faveur

faveur
(fa-veur) s. f.
   Au sens actif, bienveillance, bonnes grâces, appui donné par un prince, par un personnage puissant, par le public, etc.
   Enfin, vous l'emportez, et la faveur du roi Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi, CORN. Cid, I, 3.
   Ma faveur fait ta gloire, et ton pouvoir en vient ; Elle seule t'élève et seule te soutient ; C'est elle qu'on adore et non pas ta personne ; Tu n'as crédit ni rang qu'autant qu'elle t'en donne, CORN. Cinna, v, 1.
   Songez-y ; vous avez la faveur des soldats, RAC. Mithr. I, 5.
   Et qui de ma faveur se voudrait honorer, Si mon hymen prochain ne vous peut assurer ?, RAC. Iphig. v, 2.
   La faveur du prince n'exclut pas le mérite et ne le suppose pas non plus, LA BRUY. XII.
   La faveur prodiguée aux mauvais ouvrages est aussi contraire aux progrès de l'esprit que le déchaînement contre les bons, VOLT. Oreste, Épître..
   Barbabou fut tué roide, et le peuple en fut charmé, parce qu'il était laid et que Rustan était fort joli ; c'est presque toujours ce qui décide de la faveur publique, VOLT. Blanc et noir..
   Absolument. Il doit tout à la faveur.
   Hommes, gens de faveur, personnes qui ne doivent leur élévation qu'à la protection.
   Place, emploi de faveur, place, emploi qu'on accorde à quelqu'un sans qu'il y ait de titres.
   Trouver faveur auprès de quelqu'un, s'en faire favorablement accueillir.
   Prendre faveur, s'accréditer. C'est une marchandise qui prendra faveur. Ce livre a pris faveur rapidement.
   Dans les théâtres, entrée de faveur, entrée gratuite accordée à une personne qui n'y a point de droit. Les entrées de faveur sont supprimées aujourd'hui.
   Billet de faveur, billet accordé gratuitement pour une seule représentation.
   Tour de faveur, décision du comité ou du directeur en vertu de laquelle une pièce est jouée avant d'autres reçues antérieurement.
   Fig. Les faveurs de la fortune, les honneurs, les richesses, etc.
   Quand la faveur du ciel ouvre à demi ses bras, CORN. Hor. III, 3.
   La guerre a ses faveurs ainsi que ses disgrâces, RAC. Mithr. III, 1.
   Le ciel tonne sur nous ; est-ce faveur ou haine ?, VOLT. Sémir. III, 6.
   Au sens passif, bienveillance, bonnes grâces, appui reçu par quelqu'un ; crédit, pouvoir qu'on a auprès d'un prince, d'un personnage puissant.
   Le duc par sa faveur vous a blessé les yeux, ROTROU Vencesl. I, 1.
   Vous savez que je suis auprès d'elle en quelque espèce de faveur, que j'y ai les accès ouverts...., MOL. les Am. magn. I, 1.
   Quand je serais en faveur, il ne m'aurait pas mieux reçue, SÉV. 158.
   Il est bien juste d'avoir tous les dégoûts de la faveur, quand on en a tous les honneurs, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 6 mai 1698.
   À mesure que la faveur et les grands biens se retirent d'un homme, ils laissent voir en lui le ridicule qu'ils couvraient, LA BRUY. VI.
   C'est beaucoup tirer de notre ami, si, étant monté en faveur, il est encore un homme de notre connaissance, LA BRUY. VIII.
   Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident ; ils en sont les premiers surpris et consternés, LA BRUY. ib..
   Êtes-vous en faveur, tout manége est bon, vous ne faites point de fautes, tous les chemins vous mènent au terme, ID. ib..
   La faveur met l'homme au-dessus de ses égaux, et sa chute au-dessous, LA BRUY. ib..
   Déjà de ma faveur on adore le bruit, RAC. Brit. v, 3.
   Vous pourriez de Zaïre employer la faveur, VOLT. Zaïre, II, 1.
   Absolument. La puissance d'un favori.
   On quitte la royauté pour courir après la faveur, de laquelle les Arabes disent que c'est une fille qui tue bien souvent sa propre mère, BALZ. De la cour, 7e disc..
   S'attacher, se dévouer à la faveur, rechercher les personnes puissantes.
   Théodote a une plus douce manie ; il aime la faveur éperdument ; mais sa passion a moins d'éclat ; il lui fait des voeux en secret ; il la cultive, il la sert mystérieusement ; il est au guet et à la découverte sur tout ce qui paraît de nouveau avec les livrées de la faveur, LA BRUY. VIII.
   Bienfait, octroi gracieux, marque d'amitié, de bienveillance. Il le combla de faveurs.
   Encore se faut-il contenter des honneurs de la paix et recevoir à faveur une dignité que le fils du roi d'Espagne a désirée, BALZ. liv. II, lett. 2.
   Je hais jusques aux soins dont m'honorent les dieux, Et je m'en vais pleurer leurs faveurs meurtrières, RAC. Phèd. v, 7.
   Hélas ! d'où nous viendra cette insigne faveur ?, RAC. Athal. III, 7.
   Pour obtenir les faveurs du roi, on le flatte, FÉN. Tél. II.
   Seigneur, s'il est ainsi, votre faveur est vaine ; Quel indigne soldat voudrait briser sa chaîne, Alors que dans les fers son chef est retenu ?, VOLT. Zaïre, II, 1.
   Formule de politesse. Faites-moi la faveur de.... ayez la bonté de... Faites-moi la faveur de recommander mon ami.
   Dans la franc-maçonnerie, on dit : J'ai la faveur.... au lieu de : J'ai l'honneur d'être, etc.
   Au plur. Les bonnes grâces d'une femme.
   Souviens-toi.... Que tu me dois ton coeur, que mes faveurs t'attendent, CORN. Cinna, I, 3.
   Un amant a fort peu de quoi se satisfaire Des faveurs qu'on lui fait sans dessein de les faire, CORN. Ment. I, 2.
   Car aux faveurs d'une belle il eut part, LA FONT. F. avare..
   Ils n'ont point de faveurs qu'ils n'aillent divulguer, MOL. Tart. III, 3.
   Je ne me fierai point à des propos si doux Qu'un peu de vos faveurs après quoi je soupire Ne vienne m'assurer tout ce qu'ils m'ont pu dire, MOL. ib. IV, 5.
   Elle aimerait mieux mourir que de faire des faveurs à un homme qu'elle aimerait, SÉV. 135.
   Louis XIV, lassé de voltiger et de cueillir des faveurs passagères, se fixa enfin à la Vallière, SAINT-SIMON 411, 155.
   L'on faisait brûler les hommes qui avaient eu les faveurs d'une juive, VOLT. Moeurs 103.
   Il ne faut publier ni les faveurs des femmes ni celles des rois, VOLT. Lett. d'Argenson, 18 mars 1749.
   Or est-il qu'Hérodote ne se douta jamais de ce que nous appelons prince, trône et couronne, ni de ce qu'à l'Académie on nomme faveurs des dames et bonheur des sujets, P. L. COUR. Traduct, d'Hérod. Préface.
   Les dernières faveurs, les plus grandes marques d'amour qu'une femme puisse donner à un homme ; et, absolument, dans le même sens : Elle lui accorda ses faveurs.
   Ils avaient rendez-vous dans les bois le lendemain au lever du soleil pour en venir aux dernières faveurs, CORN. Clit. Argument..
   Se dit aussi au singulier.
   On lui faisait toujours quelque faveur, LA FONT. Orais..
   Cette expression faveur, signifiant une bienveillance gratuite qu'on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l'a étendue à la complaisance des femmes, VOLT. Dict. phil. Faveur..
   Écoute, une faveur surprise Pourrait-elle éveiller un amoureux souci ? Où le coeur est, les faveurs sont aussi, IMBERT Jaloux sans amour, II, 2.
   Indulgence, par opposition à rigueur, sévérité. Les juges l'ont traité avec faveur
   On dit dans le même sens : arrêt de faveur ; cas de faveur.
   Ancien terme de commerce. Jours de faveur, les dix jours que l'ordonnance accordait aux marchands, banquiers et négociants, après l'échéance de leurs lettres de change, pour les faire protester.
   Mois de faveur, les deux mois de l'année où le collateur d'un bénéfice pouvait le conférer à celui des gradués qu'il en voulait gratifier. Les mois d'avril et d'octobre étaient des mois de faveur.
   Lettres de faveur, nom qu'on donnait autrefois à des lettres de recommandation.
   Lorsqu'avec bon congé du cardinal infant Et lettres de faveur nous partîmes de Flandre, SCARR. Jodelet, I, 1.
   Condition favorable, ressource.
   Afin que, pour nier en cas de quelque enquête, J'eusse d'un faux-fuyant la faveur toute prête, MOL. Tart. v. 1.
   Trop heureux si bientôt la faveur d'un divorce Me soulageait d'un joug qu'on m'imposa par force !, RAC. Brit. II, 2.
   Il soulevait encor sa main appesantie, Et, marquant à son bras la place de son coeur, Semblait d'un coup plus sûr implorer la faveur, RAC. Mithr. V, 4.
   Ruban uni et très étroit. Nouer un paquet avec une faveur.
   On appelait autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des noeuds d'épée, donnés par une dame, VOLT. Dict. phil. Faveur..
   En faveur de, loc. prép. En considération de.
   Adieu, ma très chère belle, je vous dirai donc que je vous aime, sans crainte de vous ennuyer, puisque vous le souffrez, en faveur de mon style ; vous faites grâce à mon coeur en faveur de mon esprit, n'est-ce pas justement cela ?, SÉV. 443.
   Au profit, à l'avantage. Il a fait un testament en faveur de son neveu.
   Les Grecs jugèrent en faveur d'Ulysse, FÉN. Tél. XIX..
   C'est la question que l'auteur suppose sans preuve décidée en sa faveur, BOSSUET Var. 2e instr. § 83.
   Dans l'intérêt de, pour la cause de.
   C'est trop m'importuner en faveur d'un sujet, CORN. Nicom. III, 2.
   Il écrivit au sénat en faveur des chrétiens, BOSSUET Hist. I, 10.
   La Grèce en ma faveur est trop inquiétée, RAC. Andr. I, 2.
   Tout lui parle, madame, en faveur d'Agrippine, RAC. Brit. I, 1.
   Sait-il en sa faveur jusqu'où va votre estime ?, RAC. Mithr. II, 1.
   Ce que les dieux ont fait en votre faveur, FÉN. Tél. IV.
   L'Épire aussitôt se déclara en faveur de Cassandre, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 129, dans POUGENS.
   Prévenir en faveur de quelqu'un, de quelque chose, en donner d'avance une opinion avantageuse. Cette conduite prévient en sa faveur.
   Un petit nombre d'amis prévenus en votre faveur, MASS. Avent, Jugem..
   À la faveur de, loc. prép. Au moyen, à l'aide de.
   À la faveur de la nuit il s'était sauvé en nageant, FÉN. Tél. VIII.
   À la faveur de cet orage il leur échappa, FÉN. ib. XVII.
   Sous la faveur de, même sens.
   Marchons sous la faveur des ombres de la nuit, CORN. Illus. com. III, 7.
   Corneille a dit, avec le même sens, en faveur de, qui n'est pas usité, ou du moins qui l'est avec un sens tout contraire : Jusques en Belle-Cour je vous ai reconduit, Pour voir une maîtresse en faveur de la nuit, Suite du Ment. IV, 4.
   XIIe s.
   [Ceux] ki esgardent com li blandiement de cest siecle sunt decivable, ki ses favors tienent à persecutions, Job, p. 462.
   XIVe s.
   Et sembloit bien à Tarquinius que il avoit plus grant faveur en la court que devant, BERCHEURE f° 22, verso..
   Ne soit.... Amours, ne faveur, ne haïne, Ne chose au monde qui t'encline à faire riens de desloial, MACHAUT p. 107.
   XVe s.
   En faveur du roy son nepveu, JUVÉNAL DES URSINS Charles VI, 1380.
   Se le roy sa faveur donnoit à celui qui le mieux boiroit, Comte ou marquis il me feroit, BASSELIN I.
   XVIe s.
   Desquels [preux] chacune [dame] a voulu recevoir Une faveur qu'elle fait apparoistre, à fin que mieux on la puisse congnoistre, ST-GELAIS 17.
   Un moulin à la faveur duquel il s'estoit approché, MONT. I, 49.
   Les faveurs et disgraces de la fortune, MONT. I, 67.
   Il void venir Roquemoret bien couvert de pennaches et de faveurs d'une roine, D'AUB. Hist. II, 466.
   Il leva ses blocus pour s'aller camper à la faveur de Valanciennes, ID. ib. II, 471.
   ....Son artillerie fut de 16 canons de batterie, le tout esquipé et paié, non à la faveur mais à la crainte, qui lors valloit bien autant, D'AUB. ib. III, 5.
   Les premiers bons services qu'il leur avoit faits, lui apportoient plus de faveur que les dernieres imputations ne lui causoient de defaveur, AMYOT Cor. 61.
   Il semble que celuy qui porte sur le visage les faveurs de la nature imprimées en une rare et excellente beauté, ayt quelque legitime puissance sur nous...., CHARRON Sagesse, I, 6.
   Aller reconnoistre l'armée de l'ennemi, leur contenance, ordre de bataille et forme de marcher, voire essayer d'entamer quelqu'un de ses escadrons, si quelqu'un de sa portée s'emancipoit de quitter la faveur [protection] des bataillons, SULLY Mém. t. I, p. 418, dans LACURNE.
   Provenç. et espagn. favor ; ital. favore ; du lat. favorem, de favere, favoriser, tenant au radical sanscrit pû, purifier.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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