- jeune
- (jeu-n') adj.1° Qui n'est guère avancé en âge.• Seize jeunes gentilshommes qui seront entretenus pour être instruits au fait de la marine et de la navigation, Estat des pensions, 1627, dans JAL.• Ces veuves jeunes et riantes que le monde trouve si heureuses, BOSSUET Anne de Gonz..• La princesse Marie, pleine alors de l'esprit du monde, croyait, selon la coutume des grandes maisons, que ses jeunes soeurs devaient être sacrifiées à ses grands desseins, BOSSUET ib..• Un jeune prince du sang qui portait la victoire dans les yeux, BOSSUET Louis de Bourbon.• Quand on n'est plus jeune, la vie n'est bonne à rien, MAINTENON Lett. à Mme de Caylus, 8 janv. 1717.• Le jeune homme, toujours bouillant dans ses caprices, Est prompt à recevoir l'impression des vices, BOILEAU Art p. III.• Jeune autrefois par vous dans le monde conduit, BOILEAU Sat. x.• Si vous n'avez appris à vous laisser conduire, Vous êtes jeune encore, et l'on peut vous instruire, RAC. Brit. III, 8.• De l'antique Jacob jeune postérité, RAC. Esth. I, 1.• Dans les mains des Persans, jeune enfant apporté, RAC. ib. II, 1.• ... A rempli ce palais de filles de Sion, Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées, RAC. ib. I, 1.• Jouissez, monseigneur, de votre belle santé ; il n'y a de jeunes que ceux qui se portent bien, VOLT. Lett. Richelieu, 11 avr. 1773.• Elle n'est plus jeune ; elle a au moins vingt-sept ans, quoiqu'elle ne s'en donne que vingt-quatre, GENLIS Théât. d'éduc. les Dangers du monde, 1, 9.Les jeunes gens, les personnes qui sont dans la jeunesse ; se dit des jeunes hommes, et aussi d'un mélange de jeunes hommes et de jeunes filles.• Qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même ; aussi qui ne la voit, excepté de jeunes gens qui sont tous dans le bruit, dans le divertissement, et dans la pensée de l'avenir ?, PASCAL Pens. VI, 59 bis, édit. HAVET..• Seulement il se mêlait d'encourager au travail et de conduire, quand il le fallait, de jeunes gens à qui il trouvait du talent pour les mathématiques, FONTEN. Reyneau..• Vous êtes de jeunes gens en comparaison du vieillard des Alpes, VOLT. Lettr. Cideville, 4 janv. 1761.Une jeune personne, voy. personne.De jeunes mains, signifie, en poésie ou dans le style élevé, des jeunes gens.• Il te sied bien d'avoir en de si jeunes mains, Chargé d'ans et d'honneur, confié tes desseins, RAC. Baj IV, 7.• Faites porter ce feu [la guerre] par de plus jeunes mains, VOLT. Mithr. III, 1.Un jeune coeur, se dit ou d'un jeune homme ou d'une jeune fille.• Et goûter tout sanglant le plaisir et la gloire Que donne aux jeune coeurs la première victoire, RAC. Baj. I, 1.Jeune France, jeune Allemagne, etc. se dit de certains partis politiques, littéraires ou artistiques, qui se jettent avec ardeur dans les innovations.Jeunes détenus, les mineurs de 16 ans qui sont envoyés par le juge dans une maison de correction. Un jeune détenu.Substantivement. Faire le jeune, la jeune, affecter des manières qui ne conviennent qu'à la jeunesse.2° Qui n'est pas assez avancé en âge pour remplir certains offices. Ce précepteur est bien jeune.3° Fig. et familièrement. Une jeune barbe, un jeune homme. Il veut décider de tout et ce n'est qu'une jeune barbe.Vous avez la barbe trop jeune, se dit à celui qui veut reprendre un plus âgé que lui.4° Qui appartient à la jeunesse.• Ce visage si jeune que les traits de l'enfance s'y faisaient remarquer encore, STAËL Corinne, XVII, 9.Par plaisanterie. Un jeune sermon, un sermon prononcé par un jeune homme.• Nous entendîmes l'autre jour l'abbé de Montmor ; je n'ai jamais ouï un si beau jeune sermon, SÉV. 1er avr. 1671.Cette couleur est jeune, elle ne convient qu'à des personnes jeunes. Cette couleur est trop jeune pour une femme de son âge.• Quand on lui montre quelque chiffon visiblement trop jeune pour elle, GENLIS Théâtre d'éduc. la March. de modes, sc. 2.Le jeune âge, l'âge, le temps où l'on est jeune.• Le feu de son jeune âge et de ses passions.... Semblaient ouvrir son âme à mes séductions, VOLT. Brut. III, 2.On dit de même, dans le style relevé et en poésie : jeunes ans ; jeune saison.• Ô que, pour avoir part en si belle aventure, Je me souhaiterais la fortune d'Éson, Qui, vieil comme je suis, revint, contre nature, En sa jeune saison !, MALH. II, 12.• Vous daignâtes m'aimer dès mes plus jeunes ans, CORN. Mort de Pomp. IV, 3.• J'ai perdu, dans la fleur de leur jeune saison, Six frères...., RAC. Phèdre, II, 1.Familièrement. Dans son jeune temps, alors qu'il était jeune.5° Fig. Jeune se dit de choses morales et intellectuelles.• Il faudra que je change, et, malgré que j'en aie, Plus soigneux devenu, plus froid et plus rassis, Que mes jeunes pensers cèdent aux vieux soucis, RÉGNIER Sat. V.• Un jeune esprit facilement s'engage Par la douceur des yeux, du geste et du langage, MAIRET Sophon. III, 2.• Son style [du fils de Mme de Grignan] tout naturel, tout jeune, sans art, un peu répété par la grande envie d'obtenir [une permission], SÉV. 4 janv. 1690.• De ses jeunes erreurs désormais revenu, RAC. Phèd. I, 1.• D'abord ce jeune éclat qu'on remarque en ses traits...., RAC. Alex. III, 5.• Abel, doux confident de mes jeunes mystères, Vois, mai nous a rendu nos courses solitaires, A. CHÉN. Élégies, I.6° Cadet, par opposition à aîné. Celui-ci est l'aîné ; celui-là est le jeune frère.• Sous les lois du plus jeune on vit marcher son frère, CORN. Nicom. II, 3.Substantivement.• Et la raison d'État qui rompt votre hyménée Regarde-t-elle plus la jeune que l'aînée ?, CORN. Agés. IV, 1.Il se dit aussi par opposition à ancien, pour distinguer certains personnages historiques. Pline le jeune. Denys le jeune.7° Par extension, qui conserve quelque chose de la vivacité et de l'agrément de la jeunesse. Il ne vieillit point, il est toujours jeune.• Vous n'avez de votre vie été si jeune que vous êtes, et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous, MOL. Avare, II, 6.Dans le même sens, en parlant de choses qui appartiennent aux personnes. Avoir la voix jeune, le visage jeune. C'est un coeur toujours jeune.• Un caractère très sérieux, très appliqué et qui n'avait rien de jeune que le pouvoir de soutenir beaucoup de travail, FONTEN. Littre..• Hélas ! quand un vieillard aime, il faut l'épargner ; Le coeur est toujours jeune, et peut toujours saigner, V. HUGO Hernani, III, 1.Avoir encore le goût jeune, les goûts jeunes, conserver, dans un âge avancé, les inclinations de la jeunesse.8° Qui n'a point encore l'esprit mûri par l'expérience. Je crois qu'il sera toujours jeune.Familièrement et par ironie. Naïf, simple, facile à tromper. Vous croyez cela, vous êtes jeune.9° Jeune se dit des animaux peu avancés, comme l'homme, dans le cours de leur vie. Un jeune chien. Un jeune chat. Un jeune coq.• [Je] trottais comme un jeune rat, Qui cherche à se donner carrière, LA FONT. Fabl. VI, 5.Il est fou comme un jeune chien, se dit d'une personne folâtre.Jeune se dit également des arbres et des plantes. Un jeune chêne. Un jeune bois. Un jeune plant.Terme de l'administration forestière. Jeunes baliveaux, par opposition aux baliveaux modernes, qui ont deux ou trois âges, et aux baliveaux anciens, qui ont plus de trois âges.10° S. m. Les jeunes, les hommes peu avancés en âge.• Tu murmures, vieillard ! vois ces jeunes mourir, Vois-les marcher, vois-les courir à des morts, il est vrai, glorieuses et belles, Mais sûres cependant et quelquefois cruelles, LAFONT. Fabl. VIII, 1.• C'est donc à dire Que je ne suis qu'un vieux, dont les jeunes vont rire ?, V. HUGO Hernani, II, 3.En cet emploi, il ne se dit qu'au pluriel.Jeune de langue, nom de jeunes gens entretenus pour apprendre les langues orientales et devenir drogmans. Un jeune de langue. Des jeunes de langue.Terme de féodalité. Officier subalterne. Les jeunes d'un duc, d'un comte.Terme de physiologie. Le jeune des mammifères, des oiseaux, etc. mammifère, oiseau peu avancé dans la vie, et n'ayant pas encore sa taille, son pelage, son plumage, etc. permanents.PROVERBESJeune procureur et vieil avocat, c'est-à-dire un procureur doit être actif et un avocat réfléchi. On dit aussi dans un sens analogue : Vieux médecin, jeune chirurgien.Jeune chair, vieux poisson, c'est-à-dire il faut manger les animaux de boucherie, la volaille, le gibier jeune et les poissons vieux.Aussitôt meurent jeunes que vieux.Le diable était beau quand il était jeune.1. Quand jeune est précédé de l'article, il a des sens différents suivant qu'il est placé avant ou après son substantif. Le jeune Scipion signifierait que Scipion n'était pas âgé ; Scipion le jeune se dit pour le distinguer de Scipion l'ancien.2. De jeunes gens ou des jeunes gens, voy. GENS, remarque 11.3. On dit d'ordinaire de jeunes filles, jeunes filles faisant moins dans l'usage un mot unique que jeunes gens.• Cependant on trouve aussi des jeunes filles : Enseigner la langue française à des jeunes filles de qualité, VOLT. Lett. Gallitzin, octobre, 1765.XIIe s.• Et li viel home et li jone mesquin [les jeunes gens], Roncisv. p. 155.XIIIe s.• Ele estoit joene et tendre com rosée en herbiere, Berte, XL.• Grant duel [deuil] font pour Bertain li joene et li chenu, ib. CI.• Ains li faisoit la genne dame [Héloïse], Bien entendant et bien letrée Et bien amant et bien amée, Argumens à li chastier Qu'il se gardast de marier, la Rose, 8804.XIVe s.• Et n'y a point de difference se aucun est jeune de aage ou il est jeune de meurs et assez aagé, ORESME Eth. IV.XVe s.• Il [Charles VI] est encore trop jeune d'un an, quant il nous cuide esbahir par ses assemblées, FROISS. II, II, 174.• Ils me tiennent bien pour jeune et ignorant, quand ainsi me veulent mener, FROISS. livre IV, p. 125, dans LACURNE.• Appert bien que le dit amant est bien jeune, simple et mal conseillé de intenter procès, Aresta amorum, p. 114, dans LACURNE.XVIe s.• Les jeunes et les vieux laissent la vie de mesme condition, MONT. I, 73.• Ce venerable maintien, soubs un visage si jeune, MONT. III, 192.• Nous autres courtisans, j'ay veu que nous appellions a la cour un jeune gentilhomme qui ne faisoit que venir, jeune espée, BRANT. Cap. fr. t. I, p. 338, dans LACURNE.• De jeune theologien argument cornu, De jeune medecin cimetiere bossu, De jeune advocat heritage perdu, De jeune procureur procez mal entendu, De jeune conseiller jugement morfondu, De jeune juge aussi le droit mal deffendu, De jeune riche enfant le bien tost despendu, De jeune marié mesnage malotru, ROGER DE COLLERYE Oeuvres, p. 188, dans LACURNE.• Jeune en sa croissance a un loup en la panse, COTGRAVE .• Amour se nourrit de jeune chair, COTGRAVE .Berry, jenne ; nivernais, zeune ; wallon, jône ; namur. et picard, jone ; provenç. jove ; espagn. joven ; ital. giovine, giovane ; du lat. juvenis ; allem. jung ; russe, ioúni ; persan, djuvan ; sanscr. yuvan. Yuvan paraît être pour yavan, par assimilation du v sur a ; et on l'a rapproché des yavanas (voy. ioniens) ; de sorte que les jeunes, juvenes, seraient ceux qui combattent, repoussent, aident.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREJEUNE. Ajoutez :11° Les jeunes, ancien nom de certaines confréries d'artisans dans le Midi.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.