oie

oie
(oî) s. f.
   Espèce d'oiseau aquatique plus gros et plus grand que le canard : l'oie sauvage, anser segetum ; l'oie domestique, anser cinereus, dite absolument oie ; l'oie à cravate, anas canadensis, L. ; l'oie nonnette, la bernache nonnette, anser erythropus, L. Faire rôtir une oie. Garder les oies.
   L'oie nous fournit cette plume délicate sur laquelle la mollesse se plaît à reposer, et cette autre plume, instrument de nos pensées, et avec laquelle nous écrivons ici son éloge, BUFF. Ois. t. XVII, p. 47.
   La domesticité de l'oie est moins ancienne et moins complète que celle de la poule, BUFF. ib. p. 49.
   Les oies sauvages sont peut-être de tous les oiseaux les plus sauvages et les plus farouches, BUFF. ib. p. 79.
   Les Gaulois, bien instruits du sentier qui mène au Capitole, y montent pendant la nuit ; toutes les sentinelles dormaient, les oies consacrées à Junon veillaient seules ; elles crient : un personnage consulaire, M. Manlius, s'éveille, appelle du secours...., LÉVESQUE Inst. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 224.
   Terme d'antiquité romaine. Oies sacrées, les oies qu'on promenait en triomphe tous les ans en mémoire de ce qu'elles avaient donné l'alarme dans l'attaque nocturne des Gaulois.
   Tirer l'oie, se dit d'un jeu barbare qui consiste à attacher une oie par le cou, et à y lancer des bâtons jusqu'à ce que le cou ait été rompu.
   Fontaubin : Monsieur a l'air.... - Lisette : D'un marinier qui va tirer l'oie, LEGRAND l'Usurier gentilh. SC. 13.
   Bête comme une oie, qui se laisse plumer sans crier, c'est-à-dire très bête.
   On dit de même : n'avoir pas le sens d'une oie.
   La paix ! il n'y aura point de paix ; c'est un labyrinthe dont on ne se peut tirer ; ah ! pauvres Français, réjouissez-vous ; car vous n'avez pas le sens d'une oie, VOLT. Lett. d'Argental, 14 sept. 1761.
   Fig. C'est une oie, se dit d'une personne très sotte.
   Jeu de l'oie, jeu que l'on joue avec des dés sur un carton où des figures d'oie sont placées dans un certain ordre.
   Plus, un trou-madame et un damier, avec un jeu de l'oie, renouvelé des Grecs, fort propres à passer le temps lorsqu'on n'a que faire, MOL. l'Avare, II, 1.
   Le jeu de l'oie vous a renouvelée, comme il l'a été par les Grecs, SÉV. 125.
   Mme la Dauphine s'était mise à jouer à l'oie, ne pouvant mieux, SAINT-SIMON 303, 199.
   J'aime les jeux galants où l'esprit se déploie : C'est, monsieur, par exemple un joli jeu que l'oie, REGNARD le Joueur, I, 7.
   Le jeu de l'oie n'est pas la seule chose qui soit renouvelée des Grecs, ARNAULT Loisirs d'un banni, t. II, p. 45, dans POUGENS.
   Contes de ma mère l'oie, contes dont on amuse les enfants.
   Et ne m'émeus non plus.... Que d'un conte d'Urgande et de ma mère l'oie, RÉGNIER Sat. XV.
   Qu'aurait-on dit de Virgile, bon Dieu ! si à la descente d'Énée dans l'Italie, il lui avait fait conter par un hôtelier l'histoire de Peau d'âne et des contes de ma mère l'oie ?, BOILEAU Dissert. sur Joconde (en 1669).
   Fig. Faire des contes de ma mère l'oie, dire des choses où il n'y a nulle apparence de raison et de vérité.
   D'après J. Grimm, les contes de la mère l'oie se rattachent à Berthe la fileuse ou Berthe pied d'oie, dite dans le midi la reine Pedauque ; Berthe, Berchta est une divinité germanique.
   Merde d'oie (on prononce mêr-doi), se dit d'une couleur mêlée de vert. Couleur merde d'oie.
   Petite-oie, ce qu'on retranche d'une oie quand on l'habille pour la faire rôtir, comme les pieds, les bouts d'aile, le cou, le foie, le gésier. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un abatis.
   Fig. Petite-oie, les bas, le chapeau, et les autres ajustements pour rendre un habillement complet ; ainsi dit par comparaison avec l'abatis d'une volaille.
   Ne vous vendrai-je rien ? monsieur, des bas de soie, Des gants en broderie, ou quelque petite-oie ?, CORN. Galer. du pal. IV, 14.
   Que vous semble de ma petite-oie ? la trouvez-vous congruente à l'habit ?, MOL. Préc. 10.
   À la vérité, nos modes changent de temps en temps ; mais avez-vous pris garde que ces changements ne vont pas tant à l'essentiel des habits qu'aux ajustements et à la petite-oie ?, BOUHOURS Entret. d'Ariste et d'Eug. 2.
   Fig. Les petites faveurs que les femmes accordent à leurs amants.
   Hors de cela, elle lui accorda après deux ou trois conversations ce qu'une fille peut accorder honnêtement à un homme ; et il fut maître de ce que nous appelons en France la petite-oie, BUSSY-RABUTIN la France galante, p. 305, édit. POITEVIN, 1857.
   Menu détail, baisers donnés et pris ; La petite-oie ; enfin ce qu'on appelle En bon français les préludes d'amour, LA FONT. Orais..
   Par extension, toute sorte de prélude, de diminutif.
   Je mettais mon chapeau en garçon qui n'était pas un sot ; enfin j'avais déjà la petite-oie de ce qu'on appelle usage du monde, MARIV. Pays. parv. part. I.
   Cette légère mortification a fait dire à une dévote janséniste, que leur sort était bien digne d'envie, et qu'ils avaient obtenu la petite-oie du martyre, D'ALEMB. Destruct. des jésuit. Oeuv. t. V, p. 202, dans POUGENS..
   Petite-oie est vieux dans toutes ses acceptions.
   Patte-d'oie, voy. patte-d'oie, à son rang.
   Oie noire, synonyme de macreuse.
   Petite constellation qu'on réunit ordinairement à celle du Renard. Le Renard et l'Oie forment la constellation dite Fleuve du Tigre.
   Le Toucan, autre constellation, est appelé Oie d'Amérique, LEGOARANT.
   XIIIe s.
   Auwes ne capons, TAILLIAR Recueil, p. 140.
   XIVe s.
   Chars de buef, d'oies, H. DE MONDEV. f° 45.
   Que nulz n'achate oes que en la place ou es champs qui sont entre le ponceau de Roulle du pont de Chaillouau jusques aus faubours de Paris, Liv. des mét. 176.
   XVIe s.
   C'est toy qui maints de los très amples doues ; Mais endroit moy tu fais cignes les oues, MAROT II, 380.
   De chacun baril d'auve, sain, oinct, et autres graisses, Arrêt du parlement, 20 sept. 1527. Il est bien mal-aisé que tels esprits croyent aux petites oyes de vostre religion, comme au baptesme des cloches, D'AUB. Faen. IV, 15.
   Verd de gris, merde d'oye, jaune paisle, jaune doré...., D'AUB. ib. I, 2.
   Voilà une bataille avec ses petites oyes [détails], D'AUB. Hist. III, 58.
   Je luy appris à tourner les talons en dedans, à cheminer en oye et de pareille gravité, D'AUB. Conf. II, 1.
   Qui mange de l'oye du roi, en cent ans il en rend la plume, CARL. I, 32.
   Or ça on plume l'oye sans la faire crier, RAB. Pant. V, 13.
   Se hoyes sont trouvées en prés ou en vignes, en quelque temps que ce soit, ou en terres embloyées ou semées, LA THAUMASSIÈRE Cout. du Berry, p. 328, dans LACURNE.
   Petite oue [abatis], OUDIN Dict..
   Petite oue d'habit, OUDIN ib..
   Berry, oche ; wallon, âwe ; namur. auwe ; anc. espagn. auca ; espagn. mod. et portug. oca ; bas-lat. auca, de avica, dérivé fictif de avis, oiseau. Le nom général avica, oiseau, a été réduit à un sens spécial, comme jumentum, bête de somme, a donné jument.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
OIE. Ajoutez :
   Oie de mer, nom sur les côtes de Normandie, d'un petit cétacé, ainsi dit à cause de la forme de son museau.
10°   Les oies du frère Philippe, les femmes ; locution qui provient d'un conte de La Fontaine, lequel est tiré de Boccace, qui, à son tour, l'a emprunté à une pieuse légende du moyen âge : Un jeune homme élevé loin du monde voit pour la première fois des femmes ; le jeune homme, touché de cette vue, demande ce que c'est ; le vieillard répond : ce sont des oies.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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