- dorer
- (do-ré) v. a.1° Couvrir d'or moulu ou d'or en feuilles. Dorer un calice. Dorer à la pile.• L'opulence a doré Jusqu'à ta couchette, BÉRANG. Lisette..Cet homme est fin à dorer, il est très fin, par allusion à l'or qui doit être très fin pour être employé en dorage.Terme de pharmacie. Dorer une pilule, la recouvrir d'une mince couche d'or pour que le goût n'en soit pas senti.Fig. Dorer la pilule, adoucir par des paroles flatteuses les regrets que cause une chose désagréable.• Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule, MOL. Amph. III, 11.• La pilule, à vrai dire, était assez amère ; Mais il sut la dorer, et, pour me satisfaire, D'un bon contrat de quatre mille écus Il augmenta la dot...., LA FONT. Contrat..Fig. Dorer les fers, cacher sous quelque apparence ce qu'une servitude a de déplaisant ou de honteux.• Toute autre liberté n'est qu'un long esclavage Qui cache ou qui dore ses fers, CORN. Imit. I, 21.Absolument. Dorer sur bois, appliquer de l'or sur des morceaux de sculpture, comme cadres pour tableaux, pieds de table, etc.Dorer sur tranche, appliquer de l'or sur la tranche d'un livre.Terme de tireur d'or. Appliquer plusieurs couches d'or en feuilles sur un lingot d'argent.2° Donner une teinte d'or.• Les rayons du soleil doraient le sommet des montagnes, FÉN. Tél. III.• Dès que l'aurore vint dorer l'horizon, Ulysse prit sa tunique et son manteau, FÉN. t. XXI, p. 337.• Des couleurs du matin tu dores les coteaux, LAMART. Méd. II, 23.Le soleil dore les moissons, c'est-à-dire les jaunit en les faisant mûrir.Fig.• [ô vie !] Que tu sais bien dorer ton magique lointain ! Qu'il est beau l'horizon de ton riant matin !, LAMART. Harm. IV, 11.Terme de pâtisserie. Étendre du jaune d'oeuf délayé sur de la pâtisserie.Terme de marine. Dorer un vaisseau, l'enduire de suif à l'extérieur.3° Se dorer, v. réfl. Être enduit d'une couche d'or. Le bronze se dore avec la pile électrique.Prendre une teinte d'or. Les moissons, les raisins, les champs se dorent.Fig.• De vouloir sottement que mon discours se dore Aux dépens d'un sujet...., RÉGNIER Sat. VI.XIIe s.• [Il] Ceint Durandart dont li poins [la poignée] fu dorez, Ronc. p. 36.XIIIe s.• Quens Tibaut doré d'envie, De felonie fretté, De faire chevalerie N'estes vous mie alosé, HUES DE LA FERTÉ Romancero, p. 187.• Cest oignement que ci veez, De quoi estes oinz et dorez, Fabliaux mss. n° 7996, dans LACURNE.• De rechief que lormier [selliers] puissent bien dorer et estamer toute bone oeuvre, Liv. des mét. 362.XIVe s.• Ains n'i ot traïson faite ne devisée, Ne receü argent, ne monnoie dorée, Guesclin. 8389.• Veoir ne pui [je ne peux] la dorée toison, Ne les Indes ne de Rouge mer onde, MACHAUT p. 132.XVe s.• Ils ouvrirent le casier, où ils trouverent le pauvre prisonnier, doré et empapiné d'oeufs, de fromage et de lait et autres choses plus de cent, LOUIS XI Nouv. LXXIII.XVIe s.• Les roynes à cousté de leurs roys ; la dorée sus le carreau jaulne, l'argentée sus le carreau blanc [aux échecs], RAB. Pant. V, 24.• Comment, seigneurs, refusez vous à ouïr un personnage qui a le langage si bien doré ?, AMYOT Démosth. 36.• Les peinctures de quoy la poesie a embelly l'aage doré, MONT. I, 235.• On n'oseroit quasi comparoistre en bonne compagnie, qu'on ne soit doré comme un calice, LANOUE 161.• Sa liberalité y estoit sur-tout très necessaire ; d'aultant que s'il n'eust amplement doré ses parolles, il n'eust pas...., CARL. X, 21.• Je faisoye un somme doré [excellent], Sans point la nuit me resveiller, l'Amant rendu cordelier, p. 526, dans LACURNE.Provenç. daurar ; espagn. dorar ; portug. dourar ; ital. dorare ; du latin deaurare, de la préposition de, qui exprime ici l'action d'étendre, et aurum, or (voy. OR, s. m.).
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.