- opéra
- (o-pé-ra) s. m.1° Poëme dramatique mis en musique, et, plus particulièrement, grand poëme lyrique composé de récitatif, de chant et de danse, sans discours ou dialogue parlé.• J'honore tout ce qui est opéra, et, quoique je fasse l'entendue, je ne suis pas si habile que M. de Grignan, et je crois que j'y pleurerais comme à la comédie, SÉV. 239.• Je m'en vais à un petit opéra de Mollier, beau-père d'ltier, qui se chante chez Pélissari ; c'est une musique très parfaite, SÉV. 186.• Ce n'est point l'opéra que je fais pour le roi Qui m'empêche d'être tranquille ; Tout ce qu'on fait pour lui paraît toujours facile, QUINAULT dans RICHELET.• On ne peut jamais faire un bon opéra, parce que la musique ne saurait narrer ; que les passions n'y peuvent être peintes dans toute l'étendue qu'elles demandent ; que d'ailleurs elle ne saurait souvent mettre en chant les expressions vraiment sublimes et courageuses, BOILEAU Fragm. d'un prolog. d'opéra, avert..• Il ne faut point de vols, ni de chars, ni de changements aux Bérénices et à Pénélope ; il en faut aux opéras, et le propre de ce spectacle est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal enchantement, LA BRUY. I.• C'est dans ce village [Issy], près de Vaugirard, que fut représenté le premier opéra français en 1659, SAINT-FOIX Ess. sur Paris, Oeuvr. t. III, p. 363, dans POUGENS..• Le cardinal Mazarin, pour solenniser ce mariage [de Louis XIV], fit représenter au Louvre l'opéra italien intitulé Ercole amante ; il ne plut pas aux Français, VOLT. Louis XIV, 25.• Les charmants opéras de Quinault feront toujours les délices de quiconque est sensible à la douce harmonie de la poésie, au naturel et à la vérité de l'expression, aux grâces faciles du style, quoique ces mêmes opéras aient toujours été en butte aux satires de Boileau, son ennemi personnel, VOLT. Comm. Corn. Rem. Sertor. Préf..• Ce fut là qu'ayant demandé à Mme de Maintenon quel était l'opéra qu'elle aimait le mieux, et Mme de Maintenon s'étant déclarée pour Atys, il [Louis XIV] répondit : Atys est trop heureux, GENLIS Mme de Maintenon, t. II, p. 241, dans POUGENS.2° En Italie, opéra sérieux, dit aussi grand opéra, opéra dont les personnages sont ceux de la tragédie (on dit aussi opera seria, quand on parle italien).Opéra bouffon, ou opéra bouffe, celui dont les personnages appartiennent à la comédie (on dit aussi opera buffa).3° En France, opéra comique, drame mixte qui tient de la comédie par le dialogue et de l'opéra par le chant.• J'ai vu ce que je n'avais jamais vu, des opéras comiques, VOLT. Lett. d'Argental, 19 sept. 1766.• Joue-t-on encore Eponine ? l'opéra comique soutient-il toujours la gloire de la France ?, VOLT. Lett. Damilaville, 13 déc. 1762.• Je suis affligé de la Martinique [prise par les Anglais] et de mon roué [Calas] ; nous sommes bien sots et bien fanatiques ; mais l'opéra comique répare tout, VOLT. ib. 4 avr. 1762.• Il ne fallait aux Romains que panem et circenses ; nous avons retranché panem, il nous suffit du circenses, c'est-à-dire de l'opéra comique, VOLT. cité par Grimm, t. VI, p. 370.• Je puis dire qu'en relevant le caractère de l'opéra comique, j'en créais un genre nouveau, MARMONTEL Mém. IX..• Dans sa nouveauté, l'opéra-comique, tel qu'il parut aux foires Saint-Laurent et Saint-Germain, n'était que ce qu'on nomme maintenant le vaudeville ; des couplets en faisaient tous les frais, FÉTIS la Musique, II, 18.4° Le genre de spectacle que constituent les poëmes dramatiques mis en musique. L'abbé Perrin obtint de Louis XIV, vers 1669, la permission d'établir un opéra dans Paris ; et la première représentation fut celle de Pomone, en 1672.• Je ne sais pas comment l'opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer, LA BRUY. ib..• Alors l'opéra ne faisait que de naître en France ; mais l'art incomparable de Lulli eut bientôt porté ce spectacle à une perfection où les Italiens eux-mêmes, qui en sont les inventeurs, ne l'ont jamais vu chez eux, D'OLIVET Hist. Acad. t. II, p. 254, dans POUGENS.• Le marquis de Sourdiac, du nom de Rieux, à qui l'on dut depuis l'établissement de l'opéra en France, fit exécuter dans ce temps-là même [1660], à ses dépens, dans son château de Neubourg, la Toison d'or de Pierre Corneille, avec des machines, VOLT. Louis XIV, 25.• Je ne connais plus d'autre musique que celle des rossignols, et les chouettes de la forêt m'ont dédommagé de l'opéra de Paris, J. J. ROUSS. Lett. à M. Vernes, Corresp. t. IV, p. 189, dans POUGENS..• Je ne pouvais ni rire, ni bâiller à l'opéra français, puisque je n'y restais jamais, et qu'aussitôt que j'entendais commencer la lugubre psalmodie, je me sauvais dans les corridors, J. J. ROUSS. Lett. à M. le Nieps..• L'opéra de Paris passe à Paris pour le plus pompeux, le plus voluptueux, le plus admirable qu'inventa jamais l'art humain, J. J. ROUSS. Hél. II, 23.• L'opéra me paraît une belle fête, et telle qu'aucune autre nation n'en peut donner ; c'est l'amusement d'un peuple riche, éclairé, sensible et ami des voluptés de bon goût, ST-LAMB. Sais. IV, note 4.• L'opéra français, tel qu'on le forma dans sa nouveauté, fut reçu de la nation avec un applaudissement presque unanime, CAHUSAC Danses anciennes et modernes, III, III, 8.• L'opéra italien se divise en trois genres : l'opéra sérieux, le semi-sérieux et le bouffe ; l'opéra français est de deux genres : le grand opéra, chanté d'un bout à l'autre, et l'opéra comique, où les acteurs parlent et chantent tour à tour, FÉTIS la Musique, Dict. opéra.5° Par extension, l'Opéra, dit aussi à diverses époques l'Académie royale ou impériale de musique, le théâtre où l'on joue le grand opéra ; l'Opéra-Comique, celui où l'on joue l'opéra comique (on met des majuscules). L'Opéra est le premier de nos théâtres lyriques ; il a été tantôt dans les attributions des menus plaisirs, de la liste civile du roi, de la maison de l'empereur ou du ministère d'État, tantôt en régie.• Par toi-même bientôt conduite à l'Opéra, De quel air penses-tu que ta sainte verra D'un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse.... Entendra ces discours sur l'amour seul roulants, Ces doucereux Renauds, ces insensés Rolands... ?, BOILEAU Sat. X..• La salle de l'Opéra et toutes les autres dépendances du Palais royal du côté de l'église de Saint-Honoré sont bâties sur les ruines de l'hôtel des comtes d'Armagnac, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuvr. t. III, p. 59.• Il y a déjà quelque temps que l'on m'a dit que M. Destouches avait une pension de 4000 livres sur l'Opéra, et une direction sur les auteurs et sur les musiciens, J. B. ROUSS. Lett..• À Boutet, Soleure, le... Peut-on se réjouir à Paris dans ce malheur général [des guerres d'Allemagne] ? hélas ! il le faut bien ; et on tuerait cent mille hommes en Allemagne, que l'Opéra serait plein les vendredis, VOLT. Lett. d'Argental, 5 juill. 1743.• On va voir une tragédie pour être touché, on se rend à l'Opéra par désoeuvrement et pour digérer, VOLT. Lett. Chabanon, 12 février 1768.• Par une ordonnance du 11 décembre 1715, les bals publics furent permis trois fois la semaine dans la salle de l'Opéra ; les directeurs firent faire une machine avec laquelle on élevait le parterre et l'orchestre au niveau du théâtre, CAHUSAC Danses anciennes et modernes, p. 175, dans POUGENS.• Abonnés de l'Opéra-Comique, Abonnés du sublime Opéra... Ah ! combien vous devez être riches, Si vraiment Le bien vient en dormant !, SCRIBE et GERMAIN DELAVIGNE Somnambule, II, couplets finals..Grand Opéra, se dit quelquefois pour Théâtre de l'Opéra, afin de le distinguer de celui de l'Opéra-Comique.6° Opéra ballet, genre d'opéra mêlé de danses, fort à la mode à la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe siècle. Le Dieu et la Bayadère de MM. Scribe et Auber est un opéra ballet.• Le roi y a donné ordre, madame ; on peut être de l'opéra sans faire tort à sa noblesse ; les plus grands seigneurs du royaume y peuvent danser avec l'approbation de tout le monde, ST.-ÉVREM. les Opera (sic), V, 3.7° Bal de l'Opéra, bal que donne le grand Opéra pendant le carnaval. Le premier bal de l'Opéra fut donné le 5 janvier 1716 par autorisation du duc d'Orléans régent.8° Opéra spirituel, s'est dit quelquefois pour oratorio.9° Fig. S'est dit de tout ce qui semble difficile.• C'est un opéra de lui parler, BOUHOURS Nouv. Rem..• Ils sont en si grand nombre, que ce serait un opéra que d'en vouloir dresser un mémoire, BAYLE Lettres, p. 695, dans POUGENS.• Mon opéra fait, il s'agit d'en tirer parti : c'était un autre opéra bien plus difficile, J. J. ROUSS. Conf. VII.S'est dit aussi d'une chose excellente, d'un chef-d'oeuvre.• Vos deux lettres sont des choses admirables, dignes d'être apprises par coeur, et, en un mot, ce qu'on appelle des opéra (sic), SCARR. Lettres, dans RICHELET.• Mais à propos de couches, vous vous souvenez bien de la lettre que vous m'avez promise, dès que vous auriez appris que je serais grand-père ; je m'attends à un opéra, BUSSY-RABUTIN à Mme de Grignan, 3 janv. 1676.• Et, pour son opéra, une soupe à bouillon perlé, soutenue d'un jeune gros dindon, MOL. Bourg. gent. IV, 1.Faire opéra, au nain jaune, se défaire successivement de toutes ses cartes, sans en avoir été empêché par son adversaire ; se dit aussi au lansquenet, quand le banquier ou coupeur amène toutes les cartes retournées sur le tapis avant d'amener la sienne.On a longtemps écrit au pluriel opéra sans s.• Bien que j'aie toujours entendu prononcer des opéras comme on dit des factums et des totons, je ne voudrais pas assurer qu'on le doive écrire, et je pourrais bien m'être trompé en l'écrivant de la sorte, BOILEAU Réflexions crit. sur Longin, VIII.• Les opéra de Rameau commençaient à faire du bruit, et relevèrent ses ouvrages théoriques, que leur obscurité laissait à la portée de peu de gens, J. J. ROUSS. Confess. V.Mais, depuis l'édition de 1835, l'Académie met l's au pluriel ; auparavant, plusieurs la mettaient aussi.• J'écris opéras au pluriel, malgré la décision contraire, parce qu'il me semble que la dernière syllabe de ce mot est longue au pluriel, D'ALEMB. Lib. de la mus. Oeuvr. t. III, p. 358, note 1, dans POUGENS..Ital. opera, oeuvre (voy. ce mot).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREOPÉRA.5° Ajoutez :• En 1716, Catherine Vanderberg, qui avait le privilége du théâtre de la foire Saint-Laurent, obtint la permission de représenter des pièces mêlées de chant, de danses et de symphonies ; ces sortes de vaudevilles prirent alors le nom d'opéras comiques, que Lesage avait donné à sa parodie de Télémaque, Journ. offic. 19 fév. 1877, p. 1267, 1re col..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.