- masque
- masque 1.(ma-sk') s. f.Terme familier d'injure dont on se sert quelquefois pour qualifier une jeune fille, une femme, et lui reprocher sa laideur ou sa malice.• La masque encore après lui fait civilité, MOL. Sgan. 14.• Ah ! ah ! petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre soeur, MOL. Mal. im. II, 11.• Maugrebleu de la masque avec son innocence, MONTFLEURY Femme juge, V, 5.Languedocien, masco, sorcière ; en Auvergne, d'après du Cange, masque, femme de mauvaise vie ; du bas-latin masca, sorcière. Grimm, dont Diez ne repousse pas la conjecture, rattache le bas-latin à masticare, mâcher, la sorcière ayant été ainsi nommée parce qu'elle mange les petits enfants ; c'est ainsi qu'en latin manducus, le mangeur, a signifié un épouvantail. Cela est ingénieux, mais n'est pas assuré (voy. masque 2).————————masque 2.(ma-sk') s. m.1° Faux visage de carton peint, etc. dont on se couvre la figure pour se déguiser.• Je vous invite ce soir à mes noces. - Je n'y manquerai pas ; et je veux y aller en masque, afin de les mieux honorer, MOL. Mariage forcé, 2.• Vous faisiez, Henri III, mille grimaces : aller en masque le mardi gras, et, le jour des Cendres, à la procession en sac de pénitent, FÉN. t. XIX, p. 397.• Le masque donne une certaine hardiesse, façon d'insolence qui ne me déplaît pas, et qui est assez dans mon caractère, DANCOURT Second chap. du Diable boit. I, 4.• Ce n'est point dans ce sens propre que Malherbe prenait le mot de masque lorsqu'il disait qu'à la cour il y avait plus de masques que de visages, DUMARSAIS Tropes, part. I, art. 6.• ...Un masque à mes yeux dérobait son visage, ANCELOT Fiesque, III, 5.Lever le masque à quelqu'un dans une mascarade, soulever son masque pour chercher à le reconnaître.• Mais sans vous faire outrage, Peut-on lever le masque, et voir votre visage ?, MOL. l'Ét. III, 12.Le masque de fer ou l'homme au masque de fer, mystérieux prisonnier d'État du règne de Louis XIV.• Je suis assez instruit de l'aventure de l'homme au masque de fer, mort à la Bastille ; j'ai parlé à des gens qui l'ont servi, VOLT. Lett. abbé Dubos, 30 oct. 1738.Masques à domino, masques qui n'ont pas de menton, et sont coupés à la hauteur de la lèvre supérieure.Fig. Faire un masque à quelqu'un, lui jeter au visage quelque chose qui le barbouille. Il prit de la boue et lui en fit un masque.Faire un masque, se dit aussi simplement d'une chose que l'on jette contre la face de quelqu'un.• Mais, ma foi, si jamais chez nous vous revenez, Je vous fais de la porte un masque sur le nez, REGNARD Ménech. II, 5.Ancien terme militaire. Lever le masque d'une batterie, la découvrir. On dit aujourd'hui démasquer une batterie.2° Morceau de velours noir où l'on fait un nez et deux yeux, dont les dames se couvraient le visage. Les dames n'ont commencé à porter des masques que sur la fin du seizième siècle.• De peur du hâle elle portait deux masques, L'un de peinture et l'autre de velours, MAYNARD Épigr..• Ses coiffes d'où pendait au bout d'une ficelle Un vieux masque pelé presque aussi hideux qu'elle, BOIL. Sat. X..3° Terme d'escrime. Armure de fil de fer, à mailles très serrées, et garnie de peau, qu'on se met sur le visage quand on fait des armes, pour le protéger contre les coups de fleuret.4° Terme d'antiquité. Masque de théâtre, masque aux traits gigantesques qui couvrait la figure et une partie de la tête. Masque tragique, comique, etc.• Les grands, pour la plupart, sont masques de théâtre ; Leur apparence impose au vulgaire idolâtre, LA FONT. Fabl. IV, 14.• Eschyle dans le choeur jeta les personnages, D'un masque plus honnête [que la lie dont Thespis se barbouillait] habilla les visages, BOILEAU Art p. III.• La tragédie employa le masque presque au moment où elle prit naissance ; on ignore le nom de celui qui l'introduisit dans la comédie, BARTHÉL. Anach. ch. 70.• Les masques, dont il est permis de changer à chaque scène, et sur lesquels on peut imprimer les symptômes des principales affections de l'âme, peuvent seuls entretenir et justifier l'erreur des sens, et ajouter un nouveau degré de vraisemblance à l'imitation, BARTHÉL. ib..5° Caractère de la physionomie, en parlant des acteurs. Cet acteur a un bon masque, le masque mobile, un masque comique, etc.Nom d'une ancienne sorte de représentation théâtrale.• L'Angleterre ne possédait alors (1720) que les masques, genre de spectacle d'une pompe extraordinaire et bizarre, un ensemble de musique, de danses, de constructions improvisées, de peintures, de festins, de scènes parlées ou mimées entre des personnages allégoriques, accoutrés avec un luxe prodigieux, C. BLAZE Hist. de l'opéra italien, IV, p. 110.6° Personne masquée. Aller voir les masques.• Quoi ! masques toute nuit assiégeront ma porte !, MOL. l'Ét. III, 13.• Bonjour, beau masque, vous me voyez à visage découvert, et vous ne me connaissez pas ; vous êtes masquée, et je vous connais, DANCOURT les Fêtes du Cours, sc. 5.Fig. Je vous connais, beau masque, se dit à quelqu'un que l'on reconnaît sous le masque, ou, figurément, dont on pénètre les vues, les intentions.• Je lui criai : masque, je te connais, VOLT. Hypocr..• Je vous reconnais, beau masque : c'est de vous cela, DIDER. Salon de 1767, Oeuv. t. XV, p. 97.7° Terre préparée et appliquée sur le visage de quelqu'un pour en prendre le moule. Buste fait d'après un masque.8° Terme de peinture et de sculpture. Visage séparé du reste du corps, dont les traits sont ordinairement chargés, et qu'on met quelquefois dans les ornements de ces deux arts. On a mis des masques à toutes les clefs de ces arcades.9° Fig. Fausse apparence.• La vertu.... Sert aux jeunes de masque, aux plus vieux de risée, RÉGNIER Ép. I.• Et ce masque trompeur de fausse hardiesse Nous déguise sa crainte et couvre sa faiblesse, CORN. Nicom. III, 4.• Et le masque est levé de votre trahison, MOL. D. Garc. IV, 8.• Vous voyez sous quel masque de sympathie et de rapports de sentiments je me déguise pour lui plaire, MOL. l'Avare, I, 1.• Il [Harlay] se piqua surtout de probité et de justice dont le masque tomba bientôt, SAINT-SIMON 17, 197.• Cette conduite [de la cour de France s'alliant avec les protestants du dehors et faisant la guerre à ceux du dedans] prouve assez manifestement que le zèle de la religion n'a jamais été dans les cours que le masque de la religion et de la perfidie, VOLT. Moeurs, 176.• C'est trahir à la fois sous un masque hypocrite Et le Dieu qu'on préfère et le Dieu que l'on quitte, VOLT. Alz. V, 5.• La nature ne porte qu'un voile, nous lui donnons un masque ; nous la couvrons de préjugés, nous supposons qu'elle agit, qu'elle opère comme nous agissons et pensons, BUFF. Animaux carnassiers..• D'un masque saint ils couvrent leur vengeance ; Rougiraient-ils devant ma probité ?, BÉRANG. Ad. à la campagne..• Et quand l'honneur n'est plus, ma vertu désormais Est d'en offrir au moins et le masque et les traits, BRIFFAUT Ninus II, IV, 10.Absolument.• Quelque graves et dissimulés qu'ils soient, à la première alarme le masque leur tombe à terre, BALZ. Des ministres et du ministère.• Je me réjouis donc d'avoir trouvé un visage parmi tant de masques et de pouvoir embrasser quelque chose de sensible et de véritable, BALZ. liv. V, lett. 19.• Mettre bien la franchise et la feinte en usage, Porter tantôt un masque et tantôt un visage, ROTR. Vencesl. I, 1.• Au travers de son masque on voit à plein le traître ; Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être, MOL. Mis. I, 1.• Je vais par des douceurs, puisque j'y suis réduite, Faire poser le masque à cette âme hypocrite, MOL. Tart. IV, 4.• Mais au moindre revers funeste Le masque tombe, l'homme reste, Et le héros s'évanouit, J. B. ROUSS. Ode à la fortune..Lever le masque, parler franchement, paraître tel qu'on est en effet, ne plus se déguiser, mettre au jour ce qu'auparavant on avait tenu caché.• Ce fut là qu'il leva le masque et qu'il se donna en proie à toutes ses passions, VAUGEL. Q. C. liv. VI, dans RICHELET.• Quoi ! si la déloyale enfin lève le masque, Oses-tu te fâcher d'être désabusé ?, CORN. Mélite, III, 4.• De l'artifice enfin il faut bannir l'usage, Il faut lever le masque et montrer le visage, ROTROU Vencesl. III, 2.• Il faut lever le masque et.... découvrir à vos yeux les véritables sentiments de mon coeur, MOL. Princ. d'Él. V, 2.• Ne levez point le masque, et ne vous chargez point d'avoir une haine à soutenir, SÉV. 58.Arracher, ôter le masque à quelqu'un, faire connaître sa fausseté, sa perfidie, etc.• Eh quoi ! lorsqu'autrefois Horace, après Lucile, ....Allait ôter le masque aux vices de son temps, BOILEAU Sat. VII.Être toujours en masque, faire toujours paraître d'autres sentiments que ceux que l'on a.10° Terme de médecine. Nom donné quelquefois, dans la description des maladies, à l'aspect offert par tout le visage.Masque des femmes en couches, bouffissure et teinte particulière que prend le visage pendant les derniers temps de la grossesse et de la durée des couches. Cette femme a le masque.11° Terme de botanique. Fleurs en masque, fleurs personnées.12° Terme de marine. Rempart de toile élevé sur le pont d'un navire pour abriter la cheminée (Jal fait ce mot féminin).Sorte de revêtement en croûte de chêne ou de sap, que l'on établit devant les parties supérieures, devant la poupe et la poulaine des bâtiments en construction, afin d'abriter ces parties contre la pluie et le soleil.Grand plan de bois que l'on met à l'arrière d'un navire qu'on lance à l'eau, pour retarder son erre et empêcher qu'il n'aille se briser contre le quai voisin.Abri que l'on obtient soit fortuitement, soit à dessein sur une côte.13° Petit ciseau gravé en creux ou en relief, dont les arquebusiers, les armuriers et d'autres artisans se servent pour leurs ciselures.14° Lèvre inférieure des larves ou nymphes des libellules.15° Genre de coquilles univalves. Le masque grimace dit vulgairement la grimace, la bossue qui était le murex anus de Linne.16° Demi-masque noir, espèce de fauvette.XVIe s.• Les fideles ne consideroyent point quelles pestes estoyent aucune fois cachées dessous telles masques, CALV. Instit. Dédic..• Ils ne daignent pas le mettre en conte [Jésus-Christ], s'arrestent plustost à saint Georges, Hippolite et pareilles masques, CALV. Inst. 705.• Tel faux visage ou masque aura seulement deux petits trous droit au milieu de l'oeil, PARÉ XVII, 1.• Masques de rois, idoles animées, Et non pasteurs ny princes des armées, RONS. 652.• C'est nostre office de despouiller ce masque qui se vest et pare des couleurs et habits d'autruy, à faute d'en avoir de propres à luy, AMYOT Com. discerner le flatteur de l'ami, 12.• Qui fait monter Neron sur l'echafaud avec une masque sur le visage et des brodequins aux jambes ?, AMYOT ib. 24.• Vous avez paríe, masque, RABELAIS II, 19.• Homonymies tantineptes.... que l'on devroit.... faire un masque d'une bouze de vache à un chascun d'iceux qui en voudroient dorenavant user en France, RABELAIS Garg. I, 9.• Nicolas de Modene, sculpteur et faiseur de masques, Bibl. des ch. 6e série, t. I, p. 491.• L'achapt d'une douzaine de fins masques, argentez par dedans, livrez es mains du roy, ib. p. 492.• Rien ne te plaist que l'ignorance Dessous le masque d'arrogance Qui fait rougir les mieux appris, R. BELLEAU Oeuv. t. II, p. 71, dans LACURNE.Bas-latin, mascha, sorcière. Du sens de sorcière on a pu passer, et il paraît bien effectivement qu'on a passé au sens de faux visage, destiné à faire peur : XIIe s. Mascha, simulacrum quod terret, quod vulgo dicitur mascarel, quod apponitur faciei ad terrendos parvos, UGUTIO, dans DU CANGE, masca. Cependant Kiliaen suppose que le masque est primitivement un réseau, et le rapporte à l'ancien haut allemand masca, filet ; allem. mod. Masche ; mais rien n'indique que le masque ait été un filet. On voit par la citation d'Ugution que le nom vulgaire était mascarel, qui est de même forme que l'italien maschera ; espagn. mascara ; portug. mascara et mascarra. En regard de ces substantifs sont des verbes : ital. mascherare ; anc. espagn. mascarar ; provenç. mascarar, barbouiller ; anc. franç. mascerer, barbouiller :• Li mestre queux l'ot fait la nuit toser [tondre], à la paele noircir et charbonner, Trestot le vis [visage] li out fet mascerer, Bat. d'Aleschans, V. 3398.• Tousjours se vaultroit par les fanges, se mascaroit le nez, se chaffouroit le visage, RAB. Garg. I, 11.À cela se rapporte le verbe machurer, barbouiller ; bourguig. machurer, noircir, barbouiller. Ces verbes tiennent au germanique : vieux flamand, mascher, tache ; anglo-saxon, mäscre ; mais ils ne paraissent pas avoir une origine commune avec la forme primitive, masque. Masque vient du bas-latin mascha, sorcière, et, par dérivation, faux visage qui fait peur ; l'origine de mascha, qui se trouve dès les Lois des Lombards, est inconnue, si on n'adopte pas la conjecture de Grimm (voy. masque 1) ; les formes maschera, mascarel, etc. en sont des allongements. Cette étymologie écarte celle de Souza, adoptée par Mahn : arabe, mascharat, plaisanterie. L'ancien français disait très souvent faux visage.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE2. MASQUE. Ajoutez :17° Terme de guerre. Masse couvrante derrière laquelle sont abrités des travailleurs, ou disposée en certains points d'un ouvrage de fortification pour boucher une trouée, pour abriter un passage.18° Pointe d'une digue.• Lors de la révolution, les ouvrages [de deux digues] furent absolument abandonnés : si on avait pu prévoir cette circonstance, on aurait donné aux masques la solidité convenable pour résister aux événements, BREMONTIER Rech. sur le mouv. des ondes, p. 99.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.