se dit du moment où un marchand ouvre sa boutique, son magasin.• L'on ouvre et l'on étale tous les matins pour tromper son monde, et l'on ferme le soir après avoir trompé tout le jour, LA BRUY. VI.Débuter, commencer.• On a dû s'attendre à tout ce renversement, dans un livre qui ouvre par la victoire que Phryné remporte sur Alexandre, FONTEN. Jugement de Pluton..• La scène ouvre dans Sophocle par un choeur de Thébains prosternés aux pieds des autels, VOLT. Oedipe, 3e lettre..Entrer en exercice. Le théâtre des Italiens n'ouvre pas encore. Les cours ouvriront bientôt.Fig.• Je suis très fâchée que le rhumatisme du chevalier ouvre de si bonne heure, SÉV. 5 nov. 1684.15° S'ouvrir, v. réfl. Devenir ouvert. Les fleurs s'ouvrent au soleil.• Un passage libre s'ouvrit en un moment au milieu de la mer Rouge, SACI Bible, Sagesse, XIX, 7.• L'orient venait de s'ouvrir, LA FONT. Fianc..• Qui peut s'assurer.... de pénétrer jusqu'à ces cabinets presque inaccessibles [du ministre] dont les portes fatales ne s'ouvrent souvent qu'aux plus importuns ou aux plus heureux ?, FLÉCH. Aiguillon..• J'entends déjà partout les charrettes courir, Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir, BOILEAU Sat. XI.• Est-ce l'esprit divin qui s'empare de moi ? C'est lui-même ; il m'échauffe, il parle ; mes yeux s'ouvrent, Et les siècles obscurs devant moi se découvrent, RAC. Ath. III, 7.• La porte à son aspect s'ouvre à deux grands battants, REGNARD le Joueur, III, 6.• Elle ne recevait point de visites ; son appartement s'ouvrait pour moi seul, RICCOBONI Sophie de Vallière, Oeuv. t. IV, p. 293, dans POUGENS..Fig. Ses yeux s'ouvrent, c'est-à-dire il reconnaît son erreur.• Hermione gagnée.... Pour se donner à moi n'attendait qu'un refus : Ses yeux s'ouvraient, Pylade, elle écoutait Oreste, RAC. Andr. III, 1.• Ses yeux, longtemps fermés, s'ouvrirent à la fin, RAC. Brit. IV, 2.Sa bouche s'ouvre, c'est-à-dire il parle.• Que jamais une bouche si pure Ne s'ouvre pour conter cette horrible aventure, RAC. Phèd. V, 1.Être béant.• Vous couvrirez de fleurs les bords du précipice Qui s'ouvre sous vos pas, J. B. ROUSS. Odes, II, 10.• Au fond s'ouvre une caverne immense et très renommée parmi les Grecs, BARTHÉL. Anach. ch. 41.16° Se fendre.• On dit qu'ayant trouvé le Danube glacé et ayant entrepris de le passer, la glace s'ouvrit sous leurs pieds, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. IX, p. 5, dans POUGENS.• Quand l'ouragan mugit, quand des monts brûlants s'ouvrent, V. HUGO Odes, I, 11.S'écarter, se séparer.• Il ne lui coûte rien d'être modeste, de se mêler dans la multitude qui va s'ouvrir pour lui, de prendre dans une assemblée une dernière place afin que tous l'y voient et s'empressent de l'en ôter, LA BRUY. IX..• Il marche, il court, tout cède à l'effort de son bras, Et les rangs dispersés s'ouvrent devant ses pas, C. DELAV. Vêpr. sicil. V, 2.Offrir un accès libre. Après qu'on a passé le détroit, la mer s'ouvre, s'étend et s'élargit.• En récompense il s'ouvrit à lui en 1711 un champ plus vaste, et qui n'avait point été cultivé, FONTEN. Leibnitz..• Il est certain que pour un jeune ecclésiastique qui, avec beaucoup d'ambition, aurait eu assez de talent, il s'ouvrait devant moi une belle carrière, MARMONTEL Mém. II.Le pays s'ouvre, il cesse d'être boisé, coupé par des coteaux ou des montagnes.17° Fig. Il se dit de l'esprit qui devient plus pénétrant, plus capable d'apprendre.• J'aime un esprit aisé qui se montre, qui s'ouvre, BOILEAU Ép. IX..Il se dit du coeur qui se laisse pénétrer par certains sentiments.• Mon âme, à ce bonheur, si le ciel me l'envoie, Oubliera ses douleurs pour s'ouvrir à la joie, CORN. Pomp. V, 2.• Mon coeur s'ouvre à cette joie, SÉV. 341.• Son âme à la pitié se peut ouvrir encore, VOLT. Alz. III, 7.• Quand le coeur s'ouvre aux passions, il s'ouvre à l'ennui de la vie, J. J. ROUSS. Ém. V.• Et puisque ton coeur s'ouvre à la voix des prières, A. CHÉNIER le Mendiant..18° Fig. Avoir commencement.• Cette année s'ouvrit par la déclaration de guerre contre l'Espagne, DUCLOS Oeuv. t. V, p. 382.Commencer à paraître.• Le roi [Alexandre] étant mort sans avoir nommé son successeur, un affreux avenir s'ouvrit à leurs yeux, et ne leur montrait que divisions, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 595, dans POUGENS.Impersonnellement.• Il s'ouvrait alors une grande scène vers les frontières de la Suède, VOLT. Russie, I, 11.• S'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, Code Nap. art. 136.19° S'ouvrir à quelqu'un, lui découvrir sa pensée, lui faire des confidences.• Maurice, à quelque espoir se laissant lors flatter, S'en ouvrit à Félix qui les vint visiter, CORN. Héracl. II, 6.• Je brûlais de vous parler pour m'ouvrir à vous d'un secret, MOL. l'Avare, I, 2.• Je vous défends de vous ouvrir à qui que ce soit de vos peines, BOSSUET Lett. Corn. 150.• Tous les factieux, trompés par mes regrets, Se sont ouverts à moi de leurs complots secrets, QUINAULT Agrippa, I, 5.• Si vous vous ouvriez à moi, vous y trouveriez des secours, des complaisances, des consolations, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, 12 juill. 1681.• Vous savez un secret que, tout prêt à s'ouvrir, Mon coeur a mille fois voulu vous découvrir, RAC. Bajaz. V, 4.• C'était à lui qu'il s'ouvrait de sa passion, HAMILT. Gramm. 11.• Nous nous ouvrîmes l'un à l'autre, je lui contai mon histoire, et il ne déguisa point ses aventures, LESAGE Gil Blas, V, 1.• Vous voyez que je m'ouvre Librement avec vous...., DESTOUCH. Phil. mar. III, 2.Absolument.• Et Pauline s'ouvre avec Stratonice, CORN. Poly. Exam..• Il s'ouvre et parle le premier, LA BRUY. X..S'ouvrir, avec de et un infinitif.• Argouges s'était ouvert à M. de la Rochefoucauld d'être pour nous, et manqua de parole, SAINT-SIMON 19, 221.Il se dit semblablement de ce qui est dit en confidence.• Tu lis dans mes pensers qui ne s'ouvrent qu'à toi, RACAN les Berg. IV, 1.• De semblables secrets ne s'ouvrent pas à moi, CORN. Clit. II, 6.XIe s.• De pareïs [paradis] li seit la porte uverte, Ch. de Rol. CLXIV.• [il] Uverit [prononcez ouvrit] les oilz [yeux], si lui a dit un mot, ib. CLXIII.• Il les a fait devant sei tuz uvrir [les corps, pour en ôter les coeurs], ib. CCX.XIIe s.• Ne troveras le ciel olvert, Où cil entre qui bien me sert, Brut, 14211.• Qu'el ne parole ne les iex ne ovri, Ronc. p. 170.• Ovrez, fait sainz Thomas, quis [qui les] ala atendant ; Par sainte obedience, fait-il, le vus comant, Th. le mart. 146.XIIIe s.• À force [ils] lui ouvrirent la bouche outre son gré, Berte, XV.• Frans homs, fait-ele, ouvrez, par sainte charité, ib. XLV.• De joie [elle] ot si le cuer ouvert et esmeü, ib. LXXIX.• Li rois euvre la cire, la letre reversa [déplia], ib. CXXII.• Car en lor gieus et en lor fables Gisent profit moult delitables, Sous qui lor pensées covrirent, Quand le voir [vrai] des fables ovrirent, la Rose, 7216.• Ce que il ne peuent manger jetent en un sac de cuir, et, quant il ont fain, si oeuvrent le sac, et manguent touz jours le plus viex devant, JOINV. 254.XIVe s.• Vraiement cil vilain sont François retourné [redevenus] ; Qui les aroit ouvers ainsi qu'un porc lardé, On aroit en leur cuer la fleur de lis trouvé, Guesclin. 21040.XVe s.• Et si c'est chose qui appartienne à celer, je le celerai bien, ni jamais, tant que je sois en ce pays, je n'en ouvrirai ma bouche, FROISS. II, III, 22.• Et n'attendoient autre chose que les nouvelles ur vinssent que la guerre fut ouverte...., FROISS. I, I, 78.• Et ne purent durer à la longue contre tant de bontes gens d'armes ; si furent ouverts et leur fort conquis [ils s'étaient retirés dans un bois], FROISS. I, I, 88.• Et jura par sa foi [le duc de Bretagne].... le trouveroient ceux d'Angleterre ouvert et appareillé...., FROISS. II, II, 59.• Clement [le pape] ouvrit graces, et signifia son nom par tout le monde [distribua les grâces du saint-siége], FROISS. II, II, 48.• Non pourtant me fault vous ouvrir La doubte qu'en moy est entrée : C'est que...., CH. D'ORL. Ball. 53.XVIe s.• Vestues de longue aulbes, le chief ouvert, les cheveulx semés de fleurs odorantes, RAB. Pant. IV, 51.• La terre s'ouvrira pour tous vifz vous engloutir, si faillez à bien respondre, RAB. ib. V, 11.• L'experience m'ouvrit les yeux et vis ce que je craignois plus que la mort, MARG. Nouv. XXXII.• La teste droicte et le visage ouvert, MONT. I, 136.• Quelquefois luy [à l'élève] ouvrant le chemin, quelquefois le luy laissant ouvrir, MONT. I, 160.• La substitution estant ouverte en faveur d'Aretheus, MONT. I, 216.• Je m'ouvre aux miens, tant que je puis, MONT. II 83.• Je receois la santé les bras ouverts, MONT. II, 213.• À cela doyventils avoir les yeux bien ouverts, à fin de ne se meprendre, LANOUE 114.• Nos jeunes gens, allans à Venise, et voyans la noblesse avec un bonnet en forme de crouste de pasté sur la teste.... rient à bouche ouverte, LANOUE 164.• Ceux qui dans les provinces feront à l'occasion de leurs querelles de grosses assemblées, on les poursuyvra à force ouverte, LANOUE 259.• La coustume est d'ouvrir ce temple [de Janus] quand les Romains ont guerre en quelque part, AMYOT Numa, 32.• Resistence ouverte, AMYOT Solon et Pub. 6.• Il voulut tenir maison ouverte à tous venans, AMYOT Thém. 9.• Les Romains s'ouvrirent incontinent, et le receurent entre eulx avec grande reverence, AMYOT Cam. 51.• Il n'oza onques ouvrir sa bouche pour luy en parler, à toute peine s'adventura il à la fin de luy en ouvrir le propos, AMYOT Philop. 26.• La terre ouvre son sein : du ventre des tombeaux Naissent des enterrez les visages nouveaux, D'AUB. Tragiques, jugement..Bourg. ôvri ; Berry, ovrir ; prov. ubrir, obrir ; anc. cat. ubrir ; anc. ital. oprire. Ce mot soulève de grandes difficultés. Il ne peut venir du latin aperire ; l'a latin ne se change pas en o ou u dans les langues romanes ; et, si on admettait en français ce changement à cause de l'exemple de orteil provenant d'articulus, il ne serait pas loisible d'étendre cette particularité au provençal, à l'ancien catalan, à l'ancien italien. L'espagnol et l'italien disent régulièrement abrir et aprire. Diez a essayé de lever la difficulté : suivant lui, ouvrir vient de de-operire, découvrir, de cette façon : ovrir est une contraction de a-ovrir, qui existe en effet et qui ne signifie rien de plus que ouvrir ; aovrir est une syncope du provençal adubrir, qui signifie ouvrir, et qui doit se décomposer non en ad-ubrir, mais en a-dubrir, lequel dubrir est de-operire. Ce dubrir est appuyé en effet par le provençal moderne durbi, le piémontais durvi, le wallon drovi, le lorrain deurvi, qui tous signifient ouvrir ; on dit aussi en basse Bourgogne : la porte, alle est douverte. Mais la conjecture de Diez ne paraît pas admissible ; en effet adubrir se décompose certainement en ad-uvrir, comme le français aovrir en a-ovrir ; c'est ce que prouvent tous les composés de ce genre aorner, aemplir, aüner, etc. Cette hypothèse écartée, la difficulté reparaît entière ; et, dans l'état actuel des documents, la seule explication qui se présente, c'est que ou bien la langue a confondu aperire et operire, confusion qui est commune au français, au provençal, et qui a même atteint jusqu'à un certain point le catalan et l'italien, ou bien, l'a latin ayant été changé en o, ce qui n'est pas impossible en français, c'est du français qu'il a passé au provençal et au catalan. Quant aux formes qui ont un d, on peut sans doute les rattacher à de-operire, mais on peut aussi y voir ouvrir composé avec de au sens augmentatif ; comparez à ÔTER un cas pareil où les patois ont un d. Quelques traces paraissent indiquer que avrir n'a pas été étranger très anciennement à la langue ; Génin, Roland, p. 516, cite porte averte, et, p. 517, avre les oilz, dans un texte de la Chanson de Roland, mais ce texte a été écrit en Italie avec beaucoup de formes causées par l'influence du pays, et dès lors prouve peu pour le français ; il y a beaucoup plus d'autorité dans : sepulcre avranz est li guatur d'icels (FR. MICHEL, Liber psalm. p. XVIII), qui est la traduction de : Sepulchrum patens est guttur eorum. Avrant semblerait montrer que, de même que la forme en o n'était pas tout à fait étrangère à l'Italie, la forme en a n'était pas tout à fait étrangère à la France.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREOUVRIR. Ajoutez :20° Ouvrir la laine, en écarter les brins. Quand on refait un matelas, on ouvre la laine à la main.• Les opérations qui précèdent le filage proprement dit ont pour but d'ouvrir, de battre, de carder, de peigner, d'étirer sans torsion, puis avec torsion, les filaments..., Journ. offic. 24 févr. 1876, p. 1374, 1re col..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.