- ferrer
- (fè-ré) v. a.1° Garnir de fer. Ferrer une porte, un bâton.Ferrer des lacets, des aiguillettes, en garnir les extrémités de métal.Par catachrèse. Ferrer d'or, d'argent, mettre des garnitures en or, en argent. Cette cassette est ferrée d'or.2° Ferrer un cheval, garnir ses pieds de fers attachés avec des clous.• Que si le loup t'atteint, casse-lui la mâchoire ; On t'a ferré de neuf...., LA FONT. Fabl. VIII, 17.Ferrer un cheval à glace, lui appliquer des fers cramponnés ou des clous à tête pointue, pour l'empêcher de glisser.Fig. Familièrement. Cet homme n'est pas facile à ferrer, il est difficile à diriger, à convaincre.• Ma fille me prie de vous mander le mariage de M. de Nevers : ce M. de Nevers si difficile à ferrer, ce M. de Nevers si extraordinaire, qui glisse des mains alors qu'on y pense le moins, il épouse enfin, devinez qui ?, SÉV. au comte de Grignan, 10 déc. 1670.Se laisser ferrer, être docile, obéissant, soumis.• Ce ne sont plus ces guerriers, la terreur de l'Europe, l'admiration du monde ; ils furent grands, fiers, généreux ; mais, domptés aujourd'hui, abattus, mutilés, bistournés par Napoléon, ils se laissent ferrer et monter à tous venants, P. L. COUR. Lett. X..• Julie marche avec nous, je vois qu'on rôde autour d'elle, mais ma foi elle ne se laisse pas ferrer à tout le monde, P. L. COUR. Lett. I, 84.Ferrer la mule, acheter une chose pour quelqu'un, et la lui compter plus cher qu'elle n'a coûté, et aussi recevoir de l'argent pour procurer accès auprès d'un personnage puissant ; locution qui vient de cette anecdote racontée dans la vie de Vespasien, et où il est dit qu'un serviteur de l'empereur s'arrangea pour qu'une mule, dans un voyage du prince, eût besoin d'être ferrée, et, pendant qu'on la ferrait, un solliciteur, qui avait payé le serviteur, remit un placet à l'empereur.• C'est-à-dire en deux mots que tu ferres la mule, TH. CORN. Feint astrol. IV, 12.3° Terme de pêche à la ligne. Donner un coup sec du poignet, au moment où l'on sent que le poisson mord, afin d'engager le fer de l'hameçon dans les chairs.Absolument. Il ne sait pas ferrer.4° Ferrer le chanvre, frotter du chanvre par poignée sur un fer obtus pour le rendre plus aisé à filer.5° Appliquer un plomb de visite sur une pièce d'étoffe et la marquer avec un coin d'acier.XIIe s.• Uns escuiers vint pognant la ferée [route pierrée], Ronc. p. 146.• Pour fere gens parler de soi, Fist tous les quatre fers dorer, Ne vout [il ne voulut] mie dire ferer, Roman de Rou, dans DU CANGE, ferrum.• [Le cheval] Reprent s'alaine, tost est revigorez, Ausi henist comme s'il fust gitez [sorti] Fors de l'estable et de nouvel ferrez, Bat. d'Aleschans, v. 562.XIIIe s.• Et Thibaut de Brie Doint Diex le roi moins amer [que le roi aime moins Thibaut] Et Ferrant fasse ferrer [mettre aux fers Ferrant], HUES DE LA FERTÉ Romancero, p. 192.• Nus ne doit faire corroies d'estain, c'est à savoir clouer ne ferrer d'estain ; et se il le fet, ele doit estre arse, Liv. des mét. 238.• Quant li rois englois entendi que il venroient l'ourmiel [ormeau] copper, si fist fierel le tronc desous de bandes de fier tout entour, Chr de Rains, p. 63.• De son bordon qui est ferrez Li a touz perciez les costez, Ren. 14019.XIVe s.• Pluseurs bonnes gens qui estoient venuz au dit hostel pour eulx esbatre et mangier pain ferez [gaufres], ratons, crespes et autres choses, DE LABORDE Émaux, p. 420.XVe s.• Et ne savoient de quoi ferrer ceux [les chevaux] qui estoient desferrés, FROISS. I, I, 39.• Les portes estoient toutes ferrées de lames de fer, Boucic. I, 31.• Le suppliant a marqué et ferré du dit martel dix-sept chesnes et ung hestre, DU CANGE ferrare..• Saintré qui ferré [ferme] et sur la garde se tenoit, Jeh. de Saintré, ch. 55.• Lor decendit le serpent sur luy, et Lionnel luy dressa son glaive en la poictrine ; mais il avoit la peau si dure que le fer ne peut dedens entrer, ains vuida hors, et ferra [perça] la jointure de l'aelle, dont le serpent fut navré, Perceforest, t. II, p. 61.• Le clerc s'en fit beaucoup prier, et, à très grand crainte par semblant, et à très grande abondance de larmes et à voulenté, se laisse ferrer [cède] et dit qu'il lui dira, mais qu'il lui veuille promettre que...., LOUIS XI Nouv. XIII.XVIe s.• [Montaigne donne la palme à Amyot, traducteur de Plutarque] pour la profondeur de son sçavoir, ayant pu developper si heureusement un auteur si espineux et ferré, car on m'en dira ce qu'on voudra, je n'entends rien au grec, MONT. II, 41.• C'est une viande qu'il fault engloutir sans mascher, qui n'a le gosier ferré à glace, MONT. II, 385.• Tel valet ferre la mule au maistre qu'il ne hayt pas pourtant, MONT. III, 323.• Leurs chevaulx, ferrés d'or massif, MONT. IV, 22.• De beau latin ferré à glace, DESPER. Contes, XLIX..• Voilà comment sagement ce grand amiral gouverna et ferra fort doucement ces messieurs les reistres, si mal aisés à ferrer, BRANT. Cap. fr. t. III, p. 192, dans LACURNE.• Ferrer la mule à l'envers [marquer un malfaiteur sur l'épaule], COTGRAVE .Provenç. ferrar ; espagn. herrar ; ital. ferrare ; du latin ferrare, de ferrum, fer.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREFERRER.2° Ferrer la mule. Ajoutez ces exemples :• Il avait l'argent en maniement, et ne ferrait point la mule ; je crois que seulement il rognait notre portion, et nous l'appelions les ciseaux d'Hortensius, Francion, liv. III, p. 132.• Il était aussi maître d'hôtel, et faisait la dépense, c'est-à-dire ferrait peut-être la mule, SCARR. Rom. com. ch. 13.• J'ai ferré la mule pour un louis ; et voici ma raison.... je suis trop misérable pour traiter gratuitement de plus riches que moi ; je me suis donc approprié cette guinée, Corresp. du gén. Klinglin, Paris, pluviôse an VI, t. I, p. 211.6° Ferrer un cochon, lui fixer au bout du groin un fer qui s'enfonce dans la chair, au moyen de crampons, et qui est destiné à empêcher cet animal de fouir.7° Ferrer les lacets, les garnir de cuivre.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.