- nue
- (nue) s. f.1° Toute masse de vapeur d'eau répandue dans l'atmosphère. Le tonnerre gronde dans la nue.• Les plus ardents transports d'une haine connue Ne sont qu'autant d'éclairs avortés dans la nue, CORN. Médée, I, 5.• Le soldat, étonné, dit que dans une nue Jusque sur le bûcher Diane est descendue, RAC. Iphig. V, 6.Il se dit quelquefois pour le haut des airs, c'est-à-dire pour la place où sont les nues, qu'il y en ait actuellement ou non.• Nous avons percé la nue du cri de vive le roi !, SÉV. 5 janv. 1674.• Tandis que dans les airs mille cloches émues D'un funèbre concert font retentir les nues, BOILEAU Sat. VI.• Ses murs [de la tour de Montlhéri]... Sur la cime d'un roc s'allongent dans la nue, BOILEAU Lutr. III.2° Fig. Porter, élever une personne, une chose aux nues, la louer jusqu'aux nues, la louer avec excès.• Notre cardinal [Retz] élevait jusqu'aux nues cette maison de Langhac, SÉV. 9 oct. 1671.• J'ai entendu louer jusqu'aux nues les charmes qu'on trouve dans votre amitié, SÉV. 22 sept. 1680.• Et le peuple, élevant vos vertus jusqu'aux nues, Va partout de lauriers couronner vos statues, RAC. Bérén. IV, 6.On dit dans un sens analogue : mettre aux nues.• S'il lui arrive le moindre malheur [au duc de Choiseul], je le mettrai aux nues ; je n'y mets pas tout le monde, il s'en faut beaucoup, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 5 janv. 1759.Fig. Cette pièce a été aux nues, elle a obtenu un très grand succès.• J'ai demain, pour ma part, cent places retenues, Et veux, après demain, vous faire aller aux nues, PIRON Métrom. V, 13.• Le Philosophe sans le savoir chancelle à la première, à la seconde représentation, et j'en suis bien affligé ; à la troisième il va aux nues, et j'en suis transporté de joie, DIDER. Mém. t. IV, p. 35, dans POUGENS.3° Par-dessus les nues, avec exagération.• Si j'avais trouvé cette juste comparaison..., vous me loueriez par-dessus les nues, SÉV. 4 août 1580.Il est au-dessus des nues, sur les nues, se dit de quelqu'un qui a surmonté quelque grand obstacle, qui est dans une grande fortune.• Vous jugez très bien de Quantova [Mme de Montespan] ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera son autorité et sa grandeur au delà des nues, SÉV. 28 juin 1775.• Elle profitera peu de ma faveur ; une autre la porterait aux nues, mais vous connaissez mon humeur, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, 3 sept. 1684.• Villars épouvanté, quoique sur les nues, SAINT-SIMON t. V, p. 99, édit. CHÉRUEL..4° Fig. Monter, sauter aux nues, bondir dans les nues, être dans un violent transport.• Cette pensée le fait sauter aux nues, SÉV. 456.• Je vous prie de ne point monter aux nues, ni me contraindre sur certaines choses ; laissez-moi la liberté de faire quelquefois ce que je veux, SÉV. t. III, p. 129, éd. RÉGNIER..• Songez à Mme Cauvison ; ce fils, ce cher fils, dont les moindres intérêts la faisaient monter aux nues, marié contre son gré, SÉV. juillet 1690.• Pour moi, je saute aux nues quand je pense à cette infamie, SÉV. 7 déc. 1664.• M. de Bussy perdit hier son procès.... Bussy bondit dans la nue, sa fille est forcenée dans son lit, SÉV. 13 juin 1684.• Cela ferait sauter aux nues ; ils font une sottise, et pour la réparer ils en disent une autre, DIDER. Est-il bon ? est-il méchant ? III, 5.5° Fig. Tomber des nues, arriver à l'improviste.• Il semble à quelques-uns qu'il [Héraclius cru mort] doit tomber des nues, CORN. Héracl. II, 1.• Quand il faut de nécessité finir la pièce, un bon homme semble tomber des nues pour...., CORN. D. Sanche, Examen..• Nous ne vous attendions point, je vous assure, et vous êtes tombé des nues pour nous, en vérité, REGNARD Ret. impr. 11.Il est tombé des nues, c'est-à-dire il n'est connu ni avoué de personne.En parlant d'une pièce de théâtre, ce dénoûment tombe des nues, il n'est point amené, point préparé.On dit dans le même sens : ce personnage, cet incident tombe des nues.En un autre sens, tomber des nues, n'être plus à soi (sens qu'on ne trouve que chez Mme de Sévigné et qui devait être de sa société).• Ils [les employés de la poste] m'ont mandé qu'il n'y en avait pas pour moi [de lettres de Mme de Grignan] ; me voilà tombée des nues ; je ne saurais vivre sans vos lettres, REGNARD 20 avr. 1672.• Je vais dans la chambre du chevalier [de Grignan].... nous parlons de vous ; je suis encore bien plus tombée des nues, quand il n'y est pas, REGNARD 31 janv. 1689.• Vous êtes chagrin, mon pauvre monsieur ; vraiment je ne m'en étonne pas ; vous êtes tombé des nues ; vous vous ôtez d'abord quatre petites personnes à la fois [il venait de mettre en pension dans un couvent quatre de ses filles], REGNARD à Guitaut, 30 mars 1683.• Je crains que votre frère ne me quitte.... je fais venir en tous cas Hélène, pour ne pas tomber des nues, REGNARD 9 févr. 1676.Tomber des nues, être tout étonné.• Le jeune homme tombé des nues Demandait : qu'est-ce là ?, LA FONT. Oies..• Richard, tombé des nues, Fut tout heureux de pouvoir s'en aller, LA FONT. Cal..• Je suis toute ébaubie, et je tombe des nues, MOL. Tart. V, 5.• Ce qui s'appelle tomber du haut des nues, c'est ce qui arriva hier au soir aux Tuileries [la défense à Mademoiselle de se marier avec Lauzun], SÉV. 10.• Je tombais des nues, j'étais ébahi, je ne savais que dire, J. J. ROUSS. Confess. IX..Il semble tomber des nues, se dit d'un homme qui est embarrassé, décontenancé, qui ne sait à qui s'adresser dans la compagnie où il se trouve.6° Fig. Se perdre dans les nues, s'égarer dans l'emphase et dans l'obscurité.• L'autre a peur de ramper, il se perd dans la nue, BOILEAU Art p. I.• On voit combien c'est un rôle insensé que de se perdre dans les nues, DIDER. Claude et Nér. II, 21.• Une diction toujours dans les nues et des pensées qui rampent toujours, J. J. ROUSS. Hél. 2e préf..7° Fig. Être dans la nue, être obscur, n'avoir pas encore éclaté.• Il était question lundi d'une nouvelle [d'une bataille livrée] qui était encore dans la nue, SÉV. 18 août 1677.NUE, NUAGE, NUÉE. La nue est le nom le plus général. Nuée et nuage ont, étymologiquement, le sens de réunion, masse de nues en vertu de leur finale ; mais l'usage a mis ces nuances : on dit les nues quand on veut exprimer l'ensemble des nuages qui couvrent le ciel ; on dit nuages quand on les considère surtout dans leur isolement et leur séparation ; enfin nuée désigne surtout une grosse nue.XIIe s.• Si cume la clarted del albe est bele e clere, quant li soleilz lieved par matin, quant nule nue ne niule [brouillard] n'i ad, Rois, p. 211.XIIIe s.• La fille au roy d'Hongrie, n'a [il n'y a] mieudre sous la nue, Berte, LII.XVe s.• Et [Philippe d'Artevelle] n'espargnoit non plus ni or ni argent, que doncque il lui plust des nues, FROISS. II, II, 160.• Quoyque la nue de tristesse Par un long temps ait fait son cours, CH. D'ORL. Bal. 14.XVIe s.• [Gargantua] croyoit que les nues fussent poisles d'airain, et que vessies fussent lanternes, RAB. I, 11.• Rampant au limon de la terre, je ne laisse pas de remarquer jusques dans les nues la haulteur inimitable de quelques ames heroiques, MONT. I, 263.Ital. nube ; du lat. nubes ; comparez le terme grec qui signifie nuage, l'all. Nebel, brouillard ; sanscr. nabhas, ciel, atmosphère, eau.————————nu, nue 1.(nu, nue) adj.1° Qui n'est point vêtu.• Les cheveux flottants, le bras et le pied nu, CORN. Médée, IV, 2.• Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, Que toute votre peau ne me tenterait pas, MOL. Tart. III, 2.• Mes soldats presque nus, dans l'ombre intimidés, RAC. Mithr. II, 3.• On peut, avec un art extrême, Offrir à la sagesse même L'amour qui rougit d'être nu, BERNIS Épît. IX..• Ils [les premiers hommes] étaient nus, et c'est chose très claire Que qui n'a rien n'a nul partage à faire, Sobres étaient, VOLT. Mondain..• Les auteurs arabes prétendent que Tamerlan se faisait verser à boire par l'épouse de Bajazet à demi nue ; et c'est ce qui a donné lieu à la fable reçue, que les sultans turcs ne se marièrent plus depuis cet outrage fait à une de leurs femmes, VOLT. Moeurs, 88.• Ils [les Moscovites prisonniers au nombre de 30 000] marchèrent tête nue, soldats et officiers, à travers moins de sept mille Suédois, VOLT. Charles XII, 2.• L'être que Dieu fit nu dut inventer les arts, Il file ses habits, il bâtit des remparts, DELILLE. Trois règnes, VIII.Fig.• Adieu, ma très chère ; je me trouve toute nue, toute seule, de ne vous avoir plus, SÉV. 11 juin 1677.Nu est invariable, lorsqu'il précède le substantif, et alors on met le trait d'union.• Il était nu-tête et nu-jambes, les pieds chaussés de petites sandales, VOLT. l'Ingénu. 1.• Éveillés à minuit au coeur de l'hiver par l'ennemi dans leur ville, les Génevois trouvèrent plutôt leurs fusils que leurs souliers ; si nul d'eux n'avait su marcher nu-pieds, qui sait si Genève n'eût point été prise ?, J. J. ROUSS. Ém. II.Les nu-pieds, nom donné à des hommes qui se révoltèrent en 1639 dans la Normandie contre le gouvernement.• Les nu-pieds s'étaient barricadés dans les faubourgs d'Avranches, et s'y défendirent avec fureur, H. MARTIN Hist. de France, t. XI, p. 506.Il est accoutumé à cela comme un chien d'aller nu-tête, se dit d'une chose à laquelle un homme est tout à fait accoutumé.Fig. et familièrement. Un va-nu-pieds, un gueux, un misérable.S'enfuir un pied chaussé, l'autre nu, se dit de celui qui s'enfuit en grande hâte.Demi-nu, à moitié vêtu.• Près du temple sacré les Grâces demi-nues, VOLT. Henr. IX..Nu comme la main, nu comme un ver, ou comme il est sorti du ventre de sa mère, se dit de quelqu'un qui n'a aucun vêtement.• Il [Job] se jeta par terre, et adora Dieu, et dit : je suis sorti nu du ventre de ma mère, SACI Bible, Job, I, XX, 21.• Jamais aucuns profits, et souvent en hiver Il me laissait aller presque aussi nu qu'un ver, DESTOUCHES Glorieux, I, 3.On dit dans le même sens : nu comme un singe.• Il [un fakir] était nu comme un singe, et avait au cou une grosse chaîne qui pesait plus de soixante livres, VOLT. Bababec..Mettre quelqu'un nu comme la main, le dépouiller de ses habits ; et fig. le priver de ce qu'il possède.• L'intérêt de l'humanité demanderait que la puissance spirituelle fût mise nue comme la main, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 6 avril 1773.Être nu en chemise, n'avoir sur soi qu'une chemise.• Guitaut était nu en chemise, avec des chausses, SÉV. 20.2° Par exagération. Être tout nu, avoir de méchants habits, ou n'être pas vêtu comme l'exigerait la saison ou la bienséance.Fig. Il est arrivé tout nu, se dit d'un homme qui était dans le dénûment, et à qui l'on a prodigué les bienfaits.3° Cheval nu, cheval vendu ou acheté sans selle ni bride. Ce cheval-là tout nu me coûte mille francs.4° Fig. Nu de, qui n'est pas pourvu de.• Un homme qui tout nu de glaive et de courage, MALH. I, 4.• Dieu, notre Dieu n'est pas un Dieu nu de puissance, DU BARTAS Semaine, 7e jour..• Les ports sont comblés, les villes sont détruites, et la terre, nue d'habitants, n'est plus qu'un lieu désolé, VOLNEY Ruines, 2.5° Terme de jurisprudence. Nue propriété, propriété d'un fonds dont un autre a l'usufruit.Fig. et par plaisanterie.• J'ai la nue propriété d'un des plus jolis objets qui soient sortis des mains de la nature, P. L. COUR. Lett. I, 135.Nu propriétaire, celui qui a une nue propriété.Titre nu, charge, par exemple de commissaire, achetée sans clientèle qui y soit jointe.6° Terme d'astronomie ou de physique. Oeil nu, oeil qui n'est pas armé de verres grossissants. Observer à l'oeil nu.7° Terme de chimie. Feu nu, celui dont l'action se dirige immédiatement sur une substance.8° Terme de botanique. Se dit d'une partie quelconque, lorsqu'elle est privée des appendices qui l'accompagnent souvent ou ordinairement. Le réceptacle est nu quand il ne porte pas de paillettes, d'écailles. Les fleurs sont nues quand elles n'ont ni bractées, ni involucres. L'amande est nue quand ses enveloppes propres se sont soudées aux parois de la loge.Se dit des ailes des insectes, quand on ne voit à leur surface ni poussière farineuse, ni poils.Se dit aussi de quelques poissons privés d'écailles.Enfin il se dit de la peau des quadrupèdes, là où elle est découverte de poils.• Il a les oreilles courtes et non pas nues comme le rat domestique, BUFF. Quadrup. t. III, p. 376.• Le dessous est en peau nue, BUFF. ib. p. 185.Métal nu, métal dégagé de toute substance étrangère.9° Qui n'a pas l'enveloppe, la couverture, l'ornement ordinaire. Les arbres sont nus en hiver.• Représentez-vous un homme né dans les richesses, mais qui les a dissipées par ses profusions.... ces murailles nues, cette table dégarnie, cette maison presque abandonnée...., BOSSUET la Vallière..• Et je tremble de peur quand une épée est nue, REGNARD Joueur, II, 11.Une maison nue, une maison dégarnie de meubles.Pays nu, pays sans arbres, sans verdure.Qui manque des ornements convenables. La façade de ce bâtiment est trop nue. Sans dentelles ni rubans une robe est nue. Une reliure nue.10° Fig. Il se dit ce qui est sans ornement intellectuel ou moral. Un style nu. Une composition trop nue.• Ah ! regret qui me tue De n'avoir pas aimé la vertu toute nue !, CORN. Poly. I, 4.• Une bonne action se produit toute nue, ROTR. Bélis. II, 19.• Une morale nue apporte de l'ennui, LA FONT. Fabl. VI, 1.• Je vois bien qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considère point la vertu toute nue, MOL. Préc. 18.• L'un n'est point trop fardé, mais sa muse est trop nue, BOILEAU Art p. I.• Quelques métaphysiciens modestes ont dit que le même pouvoir qui a fait croître l'herbe dans les campagnes de l'Amérique y a pu mettre aussi des hommes ; mais ce système nu et simple n'a pas été écouté, VOLT. Dict. phil. Population..Terme de peinture. Tableau nu, tableau dont la composition est pauvre, qui a besoin d'être garni de figures, de meubles, etc.11° Fig. Qui est sans déguisement, sans fard. C'est la vérité toute nue.• Voilà, pour vous montrer mon âme toute nue, Ce qui m'a fait bannir Didyme de ma vue, CORN. Théodore, II, 2.• Mais je t'expose ici mon âme toute nue, RAC. Brit. II, 2.12° Substantivement, au pluriel, en langage de dévotion. Les nus, les pauvres qui n'ont pas de vêtements. Vêtir les nus.13° S. m. Le nu, les parties nues du corps.• Le nu des bras et des jambes montre un homme fort et nerveux, FÉN. t. XIX, p. 333.• Le pied et le nu de la jambe sont couverts d'une peau noire, dure et écailleuse, BUFF. Ois. t. XIV, p. 208.Terme de sculpture et de peinture. Les figures et les parties des figures non drapées. On dessine les figures sur le nu avant que de les draper. Le nu de cette figure n'est pas correct.• Peignez-vous d'après le nu, madame, et avez-vous des modèles ? quand vous voudrez peindre un vieux malade emmitouflé, avec une plume dans une main et de la rhubarbe dans l'autre...., VOLT. Lett. Mme de Fontaine, 23 nov. 1753.• Grand Dieu ! que ses formes sont belles [de l'Apollon du Belvédère] ! Surtout les beaux nus que voilà !, BÉRANG. Éduc..Le nu ne se dit pas du visage et des mains que l'usage veut qui soient découverts.Par extension.• Le paysage doit être dessiné sur le nu, si on le veut faire ressemblant, CHATEAUBR. Dessin..Fig.• C'est peu d'avoir étudié dans l'homme moral ce que les peintres appellent le nu ; il faut s'instruire des différents modes que l'institution a pu donner à la nature, selon les lieux et les temps, MARMONTEL Oeuv. t. VIII, p. 385.On dit en parlant des parties des figures que les draperies recouvrent, mais sans empêcher de voir les formes : Ces figures sont bien dessinées, la draperie suit bien le nu.• La draperie de cette maussade figure est bien jetée et dessine le nu, DIDEROT Salon de 1767, Oeuvr. t. XIV, p. 300, dans POUGENS.14° Il se dit, en architecture, de l'absence d'ornements. Il y a trop de nu dans cette décoration.Le nu du mur, la partie du mur qui est plane, où il n'y a point de ressaut, d'ornements qui excèdent. Le nu du mur extérieur. Un pilastre excède le nu d'un mur.Terme de menuiserie. Le devant d'une partie quelconque.15° À nu, loc. adv. À découvert.• Et, laissant voir à nu deux têtes sans cheveux, Ont rendu le combat risiblement affreux, MOL. l'Ét. V, 14.Monter un cheval à nu, ou à dos nu, monter dessus sans selle.Fig.• Librement te montrer à nu mes passions, RÉGNIER Sat. VI.16° En chimie, à nu se dit d'un corps qui se montre hors de toute composition.• Sa découverte [de Berthollet] de l'acide phosphorique à nu dans l'urine humaine, FOURCROY et VAUQUELIN Inst. Mém. scienc. t. II, p. 451.• Il se forme très peu de sulfure de potassium.... et du charbon est mis à nu, SÉRULLAS Inst. Mém. acad. scienc. t. XI, p. 227.1. Nu est invariable quand il précède le substantif, sans être lui-même précédé d'un article, et alors il se joint au substantif par un trait d'union : nu-pieds, nu-jambes, nu-tête. Il s'accorde, au contraire, quand il les suit : aller pieds nus ; je me promène tête nue.2. Quelques grammairiens croient que nu-pieds est pour nu par les pieds ; et ils expliquent ainsi le non-accord de ces mots ; mais cette explication n'est pas bonne ; car alors il faudrait dire qu'une fille est nue-pieds, nue-tête ; et l'on n'écrit pas ainsi. Nu est ici simplement un adjectif pris à la forme absolue, comme cela arrive souvent en français dans des locutions de même genre, JULLIEN., Autrefois cet usage, car ce n'est qu'un usage, n'était nullement observé.• Vous n'alliez pas nus pieds pour faire moins de bruit ?, SCARRON Jodelet ou le maître val. II, 1.• Madame de Guitaut était nues jambes, et avait perdu une de ses mules de chambre, SÉV. 20.• Elle monta seule et nus pieds sur l'échelle, SÉV. 297.• Je ne songe seulement pas à en tirer une de ma cassette pour me recoiffer, et je suis nue tête, MARIVAUX Marianne, 3e part..3. On écrit souvent, avec un trait d'union, nu-propriétaire, et on fait alors nu invariable : des nu-propriétaires ; mais ni l'un ni l'autre de ces usages ne doit être suivi. Il faut écrire nu propriétaire sans trait d'union, puisqu'on écrit nue propriété ; et dès lors nu doit s'accorder : les nus propriétaires ; une nue propriétaire.XIe s.• [Il] Trait [tire] Durandal sa bone espée nue, Ch. de Rol. CII.• Puis ferent il [ils frappent] nud à nud sur lur broines [cuirasses], ib. CCLXI.XIIe s.• La char [il] lui tranche, li os sont remés [restés] nu, Ronc. 145.• Touz nuz soit despouillez ses cors et sa façons, ib. p. 200.• S'il eüssent sun cors tut nu à nu cergié [visité], Des curgies [escourgées, discipline] l'eüssent trové tut depescié, Th. le mart. 156.• Espines que l'um ne pot nue main esracier [arracher], Rois, p. 211.XIIIe s.• Diex ! est-ce ja que [je] la tienne à celée Entre mes bras nu à nu à loisir ?, VID. DE CHARTRES, Romanc. p. 114.• Et homage qui sont tenu en arriere fief ne font nule redevance, fors à lor segneurs de qui ils tienent nu à nu, BEAUMANOIR XXVII, 23.• En son poing [il] tenoit nu le brant fourbi d'acier, Berte, XIV.• À nus genous sur terre souvent [elle] s'agenoilloit, ib. XXVIII.• Li rois Pepins la prent par la blanche main nue, ib. LXXX.• Povreté qui ung seul denier N'eüst pas, s'el se deüst pendre, Tant seüst bien sa robe vendre ; Qu'ele iere [était] nue comme vers, la Rose, 447.• Ez-vous la joie ; N i a si nu qui ne s'esjoie ; Plus sont seignor que ras sus moie [huche], RUTEB. 34.XVe s.• [Le comte de Flandre] veut que tout homme de la ville de Gand.... soient tous nuds en leurs linges robes, nuds chefs et nuds pieds, FROISS. II, II, 153.XVIe s.• Marcher à pied nu, CALV. Instit. 954.• Sortir en la rue nue teste, CALV. ib. 969.• Ayant honte de veoir Agesilaus ainsi couché par terre dessus l'herbe nue, il s'y coucha aussi auprès de luy, AMYOT Agés. 19.• Estant nud non seulement d'armes defensives, mais aussi de tous vestemens, AMYOT ib. 59.• La premiere loy, que Dieu donna jamais à l'homme, ce feust une loy de pure obeissance ; ce feut un commandement nud et simple, MONT. II, 208.• On ne peut despouiller un homme nud, COTGRAVE .• Tu me vois nu de tout, sinon de vitupere ; Je suis l'enfant prodigue ; embrasse-moy, mon pere, DESPORTES Oeuvres chrest. XVIII, Plainte.• [Lui] Les pieds et les bras nuds, nud teste et sans ceinture, DESPORTES Élegies, II, 5, Pyromance.Wallon, nou, nowe au féminin ; namur. nu, neuve au féminin ; provenç. nud, nut ; catal. nu ; anc. espagn. nudo ; portug. nu ; ital. nudo ; du lat. nudus ; comparez le sanscrit nagda, nu ; anglo-saxon, nacod ; angl. naked ; le latin serait pour nugdus (1er u accent bref), a affaibli en u (accent bref).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE1. NU. Ajoutez :• Cordonnier, va-nu-pieds, Journ. offic. 10 juillet 1877, p. 5132, 2e col..(c'est un proverbe à mettre à côté de celui qui dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés).
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.