- gibet
- (ji-bè ; le t ne se lie pas dans le parler ordinaire ; au pluriel, l's se lie : des ji-bè-z odieux ; gibets rime avec traits, succès, paix, etc.) s. m.1° Instrument de supplice pour la pendaison.• Lors bien peu s'en fallut, sans plus longtemps attendre, Que de rage au gibet je ne m'allasse pendre, RÉGNIER Sat. VIII.• Le valet est un scélérat qui sera par Géronte envoyé au gibet avant qu'il soit demain, MOL. Scap. III, 3.2° Fourches patibulaires où l'on exposait les corps des suppliciés.• La populace traîna le corps de l'amiral [Coligni] par les rues, et le pendit par les pieds avec une chaîne de fer au gibet de Montfaucon, VOLT. Henr. II, note..• Le cadavre embaumé [de Cromwell], que Charles II fit exhumer depuis et porter au gibet, fut enterré dans le tombeau des rois, VOLT. Moeurs, 181.• On ne voyait que des gibets aux environs de son château [de Louis XI] ; c'était à ces affreuses marques qu'on reconnaissait les lieux habités par un roi, DUCLOS Hist. Louis XI, Oeuv. t. III, p. 358, dans POUGENS.3° Gibet, se dit aussi de la croix. Le gibet auquel Jésus fut attaché.PROVERBESLe gibet ne perd pas ses droits, se dit d'un scélérat qui a échappé une fois de la potence, mais qui finira par y trouver sa juste punition.Le gibet n'est fait que pour les malheureux, se dit pour exprimer que les gens riches et puissants échappent à la punition méritée.GIBET, POTENCE. Au sens d'instrument de supplice, gibet et potence sont tout à fait synonymes.XIIIe s.• Et fu pendus à un gibet tout nuef, et à un caignon tout nuef, que la corde ne rompist, Ch. de Rains, 173.• Car s'il est mal acquis, tout le leur convient rendre, S'il ne vuelent leur ames au gibet d'enfer pendre, J. DE MEUNG Test. 330.XIVe s.• Jeune president, jeune mire [médecin] Font plein gibet, plein cimetire, P. PARIS Mss. français, t. VI, p. 258.• Haro ! ce dit Girart, fort gibet convenroit ; Je suis si grans et gros ; comment m'en soustenroit ?, Girart de Ross. V. 659.• Estre pendu au gibet de fust ou de pierre, Ménagier, I, 3.• Les charpentiers et charrons de Baugency sont tenus de faire à lor cous et despens, par baillant de quoy, les portes et le juybet de la ville, DU CANGE justitia..XVIe s.• Que le siege d'un juge ne soit pas un gibet desja dressé, CALVIN Instit. 1200.• Les gens du Vivarès appellent ces paquets-là [raisins empaquetés en feuilles de figuier], supplications et gibets ; et à Paris, où quelques fois les marchands y en apportent, virecots, O. DE SERRES 242.• Le repentir vient trop tard au gibbet, COTGRAVE .• Les beaux hommes au gibbet, COTGRAVE .• Il est plus malheureux que le bois dont on fait le gibbet, COTGRAVE .• Un qu'en menoit au gibet disoit que ce ne feust pas par telle rue, car il y avoit dangier qu'un marchand luy feist mettre la main sur le collet à cause d'un vieux debte, MONT. I, 296.Ital. giubbetto, giubbette (le plus ancien exemple est de Dante). D'après Diez, la forme italienne montre que le mot vient de giubba, jupe, de sorte que le giubbetto signifie la petite jaquette, devenue le gibet par une plaisanterie métaphorique ; dans le français l'u se serait changé en i, comme dans ginisse ou génisse, du latin junicem ( i avec un accent long). Cela est possible, plus pourtant pour la forme que pour le sens. En tout cas, cette étymologie reste fort douteuse, les intermédiaires manquant. On remarquera, au XIVe siècle, la forme juybet, qui se rapproche de la forme italienne. Pourtant il n'est pas probable qu'un mot qui se trouve dès la Philippéide sous la forme de gibetum, vienne de l'italien giubbetto. En cet état de la question, il est permis de conjecturer. Or, on trouve, dans de très anciens textes, gibet avec le sens d'une espèce d'arme ; dans d'autres, il signifie un petit engin à lancer des pierres. Ce gibet est le diminutif de gibe ou gibbe, bâton ferré en usage dans la campagne, serpe. Il semble aussi que le vieux verbe giber, remuer les pieds, les mains, appartient au même radical. Peut-on penser que le sens attaché à gibe, gibet a passé au gibet patibulaire, qui est essentiellement un bâton, une fourche ?
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.