- jean
- (jan) s. m.1° Nom propre employé dans diverses locutions.• Ou me baillant d'un : Jean, Jeanne vous remercie, RÉGNIER Sat. XI.2° Ris-t'en, Jean, on te frit des oeufs, se dit lorsqu'on voit quelque rieur incommode.3° Celui à qui sa femme fait porter des cornes.• On l'a fait Jean sans lui en demander avis, LE ROUX Dict. com..4° Faire le Jean Lorgne, faire le sot, l'innocent. Tandis que, faisant les Jeans Lorgnes, Nous regardions de tout côté, Voyage de Brême, dans LE ROUX, Dict. comique.5° C'est un saint Jean bouche d'or, c'est un homme qui parle très bien, par allusion à saint Jean Chrysostome, dont le nom grec signifie bouche d'or ; et aussi c'est un flatteur ou un prometteur.6° C'est comme le bréviaire de messire Jean, cela s'en va sans dire.7° Saint Jean le précurseur, celui qui baptisa Jésus-Christ.Chrétiens de saint Jean, secte chrétienne, voy. sabéisme.Faire comme saint Jean qui donnait le baptême sans l'avoir reçu, c'est-à-dire se mêler d'enseigner ce qu'on n'a pas appris.Le feu de la Saint-Jean, celui qu'on fait la veille de la Saint-Jean.• Tous ces vains discours d'appareil, qui ne contiennent que des phrases, sont comme le feu de la Saint-Jean, allumé le jour de l'année où l'on a le moins besoin de se chauffer, VOLT. l'H. aux quarante écus, les proportions..On y a appliqué toutes les herbes de la Saint Jean, voy. herbe.Près de telle chose cela n'est que de la Saint-Jean, c'est-à-dire cela est sans valeur, sans mérite.• On fait peut-être ici allusion aux poires dites de la Saint-Jean, qui mûrissent vers la Saint-Jean, fin de juin : elles sont petites et d'une qualité médiocre, ce qui, en les comparant à de très belles et bonnes poires, aura donné naissance au proverbe, LEGOARANT .Le mal Saint-Jean, l'épilepsie, ainsi dite parce que la tête de saint Jean tomba à terre lorsqu'il fut décapité.8° Jean lapin, nom que la Fontaine donne au lapin.• Jean lapin allégua la coutume et l'usage, LA FONT. Fabl. VII, 16.9° Un Jean des vignes, un sot, un mal bâti.Il fait comme Jean des vignes, se dit quand on voit quelqu'un s'engager dans un mauvais pas ; par allusion, dit-on, à la bataille de Poitiers livrée par le roi Jean dans des vignes.Un mariage de Jean des vignes, tant tenu, tant payé, ou, simplement, le mariage de Jean des vignes, un concubinage couvert de l'apparence d'un mariage.10° C'est le chien de Jean de Nivelle, il s'enfuit quand on l'appelle, voy. chien.11° Jean de Lagny qui n'a point de hâte, se dit d'un homme qui ne se hâte point, qui n'a pas d'activité ; locution qui vient, dit-on, de ce que, dans son expédition de 1417, le duc de Bourgogne serait resté deux mois à Lagny sans avancer ni reculer.12° C'est du bon temps de Jean de Vert (on prononce vêr), ou je m'en soucie comme de Jean de Vert, se dit pour signifier cela est passé, je ne m'en soucie plus ; locution qui vient de Jean de Wert, général des armées impériales, qui, après avoir été plusieurs fois heureux contre les Français et avoir excité une grande terreur, fut pris le 2 mars 1638 à la bataille de Rheinfeld et enfermé à Vincennes ; à la terreur que son nom inspirait succéda ce dicton qui rappelait un mal oublié.• Quand je suis avec mes amis, Je ne suis plus malade ; C'est là que je me suis permis Le vin et la grillade ; N'en déplaise à monsieur Thévard [son médecin], Je n'en irai qu'un peu plus tard Voir Jean de Vert, DESHOULIÈRES Chanson sur l'air de Jean de Vert..• Elle m'a juré que vous l'avez donné aujourd'hui au chevalier, qui est, dit-elle, votre parent, comme Jean de Vert, LESAGE Turcar. II, 3.• Le monde n'est rempli que de ces preneurs d'intérêt, qui, dans le fond, ne se soucient non plus de nous que de Jean de Vert, BRUEYS Grondeur, I, 7.13° Il est redevenu Gros Jean comme devant, se dit d'un homme qui, après avoir été favorisé de la fortune, est retombé dans sa condition première.• Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même, Je suis Gros-Jean comme devant, LA FONT. Fabl. VII, 10.14° C'est Gros-Jean qui veut en remontrer à son curé, se dit de celui qui veut enseigner à plus savant que lui.15° Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, nom primitif de l'ordre dont les membres furent appelés, ultérieurement, chevaliers de Rhodes et enfin chevaliers de Malte16° Jean Ridoux, marguillier de Saint-Cloud, ancien terme populaire de mépris, de moquerie. Molière : Mme Jourdain est un peu en courroux. - Mme Jourdain : Oui, Jean Ridoux, l'Ombre de Molière, comédie.17° Jean Farine, pierrot ou paillasse, parce que ce personnage de la foire se blanchit le visage avec de la farine.18° Jean de Paris, personnage légendaire qu'on suppose fils d'un roi de France, et semant l'or et l'argent sur son passage.• De là ce proverbe en parlant d'un homme fastueux : C'est un train de Jean de Paris, CH. NISARD Littérature du colportage, t. II, p. 40.L'opéra comique de Jean de Paris est fondé sur cette légende.• Ris et chante, chante et ris ; Prends tes gants et cours le monde ; Mais, la bourse vide ou ronde, Reviens dans ton Paris ; Ah ! reviens, ah ! reviens, Jean de Paris, BÉRANG. Jean de Paris..XVe s.• Icellui Proust dist au suppliant qu'il estoit bien Jehan premier, par maniere de moquerie, DU CANGE Joannes..• Icelle femme vint à l'encontre du suppliant son mary, et lui dit telles paroles : traistre, paillard, larron, je t'ay fait plusieurs fois Johan, et en despit de toy je te le ferai encores, DU CANGE ib..XVIe s.• Ne prends pas un nom estranger ; Prens Jean, c'est un nom de baptesme, Dit sa femme, et sans danger. Je te baptiseray moi mesme, BOUCHET Serées, livre III, p. 257, dans LACURNE.• Un quidam nommé Jean de nom et qui l'estoit peut estre aussi de surnom, DES ACCORDS Bigarrures, p. 31, dans LACURNE.• Nous avons deux noms desqueIs nous baptisons en commun ceux qu'estimons de peu d'effet, les nommons Jeans ou Guillaumes, PASQUIER Recherches, livre VIII, p. 751.Lat. Johannes ; de l'hébreu, Jochanan, qui signifie : Jéhovah est clément. D'assez bonne heure, Jehan, Jehanne, malgré l'orthographe, s'est prononcé en monosyllabe. Et Jehanne, la bonne lorraine, Qu'Anglois bruslerent à Rouen, VILLON, Ball. des dames du temps jadis.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREJEAN. Ajoutez :19° Jean le Blanc, nom que les protestants donnaient par injure à l'hostie eucharistique.• La légende véritable de Jean le Blanc, Titre d'un pamphlet protestant (1677), dans CH. NISARD, Parisianismes, p. 148.20° Jean l'Enfumé, jambon.21° Jean du Houx, bâton.Jean de Nivelle, qui est cité au n° 10, était un fou des confréries du Saint-Cordon, qui figurait à la procession de la fête de la Nativité (Voy. Mme Clément Hemery, Fêtes civiles et religieuses du département du Nord).XVe s. Ajoutez :• Car Jehan des Vignes [le vin] qui est tant beau Incontinent lcur gasta le cerveau, Sermon joyeux et de grande value dans l'Anc. théât. franç. éd. Janet, t. II, p. 215.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.