- morgue
- morgue 1.(mor-gh') s. f.1° Contenance sérieuse et fière.• Morgue de magistrat rébarbatif, sévère, Qui ne dément jamais son grave caractère, DUFRÉNY Mar. fait et rompu, I, 2.2° Orgueil et suffisance.• T'ai-je tracé la vieille à morgue dominante ?, BOILEAU Sat. X..• [Le maréchal de Villeroy] esprit borné et sans culture, de la vieille galanterie, un jargon de cour, de la morgue, haut ou plutôt glorieux, et plus bas que respectueux auprès du feu roi et de Mme de Maintenon, DUCLOS Oeuvres, t. V, p. 217.• La fausse dignité ou la morgue, DIDEROT Salon de 1767, Oeuv. t. XV, p. 147 dans POUGENS.• Nous sommes loin de confondre la morgue sophistique avec les saines connaissances de l'esprit et du coeur, CHATEAUBR. Génie, III, II, 1.XVIe s.• Ces parolles achevées, Juppiter, contournant la teste comme un singe qui avalle pillules, feit une morgue tant espouvantable que tout le grand Olympe trembla, RAB. Pant. IV, Nouv. prol..• Loyre et sa femme se vestirent de leurs beaux habillemens, comparurent en la salle, faisans bonne morgue, RAB. ib. IV, 12.• Vous trouvez de ces morgues de vent coustumierement aux Espagnois, D'AUB. Faen. IV, 5.• C'est injustice et folie de priver les enfants qui sont en aage, de la familiarité des peres, et vouloir maintenir en leur endroict une morgue austere et desdaigneuse, MONT. II, 79.Origine inconnue. Cependant Grandgagnage, au mot mouron, cite le languedocien morga, museau ; ce serait le même mot. Morgue ne paraît pas dans la langue avant le XVIe siècle.————————morgue 2.(mor-gh') s. f.1° Petite chambre à l'entrée des prisons, où l'on met d'abord les prisonniers, pour donner le temps aux guichetiers de bien les reconnaître.• On me conduit au petit Châtelet, où, du guichet étant passé dans la morgue, un homme gros, court et carré vint à moi, la Prison de M. Dassoucy, etc. Paris, 1674, in-12, p. 35.2° Par assimilation. Entrée de la manche de certains filets.3° Endroit où l'on expose les corps des personnes mortes hors de leur domicile, afin qu'elles puissent être reconnues.• La morgue est un endroit situé dans l'enceinte du grand Châtelet, où les corps morts dont la justice se saisit, sont exposés à la vue du public, afin qu'on puisse les reconnaître, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuvr. t. III, p. 221, dans POUGENS.• Il extermine en effet ma pauvre Irène ; il prétend qu'elle sera traînée à la morgue, et pendue par les pieds, parce qu'elle s'est tuée étant chrétienne, VOLT. Lett. Thibouville, 10 nov. 1777.Mercier dit morne et non pas morgue : C'est à l'Hôtel-Dieu, c'est à la morne, que l'on aperçoit les nombreuses et déplorables victimes des travaux publics et d'une trop nombreuse population, Tabl. de Paris. Lieutenant de police.D'après Ménage, morgue signifie visage, et est le même que morgue 1 : le lieu où l'on reconnaît la morgue, le visage des morts. L'étymologie est bonne, mais à condition que morne de Mercier soit une faute.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE2. MORGUE. Ajoutez : - REM.• La morgue était originairement le second guichet du Grand-Châtelet ; on y gardait les nouveaux prisonniers pendant quelques instants, afin que les guichetiers pussent les morguer à leur aise, c'est-à-dire les dévisager attentivement, et se graver leurs traits dans la mémoire, MAXIME DU CAMP Rev. des Deux-Mondes, 1er nov. 1857, p. 208.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.