- essuyer
- (è-sui-ié), j'essuie, nous essuyons ; j'essuyais, nous essuyions, vous essuyiiez ; j'essuierai ; j'essuierais ; essuie, essuyons ; que j'essuie, que nous essuyions, que vous essuyiez ; essuyant ; essuyé, v. a.1° Ôter l'eau, la sueur, l'humidité, etc. en frottant. Essuyer une table. Essuyer de la vaisselle. Essuyer ses mains à une serviette, avec un linge.Fig.• Louis seul court au-devant d'eux [le roi Jacques II et sa femme], les essuie du naufrage, offre un asile à la religion et à la royauté fugitives, MASS. Or. fun. Louis le Grand..Essuyer les larmes, les ôter du visage avec un mouchoir, un linge.• Puisque vous le voulez, je veux bien essuyer mes pleurs, MOL. Scap. I, 3.Par extension.• [Elle] Trouble à regret le repos de Narcisse, Par cent baisers essuie à son réveil, Sur ses beaux yeux, les restes du sommeil, MALFIL. Narc. III.Fig. Essuyer les larmes, les pleurs, consoler.• Qu'au milieu de mes pleurs qu'il devrait essuyer..., CORN. Rod. v, 4.• Ses larmes n'auront plus de main qui les essuie, RAC. Phèd. I, 5.• Tant de larmes répandues, les essuyez-vous ?, MASS. Car. Pâq..• Le regret les répand [les larmes], et l'espoir les essuie, DELILLE. Par. perdu, XII.Essuyer les plâtres, occuper le premier un appartement dans une maison nouvelle ; et fig. s'exposer au premier inconvénient d'une affaire.S'essuyer, essuyer à soi. Il s'essuyait les yeux à la dérobée. S'essuyer le front d'où la sueur dégoutte. Elle s'est essuyé les mains.2° Sécher, en parlant de l'action du soleil, du vent. Le vent, le soleil essuie la terre qui a été trempée par la pluie.3° Ôter une tache, un enduit. Il essuya la sauce qu'il s'était mise sur le visage.4° Subir, supporter, souffrir.• Qu'il me faut de la sorte essuyer vos caprices, MOL. l'Étour. I, 10.• La quantité de sottes visites qu'il faut essuyer est cause que je prends plaisir d'être seule, MOL. Critique, 1.• Ces conversations ne font que m'ennuyer, Et c'est trop que vouloir me les faire essuyer, MOL. Mis. II, 4.• On n'a point à louer les vers de messieurs tels, à donner de l'encens à madame une telle, Et de nos francs marquis essuyer la cervelle, MOL. ib. III, 7.• C'est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots, que d'essuyer, sur des compositions, la barbarie d'un stupide, MOL. Bourg. gent. I, 1.• Plus d'une fois essuyant les dangers Des pirates, des vents, du calme et des rochers, LA FONT. Fabl. VII, 12.• Elle a essuyé toutes mes humeurs et toutes mes lassitudes, MAINTENON Lett. à M. de Villette, 23 mai 1683.• Fallut-il essuyer à sa porte de mauvaises heures ?, FLÉCH. Lamoignon..• Je ne sais point en lâche essuyer un outrage, BOILEAU Sat. I.• Essuyer l'inconstance au Parthe si commune, RAC. Mithr. III, 1.• Il est des contre-temps qu'il faut qu'un sage essuie, RAC. Esth. III, 1.• Il faisait un frais délicieux, qui nous récompensait d'une journée fort chaude que nous avions essuyée, FONTEN. Mond. 1er soir..• J'essuyai tranquillement ce discours, parce qu'il ne m'eût servi de rien de m'en fâcher, LESAGE Gil Blas, I, 6.• Ah ! c'est trop essuyer tes indignes murmures, VOLT. Brutus, IV, 3.• On n'essuya jamais des épreuves plus dures, VOLT. Tancr. v, 3.• La flotte d'Alexandre, partant de Patale au mois de juillet, essuya bien des tempêtes, et le voyage fut long, parce qu'elle navigua dans une mousson contraire, MONTESQ. Esp. XXI, 9.Essuyer le feu de l'ennemi, recevoir des décharges de canons et de fusils ; et fig. essuyer le premier feu, recevoir le premier des manifestations de colère, des reproches, etc.5° S'essuyer, v. réfl. Ôter l'humidité, les taches, l'enduit qu'on a sur soi.• Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie [d'éclaboussures], Souvent, pour m'achever, il survient une pluie, BOILEAU Sat. VI.XIIIe s.• Je la vueil au soleil porter, Por le cuir en fere essuer.... Ters tes iex [yeux], essue ta face, Fabl. et contes anc. t. IV, p. 11 et 474.• Jupiter, ce dist, le lavoit, Et Phebus la toaille avoit, Et se penoit de l'essuier, la Rose, 6533.XVe s.• Souffrez qu'assuisse à bandon Cez piez [de Jésus], quant il me fist pardon De mes pechiez, dont tant avoie, Rés. de J. C..XVIe s.• Adonc estoyent tres-bien essuez et frottez, changeoyent de chemise, RAB. Garg. I, 23.• Ilz commençarent cryer, myault, myault, feignans cependant s'essuer les oeilz, comme s'ilz eussent plouré, RAB. Pant. IV, 54.• Sus donc et qu'on essuye Les pleurs et le soucy, DU BELLAY II, 46, verso..• Il falut se sauver dans les bateaux et gagner Orleans, non sans essuyer quelques arquebusades, que la commune leur tira vers Boteilles, D'AUB. Vie, VIII.• Vos larmes sont-elles des-jà essuiées ?, D'AUB. Hist. III, 186.• ....Jusques à ce que les rayons du soleil eussent essuyé l'aigail de la fraiche rosée, YVER p. 523.Berry, essuger, et au participe essui, essuite, essuyé, essuyée ; bourguig. à l'essôtte, à l'abri ; provenç. eisugar, essugar, echucar, issugar ; espagn. enjugar ; portug. enxugar ; ital. asciugare ; du latin exsuccare, ôter le suc, l'humidité ; de ex, et succus (voy. suc). D'après Scheler, essuyer au sens de supporter est un tout autre mot et vient de exsequi, qui, entre autres, signifie en effet supporter : exsequi aerumnas ; mais sequi a donné plusieurs formes dans le français, et aucune n'est suier. Il faut donc ne pas séparer ce mot en deux ; en effet, dans cet exemple de Mme de Maintenon, " Elle a essuyé toutes mes humeurs, toutes mes lassitudes, " par rapport à Mme de Maintenon qui parle, elle les a enlevées ; essuyer est ici au sens du n° 1 ; par rapport à elle-même, elle les a reçues, elle s'en est chargée, elle en a souffert, c'est le sens du n° 4. Il n'y a là qu'un changement de rapport, assez commun chez nous, par exemple saisir, dans saisir une chose et le mort saisit le vif.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.