- angoisse
- (an-goi-s', et non an-goi-z') s. f.1° Sentiment de resserrement à la région épigastrique, avec difficulté de respirer et grande tristesse. Ce malade éprouve des angoisses très douloureuses.2° Grande affliction avec inquiétude. Cette nouvelle les tira d'angoisse.• Albe en jette [des cris] d'angoisse, et les Romains de joie, CORN. Hor. IV, 2.3° Poire d'angoisse, poire d'un goût très âpre.Familièrement. Avaler des poires d'angoisse, subir des mortifications, de vifs déplaisirs.• Je vous présente des poires de bon-chrétien pour des poires d'angoisse que vos cruautés me font avaler tous les jours, MOL. Escarb. 15.Poire d'angoisse, espèce de bâillon en fer dont se servaient les voleurs pour étouffer les cris.4° Être à l'eau d'angoisse et au pain de tribulation, se dit des moines que leurs supérieurs enferment, par punition, dans les cachots, et mettent au pain et à l'eau.XIIe s.• Telle angoisse [il] a, ne put dire raison, Ronc. p. 100.• Il dit, n'i puet aler ; d'anguisse tressua, Th. le Mart. 34.• Mais li ber n'i senteit anguisse ne dolur ; Et pour ço qu'il s'en rist, fu li reis en irur, ib. 101.XIIIe s.• Ensi soufrirent ce travail et cele angoisse, jusques au cler jor, VILLEH. XCVI.• Nus n'a mal qui amors n'essaie : Ne cuidiés pas que nus congnoisse, S'il n'a amé, qu'est grant angoisse, la Rose, 2974.• Ne barre ne doit pas avoir mester à aucun, quant il n'i a angoisse ne peril, Liv. de just. 94.XVe s.• Oncques ne furent en telle angoisse ni peur de mort, qu'ils furent le terme qu'ils sejournerent à Ebruich [York], FROISS. I, I, 34.• Qui m'a promis qu'à ma seule maistresse Lui fera brief mon angoisse [espoir] savoir, CH. D'ORL. Bal. 19.• L'argent lui failloit souvent.... et luy en falloit chercher ou emprunter, ou ses gens l'eussent laissé, qui est grant angoisse à ung prince qui ne l'a point acoustumé, COMM. VI, 13.• Dieu mercy et Jacques Thibault, Qui tant d'eau froide m'a fait boire, En un bas lieu, non pas en haut, Manger d'angoisse mainte poire, VILLON Grand Testament..XVIe s.• Le sousil et l'ancolie croistront plus que de coustume, avecques abundance de poires d'angoysse, RAB. Prognost. Pant. IV.• Les affligez et oppressez sont eslargis de leurs angoisses, CALV. Instit. 20.• Estans sujets à tant d'especes de miseres, il meneront en grant regret et angoisse une vie pleine de trouble et inquietude, CALV. ib. 9.• Vivre en continuelle angoisse [par suite de la crainte], MONT. I, 64.• La vue des angoisses [souffrances] d'aultruy m'angoisse materiellement, MONT. I, 91.• Et se jetta dedans un bois fort espez, là où il passa la nuict en grande angoisse, AMYOT Marius, 65.• Pour ce que ce galand [le capitaine Gaucher] se trouvoit par fois surchargé de prisonniers qui le contraignoient de retourner au logis premier que d'avoir mis à fin son projet, il inventa une sorte de cadenats faits en forme de poires, aussi les appelloit-il poires d'angoisse ; il faisoit ouvrir les dents à ses prisonniers, et leur aiant fait retirer sous le palais cette machine, avant retirer une clef qui estoit dedans, il en faisoit un tour qui grossissoit le morceau d'un travers de doigt, et par ainsi ne pouvoit plus sortir de la bouche que par l'aide de la mesme clef ; cela fait, il disoit au prisonnier : Allez vous rendre en tel lieu, ou bien vous resolvez de mourir de faim, D'AUB. Hist. IV, 385.Picard, angouche ; provenç. angoissa ; ital. angoscia ; du latin angustia, resserrement, d'angustus, étroit, lequel vient d'ango, serrer (voy. angine). D'après Ménage, la poire d'angoisse a été ainsi nommée non de la sensation qu'elle fait éprouver, mais du lieu où elle aurait été trouvée, dit en limousin Angoisse. Mais, dans tous les cas, cette origine a été oubliée, et il n'est resté que le sens d'angoisse à une poire d'un goût qui serre la gorge. L'historique nous apprend comment le bâillon a été nommé poire d'angoisse.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREANGOISSE. Ajoutez : - REM. La poire d'angoisse avait la forme d'une poire, s'introduisait dans la bouche ; et, une fois introduite, on la faisait ouvrir à l'aide d'un mécanisme spécial, de manière à produire le plus grand écartement possible des mâchoires.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.