- flatter
- (fla-té) v. a.1° Caresser par quelque attouchement (sens étymologique et primitif). Flatter un enfant. Flatter un cheval avec la main. Le chien flatte avec la queue.• Puis, me flattant l'épaule, il me fit librement L'honneur que d'approuver mon petit jugement, RÉGNIER Sat. VIII.• De la main qui le flatte, il se croit redouté, VOLT. Alz. I, 1.• Ce qui prouve que c'est le besoin qui le rendait souple et caressant [un chien métis de loup], c'est que dans d'autres circonstances il cherchait souvent à mordre la main qui le flattait, BUFF. Quadrup. t. XII, p. 237, dans POUGENS.• Ton cou nerveux [d'un cheval] de sa main fut flatté ; Moins douce était la timide gazelle, MILLEV. Chants élégiaques, l'Arabe..• Cymodocée flattait son vieux père de sa belle main, et, caressant sa barbe argentée...., CHATEAUB. Mart. I.Se flatter, flatter, caresser à soi-même.• Thibouville à son tour parla, et en se flattant le menton de la main pour faire admirer sa turquoise, MARMONTEL Mém. III.Par extension.• Que cette parole m'est douce, et qu'elle flatte mes désirs !, MOL. Bourg. gent. III, 11.• Lui parmi les transports, affable en son orgueil, à l'un tendait la main, flattait l'autre de l'oeil, RAC. Athal. V, 1.Terme de manége. Flatter un cheval fougueux, céder à sa fantaisie, de manière à ralentir peu à peu ses mouvements.Flatter la corde d'un instrument de musique, la toucher doucement.Terme de jeu. Flatter le dé, jeter doucement les dés dans l'espoir illusoire de n'amener qu'un petit nombre de points.Fig. Flatter le dé, déguiser, adoucir quelque chose de fâcheux pour quelqu'un. Il ne faut pas flatter le dé, c'est-à-dire il faut parler franchement.Flatter le courant d'une rivière qu'on veut détourner d'un bord qu'elle menace, lui opposer non une digue qui résiste en face, mais une surface qui, ne faisant d'abord qu'un angle léger avec son courant, l'écarte peu à peu du bord.Flatter les vagues, opposer des digues à l'impétuosité des eaux en formant un talus sur lequel elles glissent sans briser.2° Traiter avec trop de douceur et de ménagement.• On ne guérit point les grands maux en les flattant, Dict. de l'Acad..• Je ne cherche point à flatter mon mal, J. J. ROUSS. Hél. I, 1.Flatter une plaie, n'y appliquer que des remèdes trop doux.3° Adoucir.• Mais que je tâche en vain de flatter nos tourments, CORN. Rodog. III, 5.• Tant qu'un espoir de paix a pu flatter ma peine, CORN. Hor. I, 1.• Mais je n'en conçois rien qui flatte mon ennui, CORN. ib. III, 2.• Ne croyez pas que, pour consoler ou pour flatter votre douleur, je veuille exagérer la vertu de celle que vous pleurez, FLÉCH. Mme de Montansier..• Bérénice d'un mot flatterait mes douleurs, RAC. Bérén. III, 2.• Mais toujours quelque espoir flattait mes déplaisirs, RAC. ib. I, 4.4° Charmer, délecter, en parlant des sens. La musique flatte l'oreille. Le bon vin flatte le palais.• Les biens qui flattent les sens, BOSSUET Hist. II, 6.• Les plaisirs dont vous flattez les hommes, FÉN. Tél. IX..• Tout y flattait son goût, HAMILT. Gramm. 6.• La terre des Gangarides produit tout ce qui peut flatter les désirs de l'homme, VOLT. Princ. de Babyl. 3.5° Causer une vive satisfaction. Une telle préférence me flatte. Cela doit bien flatter le coeur d'une mère.En un sens analogue.• Les douceurs de l'amour, celles de la vengeance, N'ont point assez d'appas pour flatter ma raison, CORN. Cinna, II, 3.• Je me laisse flatter à cette aimable vérité, SÉV. 128.• Et Mathan par ce bruit qui flatte sa fureur [d'Athalie], RAC. Athal. III, 4.• Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée Flatte encor leur valeur et vit dans leur pensée ?, RAC. Baj. I, 1.• ....Non, non, je le connais, mon désespoir le flatte, RAC. Andr. III, 1.• L'amour avidement croit tout ce qui le flatte, RAC. Mithrid. III, 4.• Le joug du devoir n'a rien qui flatte l'orgueil, MASS. Carême, Culte..• Il ne faut pas croire que les rois soient bien flattés de toutes les flatteries dont on les accable ; la plupart ne viennent pas jusqu'à eux, VOLT. Dict. phil. Flatterie..• Ces fables flattent la crédulité, mais malheureusement ce ne sont que des fables, BUFF. Ois. t. XIII, p. 263, dans POUGENS.• Les réponses qu'elle y faisait, pleines d'esprit, de grâce et de délicatesse, flattaient son amour-propre [d'un homme] sans jamais flatter son amour, MARMONTEL Mém. VIII.6° Favoriser. Ceux que flatte la fortune.• Le vent qui nous flattait nous laisse dans le port, RAC. Iphig. I, 1.7° Donner des louanges vraies ou fausses dans le dessein de plaire, de séduire.• Un chef de conjurés flatte la tyrannie !, CORN. Cinna, II, 3.• Flattez-les [les rois], payez-les d'agréables mensonges, LA FONT. Fabl. VIII, 14.• Plus on aime quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte ; à ne rien pardonner le pur amour éclate, MOL. Misanth. II, 5.• Je vous conjure de ne me point flatter du tout et de me dire nettement votre pensée, MOL. Mar. forcé, sc. 2.• Mais tout ce beau discours dont il vient vous flatter N'est rien qu'un piége adroit...., BOILEAU Art p. 1.Absolument. Il ne sut jamais flatter.Substantivement.• Les muses hautaines et braves Tiennent le flatter odieux, Et, comme parentes des dieux, Ne parlent jamais en esclaves, MALH. IV, 5.8° Excuser par une complaisance répréhensible. Flatter les défauts de quelqu'un.• Je flattais ta manie afin de t'arracher Du honteux précipice où tu vas trébucher, CORN. Poly. v, 2.• J'étudiai leur coeur, je flattai leurs caprices, RAC. Ath. III, 3.• Ils [les saints] nous ont appris par la vie pénitente qu'ils ont menée à ne pas flatter notre négligence, FLÉCHIER t. I, p. 29.• J'ai compris que ce père aimait d'un amour raisonnable un de ses enfants qui a de la vertu, et qu'il ne flattait point l'autre dans ses déréglements, FÉN. Tél. VI.9° Terme de peinture. Flatter une personne, la représenter plus belle qu'elle n'est.• Vous avez un portrait de moi qui me flatte beaucoup, SÉV. 133.• L'estampe que nous en avons dans les hommes illustres de Perrault, le [la Fontaine] flatte un peu, OLIVET Hist. Acad. t. II, p. 332, dans POUGENS.Ce miroir flatte, il fait paraître les traits plus agréables.Par extension. Ta muse, en le flattant, réfléchit mon génie, LAMART., Harm. Pièces diverses, A un poëte anglais qui avait traduit une harmonie.Il se dit d'un portrait fait de vive voix ou par écrit.• Clitandre : Voilà, ma soeur, madame Dorothée, Dont mon père tantôt nous a dit tant de bien. - Angélique : Nul mérite, je crois, n'est comparable au sien ; Mon père ne l'a point flattée, DANCOURT Enfant de Paris, III, 13.10° Tromper en déguisant la vérité d'une manière avantageuse pour celui à qui on s'adresse. Vous me flattez dans cette affaire-là.• Pour ne vous point flatter, je n'en veux pas répondre, CORN. Nicom. IV, 5.• J'ai su qu'elle avait exigé du médecin et de nos tantes de me flatter sur son état, et de ne m'en laisser aucune inquiétude, MARMONTEL Mém. II.Il se dit, en un sens analogue, des choses qui trompent, qui font illusion.• Maurice à quelque espoir se laissant lors flatter, CORN. Héracl. II, 6.• Et mon coeur qui sans cesse en sa faveur me flatte, CORN. ib. v, 2.• Messieurs de cour, adieu ; Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte, LA FONT. Fabl. VII, 12.• Vain espeir qui me flatte !, RAC. Mithr. III, 4.• .... Je vois ce qui la flatte : Sa beauté la rassure, RAC. Andr. Il, 5.11° Faire espérer.• L'esprit de l'homme, étant si faible, si sujet à s'égarer, est en même temps si présomptueux, qu'il n'y a rien dont il ne se puisse croire capable, pourvu qu'il se trouve des gens qui l'en flattent, NICOLE Ess. mor. 1er traité, ch. 9.• La distribution dont il flattait le peuple, BOSSUET Hist. I, 9.• C'est toi qui me flattant d'une vengeance aisée...., RAC. Athal. v, 6.• Ne m'as-tu pas flatté d'une fausse espérance ?, RAC. Brit. III, 6.• De quoi viens-tu flatter mon esprit désolé ?, RAC. Phèdre, III, 1.• Néoptolème l'avait flatté que, dès qu'il se montrerait, tous les Macédoniens du parti opposé se rangeraient sous ses drapeaux, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 81, dans POUGENS.• On m'a flatté que vous pourriez venir dans nos retraites, VOLT. Lett. Mlle Clairon, 7 août 1761.12° Se flatter, v. réfl. Être trop prévenu à son avantage.• La jeunesse se flatte et croit tout obtenir, LA FONT. Fabl. XII, 5.• Il ne faut pas se flatter, les plus expérimentés dans les affaires font des fautes capitales, BOSSUET Reine d'Anglet..• Un roi qui se flatte sur ses prétentions, FÉN. Tél. XXIII.Tirer vanité. Se flatter de sa naissance, de ses talents.• J'ai vu Éphraïm comme une autre Tyr, se flattant de sa force et de sa beauté, SACI Bible, Osée, IX, 13.Tirer contentement.• ....Je l'ai trop informé Qu'il peut bien se flatter du bonheur d'être aimé, MOL. D. Garcie, I, 1.• Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, Souffrez que j'ose ici me flatter de leur choix, RAC. Androm. I, 2.• Je ne me flatte point d'une gloire insensée, RAC. Brit. II, 3.• Ils se flattent tous deux du choix de votre mère, RAC. Brit. IV, 2.13° Se donner l'un à l'autre des louanges excessives.• Si les hommes ne se flattaient point les uns les autres, il n'y aurait point de société, VAUVENARGUES. Max..14° S'entretenir d'une espérance. Il se flatte qu'on aura besoin de lui.• Quoi ! voilà donc enfin de quoi vous vous flattez !, CORN. Don Sanche, I, 1.• Vous vous flattez peut-être, en votre vanité, D'aller comme un Horace à l'immortalité, BOIL. Sat. IX..• S'est-il flatté de plaire et connaît-il l'amour ?, VOLT. Sémiram. II, 1.• Je ne me flattais pas d'y rencontrer un port, VOLT. Triumv. IV, 5.• Puis-je encor me flatter de régner dans ton coeur ?, VOLT. Alz. III, 4.• Mais ton orgueil ici se serait-il flatté D'effacer Orosmane en générosité ?, VOLT. Zaïre, I, 4.Absolument. Conserver des espérances au sujet d'un malade en danger.• Ma mère eut alors un courage au-dessus du mien ; car elle ne se flattait plus, et moi je me flattais encore, MARMONTEL Mém. II.Entretenir quelque sentiment qui plaît.• Ne vous flattez point tant que de le présumer, CORN. Nicom. v, 8.• Je n'ose me flatter de cette pensée, SÉV. 427.• Toute autre raison n'est qu'un vain prétexte dont nous nous flattons, BOURD. Avent, Nativ. de J. C. 247.• Les papes se flattaient alors de donner l'empire d'Orient et d'Occident, VOLT. Moeurs, 59.15° Se persuader, aimer à croire. Il se flatte que vous approuverez sa conduite.• Je me flatte, j'espère.... Qu'on verra de David l'héritier détestable Abolir tes autels.., RAC. Athal. v, 6.• J'ose me flatter Que le vengeur du trône a seul droit d'y monter, VOLT. Mérope, I, 3.• Je me flatte que cette lettre arrivera à bon port, VOLT. Lett. d'Argental, 4 août 1775.Ce malade se flatte, il croit être moins mal qu'il n'est réellement.Il se dit aussi de ceux qui espèrent qu'un malade est moins mal qu'il n'est réellement.• La veille, ma tante était extraordinairement mal.... Mlle de la Trousse se flattait et croyait que c'était qu'elle avait besoin de nourriture, SÉV. 151.XIIe s.• Onc [je] ne la soi [sus] losengier ne flater, Couci, XIII.XIIIe s.• Quant li moiens devient granz sires, Lor vient flaters et nait mesdires ; Qui plus en seit, plus a sa grace, RUTEB. 21.XVIe s.• Un adultere condamnera paillardise en general : cependant il se flattera en sa paillardise, CALV. Instit. 201.• Ce n'est pas raison que Dieu pardonne les pechez ausquels nous nous flattons, CALV. ib. 475.• Le dez ne ira point à soubhayct, quoy que on le flatte, RABEL. Progn. Pant. 2.• Nous ne prestons volontiers à la devotion que les choses qui flattent nos passions, MONT. II, 144.• Un atheïste se flatte à ramener touts aucteurs à l'atheisme...., MONT. II, 150.• Les bestes nous flattent, nous menacent et nous requierent, MONT. II, 157.• Ou je me flatte, ou encores y a il en cet estat dequoy se soubtenir, MONT. III, 198.• Je cherche à flatter [adoucir] la mort par ces frivoles circonstances, MONT. IV, 120.• Chacun se flatte en son affection, DU BELLAY p. 490, dans LACURNE.• Pour ne vous point flatter le dos, c'est trop longtemps temporiser, Contes de Cholières, f° 233, dans LACURNE.• Qui flate, il grate, COTGRAVE .Bourguign. flaittai ; provenç aflatar ; d'après Diez, du germanique : scandinave, flat, plat, uni ; anc. h. allem. flaz ; de sorte que flatter serait proprement rendre uni, comme quand on passe la main. Ainsi la série des sens est : caresser avec la main, adoucir, charmer, délecter, aduler. Le germanique flat correspond au mot grec traduit par large, au sanscrit prithu ( i avec un accent bref), étendu.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.